Jour 9 - Casper, le grand frère
Jour 9 : Casper, le grand frère
Un cri perçant retentit à l'intérieur du magasin. Lina, huit ans, poussa tous les articles du rayon sur le sol et se jeta à terre. Elle tapa des pieds et des mains, sous le regard désespéré de son père, les bras ballants. La raison de la crise ? Le dernier jeu vidéo à la mode, que son horrible géniteur avait refusé de lui acheter. Foudroyée par ce refus qu'elle n'avait pas envisagé, Lina était entrée dans une colère noire, et se donnait en spectacle depuis maintenant de longues minutes, sous les yeux agacés ou hilares des passants.
Ce que la fillette et son père ignoraient était que dans la boîte de jeu derrière eux, bien à l'abri dans la cartouche qu'il hantait depuis des décennies, un petit fantôme s'était réveillé en sursaut de son sommeil de cent ans. Il tenta bien de se rendormir, de se boucher des oreilles qui n'existaient plus depuis des années : rien n'y fait. La fillette continuait de crier, et lui ne parvenaient plus à dormir.
Excédé, le fantôme décida de briser une des règles élémentaires du code de l'au-delà. Il s'échappa de la cartouche et décida de se montrer aux humains. Les yeux de la fillette, le sifflet coupé net, et de son père, s'écarquillèrent de surprise et d'horreur.
— Mais elle va fermer sa bouche, la Castafiore ! hurla le fantôme. On est où là ? Au cirque ? Des années que je suis dans cette cartouche et j'avais jamais vu ça !
La fillette poussa un autre cri perçant, de peur, cette fois-ci.
— Qu'est-ce que t'essaies de faire là ? s'énerva le fantôme. Tu crois que parce que tu cries, tu vas obtenir ce que tu veux ? La vie, ça ne fonctionne pas comme ça, ma pauvre lucette !
Lina cessa de pleurer, apeurée. Elle chercha du soutien auprès de son père, qui se contentait toujours de fixer la scène d'un oeil mort. Il avait de toute évidence abandonné. Juste... abandonné.
Le fantôme posa ses mains sur ses hanches imaginaires et scanna le massacre sur le sol de ses yeux blancs. Des boîtes de jeux étaient ouvertes, des figurines avaient perdues leurs têtes et plusieurs cartouches de jeux avaient volé jusqu'au bout de l'allée.
— C'est une manière de traiter des objets ça ?! souffla le fantôme. Tu ne sais pas si ces cartouches ne sont pas hantées également ! Qu'est-ce qui se serait passé si tu avais fait du mal à un des miens ? Hein ? Tu crois que les actions n'ont pas de conséquences ? J'en connais une de fillettes, qui a fait chier Bloody Mary tous les jours devant le miroir pendant des années. Tu sais ce qu'elle a fait Bloddy Mary ? Elle en a eu tellement marre qu'elle est devenue corporelle et l'a assassinée ! Tu veux être assassinée, gamine ? Hein ?
La fillette secoua la tête de droite à gauche, terrifiée.
— Alors tu vas ramasser ce bordel et tout remettre à sa place ! Si tu ne le fais pas, tu vas voir ce que je suis vraiment capable de faire !
Lina n'osa pas bouger.
— Dépêche-toi ! cria le fantôme, bondissant en avant.
Cette fois-ci, la jeune fille obéit. Ventre à terre, elle ramassa les boîtes de jeu en quatrième vitesse et les remit sur les rayons. Elle enfonça la tête de la figurine cassée sur les épaules de cette dernière, dans un équilibre fragile, et remit toutes les cartouches là où elles le devaient.
Le fantôme la força ensuite à s'excuser auprès de l'employé de rayon, incrédule, qui la remercia d'une voix éteinte, les yeux rivés sur le fantôme. La créature se tourna ensuite vers son père.
— Voilà ! C'est comme ça qu'on éduque un enfant, espèce d'incapable. Vous avez intérêt à vous reprendre en main, ou sinon...
L'homme baissa les yeux, penaud. Il hocha timidement la tête.
Satisfait, le fantôme les regarda s'éloigner, main dans la main. Il soupira de soulagement et regagna sa cartouche. De nouveau, le silence ! Il s'installa plus confortablement et ferma les yeux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top