Chapitre 23

Lorsque j'ouvre difficilement les yeux, une douce lueur vient caresser mes pupilles. Ma tête me lance, et je grimace.
Je me remémore de la mission : c'est vrai, je m'étais écroulée au sol en courant la dernière fois.

Je découvre que je suis allongée sur un grand lit avec une couverture qui recouvre soigneusement mon bas du corps, toujours vêtue de la même robe moulante que la dernière fois. Difficilement, je tente de m'asseoir et je réussis, malgré certaines blessures superficielles qui s'étalent de mes bras à mes jambes. Je peux d'ores et déjà apercevoir certains bleus ressortir.

J'en profite pour examiner l'endroit où je me trouve : je suis dans une pièce qui ressemble étrangement à la chambre d'un garçon. J'aperçois des étagères dans lesquelles se trouvent de larges et amples t-shirts et des jeans, ainsi qu'un bureau avec un ordinateur portable. Je dois sans doute être au QG des White Black.

À qui cette chambre appartient-elle ?

Le seul nom qui me vient à l'esprit est Eden. Je mettrai ma main à couper qu'Onew ne m'autorisera jamais l'accès à sa chambre.

En effet, lorsque mon regard se pose sur ma robe en cuir une nouvelle fois, je remarque qu'elle est cette fois-ci, couverte de sang.
Non, ce n'est pas mon sang. Mais celui de Gérard Byrn ou celui de la domestique.

Il est bel et bien mort - ainsi que sa femme de ménage qu'Onew a fini par achever -. Je me remémore de son corps, sans vie, jonché sur le sol et de son sang qui s'écoule abondamment par la suite. Soudain, frappée par une nausée, je m'écroule sur le lit, ma tête reposant sur un doux coussin. Rien n'y fait : ces deux corps décédés allaient me hanter pendant un bon bout de temps. C'est comme si je venais de me réveiller d'un terrible cauchemar, mais qui se poursuit dans la réalité. J'ai soudain envie de vomir.

Puis, j'aperçois Eden ouvrir la porte pour ensuite la refermer avec délicatesse. Voyant que j'étais consciente, il vient placer une chaise près du lit et s'installe confortablement sur celle-ci.

— Tu vas bien ? commence-t-il.

Je soupire et me redresse pour lui faire face. Je plonge mon regard dans ses beaux yeux vairons.

— J'ai l'air d'aller bien ? je renchéris, détournant le regard et en fixant désormais la couverture.

— Je pensais que ce serait pire, mais finalement ça a l'air d'aller mieux que je ne le croyais.

Je fronce les sourcils et le toise du regard. Lorsque mes yeux croisent ses prunelles vairons une seconde fois, celles-ci semblent n'exprimer aucune émotion particulière. Comme s'il était vide de sens. J'ai pourtant cru qu'il plaisantait sarcastiquement à moitié.

— La mission a été un franc succès. Mason est très heureux de t'avoir dans ses rangs. Il souhaite te voir après que tu aies regagné conscience, déclare-t-il.

Je serre si fort le drap dans mes paumes que je frissonne presque de colère.

Que me veut-il ? Il a déjà une nouvelle mission pour moi ?

— J'ai récupéré le dictaphone et je l'ai donné à Mason, poursuit-il.

— Gérard est mort, murmuré-je.

— Oui.

— Et la domestique aussi.

— Oui, répète Eden.

— Et il ne sera pas le dernier, je poursuis.

Eden ne répond pas avant un court moment et glisse une main derrière sa nuque.

— Malheureusement, oui.

Des larmes me rongent les yeux. Ce n'était pas des larmes de tristesse mais de colère. En colère d'être si impuissante face à ce destin meurtri. En colère de se sentir soulagée d'avoir réussi cette mission. En colère de savoir que ce n'est que le début de ce qui m'attend ici, au sein des White Black.

Je balaie ces larmes d'un coup de main. Non, je ne dois pas craquer. Je dois être forte. Je dois venger ma mère et découvrir la vérité qui entoure ma famille.

