10
Victoire,
Je suis là couchée sur mon lit, les yeux grands ouvert en train de fixer le plafond éclairé par la lumière ambiante de la pleine lune. Tout est fin prêt pour la journée de sortie de Noam, j'ai planifié le maximum de choses pour le satisfaire dans ses attentes. Et pourtant, rien à faire je n'arrive pas à trouver le sommeil.
Il y a quelque chose que je n'arrive pas à me retirer de la tête depuis notre dernier entretien. Ce petit, mais très intriguant dessin encré dans la peau de son poignet droit : une corde enroulé autour du poignet formant un signe infini. Je n'arrive pas à comprendre cette obsession.
J'attrape le coussin à côté de moi et le pose sur mon visage pour y étouffer un cri de frustration. Il faut absolument que je me repose, une journée intense m'attend et l'heure tourne. Je me blottis dans ma couette, ferme les yeux et finis par sombrer dans les bras de morphée....
***
Devant les gigantesques portes qui se situent à l'arrière du centre pénitencier, j'attends Noam. Il doit faire sa sortie de ce côté et on m'a demandé de l'attendre ici.
Le froid brûle mes joues, et j'enroule une mèche de mes cheveux autour de mon index, signe de stress extrême.
J'appréhende vraiment cette journée. Même si au début j'étais surexcitée de l'idée que j'avais eu, enfin que Max m'avait suggéré, aujourd'hui je suis flippée. Je n'arrête pas de me dire que finalement, je ne connais pas cet homme, et que peut être, nous n'allons pas nous entendre ? Cette idée me fiche la chaire de poule. J'ai tellement envie de le sauver qu'il faut qu'il ai confiance en moi, qu'il me parle, qu'il y croit... Mais il me déteste, et ce sentiment de haine est une énorme barrière à notre entente cordiale.
Si il s'ennuyait ? Si il était déçu de cette journée qu'il attendait tant ?
Je balaye ces pensées de mon esprit lorsque j'entends le portail grincer. Le grand type baraqué que j'ai l'habitude de croiser lors de mes visites accompagne mon client, et en me voyant, il entreprend de détacher ses menottes.
-" Assurez vous qu'il ne commette aucune effraction, et ramenez nous le pour 20h. "
Je suis sidérée, il le traite et parle de lui comme si c'était un animal, et encore, les animaux sont mieux traités que ça.
Je lui lance un regard noir en acquiesçant, et il se retourne, prêt à ré-entrer dans le centre pénitencier, finir sa journée dans le rôle du « connard de maton », pour ensuite rentrer chez lui et passer pour un ange auprès de sa famille et ses amis. Ce type me dégoûte clairement.
Une fois le monstre parti, j'ose un regard vers Noam, qui, lui, garde la tête baissée. J'imagine qu'il est complètement perdu, et je peux le comprendre. C'est la première fois qu'il est confronté au monde extérieur en quatre longues années et qui plus est, en compagnie d'une inconnue qui est la raison de son enfermement ici !
C'est la première fois que je le vois sans sa combinaison orange (ou bleue en fonction des tâches journalières qu'il effectue). Il porte une jean skinny noir, et un pull en laine à grosses mailles, gris, et je peux y entrevoir une chemise assez fashion et de bonne marque en dessous, certainement un cadeau de son ami qui vient régulièrement le voir. Quelques mèches rebelles tenues par son bonnet noir, retombent sur son front, poussées par le vent froid et glaciale de ce mois de Novembre. Il relève la tête et ses yeux émeraudes me scrutent relativement timidement. Je ne peux que constater, malgré moi, que cette homme qui se trouve devant moi et d'une beauté surnaturelle ; il m'envoûte littéralement.
Oh, Vic, reprends toi c'est ton client, tout de même...!!
-" Tiens, j'ai pensé que tu pourrais en avoir besoin. "
Je lui tends un blouson noir et une grosse écharpe que j'ai emprunté à Max pour la journée. Il à l'air surpris, et d'une main tremblante, attrape ce que je lui tends en me répondant un simple « merci » du bout des lèvres.
Je ne l'ai jamais vu comme ça, si timide, si vulnérable. De plus, je remarque une nouvelle fois cette crasse qui règne sur ses mains, et continue son chemin sûrement un peu partout sur son corps. Je décide donc de me montrer avenante, et lui prend la main pour le tirer.
