15. Poignards
Ce n'était pas parce qu'il ne le montrait pas qu'il n'était pas triste.
Eron n'était chez lui nul part.
Et leurs mots étaient aussi tranchants que des poignards, les cris dans sa tête aussi coupants que la lame d'une épée.
Eron se formait lentement une carapace, tentant de ne pas dévoiler son cœur à tous ces étrangers qui le regardaient. Il avait déjà assez souffert.
Mais il y avait de ces larmes qu'il ne pouvait pas refouler. Et celles de ce soir en faisait partie.
Le souffle saccadé par ses sanglots, Eron était allongé sur son lit. Il regardait le plafond illuminé par de petites étoiles phosphorescentes de ses yeux noyés de larmes. Il se revoyait, petit garçon, admirant son ciel nocturne. Maintenant, ces étoiles n'étaient plus qu'une lueur dans les ténèbres qui le noyaient.
Il voulait faire disparaître les fantômes du passé. Il tentait d'ignorer ces visages qui revenaient sans cesse le hanter, mais c'était impossible. Parce que le passé ne disparaît jamais.
Il voulait faire taire les paroles des autres et ne plus leur prêter attention. Il en avait assez qu'on s'amuse avec ses sentiments. Mais c'était impossible, car trop prenaient un plaisir malin à lui donner espoir, pour ensuite le briser.
Il voulait ne plus s'attacher à personne, pour ne plus jamais décevoir...
Mais c'était impossible, car il ne pouvait s'empêcher d'aimer.
Il en perdait ses mots, impuissant, contemplant de loin la tornade de sa vie.
Et il allait finir par lâcher prise.
Pour continuer de chuter.
Encore plus longtemps.
Le jeune homme ne connaissait encore rien à la vie, mais avait l'impression d'avoir fait le tour de ce qu'elle pouvait offrir. Cendres et pétales de roses. Tempêtes et brises d'étés.
Eron était un peu comme ça, lui aussi. Triste, mais jamais sans cet éclat dans son regard.
Il voulait se battre, remonter à la surface, battait des bras et des jambes. Mais le poids du passé l'entraînait vers le fond, encore et encore. Et la bouée qu'il pensait saisir s'était évaporée dans un nuage de fumée.
Eron se sentait faible, stupide, et lâche. Et cette douleur contenue dans chaque battement de son cœur allait finir par le rendre sourd.
Il en avait assez de souffrir pour des choses sans importance aux yeux des autres. Peut être qu'il voyait le monde différemment, avec des couleurs vives ici et ternes là-bas.
Le jeune homme refusait de grandir, de faire des choix et perdre son éclat. Il voulait seulement rester là, dans sa peine insouciante, et retourner en enfance.
Eron était brisé. Il n'avait plus la force de continuer, tout cela semblait inutile, impossible.
Ils ne voyaient pas, ne comprenaient pas. Pour eux, tout semblait logique. Pourquoi pourrait-il se sentir mal, alors qu'ils enchaînaient les réussites ?
Mais il n'avait rien réussi. Rien du tout. La vie semblait s'amuser à parsemer son chemin de nombreuses embûches.
Quand il était petit, son grand vœu était d'être heureux. Mais Eron n'était pas heureux, et si loin de le devenir...
Il voudrait recommencer à zéro, reprendre là où tout semblait possible. Là où il ne laisserait personne entrer dans son cœur pour ensuite le piétiner.
Le temps passait, semblait couvrir ses plaies, mais ne faisait que rouvrir une à une ses cicatrices. Et il avait mal, tellement mal, perdu dans sa propre obscurité.
Arrêter le temps. Réécrire l'histoire...
Le yeux baignés de larmes, Eron écrivait des poèmes au goût du désespoir, réinventait sa vie, changeait sa destinée. Les paroles blessantes devenaient des mots chaleureux. Les regards indifférents devenaient des sourires ensoleillés.
Il aurait voulu que ce qu'il écrivait soit simplement une représentation de sa vraie vie, avec quelques rîmes. Mais ce n'était pas le cas, et il était trop tard pour recommencer.
Il allait devoir continuer à les affronter, eux, et leurs mots aussi tranchants que des poignards.
C'était accompagné de ces sombres pensées qu'Eron s'endormit petit à petit, sombrant dans un sommeil peuplé de cauchemars et de créatures sans pitié.
Il ne vit pas l'étoile filante qui traversa le ciel, juste au dessus de sa tête, au moment où il ferma lourdement ses yeux.
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