— J'arrive dans cinq minutes, je réponds à Eden.

Il acquiesce et se lève.

— Tu trouveras la salle de bain en ouvrant la porte située à côté de l'étagère. À mon avis, tu as besoin d'une bonne douche. Je t'attendrai dans le couloir.

Mon regard suit l'endroit où il pointe son doigt. Ce qui me prouve bien qu'il s'agit de la chambre d'Eden.

J'acquiesce à mon tour et Eden se retire.

Après une courte douche froide, j'enfile un long t-shirt rouge avec un "C'EST LA VIE" inscrit dessus et un short noir qui jonchaient le sol de la salle de bain. Je n'allais tout de même pas remettre cette robe provocante tachée de sang.

***

Lorsque je retrouve Eden dans le couloir quelques minutes plus tard, je remarque qu'il attendait patiemment, adossé contre le mur en face de sa chambre.

Voyant la façon dont je me suis accoutrée, il sourit, révélant ainsi son sourire éclatant mais surtout moqueur.
Je ne réprime pas ma réaction - aussi ridicule et vulnérable soit-elle -, je rougis et lui inflige une brève bourrade à l'épaule.

— Mais c'est mon t-shirt et mon short ! ricane Eden.

Je lui tire la langue et commence à marcher le long du couloir, suivi de près par Eden.

— Je ne savais pas que mes vêtements te vont à merveille, dit-il, accompagné d'un sourire espiègle. Surtout ce t-shirt "C'EST LA VIE".

De nouveau, le rouge me monte aux joues et je lui donne une tape à l'épaule.

— Crétin !

Il éclate de rire puis, quelques minutes plus tard, reprend son sérieux. Désormais, c'est lui qui mène la marche.

— Ne t'en fais pas, Mason ne fera rien. Juste discuter, déclare Eden sérieusement.

— Discuter de quoi exactement ?

J'avale difficilement ma salive. Et s'il évoque mon père ? Ma mère ? Maintenant que je connais une part de la vérité, je ne saurai pas comment me conduire face à Mason. Et s'il avait découvert, entre-temps, que je complote quelque chose avec l'inspecteur Park contre eux également ?
Je suis soudainement prise d'une sueur froide.

— De la mission, répond-t-il.

J'acquiesce, légèrement soulagée par la réponse d'Eden, et nous nous dirigeons voir Mason dans un silence pesant. Aucun de nous ne semble vouloir briser ce calme accablant qui nous entoure. Pourtant, il me taquinait quelques instants auparavant.

Lorsque nous arrivons devant la porte, où deux hommes vêtus en noir et blanc de la tête aux pieds, tels qu'Onew et Eden chez Gérard Byrn, se tiennent là - que je reconnaîtrai entre mille, bien que leur visage soit dissimulé -, Eden toque et nous entendons un "Entrez."

J'essaye tant bien que mal de ne pas me saisir de leur col et leur cracher au visage toute ma haine, mon désarroi et ma tristesse. Ce sont eux. Ceux qui ont assassiné ma mère devant moi : l'homme de petite taille et l'homme baraqué. Je souhaite leur poser une question qui me trotte la tête depuis le début :

"Pourquoi avez-vous assassiné ma mère ?"

Ces sentiments me rongent depuis le jour où j'ai vu ma mère recevoir une balle en plein cœur. Je serre les poings si fort que je pourrai saigner, mais je m'en moque royalement.

Néanmoins, je me calme. Ce n'est ni le moment, ni le lieu idéal pour éclater. De plus, ces hommes m'auraient neutralisé dans la seconde qui suit - où même avant que j'explose de colère - et sans oublier que Mason se trouve de l'autre côté de la porte. Il est bien trop tôt pour signer mon arrêt de mort aussi bêtement.
Je refoule ce sentiment avec difficulté et tente tant bien que mal de faire abstraction de la présence de ces deux hommes - ce qui est déjà peine perdu -.

Eden pousse la porte et nous entrons à l'intérieur.

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