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Noam,
Enfin nous y sommes, jeudi. Ça fait deux semaines que je poireaute et tourne en rond en attendant ce rendez-vous pour revoir Victoire. D'habitude, j'ai le droit à une visite hebdomadaire chaque semaine, mais la sortie libre à fait que l'autre con de Vigor, à juger inutile que je bénéficie de compagnie pendant deux semaines.
J'attends maintenant depuis dix minutes dans le parloir, et mon impatience se fait ressentir.
-" Cesse de marteler ce sol du pied..." grogne le maton.
Je souffle, passant mes mains dans mes cheveux et les tirant en arrière. La douleur soulage quelque peu le mal de crâne qui me martèle depuis hier soir. Les yeux fermés, je repense alors à la douceur des lèvres de Victoire sur ma joue, lorsque j'ai eu le droit à cette fameuse "bise" amicale. J'ai énormément apprécié de mon côté, pouvoir déposer les miennes sur sa joue, et goûter à sa peau de pêche. Ses pensées me déclenchent un frisson, quand la porte s'ouvre enfin, la laissant apparaître.
Elle est magnifique, comme d'habitude.
Putain, mais qu'est-ce qui me prend de réagir de manière guimauve... Mec, t'a jamais dit à une fille que tu l'as trouvait magnifique, c'est pas aujourd'hui que tu vas te mettre à le penser, d'autant plus que c'est la meuf, de ton meilleur pote...
D'un pas sûr, elle entre dans la cellule, vêtue d'un jean trop large et d'un gros pull de laine gris.Je souris intérieurement en pensant qu'elle a dû juger bon de venir habillée comme un sac, craignant que l'incident de la cantine de l'autre jour se reproduise. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle est aussi foutrement sexy dans cet attirail que si elle était en sous-vêtement et cette idée me donne la gaule.
Merde mec, du calme.
Victoire m'accorde un faible regard, et s'avance mal à l'aise vers moi, déposant son dossier, énorme soit dit en passant, vu le bruit lourd que prononce celui-ci lorsqu'elle le lâche, et que tout ses papiers s'éparpillent maladroitement sur la table et sur le sol.
-" Oh zut..." chouine t-elle.
Je me lève rapidement pour l'aider à tout rassembler, et frôle sa main en voulant attraper la même feuille qu'elle. Elle sursaute, et se relève rapidement, en arrangeant ses cheveux derrière ses oreilles. J'esquisse un sourire en me rendant compte que notre petit "aurevoir" de l'autre soir, l'a autant perturbé que moi...
Pendant qu'en silence elle réorganise son dossier dans l'ordre, je m'assois face à elle, croise les bras et attend qu'elle prenne la parole. Elle me regarde, et hausse son sourcil. J'ai remarqué que c'était un tique chez elle.
-" Comment vas-tu ?" me demande t-elle enfin.
-" Bien, merci. Et toi ?"
-" Très bien. J'ai une chose très importante à t'exposer aujourd'hui Noam, c'est pour ça que j'ai obtenu de Vigor une heure supplémentaire à nos 30 minutes."
Ah bon ? Je n'étais même pas au courant. Mais étonnamment, je suis ravi de pouvoir passer plus que 30 petites minutes avec elle. Par contre, je vois qu'elle esquive notre sortie de l'autre jour... J'attends de voir si elle m'en parlera avant la fin de notre entretien, car qu'elle ne s'attende pas à ce que je fasse le premier pas. J'ai revue Louis dimanche, et même lui me parle de sa petite amie comme ci de rien était ! J'aimerais seulement savoir si il sait lui même que sa meuf s'occupe de la défense de son meilleur pote.. Et pour Victoire, je suis persuadé qu'elle m'a vu avec lui, étant donné qu'elle nous espionnais.
Victoire parle et je la regarde, elle doit croire que je l'écoute, mais en fait non. J'observe ses ravissants yeux noisettes qui brillent à la lueur de l'éclairage laissant apparaître quelques tâches noires autour de ses pupilles, encerclées par ses magnifiques et long cils courbés. Ses charmeuses et épaisses lèvres charnues, d'une douce couleur rose. Je compte également, le nombre de mimique qu'elle emploi quand elle parle :
1. elle passe sa main sur sa lèvre inférieur,
2. elle se mort le bout du doigt,
3. elle glisse une mèche de cheveux derrière son oreille droite,
4. elle mime ses paroles avec ses mains,
5. elle mouille ses lèvres avec sa langue quand elle inspire pour reprendre une longue phrase... puis j'entends deux mots, qui me font sortir de ma torpeur : "liberté conditionnelle".
-" Qu'est-ce que tu viens de dire ?" je dit en lui attrapant soudainement la main.
Elle regarde nos mains et rehausse son sourcil.
-" Tu ne m'écoutais pas ?"
Je ne réponds pas, et elle souffle, dégageant sa main de la mienne. Je ressens alors un vide, sa main si douce, glisse de la mienne et un froid s'engouffre alors dans ma paume, la laissant seule...
-" Bon Noam... Je vais te réexpliquer, donc s'il te plaît au lieu de rêvasser de je ne sais quoi, écoute moi, nous n'avons pas de temps à perdre."
Elle est sérieuse, je le vois à son regard assombrit, je me redresse alors sur ma chaise et baisse les épaules, pour l'écouter attentivement.
