Jour 18 - In ze sauce

Jour 18 : In ze sauce

Il avait commis une grosse erreur.

Ligoté dans un coin de la pièce, Quentin ne faisait plus le fier. C'était de sa faute après tout. Ses parents, ses amis... Tous lui avaient dit de ne pas s'aventurer dans la grotte des ogres ! Il n'avait pas écouté, et maintenant, il le regrettait amèrement.

Ce ne devait être qu'un défi stupide lancé par son grand-frère. Il devait passer la nuit dans la grotte des ogres, sans être vus, et revenir à la maison le lendemain matin avec un objet qui leur appartenait. Quentin avait réussi à s'y introduire, et avait passé la nuit là. C'est au moment de voler ce qui ressemblait à une cuillère pour éléphanteau qu'il fut repéré par deux grands, très grands yeux, braqués sur lui.

L'ogresse avait lâché un cri de surprise, puis hurlé qu'il y avait un rat dans la cuisine, avant de bondir sur la table. Quentin avait bien essayé de fuir, mais une main s'était brutalement posée sur lui, manquant de peu de l'écraser. C'était un deuxième ogre, tout ce qu'il y avait de plus vert et hideux.

— Allons, Brenda, ce n'est pas un rat. C'est un casse-croûte.

— Un casse-croûte ? avait demandé l'ogresse, soudainement intéressée. Je vais chercher la marmite !

L'ogre avait attaché quentin avec le fil dentaire le plus épais qu'il n'avait jamais vu, et, abasourdi, il regardait maintenant les deux monstres couper d'immenses légumes dans une marmite de la taille d'un immeuble. Quentin se dit qu'il ne méritait pas tant d'attention, mais ce n'était pas lui qui choisissait.

Une fois les légumes coupés, on le détacha et le jeta dans la marmite sans un regard. Sa chute fut amortie par une grosse tomate qui éclata sous son poids. Quentin, comprenant sa dernière heure venue, regarda partout autour de lui avec affolement, à la recherche d'un échappatoire.

— Attendez ! hurla-t-il. Vous ne pouvez pas me manger !

— Et pourquoi ? gronga l'ogresse, sceptique. On a jamais eu de problèmes.

— Oui, mais, euh... Je suis malade ! Complètement malade !

— Hein ? Malade comment ? demanda l'ogre. Moi je veux pas choper une saloperie.

— J'ai plein de mycoses ! Et de champignons ! Je pue de la bouche ! Et j'ai trop de poils sous les bras.

L'ogresse sembla réfléchir, le front plissé.

— Mais moi j'aime ça, les champignons.

— Ah oui, mais alors non ! Pas ceux-là ! paniqua Quentin. Ils sont vénéneux ! Un seul et paf, vous allez avoir tellement mal au ventre que vous allez en mourir ! Et moi je ne veux pas vous voir mourir ! Vous avez l'air d'être quelqu'un de bien, madame !

— Ah oui, c'est vrai que je suis quelqu'un de bien. Moi non plus je ne veux pas mourir. Qu'est-ce qu'on fait, Roger ?

L'enfant regarda le deuxième ogre avec crainte.

— Moi j'dis qu'avec une bonne sauce aux champignons, on sentira pas la différence.

— Mais vous avez écouté ce que je dis ? Je suis vénéneux ! Vous allez avoir des boutons ! Et du poil au menton ! Tellement que vous ne pourrez plus jamais manger, et vous allez en mourir ! De faim, de soif ! Vous voulez mourir ?

— Ah non, je ne veux pas mourir, répondit le géant. Mais si on peut pas te manger, on mange quoi ? J'ai faim moi.

Quentin regarda autour de lui.

— Eh bien, puisque vous avez coupé tous ces légumes, vous pourriez faire... une soupe ? C'est bon la soupe ! Maman dit que ça fait grandir et que ça rend plus fort !

— Ah ouais ? Mais elle est où la viande ? s'inquiéta l'ogresse.

— Vous vous en passez !

— On peut se passer de viande ? Ah ouais, ça c'est une révolution.

L'ogresse, convaincue, retira Quentin de la casserole et le mit sur son épaule. Sur ses conseils, les deux ogres préparèrent une bonne soupe, puis se mirent à table. En comprenant qu'ils pouvaient se passer de viande, ils vécurent plus longtemps et en meilleure santé, sans avoir besoin de risquer leur vie à aller chasser des humains.

Émus, ils demandèrent à Quentin de devenir leur ambassadeur. Lorsqu'il évoqua l'idée que les ogres pouvaient devenir végétariens, le roi des ogres rit si fort qu'il l'écrasa accidentellement sous son poing. L'histoire fut close, mais les ogres finirent par disparaître, les humains ayant décidé, quelques années plus tard, qu'il était interdit aux ogres de manger des humains. Ils moururent de faim dans leurs grottes, à l'exception de Brenda et Roger, qui avaient bien compris que la soupe pouvait résoudre leurs problèmes.

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