-" Tu sais quoi Noam, pour commencer une bonne journée, rien n'est mieux qu'un bon petit déjeuner. Tu préfère quoi le café, ou le chocolat ?"
-" Euh... Le thé. "
Tien le thé, je n'y avais pas pensé ! Heureusement que Louis m'en a fait acheter, lui même en buvant une quantité impressionnante.
-" Le thé, parfait ! Tu aimes les pancakes, et le sirop d'érable ?"
Il hoche la tête, un petit sourire commençant à apparaître à la commissure de ses lèvres.
-" Alors, allons nous remplir le ventre pour bien commencer cette journée ! Et puis, si tu l'accepte, je t'offre même la possibilité d'utiliser ma salle de bain... Je pense que ce n'est pas tout les jours que tu peux profiter d'une baignoire, et d'un gel moussant accompagné d'une eau bien chaude..."
Cette fois-ci ça y est ! Pour la première fois, je vois le vrai sourire de Noam Harrys. Le vrai, le sincère, celui qui me laisse découvrir ses magnifiques fossettes et fait briller ses merveilleuses émeraudes.
Je le guide vers la station de métro la plus proche.
-" Mademoiselle n'a pas de voiture ? "
Son ton est mesquin. Il doit penser qu'en tant que bonne fille à papa, je me dois de posséder une BMW dernier cri. Les larmes me montent aux yeux, la colère prend le dessus.
-" Non je n'ai pas de voiture Noam. Permets-moi de te dire que c'est nul comme préjugé. Que les choses soient claires entre nous une bonne fois pour toutes. Mes parents m'ont dit que mon agresseur avait été arrêté et qu'il n'était donc pas nécessaire de porter plainte, et bien entendu je ne me doutais pas une seule seconde qu'il y avait méprise sur la personne. Je veux dire, comment je l'aurais su Noam ? Alors oui, j'aurais pu m'en douter car mes parents sont le genre de personnes qui veulent éviter de faire parler d'eux, et une plainte pour viol aurait été mal vue dans leur milieu mais je ne pouvais pas imaginer que c'était toi qu'ils avaient arrêté, sinon j'aurais tout fait pour t'éviter ça crois-moi ! Tout ça pour te dire que dire que je suis différente de mes parents, et que NON, je n'ai pas de voiture parce que je ne veux rien d'eux, je veux être indépendante ! Alors tes remarques tirées de stéréotypes tu peux... "
-" T'es pas fatiguée ? "
-" Quoi ? Je te parle de... "
-" Oui je sais ce dont tu me parles. Et justement, tu n'es pas fatiguée, je veux dire, de parler autant ? J'ai simplement été étonné que tu n'ai pas de voiture, rien de plus. Aucun sous entendu, et te voila partie dans un monologue sur ta vie ! "
-" Je.... "
Pour le coup, il n'a pas tort et il me clou le bec. Seigneur, j'ai du paraître totalement hystérique en lui déblatérant toute ma tirade.
Le trajet en métro se fait dans un silence de plomb, je le vois qui guette, qui épie chaque personne, qui sursaute à chaque fois que la voix féminine annonce dans les hauts parleurs le nom de la prochaine station. Son malaise est palpable, et je me sens impuissante, ce qui me rend encore plus triste.
Nous descendons à l'arrêt le plus proche de chez moi, et alors que nous marchons en direction de mon immeuble, il s'arrête net. Je freine mes pas à mon tour, lorsque je l'entends murmurer un :
-" Merci."
Je m'apprête à lui dire qu'il m'a déjà remercié, que nous n'allons pas en faire un plat toute la journée, mais il doit voir à l'expression de mon visage que je n'ai pas saisi la portée de ses paroles puisqu'il rajoute :
-" Non, Victoire. Je ne parle pas de... de tout ça, dit il en balayant l'air frais autour de lui, mais de... de m'avoir dit que tu n'étais pas au courant et que si tu avais su, tu aurais témoigné. C'est ce que j'avais besoin d'entendre, alors... merci."
Il fourre ses mains dans les poches de son jean et l'air gêné qu'il arbore fait palpiter mon cœur. Il a l'air sincère. Vraiment sincère.
