Jour 30 - N'oubliez pas les malédictions

Jour 30 : N'oubliez pas les malédictions

Yvette jeta un regard nerveux entre l'échafaud à sa droite, où l'on dressait déjà le bûcher, et l'autruche à sa droite. Monsieur le maire. C'était un simple accident, mais qui risquait de lui coûter très cher.

Tout avait commencé quelques heures plus tôt. Une jeune mère, éplorée, avait couru à sa porte.

— Mon mari me trompe avec la voisine ! avait-elle hurlé. Je veux qu'il paie, je veux le maudire !

Les malédictions, Yvette, elle connaissait bien. Sorcière depuis trente ans, c'était l'une de ses spécialités. La vieille femme lui tendit un formulaire, pour l'orienter : date de la tromperie, type de malédiction souhaité, si la descendance devait être affectée ou non, ce type de choses classiques. La femme avait opté pour une transformation en autruche. Un acte difficile de par la taille de l'animal.

La sorcière avait fouillé dans ses livres de sorts, en disant à la jeune femme d'appeler son mari. La porte s'ouvrit plus tôt que prévu, et, dans la panique, Yvette lança un sort approximatif, qui toucha de plein fouet non pas la femme de la malheureuse, mais monsieur le maire qui venait chercher sa crème pour ses boutons aux fesses. Maintenant qu'il était une autruche, il n'avait au moins plus à se préoccuper de cela, mais le village ne l'entendit pas de cette oreille.

Tout de suite, sa cliente hurla à la sorcière, comme si elle n'avait aucune responsabilité dans toute cette affaire, et, partout dans le village, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre : monsieur le maire avait été transformé en autruche.

On pointa Yvette du doigt, on se lamenta, on la menaça aussi. Soit elle rendait sa vraie forme au maire avant que le soleil se couche, soit elle finirait en barbecue sur le bûcher à la nuit tombée. Yvette pouffa. Elle avait juste à dire la malédiction à l'envers et tout redeviendrait comme avant. Sauf que le commerce des malédictions était un peu plus délicat et précis. Pour renverser une malédiction, il fallait utiliser les mots précis dits dans la formule initiale. La malédiction qu'elle avait rédigé ne fonctionnait pas, du fait de son empressement à la jeter.

Une erreur de débutante comme elle ne devrait plus en faire. Paniquée, Yvette chercha dans sa mémoire ce qu'elle avait bien pu changer dans la formule pour tenter de la contrer, en vain. Rien ne lui revint. Elle avait oublié la malédiction initiale !

La nuit tomba et Yvette n'avait toujours pas réussi à trouver la malédiction. On vint la chercher lorsque la lune fut haute dans le ciel, et on constata que le maire était toujours une autruche. En colère, les villageois s'emparèrent de la sorcière pour la conduire sur le bûcher.

Désespérée, Yvette hurla des formules au hasard, transformant aléatoirement des villageois en poules, cochons ou dromadaires, tant et si bien que lorsqu'elle arriva devant le bûcher, tout le village s'était transformé en ménagerie et Yvette fut libérée.

Vexée d'avoir été traité de la sorte, elle décida que c'était bien fait pour eux. Elle rentra dans sa hutte, remballa ses bouquins et ses potions, puis grimpa sur son balai magique et disparut dans la nuit, là où l'on aimerait sa magie à sa juste valeur. Alors qu'elle approchait de la destination, elle se rappela du mot de la malédiction qui lui manquait, ce qui désactiva la malédiction initiale.

Confus, monsieur le maire, qui avait retrouvé forme humaine et ses boutons aux fesses, se trouvait désormais au milieu d'une basse-cour.

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