19 - Wind Breaker

– Dis-moi plutôt si toi ça t'intéresse Umemiya, dit Nao.

Elle se leva, son livre sous le bras, et rejoignit le groupe installé sous la tonnelle.

Le boss des Wind Breaker se laissa aller contre le dossier de son fauteuil et il examina les deux adolescents qui n'avaient pas bougé.

– Quel gang vous avez dit ? Demanda-t-il. Le Mandala Kai ?

Il fit la moue et ajouta :

– Pourquoi pas...

Nao s'assit sur un banc, le menton dans les mains et son livre posé à côté d'elle. Elle regarda les deux garçons.

– Flagrant délit ? Dit-elle enfin.

Il fallut une seconde à Eiji et Ryo pour comprendre qu'elle les interrogeait.

– Euh... Non, dit Ryo. Ils sont venus le chercher à la maison, ma mère était en larmes...

– Dénonciation, lâcha Umemiya.

– Sûrement, répondit Nao.

Voilà qui allait lui simplifier la tâche.

Elle reprit à l'intention des adolescents.

– Est-ce qu'il a parlé ? Signé des aveux ?

Ryo secoua la tête.

– Non, dit-il, mon frère sait bien qu'il faut se taire dans ces cas-là.

Nao sourit.

– Au moins un qui connaît les ficelles de base, dit-elle. Je peux le faire. Pour le prix, vois ça avec le boss.

Elle désigna Umemiya de la tête et se leva, se désintéressant du reste de la conversation.

Les adolescents la regardèrent s'éloigner pour rejoindre le bord de la terrasse où elle se réinstalla, son livre sur les genoux.

Tous les deux étaient surpris. ils ne s'attendaient pas à ce que Kihito soit une fille.

D'après ce qu'on leur avait dit, Kihito était une sorte de prodige capable de faire libérer ou incarcérer tous ceux qu'il voulait.

Pourtant la fille qu'ils avaient sous les yeux ressemblait à une lycéenne comme les autres.

Le boss des Wind Breaker ramena leur attention à lui.

– Tu parles pour ton frère ? Demanda-t-il à Ryo.

Voyant que le jeune garçon ne comprenait pas, il ajouta :

– Tu peux engager son gang en son nom ?

Ryo hésita et il hocha la tête.

– Je ferai n'importe quoi pour que mon frère soit libéré et récupère son gang, dit-il. Je me chargerai de le convaincre, quel que soit le prix. Yugo est innocent, je le sais, il n'aurait jamais braqué cette bijouterie !

Il avait dit les derniers mots avec toute la conviction d'un adolescent. Umemiya le ramena sur terre en quelques mots.

– On s'en fout de ça, dit-il. Je veux savoir si ton frère respectera ta parole si tu nous la donnes.

Ryo acquiesça fermement cette fois. Le code d'honneur était important dans les gangs. Manquer à une parole donnée était aussi déshonorant que la défaite.

– Oui, affirma-t-il, mon frère respectera ma parole.

– Dans ce cas, répondit Umemiya, je veux le Mandala kai.

Ryo et Eiji demeurèrent interdits.

– Hein ? Dit-il.

– Tu m'as bien compris, reprit le boss des Wind Breaker. Si Kihito fait sortir ton frère de prison, le Mandala Kai passera sous le contrôle des Wind Breaker. Vous conserverez votre territoire et votre organisation, ça je m'en fous. Mais vous prendrez vos ordres de nous désormais.

Ryo était stupéfait. Il ne s'était pas attendu à cela.

Depuis le pied du grillage, Nao lui jeta un œil ironique.

Ceux qui venaient les trouver pour obtenir son aide faisaient toujours une drôle de tête quand ils découvraient le prix de ses services. C'était pourtant peu cher payé pour ne pas voir disparaître son gang, ce gamin devrait le comprendre.

L'ami de Ryo fit un pas en avant, les poings serrés.

– C'est hors de question ! Dit-il.

Ryo l'attrapa par le coude.

Lui aussi avait les poings serrés, mais on pouvait lire dans son regard qu'il avait compris.

– C'est d'accord, dit-il.

– Hein ! S'indigna son ami. Mais qu'est-ce que tu fais Ryo ? Tu imagines ce que va dire Yugo quand il saura que tu as donné son gang ?

– Il n'en saura jamais rien s'il ne sort pas de prison ! S'exclama l'autre. S'il se retrouve en maison de correction, le Mandala Kai va disparaître ! Ou pire, il sera récupéré par nos adversaires ! C'est ce que tu veux Eiji ? Tu crois que c'est ce que veut Yugo ?

Son ami ne sut pas quoi répondre et Ryo revint au chef de gang.

– C'est ok, dit-il, je convaincrai mon frère et le Mandala Kai passera sous le contrôle des Wind Breaker si vous nous garantissez que le gang de mon frère continuera à exister.