J'essaie de réguler ma respiration, je lui décroche un sourire, puis nous repartons en direction de mon appartement.
***
Je suis en train de préparer le thé et de terminé la cuisson de mes pancackes. Cela fait plus d'une demi-heure que Noam est sous la douche, et je viens d'entendre le robinet se fermer. Il doit avoir fini et ne va pas tarder.
La porte de la salle de bain s'ouvre et j'entends ses pas se diriger dans ma direction, il sifflote, cela me fait penser qu'il doit être bien, ce qui me déclenche un petit sourire.
Je me retourne vers l'îlot central, et manque de lâcher les deux tasses de thé que j'ai dans les mains, à la vue de ce qu'il se passe en face de moi.
Noam, avec une simple serviette nouée autour de la taille, le corps et les cheveux dégoulinants de gouttelettes d'eau. Mes yeux ne peuvent s'empêcher de parcourir les courbes de son corps. Il a plus de tatouages que ce que j'aurais pu penser. Sur son torse, deux hirondelles situées de part et d'autres de celui-ci, un magnifique papillon au dessus de sa sangle abdominale, le V formé au niveau de son bas ventre est accentué par deux feuilles de fougères placées de chaque côté de son bassin...
Je déglutis.
Je n'arrive pas à le regarder dans les yeux.
-" Ouh ouh...., Noam claque des doigts, la Terre appelle la Lune !!"
-" Qu..quoi.....Oh euh, pardon...tu me disais quelque chose ? "
Je sens mes joues se chauffer quand je vois Noam me lancer un sourire narquois.
Oh la honte, je voudrais disparaître, et me faire toute petite...
-" Rien de bien important, mais, j'ai faim !!"
Il se dirige vers la cuisine et attrape un pancackes, dans lequel il croque avec envie...
-" Tu...tu pourrais enfiler des vêtements. Se serait plus convenable pour prendre le petit déjeuner, tu ne crois pas..?"
-" Parce qu'il y a un code vestimentaire pour le petit déjeuner ?" dit-il en se pouffant de rire.
Je lui lance un regard qui en dit long, il finit par capituler et part se changer.
Après le petit-déjeuner, où Noam à tout dévoré comme un vrai glouton, nous avons essayé de faire un peu plus connaissance. Nous avons donc parlé, chacun notre tour, nous posant diverses questions sur notre vie "d'avant", en essayant de ne pas remettre notre drame sur le tapis.
Il est 11h, et nous marchons sur les quais, chacun de notre côté, mains dans les poches. Sur le chemin, j'ai acheté à Noam, une paire de lunettes de soleil, des Ray-bans. Il est resté sans voix quand je lui ai donné le petit étui contenant les solaires.
-" Victoire, c'est très gentil mais..."
-" Mais il y a un soleil merveilleux aujourd'hui, et se serait dommage de ne pas pouvoir le regarder sans te bruler la rétine !"
Il ne manquerait plus qu'il abîme ses jolis yeux par ma faute !
D'un soupir et d'un geste las, il l'est a accepté et faite glisser sur son nez. Il m'a ensuite regardé, et m'a fait son plus beau sourire.
-" Classe, non ?"
Ce qui m'a extirpé un gloussement.
Nous marchons, et je l'observe. Il respire l'air à plein nez, profite de chaque instant, pour observer chaque personne à ses alentours. Il vit l'instant présent.
Les cloches de la Cathédrale Notre Dame, me font comprendre qu'il est maintenant 11h30.
-" Noam, nous allons nous rediriger vers la station de métro, il est bientôt midi, et je t'ai préparé quelque chose..."
-" Des tacos ?!" me dit-il en tapant des mains comme un enfant excité.
-" Surprise..."
Je suis attelée à mon plan de travail, et prépare divers petits bols pour accompagner les tacos : des champignons frais, du jambon découpés en morceaux, des olives vertes et noires, un mélange de trois poivrons, du gruyère râpé, des quartiers de tomates, et j'en passe, il y a du choix ! De la cuisine, je n'arrive pas à voir ce que fabrique Noam, alors je l'appelle :
-" Noam, ça va être prêt !"
Mais rien, pas de réponse.
