22. Fever
Je me redresse en entendant craquer le parquet dans le couloir. Je ne fais plus un geste, tentant de savoir si quelqu'un est dans le couloir ou si j'ai rêvé. Et ça ne manque pas; le bois continue de craquer. Je jette un coup d'œil à l'heure: il est une heure du matin. Je sors de mon lit en baillant. Je suis rentrée tard du dîner chez le président, et après tous ces sourires et toutes ces politesses hypocrites, je suis épuisée.
J'ouvre la porte de ma chambre sans un bruit et jette un œil dans le couloir. Je reconnais immédiatement la silhouette d'Esteban, même de dos et dans la pénombre. Il porte ses chaussures et une veste: j'en conclus qu'il sort. J'attrape un gilet et enfile des tennis avant de le suivre sans faire craquer le parquet. Je connais les techniques pour être silencieuse, elles me viennent de Mélissa, qui était comme ma sœur quand nous vivions chez notre famille d'accueil.
Je suis Esteban jusque dans la rue. Il ne semble s'apercevoir de rien. Il enfouit ses mains dans ses poches et prend une ruelle sur sa gauche d'un air décontracté.
Je le file comme une espionne, cherchant les zones d'ombres et les renfoncements dans les murs. Les rues sont désertes, cette nuit comme toutes les autres, et je dois m'efforcer de ne faire aucun bruit.
Enfin, au bout d'une dizaine de minutes, j'aperçois un panneau éclairé au loin. Il porte la description «Fever» en lettres rouges.
Je ne suis jamais allé dans ce coin de la ville. Je crois que nous sommes loin des côtes, plutôt dans le fin fond des quartiers pauvres. Esteban prend la direction du panneau et finit par s'arrêter devant une porte noire. Un type baraqué est posté devant et lui ouvre la porte. Il disparaît à l'intérieur.
Je reste au milieu de la rue, ne sachant que faire. Au bout de ce qui me semble être une éternité, je m'avance timidement vers le gorille. Celui-ci fronce les sourcils d'un air surpris puis me détaille de haut en bas, s'attardant sur mon short court dévoilant mes jambes nues.
-Tu t'es perdue ma jolie? Me demande-t-il enfin.
J'ouvre la bouche pour répondre mais rien n'en sort.
-Rentre chez toi. Reprend-t-il. Tu ne devrais pas traîner comme ça dans ces rues, et surtout pas à cette heure.
-Je... Je voudrais rentrer là-dedans. Bredouillé-je en désignant la porte.
Il croise les bras et hausse les sourcils, un peu confus.
-Tu es sûre? Je pense que...
-Un ami m'y attend. Le coupé-je.
Il hésite encore, puis se décale d'un pas incertain. Je m'avance et passe la porte, tentant d'avoir l'air sûre de moi.
J'arrive devant un escalier qui descend dans un sous-sol. Je respire un grand coup, puis descend.
Une vague de chaleur me frappe en bas des escaliers et une musique assourdissante fait exploser mes tympans. Je pense être dans une nouvelle boite de nuit mais je me rend vite compte que c'est très différent du StarNight. Je retire mon gilet, restant en débardeur. La chaleur est étouffante.
La pièce est gigantesque. Au centre se trouve une estrade surélevée, sur laquelle dansent plusieurs filles à moitié nues. Certaines sont même dans des cages. C'est terriblement grossier. Les centaines de lumières semblent décomposer les mouvements et créent une ambiance mystérieuse. Une fumée épaisse flotte au-dessus de nous et nous enveloppe. Sur la piste, le public se composent principalement d'hommes matant les danseuses ou de couple collés-serrés. Je suis choquée en voyant une fille se déhancher de manière suggestive contre un jeune homme. Sur mon île, cette fille ne serait pas restée danser bien longtemps. En fait, cette boite de nuit n'aurait tout simplement pas existé.
Un couple passe devant moi pour rentrer dans un couloir portant l'indication «Pièces VIP». Je tourne sur moi-même. Le reste se compose de tables aux surfaces noires brillantes, de canapés en velours et de bars dans deux recoins.
Je m'avance, hésitante. La musique gronde dans mes os et mes oreilles bourdonnent. Les lumières éclairent principalement la scène car le reste de la salle est sombre et envoûtant. L'air est chargé d'alcool et de désir.
J'avance et passe entre les tables en essayant d'ignorer les couples qui s'embrasse à pleine bouche. Je sens des regards mais je ne me retourne pas, même quand une voix d'homme m'interpelle. La musique est différente, plus sexy que dansante. Elle est forte mais pas autant qu'au StarNight. Les gens s'entendent. Mon regard balaye chaque recoin et je le trouve immédiatement.