Quand les deux gamins repartirent vingt minutes plus tard après lui avoir donné tous les renseignements dont elle pouvait avoir besoin, Nao regarda la porte du toit se refermer derrière eux.

Celui-là était plus malin que les autres remarqua-t-elle, il avait compris tout de suite la situation et, même si cela ne lui plaisait pas, il avait pris la décision qui s'imposait pour éviter la disparition du gang de son frère.

Elle se détourna pour ramasser son livre qu'elle avait cette fois laissé au pied du grillage.

– Je rentre, dit-elle. J'ai du travail.

Umemiya leva les yeux.

– Ok, Dit-il. Sugishita, tu la raccompagnes.

Le garçon aux cheveux longs ne protesta pas cette fois.




Nao descendit chercher ses affaires qu'elle avait laissées en classe plus tôt et tous les deux prirent le chemin de la gare.

Le lycée de Tsubame Ouest était situé loin du centre ville, dans l'arrondissement de Totsuka, au milieu d'un secteur qui abritait essentiellement des usines et des locaux professionnels.

À la fin de sa dernière année de collège, Nao avait été convoquée par le professeur principal.

– Vos résultats sont catastrophiques mademoiselle Kihito, vous vous en rendez compte ? Lui avait-il dit.

Il lui avait mis sous le nez le relevé des ses notes des dernières années, mais Nao n'y avait jeté qu'un regard. Cela ne l'intéressait pas. Le professeur s'en était aperçu. Il avait repris, irrité.

– Vous savez qu'il vous est impossible maintenant de postuler dans un lycée correct ? Et je ne parle même pas d'un lycée offrant de bons débouchés d'avenir !

– Et alors ? Avait-elle répondu avec insolence.

Cette entrevue l'ennuyait au plus haut point.

– Alors ? Vous allez vous retrouver dans un dépotoir pour délinquants, voilà ce qui va arriver ! Un endroit comme Tsubame Ouest ! Avez-vous la moindre idée de la façon dont terminent les jeunes filles dans ce genre d'établissements ?

Va pour Tsubame Ouest, avait-elle pensé à ce moment-là.

Il était temps pour elle de mettre en pratique ses connaissances.

Nao monta dans la rame qui s'arrêta au bord du quai, son garde du corps sur les talons.

Comment terminent les filles dans ce genre d'établissements ? Songea-t-elle tandis qu'elle s'asseyait sur la banquette du train. Et bien j'imagine qu'elles finissent par tirer les ficelles d'un gang.

Elle pouffa de rire et Sugishita la regarda sans comprendre.

Tsubame Ouest. Après avoir été un lycée dans la moyenne pendant plusieurs années, l'établissement s'était dégradé lorsque les gangs avaient commencé à en faire leur territoire. Rapidement, les professeurs avaient abandonné le terrain – s'absentant ou préférant renoncer à venir – et les voyous s'étaient mis à faire la loi.

Lorsque Nao était arrivée sur place six mois plus tôt, pas moins de sept gangs se partageaient le lycée.

Mais elle avait décidé d'y mettre un terme.

Si je n'en suis pas capable, c'est que je me suis trompée de voie.

Travaillant toujours dans l'ombre, elle avait choisi Umemiya parce que c'était lui qui avait le plus de charisme et d'ambition. 

En quelques mois, elle lui avait fait gravir, à son gang et lui, tous les échelons jusqu'au sommet.

Aujourd'hui, il n'y avait plus un seul clan de taille à rivaliser avec les Wind Breaker à des kilomètres à la ronde. Le gang d'Umemiya les avait tous dévorés les uns après les autres.

Nao sortit ses écouteurs et son livre pour le trajet tandis que Sugishita s'installait à côté d'elle. Elle en avait pour quarante minutes de route, autant en profiter pour avancer.

Depuis qu'il avait compris le potentiel de sa nouvelle alliée, Umemiya ne la laissait plus se déplacer sans escorte, que ce soit pour aller au lycée ou même faire ses courses. Hors de question de prendre le risque que Nao Kihito tombe entre les mains d'un gang ennemi. 

Où qu'elle veuille aller, elle n'avait qu'un coup de fil à passer et les Wind Breaker dépêchaient aussitôt quelqu'un pour l'accompagner.

Quand elle avait intégré son gang, Nao avait été clair avec lui. Les Wind Breaker n'étaient qu'un marchepied à ses yeux. Ils devaient lui servir à tester ses connaissances. Comme une sorte d'examen d'entrée d'un genre particulier.

Umemiya n'avait pas paru s'en offusquer.

Toutefois, comme il savait que leur association n'était que temporaire, il s'arrangeait pour tirer le meilleur profit de sa présence. 

Comme aujourd'hui. 

Nao ne s'était pas trompée, c'était un garçon intelligent et ambitieux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top