Immédiatement je pense au pire : avec cette vie plus que pénible qu'il endure chaque jour, il a peut-être profiter que je vaque à mon occupation, pour mettre fin à ses jours...
Oh mon dieu, non Victoire, tu as des pensées bien trop glauques...
Il s'est peut-être enfui, en profitant pour me voler quelques uns de mes biens, et pourquoi pas au passage, mon sac à main et tout l'argent dont je dispose. Ou non, peut-être est-il en train de m'attendre dans le salon, couteau en main, pour se venger de cette peine atroce que je lui est infligé...
Je secoue la tête, afin de disperser toutes ses pensées sordides de mon esprit, et finis de m'essuyer les mains, puis pose le torchon pour me diriger à petit pas vers le salon. Je glisse ma tête discrètement, et découvre finalement un tout autre homme que celui que j'avais imaginé quelques secondes plus tôt. Plongé dans un de mes bouquins préférés, "Le rouge et le noir" de Stendhal, Noam, n'entends rien de ce que je lui dis . Il est complètement absorbé par les lignes qu'il dévore, laissant apparaître une petite ride entre ses sourcils froncés. Je m'approche et m'assieds délicatement à ses côtés. Il relève enfin la tête, et m'adresse un sourire timide.
-" Désolé d'avoir fouillé dans tes affaires, mais... tu as une bibliothèque très alléchante. J'adore lire." me dit-il.
Je lui souris et lui réponds :
-"Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas, tu as choisis un de mes favoris. D'ailleurs si jamais tu veux le garder avec toi pour le finir, ne te gêne surtout pas , tu me le rendras quand tu l'auras finit."
Il acquiesce de la tête et se replonge dans sa lecture.
Nous venons de finir de manger, Noam s'est régalé et a pris plaisir à manger de la nourriture autre que celle de la cantine du Centre.
-" Victoire, c'était vraiment...trop...trop bon !! Délicieux, exquis, je n'ai pas de mots... Je n'ai pas aussi bien mangé depuis... Hum, enfin tu vois... Encore merci beaucoup pour ce déjeuner, vraiment !"
-" De rien, je suis contente que tu ai apprécié et que ça te fasse du bien. Hmmm, alors dis moi, tu as pu prévenir ton ami concernant ta sortie ? Pourra t'il venir te voir ?"
-" Oh euh oui, je lui ai dit de me rejoindre dans un square où nous avions l'habitude de nous retrouver avant. Il se retourne vers la pendule accroché dans la cuisine : D'ailleurs, il ne va pas falloir qu'on tarde à décoller pour être à l'heure au rendez-vous, il n'aime pas attendre."
-" Pas de problème, je débarrasse et nous y allons."
-" Attends je vais t'aider !" me dit-il en se levant en même temps que moi et en attrapant nos assiettes.
Quelques instants plus tard nous sommes fin prêt à partir. Je le sens un peu nerveux de revoir son ami, ce que j'arrive à comprendre. Le rendez-vous à été donné au Square du Vert Galant. Quand nous arrivons, Noam me dit l'avoir aperçu au loin, qu'il est juste en face de nous. Je décide donc malgré mes consignes, de lui laisser ce moment de liberté, seul avec son ami. Après tout, leurs retrouvailles à l'extérieur ne me concerne pas, c'est de leur vie privée.
-" Je crois que c'est le moment pour moi, de te laisser avec ton ami... il s'arrête à ma hauteur, surpris. Je vais m'éclipser, et me poser un peu plus loin, pour vous laisser vous retrouver seuls. Ça te fera du bien. Tiens, je prends mon calepin dans mon sac et y déchire un morceau de papier afin de lui noter mon numéro de portable. C'est mon numéro, quand tu as terminé, appelle moi je serais pas loin. "
Il attrape le bout de papier que je lui est plié en deux, le regarde, et le glisse dans la poche arrière de son slim.
-" D'accord, merci..."
Sur ces derniers mots, je le laisse continuer à avancer seul, pour leur laisser un peu de tranquillité. Je me retourne pour revenir sur mes pas, et alors que j'allais me poser un peu plus loin mais, je me stoppe net en entendant SA voix...
-" Salut mec, content de pouvoir te voir en dehors de ce gnouf !"
Cette intonation de voix, je la reconnaîtrais entre mille, ne me dîtes pas que...?
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