19
26 janvier, 10h00.
Noam,
Les vêtements que m'a apporté Vic me scient parfaitement. Je porte un jean super bien coupé et une chemise noire assez classe. Je suis fin prêt pour cette audience, non sans avoir la boule au ventre.
- " Harrys... En route suis moi" grogne le vieux barbu qui est de garde ce matin au centre.
D'un pas indécis je le suis à travers les longs couloirs puants et vétustes, puis m'installe à l'arrière d'une vieille fourgonnette en oubliant pas de me mettre précautionneusement sa paire de menottes qui me brûle la peau tellement il me les serre autour des poignets, puis me mène directement au tribunal.
Le vieux maton me sort de la fourgonnette, et me dirige à l'intérieur du Palais de Justice. Nous montons les deux étages comme indiqués dans la convocation et nous arrêtons devant la porte 161.
A travers la vitre, j'aperçois Victoire, assise sur une chaise, battant nerveusement du pied droit comme pour atténuer son appréhension et à sa droite se trouve l'autre pingouin de De Balzac, qui l'a dévore des yeux.
***
Victoire,
J'attends impatiemment l'arrivée de Noam.
Si tout se passe comme prévu, et je l'espère vraiment, Noam risque de retrouver sa liberté. Et si Noam retrouve sa liberté, ma mission au centre est terminée.
Alors, oui, je devrais être contente de terminer mon stage qui s'est avéré positif. Je devrais être contente de l'avoir terminé plus tôt que la durée initialement prévue, et d'être quasi sure de valider, de ce fait, mon année. J'ai encore quelques mois à patienter malgré cela avant le grand jour de l'audience de Noam, mais cela me permettra de passer plus de temps avec Louis, qui me reproche depuis peu le manque de temps que je lui accorde, et je pourrais également continuer de peaufiner mon dossier de défense dans les moindre détails mais cependant, non, je ne suis pas contente. Je ne suis pas ce que l'on peut appeler "la femme la plus heureuse du monde ".
Non, je ne suis pas heureuse car si tout se passe comme prévu, si Noam est libéré, je ne serais plus amenée à le voir régulièrement. Il pourra mener sa vie, comme il l'a toujours imaginé.
La porte s'ouvre brutalement, ce qui me fait sursauter et l'un des vieux maton barbu du Centre annonce d'un air impassible la présence de Noam.
-" Harrys vient d'arriver, puis je le faire entrer ? "
La question s'adresse au vieil homme assis en face de nous, celui qui s'avère être le juge qui va décider de l'avenir de Noam dans l'heure à venir...
-" Entrez, entrez..." dit le vieillard d'un geste de main.
Le pénitencier fait passer Noam et le bouscule afin de le faire avancer plus vite. Chose qui m'insupporte. Je me lève pour aller à sa rencontre et remarque qu'il est menotté. Le maton sort un trousseau, et d'un geste peu tendre lui enlève les menottes, qui lui ont laissé de grosses marques rouges. Noam se frotte les poignets, et me sourit timidement.
-" Asseyez-vous, je vous prie." nous demande l'homme derrière son bureau.
Ça y est le moment tant attendu depuis ses 3 dernières semaines et enfin arrivé.
***
Noam,
Je me suis bien assis entre Victoire et De Balzac, histoire de mettre un peu distance entre les deux. Vic est encore plus stressée que moi, son pied ne faisant que marteler le sol. Doucement, je lui attrape sa main qui pend entre nos deux chaises et lui serre, afin de la rassurer et de me détendre par la même occasion.
-" Bon.. s'exclame le vieux en sortant une feuille blanche et son stylo plume. Commençons. Mr Harrys, dit-il en braquant ses petits yeux dans les miens, vous êtes ici, car vous souhaitez atténuer votre peine grâce aux conditions de la liberté conditionnelle."
Je hoche la tête.
-" Très bien..."
