Le Dernier Renard
Les larmes froides et salées coulaient sur ses joues. Recroquevillée sur elle-même, son âme détruite, elle se dandinait d'avant en arrière depuis déjà plusieurs jours. Elle ne pleurait pas pour tous ces gens persécutés par la Maladie de Lyme, non, bien au contraire. Elle pleurait parce que tous les renards étaient morts. Ses animaux favoris, qu'elle aimait plus que tout, ces animaux qui étaient considérés comme nuisibles alors qu'ils en étaient en fait bien le contraire, ces animaux admirables et magnifiques qui étaient victimes, tués toute l'année, sans aucun répit, abattus sans aucune raison, par plaisir. Ils étaient torturés, pour le plus grand bien des chasseurs. Des familles de renards étaient déterrées vivantes par des chiens, dans leur terrier, les renardeaux sans défense, tués sans avoir connu la vie. Ses mères voyant leurs petits mourir, et quittant le monde à leur tour. Tous ces renards qui étaient écrasés sand aucun remord au bord de la route, agonisant et rampant, l'arrière-train bousillé, souffrant le martyr pendant plusieurs jours, dévorés vifs par les bestioles et les corbeaux. Ces renards, coincés dans des pièges interdits douloureux, qui agonisaient des jours, la gorge serrée dans un collet, ou la patte broyée par la morsure des pièges à ours. Ces renards tués une balle dans le crâne, tentant en vain d'échapper à leur cruel destin, qui était entre les mauvaises mains des Hommes. Ces renards, qui étaient ratés, et qui souffraient terriblement, secoués de spasmes violents, essayant quand même de s'enfuir, une balle dans le corps. Ces renards qui ne connaissaient dans leur vie qu'une minable petite cage, et qui étaient dédiés à la mort pour leur fourrure. Ces renards qui étaient engraissés et qui ne tenaient même plus sur leurs pattes, aux yeux infectés et vitreux, l'âme déjà partie, si gros et obèses qu'ils ressemblaient à des cochons ou à des monstres, dans des cellules toutes petites, simplement afin d'assouvir le désir de fourrure. Plus de fourrure. Plus de plaisir. Plus de meurtres. La chasse au renard était un jeu. Les torturer était une passion. Tous ces renards étaient morts. Et ces chasseurs se disaient régulateurs de la nature. Passionnés par la nature. Mais, un chasseur n'était jamais passionné par la nature en tuant celle-ci, même en la respectant.
Parce que Mère Nature faisait fortement bien les choses ; les renards ne se répandaient pas. Les chasser était inutile, et cruel. Parce qu'ils n'étaient pas humains, on les tuait. Pourtant, sous leur fourrure, se cachait un petit coeur qui battait, une vie, un passé, un futur. L'être-humain était lui-même un animal, alors pourquoi avait-il plus de droit que les autres espèces ? Parce qu'ils ne parlaient pas la même langue ? Hélas, qui ne nous disait pas que les mères parlaient avec leurs petits ? Qui ne nous disait pas qu'ils avaient des pensées, dans une langue différente ? Ils étaient comme les français qui ne comprenaient pas le chinois. L'être-humain avait sa langue. Le renard avait la sienne aussi, comme toute espèce sur Terre. Ils ne tuaient que lorsqu'ils avaient faim. Tout comme l'Homme tuait des vaches ou des moutons pour approvisionner leurs marchés. Ils ne tuaient pas les poules, mais, qui serait tenté de poursuivre sa proie des kilomètres alors qu'un frigo ouvert se trouvait à quelques mètres ? Si l'Homme était bien capable d'aller sur la Lune, il était fortement probable qu'il fût capable de bien enfermer ses enclos, sous-terre et en l'air. De plus, le renard ne portait plus aucune maladie, alors que ses proies, elles, portaient de terribles tiques porteurs de maladies mortelles.
Et voilà. Maintenant que Mère Nature avait baissé les bras, qu'elle savait que plus rien ne pourrait arrêter ce massacre, ce génocide, qu'elle ne pouvait plus rattraper ces millions de renards tués par an, les renards cessèrent de se propager. Une vérité à laquelle les admirateurs des renards ne pouvaient faire face. Ces rares personnes chanceuses, qui avaient vu sous le masque des goupils, leur véritable visage. Car ce masque, forgé pendant des années par les écrivains et les chasseurs, trompait.
Et maintenant, les humains se plaignaient, malades, foritfiant des murs autour de leurs villes, mettant les malades en quarantaine. Des familles étaient divisées par la maladie ou la mort. Des enfants périssaient. C'était une épidémie mondiale. Aller en forêt ? C'était strictement interdit ! Frontières des villes étaient surveillés, car clandestins malades voulaient entrer. Fous pensaient à la fin du monde, à l'Apocalypse. Meurtriers sortaient commettre le drame dans les habitations. Hommes n'étaient plus comme avant. Humanité n'existât plus.
Et malgré tout, les scientifiques cherchaient en vain la solution. La solution qui sauverait l'Humanité. La solution pour détruire les rongeurs qui étaient devenus à leur tour nuisibles. Ils cherchaient dans leur laboratoire à tous les tuer ou à recréer génétiquement des renards, en croisant des chiens et d'autres sortes de canidés. Renards engraissés, tous morts, les renards n'existaient plus.
Et dans tout ça, cette jeune adolescente qui s'était évadée et qui attendait sa mort dans la dangereuse forêt. Sous ses arbres rassurants, où les rayons du soleil se faufilaient entre les feuilles vertes vives de l'été. On entendait les oiseaux chanter, et le pleur presque inaudible de la fille. Les renards étaient morts.
Mais, pourtant, un bruissement retentit près d'elle. Lorsqu'elle redressa la tête, elle s'attendait à voir un de ces dangereux rongeurs. Sa mort était proche. Et elle fut surprise en voyant sa magnifique fourrure rousse, blanche et noire. Ses yeux ambrés brillaient, étincelaient. Et sa longue queue touffue, qui traînait sur le sol, s'agitaient. Et sa tête, penchée sur le côté, semblait curieuse. L'adolescente et le goupil se regardèrent dans les yeux. Ce renard était la dernière flamme. Le dernier renard. Cela se lisait à ses yeux. Et le coup de la carabine retentit. Renard et fille furent touchés. L'adolescente serrait l'animal dans ses bras, son nez plongé dans son pelage chaud et doux. Une dernière larme glissait le long de sa joue, se faufilant entre les poils du goupil, avant de finir sa course sur l'herbe. La fille ne regarda même pas le chasseur. Elle ne pensa pas à sa douleur, faisant corps avec le renard. Tous deux souffraient, mais se retrouveraient.
Mère Nature avait besoin d'éliminer les Hommes. Alors le dernier renard était mort.
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