A lire en écoutant la musique en média si possible ...

Victoire,

Je sors du bureau de Mr Vigor et fait le chemin en sens inverse, en direction de la sortie. Je prends le temps de bien me repérer pour demain, c'est un vrai labyrinthe.

Maintenant que je sais à qui je vais avoir affaire durant les 18 prochains mois, je me sens à la fois rassurée, Mr De Balzac à l'air d'être quelqu'un de sérieux au premier abord, et tout m'a été expliquer à la perfection mais d'un autre côté, j'ai cette petite boule au creux de l'estomac qui se forme.

Ce Noam Harrys a un profil qui me rappelle le cauchemar que j'ai vécu la nuit du 17 mai 2011, même crime, même mois, même année et pratiquement le même endroit... Il ne faut en aucun cas que je laisse mon passé, bousiller cette dernière épreuve avant d'être diplômée.

J'appuie sur le petit bouton qui se trouve à droite de la porte blindé. Cette sonnerie bien particulière d'ouverture de porte retentit à nouveau, me faisant sursauter. Il va falloir que je m'habitue à ce son, que je vais entendre tous les jours désormais.

Une fois le pied dehors, je m'arrête et prend une grande bouffée d'air. Je ne m'étais pas rendue compte qu'à l'intérieur, il y règne une ambiance particulière, comme une sensation "d'enfermement". Normal vous me direz, c'est une prison. Mais j'espère que cette sensation, disparaîtra au fil des jours.

Je retrouve Max qui m'attends appuyé contre le capot de sa voiture, en train de pianoter sur son iPhone.

-" Vic... me dit-il en me voyant approcher, alors comment ça s'est passé ?"

-" Eh bien, on peut dire que c'était pas si mal... J'ai rencontré mon maître de stage, qui a l'air sympathique, on a quasi le même âge et on m'a présenté l'identité du détenu que je vais suivre."

Je baisse la tête et me triture les doigts en finissant ma phrase.

-" Et donc, c'est un bon dossier ? Il penche sa tête à mon niveau. Qu'est ce qu'il y a Victoire ? Je vois que quelque chose te dérange..."

Max lit en moi comme dans un livre ouvert, lui seul avec Anna, arrivent à voir quand quelque chose cloche chez moi.

-" Rien... C'est juste que les charges retenus contre lui me troublent... "

Je relève la tête pour trouver les yeux de mon ami bordé d'un air inquiet. Il attend que je lui en dise plus, mais je m'arrête là. Max est peut-être mon meilleur ami, mais je suis sous clause de confidentialité, et puis, pourquoi lui faire part du doute qui me ronge alors que je ne suis pas sure moi-même que cet homme, soit l'homme de mon affaire...

-" Oh je vois... C'est normal Vic, ce sont tes débuts dans le monde pénitencier, ta carapace va se forger, ne t'inquiète pas et ne te laisse pas affecter. "

-" Tu as sûrement raison..."

Max se rapproche et me sert fort dans ses bras pour me réconforter.

-" Tu veux qu'on aille manger un morceaux, je meuuurrs de faim !"

Je me met à rire, celui là alors, il a toujours l'estomac qui crie famine.

-" Ça aurait été avec plaisir, mais j'ai rendez vous avec Louis. D'ailleurs, je dois rentrer me préparer avant qu'il ne passe me chercher."

-" Pas de problème ma belle, je te raccompagne !"

***

Assise à une table du Gran Palacio, un des nouveaux bars branchés, je n'écoute pas une miette de ce qu'est en train de me raconter Louis. Nous sommes ensemble depuis maintenant 8 mois, et malgré les réflexions de mes parents,

"Victoire, il est gentil mais ... Tous ces tatouages là ... ",

"Il a déjà arrêté ses étude ? Il travaille ou déjà ? C'est temporaire non ? "...,

je me sens bien avec lui. Il est un peu plus âgé que moi, et n'est plus étudiant. Il tient son propre salon de tatouage dans le 17ème, à quelques pas de mon nouvel appartement.

Il me fait rire, il me fait "oublier". Il connaît mon passé et me permet d'avancer. Louis est un jeune homme extrêmement séduisant de part ses deux billes azures que sont ses yeux, et il me traite comme une princesse, sa princesse. Alors, certes, je n'ai jamais ressenti ces fameux papillons dans le ventre comme le décrivent si bien les romans à l'eau de rose , mais existent ils vraiment ? Et puis ... c'est un type bien. Que demander de plus ?

