Jour 25 - Une famille en os

Jour 25 : Une famille en os

Derrière la porte de la petite chambre 242 de la maternité, une foule importante se pressait pour écouter ce qui se passait dans la pièce. Il fallait dire que les voix des nouveaux parents portaient loin, et avaient attiré foule de curieux et de vieilles commères du service gériatrie d'en face.

L'histoire avait déjà fait le tour de l'hôpital. La faute des infirmières trop bavardes. Un couple de sorciers avaient donné naissance à un petit squelette. Mais voilà, si pour les humains, il était encore possible de pointer la généalogie lorsque l'enfant ne ressemblait pas exactement au père, lorsqu'il s'agissait d'espèces différentes, l'affaire s'avérait plus délicate.

— Comment je vais expliquer ça aux voisins, moi ? Tu as pensé à moi ! Il a un pelvis, Josiane, un pelvis ! On ne sait même pas si c'est une fille ou un garçon !

— Le genre est une construction sociale, qu'est-ce que ça peut faire ? Regarde les slimes, ils choisissent ce qu'ils veulent être et personne ne leur dit rien. On est en 2022, Jean-Pierre, grandis un peu !

— Grandir ?! Ce n'est pas moi qui ai choisi d'aller côtoyer cette chose et de copuler avec ! Il ne ressemble même pas à un humain ! Comment vont réagir ses camarades de classe ?

— Ils ont bien su accepter un pantin en bois ! Tout le monde se fiche que ce soit un squelette !

— Oui, mais pas moi !

Josiane souffla, excédée, et croisa les bras. Cet argument ne menait à rien.

— De toute façon, tu es juste jaloux qu'un squelette ait plus de libido que toi. Mon corps, mon choix, et je n'avais pas envie que mon fils ait un balai dans le cul comme toi !

— Retire ça ! Je n'ai pas de balai dans le cul ! Et puis qui c'était, ce squelette ?! On ne connait pas de squelette !

— Tu connaitrais le squelette si tu passais plus de deux heures par semaine à la maison.

— Josiane, tu sais bien que mon travail est très prenant ! Tu es un bon parti, mais tu ne peux pas comprendre certaines choses. Mes dossiers sont pour des sorciers influents, des gens illustres. Toi, tu es... Eh bien, s'ils me voyaient avec toi, je n'aurais sans doute pas cette réputation. Et maintenant que tu as... ça, dit-il en pointant le bébé, encore moins. Moi qui comptait sur la bouille de mon fils pour décrocher des contrats, me voilà sali. Quelle honte. Je ne veux pas voir ça chez moi. Tu dois choisir, Josiane. C'est moi ou... ça.

— Ah, c'est bien que tu en parles ! Comme la maison est à mon nom et que je suis gentille, je te laisse jusqu'à ce soir pour déménager. Ah, c'est une épine que je retire de mon pied, vraiment ! Salut ! Demain je fais placer un ordre d'éloignement sur sa tête. Ne m'approche plus mon enfant ou moi... Jamais.

— Pardon ?! Sans moi, tu n'es rien !

— Et avec tous les journalistes à la porte, je pense que, en effet, sans moi, tu n'es plus rien à présent ! Un père qui renie son enfant à l'hôpital en direct, ça devrait se savoir assez vite dans le milieu. Bonne chance, Jean-Pierre !

L'homme poussa un hurlement de colère et se précipita vers la porte pour tenter de rétablir la vérité. En vain. On était en 2022, et les alliances inter-espèces, quelques choses de commun. Le lendemain, quinze associations de défense des droits des non-humains lui tombaient dessus, avec le soutien de sa femme. Il ne les dérangea plus jamais, et Josiane put enfin élever son fils comme elle le souhaitait, libre.

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