-" Donc je disais, j'ai étudié un peu ton dossier, et dans moins de 3 mois, cela fera 5 ans que tu es ici. Tu auras donc écumé la moitié de ta peine. A ce stade là, tu as le droit de bénéficier d'un droit de demande de liberté conditionnelle, mais pour ça, il faut que tu ais un objectif, par exemple, une réadaptation sociale, ou une réinsertion ou implication dans le monde professionnel. Dans ton cas, ta peine est égale à 10 ans de prison voir plus... tout dépendra de la révision de ton attitude et des faits, lors de la prochaine audience. Bref, j'en viens donc au vif du sujet. Noam, tu as le droit de faire cette demande au JAP (Juge d'Application des Peines). Pour cela, il te suffit de faire une lettre et d'établir ton souhait !" me dit-elle en sortant une feuille blanche ainsi qu'un stylo qu'elle me fait glisser sur la table face à moi.
Je reste alors immobile, complètement inapte, sans réaction. Jamais je n'avais envisager cette possibilité, et maintenant que celle-ci me tombe dessus, ou du moins que Victoire me tombe dessus avec ses milliers de possibilités, je ne sais plus comment réagir.
Victoire se rend compte de mon embarras, et se lève pour se placer derrière moi. Elle fais glisser ses mains sur mes épaules, qu'elle presse doucement et s'approche vers mon oreille :
-" Je serais à tes côtés, jusqu'à la fin Noam. Aujourd'hui, tu as cette chance qui s'offre à toi, ne passe pas à côté..."
-" Mais... Qu'est-ce...qu'est-ce que je dois faire ?" je dis pris par la peur soudaine de pouvoir enfin sortir d'ici.
-" Nous allons faire cette demande ensemble d'accord ? Elle retourne s'asseoir face à moi, et prend la feuille vers elle, en s'emparant du stylo. Pour commencer, tu vas me dire quels seraient tes souhaits et tes projets, si tu pouvais sortir d'ici... et après nous essayerons d'écrire quelques choses avec ça."
Elle me sourit, ce qui me détends. Je frotte mes mains moites contre ma combinaison orange dégueulasse et commence à lui établir mes envies.
Au bout d'une heure, le résultat tiré n'est pas si mal, j'en suis plutôt satisfait.
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Objet : demande de remise en liberté.
Monsieur Le Juge,
Je soussigné, M. Noam HARRYS, né le le 1er février 1994 à Paris, écroué à l'établissement pénitentiaire Le Centre Le Panthéon, sollicite à ce jour, en application des articles 729 et suivants, D520 et suivants du Code de Procédure Pénale, une demande de mise en liberté conditionnelle.
J'ai été condamné le 19 mai 2011 soit 2 jours après les faits, à 10 ans de prison, et dans trois mois, j'aurai accompli la moitié de ma peine.
Pendant ces quatre ans et demi, je n'ai fait l'objet d'aucune sanction ni remontrance de la part du personnel pénitentiaire qui pourra vous renseigner sur mon comportement. J'ai entrepris des recherche avec l'aide et l'accompagnement des psychologues, qui m'ont appris que je pouvais entreprendre la reprise d'une formation.
Aujourd'hui, une éventuelle mise en liberté me permettrait de retrouver mon entourage, ainsi qu'une activité professionnelle, et donc peut-être de réussir une réinsertion avec davantage de facilité. Avec l'aide de mon avocate, j'ai fait des démarches et j'ai trouvé une formation, qui pourrait m'encourager à me réinsérer pendant ma conditionnelle.
J'ai beaucoup réfléchi pendant ces années de privation de liberté, beaucoup discuté avec d'autres également, et je suis prêt à entreprendre ma réinsertion et à me comporter de manière responsable. J'ai également le projet, lorsque ma peine sera terminée, de fonder un foyer, et d'élever des enfants.
Espérant vivement que vous voudrez bien donner une suite favorable à ma demande, je vous prie de croire, Monsieur le Juge, à l'assurance de mes salutations les meilleures.
Noam HARRYS.
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-" Cette lettre est claire, avec ça, il t'accorderont ta demande !" s'enthousiasme Vic à côté de moi en tapant des mains.
Je ne peux pas m'empêcher de fixer la jolie montre qu'elle porte à son poignet gauche et mon enthousiasme s'estompe lorsque je réalise qu'il ne nous reste plus que cinq minutes. Ces 1h30 sont passées à une vitesse ! Une boule se forme au creux de mon estomac à l'idée de la voir partir si vite et je ne peux pas m'empêcher de lui demander :
-" On se revoit quand ?"
J'ai l'air d'un ado puceau qui demande un second rencard à la meuf à qui il vient de payer un foutu Mcdo !
Ouais mais Harrys, t'es même pas foutu de le payer, toi, ce foutu Mcdo ...
-" J'ai demandé à Mr Vigor une visite pour samedi, j'attends sa réponse, et après je verrais pour faire une demande pour obtenir une date de nouvelle audience. Je dois voir mon maître de stage pour peaufiner tout ça..." elle me pointe une fois de plus le gros dossier, dont elle semble super fière.
Je dois avouer que moi aussi je suis fier d'elle et du travail accompli. Elle a des preuves irrévocables ! Quand j'ai lu le coup du verre, j'ai failli lui sauter au cou ! J'ai énormément de chance d'être tombé sur cette meuf, et paradoxalement, autant elle m'a foutu dans la merde jusqu'au cou y a 5 ans, autant elle tente de me sauver la vie aujourd'hui.
Samedi ... elle a demandé une nouvelle visite pour samedi. Bordel ! Je l'a revois dans deux jours, je ne suis absolument pas prêt ! Mais qu'est-ce qui me prend, je ne me reconnais plus...
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