-" Si je peux me permettre Mr le Juge, Mr Harrys exerce une tenue exemplaire depuis ces cinq dernières années." dit De Balzac.
Je suis sûre qu'il cherche à marquer des points devant Victoire, en me filant un coup de pouce...
-" Je vois, je vois... dit le vieux, toujours en me regardant. Quel âge avez-vous...Noam ?"
-" Je vais avoir 24 ans, dans quelques jours."
Il sourit.
-" Vous êtes jeunes, vous devez avoir l'esprit rempli d'envies."
-" J'en ai beaucoup en effet."
-" Je vous écoute."
-" Pardon ? " je demande ne sachant pas trop, quoi comprendre.
-" Allez y, je vous écoute, racontez moi vos envies, vos objectifs. Que feriez-vous, si vous pourriez bénéficier de cette liberté ?"
Je jette un regard à Victoire qui me lance un sourire encourageant, puis, je baisse les yeux et prends le pendentif qu'elle m'a offert entre mes doigts en repensant à ses paroles : " C'est un paperplane.... il signifie la liberté, le fait de prendre son envol et de faire ses propres choix, sans se fier aux autres et à leurs attentes. C'est ce que tu pourras faire lorsque ta liberté conditionnelle sera acceptée..."
-" J'aimerais prendre mon envol, et faire mes propres choix, sans me fier aux autres, et à leurs attentes..." je dis ses mots en regardant Victoire, en espérant percer le plus profond de son âme.
Ses yeux deviennent luisants et se remplissent de larmes, mais elle ne perd pas son magnifique sourire. Je l'ai touché.
-" Comment souhaiteriez-vous prendre votre envol ?" me demande le vieux.
-" En trouvant un job... je dis en haussant des épaules. J'aimerais gagner mon argent, de mes propres mains et non par celle des autres, faire des économies, acheter une maison, et fonder une famille."
-" Une famille, déjà à votre âge ?"
-" J'ai déjà perdu bien trop de temps..."
Le juge hoche la tête, comme si il était d'accord avec moi.
-"Bien Monsieur Harrys d'après votre envie de réinsertion sociale et d'après le dossier fourni par Mademoiselle Delagloire où il est bien stipulé que aucune infractions et aucun dérapages durant ces quatre années de détention n'ont été démontrés, je ne vois donc aucune raison de refuser cette demande de liberté conditionnelle..."
Je souffle silencieusement en penchant la tête en arrière et me retourne vers Vic, qui arbore un sourire victorieux et c'est à son tour de me serrer fort la main pour me montrer son enthousiasme et notre "victoire".
-" Mais cependant, poursuit le Juge, nous devons stipuler les différentes mesures auquel vous allez devoir vous soumettre. Premièrement il vous faut choisir votre lieu de résidence qui ne devra en aucun cas être changé sans mon autorisation..."
Je commence à stresser, c'est une option à laquelle je n'avais pas réfléchi, je n'ai plus aucun contact avec les membres de ma famille que ce soit du côté de mon père et de ma mère et je ne peux pas demander à Louis de m'héberger, il en fait déjà bien assez pour moi. Je lance un regard à Vic qui comprend directement ma détresse.
-" Monsieur le juge, lance Vic, je propose que Monsieur Harrys prenne comme lieu de résidence principale mon domicile et je propose donc, par la même occasion, d'être son conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation le temps de cette liberté conditionnelle. Enfin si vous n'y voyez aucun inconvénient ?"
Je suis abasourdi par ce retournement de situation, pourquoi fait elle ça ? Je la regarde lui montrant mon incompréhension mais elle, me fait un clin d'œil, elle est sûre d'elle... Alors que le sagouin de son côté se racle la gorge, il n'arrive plus à la suivre et je vois bien qu'il est aussi surpris que moi !