Esteban est accoudé au bar et tient un verre dans sa main. Il a retiré sa veste et son tee-shirt blanc est moulant et souligne ses muscles. Je repère Ryan un peu plus loin, et quelques garçons autour de lui semblent être ses amis. Mais surtout, il y a des filles. Pas mal de filles. Elles lui tournent autour et lui lance des regards aguicheurs. Mais il n'a d'yeux que pour une seule fille: Luna.
Elle porte une courte robe noire, avec un décolleté plongeant. Elle se rapproche d'Esteban pour lui dire quelque chose et celui-ci sourit d'un air amusé, glissant sa main libre autour de sa taille.
Je plisse les yeux et tente de calmer la colère qui monte en moi. Je bascule la tête en arrière pour ravaler ma fureur et parvient à aligner un pied devant l'autre. J'ai hâte de voir sa tête quand il va me découvrir. J'ai hâte de voir son petit air de dragueur s'affaiblir. Mais j'ai par-dessus tout, hâte de voir l'effet qu'aura ma main sur sa joue. Je serre les poings et mes ongles s'enfoncent dans mes paumes tandis que je me fraie un passage jusqu'au bar.
Quelqu'un me bouscule et je manque de tomber sur la piste de danse. Des mains me rattrapent.
-Hey, salut! Désolé! S'écrie un grand blond, ses deux mains posées sur mes épaules.
J'esquisse un petit sourire et tente de continuer mon chemin, mais le jeune homme ne me lâche pas.
Je le regarde à nouveau, cette fois d'un air exaspéré, mais ses yeux ne trouvent pas les miens. En fait, il fixe ma poitrine. Je suis son regard et me mord la lèvre de gêne. Oh non. Dans ma précipitation pour partir, j'ai oublié de mettre un soutien-gorge. Le blond me regarde à nouveau et me sourit. Des gouttes de transpiration ruissellent sur son front et je recule. Mais il ne me lâche toujours pas. Ses mains sont enfoncés dans la chair de mes épaules et je comprends que je ne pourrais pas partir tant qu'il ne l'aura pas décidé. Je ne suis pas aussi forte que lui.
-Je m'appelle Fred.
Je hoche la tête sans répondre, jetant un regard derrière moi. Esteban est toujours là et Luna a sa main posé sur son torse.
-Viens, on va danser.
Ce n'est pas une question. Je décide de ne pas me débattre, me disant qu'une fois la danse terminée, il me laissera tranquille. Je veux juste que ce Fred aux mains moites, me lâche et que je puisse aller casser la belle petite gueule d'Esteban.
-Tu t'appelle comment? Me demande Fred en glissant ses mains autour de ma taille, une fois au beau milieu des danseurs.
-Abby. Grommelé-je assez fort pour qu'il m'entende par-dessus la musique.
Un de ses mains remonte sur mon bras et je frissonne de dégout. Il interprète mal mon frisson et sourit encore plus.
-C'est joli. T'es la nouvelle strip-teaseuse?
-Quoi?!
Il me fait un clin d'œil et sa main me rapproche de son corps tandis que l'autre monte sur mon épaule, passant sous la bretelle fine de mon tee-shirt. Il caresse ma peau avec son pouce. Sa bouche se rapproche de mon oreille.
-Je ne sais pas. Continue-t-il. T'es jeune, jolie et peu habillée. On peut peut-être sortir de la boite et aller se promener?
Mon cœur menace de sortir de ma poitrine et mes bras se couvrent de chair de poule. Je jette un regard aux environs. Personne ne semble nous prêter attention. Je recule mais me heurte à quelqu'un et Fred en profite pour me coller davantage à lui.
-Euh... Non merci.
Il me sourit mais ses yeux sont effrayants. Je me prépare à le pousser de toutes mes forces et à m'enfuir mais sa main glisse à l'arrière de ma tête, dans mes cheveux et il en hume le parfum. En un geste, je suis pétrifiée.
-Tu sens bon. Me susurre-t-il à l'oreille.
Je me retrouve des années plus tôt, face à mes démons. Mon sang s'est figé et je n'arrive plus à bouger. Il disait la même chose.
-Viens dehors. Reprend-t-il d'un ton plus sévère.
-...N...Non.
Son autre main autour de ma taille descend fermement jusqu'en bas de mes reins. Je ne fais plus un geste, pétrifiée, le cœur battant à tout rompre. Je suis piégée.
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Bonjour!
J'espère que vous allez bien. Voici la première partie du chapitre 22. J'espère qu'il vous plu. Soyez là pour la deuxième partie, elle sera encore mieux ;-)
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Love,
Séléna.
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