En plus mes parents le détestent, ce qui me fait l'aimer davantage.

- " Vic, ça va ? "

Je sirote mon Cuba Libre en lui faisant signe de la tête que tout va bien, et tente de prendre part à la conversation, enfin plutôt son monologue, en acquiesçant de temps à autres, et en ponctuant ses fins de phrases par des "hoooo" , "ha oui ?" ...

Je ne retrouve pas en Louis ce que j'apprécie chez Maxence. Max à cette capacité à déceler la moindre petite chose qui me perturbe et n'abandonnera pas la partie tant que je n'aurais pas lâché le morceau et c'est sûrement ce qui fait de lui mon meilleur ami. Max écoute, Louis, lui ... parle...

En l'observant, je remarque que son poignet, est bandé d'une grosse compresse blanche. Tiens, un nouveau tatouage ?

-" Tu as un nouveau tatoo Lou ?" je lui demande en le coupant dans sa conversation.

Il me regarde, cherchant à comprendre ce que je viens de lui dire, puis, baisse les yeux, à l'endroit que j'observe attentivement.

-" Ah oui... Je me le suis fait hier."

-" Je peux le voir ?"

D'un petit sourire que je ne lui connais pas, il déroule doucement la bande laissant apparaître un sinistre dessin... Une corde nouée faisant apparaître le signe "infini". Je le regarde, incompréhensive.

-" Il représente quelque chose de particulier pour toi...?"

Il hausse les épaules, me faisant comprendre que je n'en saurais pas plus, pour le moment...

Il est 23h lorsque Louis me dépose devant mon immeuble. Nous avons passé la journée ensemble, mais ce soir je tiens à rester seule. Je dois passer une nuit calme et être en forme pour demain, mon premier jour.

Je rentre donc seule, dans mon joli duplex situé dans un quartier chic de Paris et financé avec l'aide de mes parents, une sorte de contrat avec eux depuis l'obtention de mon stage, afin que je puisse enfin avoir mon indépendance. J'ai bien entendu l'âge de ne plus dépendre de quiconque et mes petits jobs par ci par là m'aident beaucoup, mais pour être claire, cela ne me permet en aucun cas d'en vivre... Mes études me prennent la majeure partie de mon temps, et ce ne sont pas cinq ou six heures de service dans le bar du coin, qui vont me payer un loyer.

Mes parents ont donc accepté de me laisser quitter le nid, à condition que je sois en sécurité, ce qui pour eux signifie vivre dans un grand appartement dans un des plus beaux quartiers de la ville. Grand bien leur fasse, j'ai bien-sur de suite accepté leurs conditions, cet appartement me permettant d'obtenir enfin quelque peu ma "liberté".

J'ôte mes vêtements en vrac aux pieds de mon lit, ne prenant même pas la peine de me démaquiller, je suis bien trop fatiguée pour ça...

***

Flashback,

Les lumières des gyrophares éblouissent et éclairent toute la ruelle. Je vois à quelques mètres de moi, mon sauveur, venant de se faire ruer de coups par mon agresseur. Il est au sol, souffrant à l'abdomen, mais essaie tant bien que mal de se relever.

Les secours se précipitent vers moi, mais je n'entends pas tout le speech qui me déblaient. Je les sens me soulever du corps d'Anna, et me transporte au VASV le plus proche pour me prendre en charge. J'entends les mots "état de choc", puis "perte trop importante", mais je ne comprends plus ce qui se passe. J'essaye de retrouver mon sauveur, comment va t-il ?

Un brancard passe, Anna allongée dessus, un médecin près d'elle, une infirmière tenant une perfusion en l'air... Puis, je le vois enfin, mais ce qui se passe devant moi, est flou. Les secours l'ont pris en charge... non... ce sont les forces de l'ordre.

Attendez, pourquoi les flics ?

Il est blessé, il faut le transporter aussi !

Au second plan, dans l'ombre, mon agresseur et ses acolytes se font la malle, mais personne ne les remarque. J'essaie de crier quelque chose mais je n'y arrive pas, la seule et dernière image que je vois de lui avant qu'il se fasse embarquer, sont ses magnifiques émeraudes vertes, luisantes de peur et d'inquiétude...

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