Chapitre 24

Eden pousse la porte et nous entrons à l'intérieur.

Il s'agit d'une grande salle, éclairée par de nombreux lampadaires, où règne un bon nombre d'étagères remplies de dossiers et de livres. Au centre se trouve le bureau de Mason, dans lequel ce dernier étudie attentivement différents papiers.

Le grand blond aux prunelles d'un vert émeraude détache son regard des documents, posés sur son bureau, pour venir rencontrer les miens. Il esquisse un sourire, qui exprime une certaine joie de me voir ici, et croise ses doigts sur le bureau après avoir refermé le dossier qu'il examinait quelques instants auparavant. Il s'étire brièvement, sans doute fatigué. Lorsque les deux coins de sa bouche remontent, je décèle, pour la première fois, de fines rides sur son front, qui lui offre un air plutôt sévère malgré son sourire radieux.

— Félicitations pour votre mission, s'exclame-t-il en nous dévisageant tour à tour, Eden et moi. Cela a été une vraie réussite ! Bravo !

Aucun de nous deux ne lui répond. Mason glousse et s'exclame à nouveau :

— N'ayez pas peur. Ne restez pas si près de la porte, voyons ! Approchez.

Je ne perçois aucun signe de menace ou de terreur au son de sa voix. Seulement de la déception mêlée à de la joie, qui sont, pourtant, deux émotions nettement différentes.

Cependant, je sais d'ores et déjà que cet homme est fou - d'après Eden -, et si je décide de refuser une si petite requête comme celle-ci, je serai sans surprise dans la mouise. Autant éviter le carnage inutilement.
De ce fait, j'avance de quelques pas. Mais, je remarque très rapidement que je suis la seule à le faire. Je lance un regard surpris derrière moi et Eden n'a pas bougé d'un pouce.

Voyant de même, Mason fronce les sourcils.

— Tu ne vas quand même pas laisser Maria, seule, ici, frérot ? demande Mason d'un ton enjoué.

Pourtant, personne ne semble se réjouir de la situation, à part lui.

— Je préfère garder mes distances avec toi, répond sèchement Eden.

Mason pose une main sur son cœur et ferme les yeux, signe qu'il a été blessé par les paroles de son frère.

— Oh, que tes paroles sont dures, renchérit-il, avec tristesse.

— Je m'en fiche.

Mason rit un bon coup.
Bien qu'Eden m'ait révélé dès le début qu'il ne supporte pas son frère depuis son changement, je l'aurai très certainement deviné suite à leur interaction. Maintenant, j'en suis certaine : Eden déteste, voire, hait son frère. Puis, Mason concentre toute son attention vers moi.

— En exécutant cette mission à la perfection, reprend-t-il calmement, tu nous as, en quelque sorte, prouvé ta loyauté. Abattre quelqu'un dès la première mission en équipe ? C'est extrêmement rare. La plupart ont une peur bleue de la mort, surtout chez un débutant. Pour te remercier, une chambre t'a été attribuée, ici, au QG. Tu n'auras aucun frais à payer. Tout est gratuit, dit-il en accentuant sur ce dernier mot. Après tout, à la suite de la mort de ta mère, tu vis avec ta meilleure amie.

Il marque un temps de silence, scrutant ainsi ma réaction - j'imagine -. Je serre les poings - mes mains, situées derrière le bas du dos pour ne pas que le grand blond ne les voie - si fort que je risque de laisser des cicatrices dues à mes ongles.

Il sait donc que je vis avec Miyu.
Elle n'est plus en sécurité.

Merde, qu'ai-je fait ?

— Cela ne doit pas être simple pour ton amie lycéenne de t'héberger aussi longtemps, alors, je te propose de vivre ici. Tout te sera fourni  - nourriture et vêtements - et comme je l'ai dit tout à l'heure, tout est gratuit. Qu'en penses-tu ?

Je pince ma lèvre inférieure, prise au piège. Si je refuse, cela voudrait dire que je ne leur fais pas entièrement confiance. Car après tout, suite à ce que Mason vient d'énumérer, il n'y a aucun inconvénient à sa proposition. Aucune raison qui m'empêche de vivre ici.

En plus, il sait d'ores et déjà que Miyu m'héberge - il connaît donc son existence -. Par conséquent, si je continue de vivre chez elle... Mieux vaut ne pas y penser.

Mais, si j'accepte, je ne pourrais potentiellement plus rencontrer l'inspecteur Park pendant un moment. Un espion pourrait me suivre quand je sortirai du QG à tout moment, étant nouvelle. On ne sera jamais sûr de rien au sein des White Black.

Par ailleurs, je suis certaine qu'il ne me propose pas de vivre ici, au QG, par hasard. Son argument qui évoque la possible difficulté de Miyu à m'héberger n'est qu'un prétexte : Mason doit sûrement mijoter quelque chose en me proposant cela. Mais quoi ?

Mason tapote des doigts sur son bureau, attendant patiemment ma réponse. Lorsque j'ouvre la bouche pour répondre, Eden a été plus rapide :

— Ce n'est pas une obligation, tu peux refuser, tu sais.

Je me retourne et lui lance un regard noir. De quoi je me mêle ?

Premièrement, il reste en retrait depuis le début. Deuxièmement, il m'avait affirmé que Mason n'évoquerait que la mission concernant Gérard. Troisièmement, Mason me parle désormais d'hébergement et connaît l'existence de Miyu. Et enfin, dernièrement, son intervention a été complètement inutile.

— Je sais, dis-je froidement. Et j'accepte volontiers de vivre ici, c'est très gentil de votre part de m'avoir proposé une telle offre.

Accompagnant mes paroles, j'étire un faible sourire. Il sonne assez faux et hypocrite, mais le frère d'Eden ne semble pas y prêter attention car, à son tour, Mason esquisse un faible sourire.

— Très bien, Ed te conduira dans ta nouvelle chambre, dit-il et dévie son regard vers ce dernier. Tu sais de laquelle je parle. Ah oui, une autre chose importante. Ici, nous n'avons pas de domestiques : chacun est autonome, mais Ed t'exposera les détails tout à l'heure. Sur ce, vous pouvez disposer.

Mason reprend ses documents et replonge intensément son attention là-dessus alors que nous n'avons toujours pas quitté la pièce.
Je me lève et le salue, tout comme Eden, et quitte son bureau de ce pas.

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