14. Battements de cœur
Savaient-ils ce que ça faisait, de se sentir inférieur ? D'avoir l'impression de tout donner, mais de devoir toujours faire plus ?
Non, ils ne savaient pas.
Eléanor, elle, savait. Elle connaissait les nuits d'insomnie, à attendre le sommeil en redoutant le matin. Elle savait ce que ça faisait de pleurer toute l'eau de son corps, de sentir le sol s'effondrer sous son poids, de perdre pied.
De tomber encore plus bas qu'elle ne l'est déjà. Sombrer et se laisser bercer d'illusions...
Elle connaissait la sensation d'espérer. Espérer à n'en plus finir. Espérer que ça s'arrête. Qu'ils arrêtent. Que tout ça s'arrête. Espérer en vain.
D'un pas rapide, elle marchait dans la nuit. Telle une ombre, avec ce sentiment de fuir ces démons qui l'habitaient, elle tardait à rentrer se réchauffer alors que ses membres étaient engourdis par le froid de décembre.
Eléanor était perdue, ne sachant plus où donner la tête. Et personne ne savait, personne ne pouvait comprendre ce qu'elle ne comprenait pas elle même. Peut être qu'elle aurait aimé en parler, mais maintenant c'était trop tard, ces ombres avaient pris possession d'elle, de son corps.
Elle avait juste envie qu'on la prenne dans ses bras, qu'on la serre contre son cœur en lui murmurant des poèmes parlant d'amour.
Elle avait juste envie qu'il pose ses yeux sur elle.
Cette amitié avait un goût de nostalgie. Elle ne pouvait pas s'empêcher de le ressentir, en songeant à ce qui s'était passé cette année là. Elle avait presque oublié la couleur de ses yeux, son rire contagieux et ses blagues douteuses, jusqu'à ce qu'il refasse irruption dans sa vie. Il en faisait à présent entièrement partie, même si il ne le savait sûrement pas.
Eléanor ne savait pas exactement ce qu'elle ressentait pour lui. Tout ce dont elle était sûre, c'est que lorsque son regard croisait le sien, ses lèvres ne pouvait s'empêcher de s'étirer en un sourire. Il était un peu comme une bouffée d'oxygène. Mais ça aussi, il ne le savait pas.
Elle suivait le chemin éclairé par de faibles lumières, sans vraiment savoir où elle allait. Elle marchait, tout simplement, perçant l'obscurité de la nuit. Et à chaque pas qu'elle faisait, un tourbillon d'image lui revenait en tête.
Elle repensait à toutes ces choses qu'il lui avait dites, à cet après midi où elle n'avait pas vu le temps passer et à cette fois où il avait pleuré...
Il était loin. Si loin d'elle. Et pourtant tellement proche.
Quelque chose était peut être en train de naître au fond de son cœur, et c'était à la fois agréable et effrayant. Eléanor ne voulait pas. Elle avait peur de se perdre, à nouveau. Et ça faisait si mal...
Elle tentait d'oublier les palpitations de son cœur déchaîné.
Savait-il à quel point ses mots la touchaient ? Chaque parole qu'il prononçait, chaque regard qu'il lui lançait, chaque geste qu'il amorçait dans sa direction...
Elle avait envie d'attraper chaque sourire qui pouvait apparaître sur ses lèvres, pour ne l'avoir rien que pour elle.
Depuis quand était-elle devenue si égoïste avec lui ? A partir de quand avait-il pris cette place dans sa vie ? Elle ne savait pas, lui non plus. C'était sûrement mieux ainsi.
Le vent se leva, caressa le visage le visage d'Eléanor comme pour essuyer ses larmes et souleva une mèche de ses cheveux sombres. Elle aurait aimé être aussi légère, s'envoler et côtoyer les nuages, tout le reste n'ayant plus d'importance. Mais le poids de son cœur la clouait au sol. Elle était terriblement et tristement humaine.
C'était comme si des milliers d'aiguilles transperçaient sa poitrine avec violence. Comme si chaque parcelle de son corps la brûlait. Cet arrière-goût amer de nostalgie l'empêchait de respirer, bloquait sa cage thoracique et couvrait ses yeux d'un voile de tristesse.
Eléanor n'était plus qu'une pâle copie d'elle-même. Une autre personne semblait avoir pris possession de son corps, vivant une vie qui ne lui appartenait pas, tandis qu'elle restait figée dans son passé, perdue dans ses souvenirs.
Elle voudrait qu'il soit là. Elle voudrait lui confier tout ce qu'elle a sur le cœur comme elle l'avait déjà fait auparavant. Elle voudrait qu'il comprenne, qu'il illumine son visage d'un sourire sincère et un peu triste.
Mais il n'était pas là.
Elle avait beau le voir tous les jours, il lui manquait atrocement. Il riait tandis que son cœur se serrait en se parant de la sombre couleur de la jalousie, à laquelle elle refusait de prêter attention. Elle le savait, elle se mentait à elle même. Mais c'était sûrement plus rassurant.
Le pas d'Eléanor se faisait de plus en plus rapide, ses cheveux volaient autour d'elle et elle soufflait sur ses mains pour tenter de les réchauffer. Mais elles étaient définitivement aussi glacées que son cœur gelé. Il était peut être temps de rentrer, ça ne servait à rien de ruminer ses sombres pensées.
Eléanor n'était pas belle, elle n'avait rien d'exceptionnel. Mais il la faisait sentir comme si elle était spéciale, avec ses regards et ses sourires.
Elle essayer d'occulter son absence, pour que le sentiment de manque soit moins fort, bien qu'il restait présent. Mais à quoi bon souffrir de l'absence de quelqu'un à qui elle ne manquait pas ? Ce sentiment ne devrait même pas exister, elle voudrait que cette carapace qu'elle s'efforce de maintenir soit intouchable. Mais son cœur était trop sensible, faisant tomber une à une les barrières fragiles qu'elle érigeait pour le protéger.
Il n'avait sûrement aucune idée de l'état dans lequel il la mettait. Pourtant, elle avait du mal à ignorer la chaleur de ses joues et sa nervosité chaque fois qu'il s'approchait un peu trop près. Et elle n'était qu'impuissante face au raz-de-marée de sentiments qui débordaient de son cœur.
Elle leva la tête vers le ciel nocturne, parsemé de milliers d'étoiles qui brillaient quoi qu'il arrive. Puis, soudain, l'une d'entre elles sembla se décrocher. Un éclair fugace traversa le ciel, puis se fondit dans les ténèbres, emportant avec lui quelques larmes qui échappèrent à Eléanor.
Car ce soir, seule la lune était au courant de ses états d'âme. Et c'était sûrement mieux ainsi.
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