-" Et bien écoutez mademoiselle, je ne vois aucun inconvénient à cette requête, de plus Monsieur Harrys, il faudra que vous trouviez un emploi, un enseignement ou une formation professionnelle d'ici un mois à compté de la date d'aujourd'hui. Vous avez aussi le droit de reprendre une activité sportive quelle qu'elle soit. Mais attention Monsieur Harrys, le moindre dérapage, vous revaudra votre retour en case prison. Entendu ?"
Je hoche la tête, j'essaye de rester stoïque mais je ne peux m'empêcher de sourire de toute mes dents, je suis libre. Enfin pas au sens propre du terme, mais plus de nuits à passer au centre pénitencier, plus de matons pour venir taper aux barreaux pour vous réveiller, plus de bouffe dégueu, plus besoin de rester sale pendant cinq jours en attendant le jour de la douche, plus besoin de supporter les remontrances de tous les autres taulards... Non... Plus besoin de tout ça...
-" Notre prochain rendez-vous se fera dans environ un mois, pour faire le point dans un premier temps sur vos objectifs professionnels. Une convocation vous sera envoyée au domicile de Mademoiselle Delagloire. Cette décision prend effet dès aujourd'hui." dit-il en tapant de la main sur son bureau.
Sur ceux, nous nous levons tous en même temps, et prenons la direction de la sortie.
***
Victoire,
Nous sommes maintenant dans le hall du palais de justice, ou j'attends Noam qui est en train de signer tout ses papiers d'autorisation. Jean et moi avons signé les nôtres en premier, ceux qui résume les clauses établies pour cette libération, pour être sûr que tout y est bien stipulé. En attendant, je refais le tour du déroulement de cet entretien...
Qu'est ce que j'ai fait ? Pourquoi est ce que j'ai proposé mon logement comme lieu de résidence ?
Quand j'ai entendu le juge demander à Noam son choix de résidence, j'ai vu dans son regard qu'il ne savait pas où aller, je pensais dès le départ qu'il demanderais à Louis étant donné que c'est son meilleur ami, mais je me trompait. Il n'a rien prononcé, il m'a juste regardé, suppliant. Je sais que Noam n'a pas de famille, alors, je n'ai pas réfléchi et ma proposition d'hébergement et c'est sortie tout seule de ma bouche. Mais maintenant... mes parents... que vont dire mes parents ? Et Louis ? Oh mon dieu Louis ! Je l'avais complètement oublié...
Dans quel pétrin je me suis fourré ?!
-" Victoire... Victoire !"
Jean me sors de mes pensées.
-" Oui pardon, je...vous me disiez quelque chose?"
-" Oui je dois partir, j'ai une audience de l'autre côté de la ville..."
-" Oh oui oui bien sûr allez y, je vais m'occuper du reste."
Noam est sur le point de repartir, quand je vois le maton qui s'apprête à lui remettre ses menottes.
-" Ne lui remettez pas ces bouts de ferrailles, je cris au maton, il n'en a pas besoin, je vais le ramener moi même au centre !"
Je me rapproche de celui ci, pendant qu'il continu de bougonner après ce que je viens de lui crier. Noam me sourit.
-" Vic, je... merci pour tout, tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux."
-" Tout ne vient pas de moi Noam, tu y es aussi pour quelque chose, ton envie, ta motivation a aussi fait jouer la balance. Allez viens, nous allons récupérer tes affaires au centre et ensuite nous allons aller dans ta nouvelle résidence."
Je lui souris et ne lui montre pas mes inquiétudes, il n'a pas besoin de ça, je ne veux pas lui gâcher sa joie, qui s'imprime si bien sur son visage.
Nous repartons donc en direction du centre pénitencier, pour la dernière fois je l'espère, afin que Noam puisse récupérer le peu d'affaires dont il dispose.
Maintenant que j'ai réussi à lui faire obtenir cette liberté conditionnelle, nous devons maintenant nous atteler aux rassemblements de preuves pour constituer un dossier en béton, et innocenter Noam pour de bon et lui rendre sa totale liberté.
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