Chapitre 13
Lucille a lu un nombre incalculable d'articles sur les coming-out, en moins d'une heure. Son cerveau surchauffe, ses mains tremblotent d'appréhension et un maux de ventre a assailli son estomac. Depuis qu'elle a réalisé l'évidence, la jeune femme l'a testée et l'a remise en cause afin d'en vérifier la véracité. Par exemple, elle a cherché des acteurs masculins ou des mannequins qui pourraient l'attirer, mais à chaque fois elle finissait par zieuter sur les femmes. Pour répondre aux demandes de ses hormones, elle a également visionné quelques vidéos pornographiques en cachette dans sa chambre et il s'est avéré que les couples hétérosexuels ne l'intéressent pas du tout.
— Mais quelle idiote..., peste Lucie contre elle-même.
Étrangement, plusieurs jours après son éveil, elle a cessé de mal se nourrir. Elle mange à sa faim et plus encore. Le stress la pousse à vider les placards de sucreries et elle s'est trouvée une nouvelle passion pour les glaces.. A cause de la chute des températures, elle est obligée de les déguster sous un plaid. Elle qui critiquait ces filles se jetant sur des gâteaux ou du chocolat lors de leur chagrin, Lucille réagit exactement de la même façon qu'elles. Jour et nuit, elle s'empiffrerait. Le pire, c'est que son angoisse ne se tarit jamais. A l'université, elle a l'impression de porter un masque et d'être une misérable traître ; et devant ses parents, elle n'ose plus affronter leurs regards ni partager leur espace au cas où ils devineraient sa condition.
Condition, mot qu'elle utilise désormais pour évoquer son attirance envers les femmes. Elle s'est autoproclamée malade ou bizarre, elle s'est catégorisée et s'est stigmatisée mentalement. Dans sa tête, Lucille Leblanc n'est plus une personne normale, mais un individu ne respectant pas les codes de la société et qui ne doit ô grand jamais dévoiler son secret sous peine d'être exclue pour l'éternité. Entre ses parents qui ne prônent pas tout à fait la diversité dans les orientations sexuelles et son harcèlement au lycée, la jeune blonde n'a aucune envie de faire son coming-out.
Nicholas l'avait fortement encouragée de l'avouer à quelqu'un d'autre, une personne de confiance à qui elle pourrait mieux se confier qu'à lui. Lucille avait immédiatement choisi Min-Hee. Néanmoins, il lui avait fallu deux semaines pour se décider à rentrer de l'université avec le châtain. Il l'avait conduite jusqu'à la chambre de l'asiatique et elle était restée plantée là avec les pensées en vrac. La brune avait soudainement ouvert, les surprenant toutes les deux. Un bon quart d'heure à se triturer les doigts et à se mordiller la lèvre plus tard, elle avait tout déballé dans le désordre à son amie.
— Oui, je sais.
Voilà l'unique réponse de Min-Hee, stupéfiant la jeune blonde.
— Comment ça ? Comment Nicholas et toi avez su avant moi ?
L'asiatique avait médité sur la question une poignée de secondes.
— Quand j'étais encore à l'université et que nous nous changions avant notre cours de sport, tu bavais quasiment devant les gymnastes. Quand tu me racontes ton avis sur un film, tu t'étales longuement sur le physique des actrices ou sur leur façon de jouer, au contraire des hommes. Tu ne regardes pas les garçons dans les yeux et tu as mis une centaine de vents à Charlie sans même lui adresser un mot. Bon, sur ce sujet, c'est compréhensible ! Mais, bref, je croyais que tu étais au courant de ton orientation. De mon point de vue, ça me semblait logique et notoire.
Bouche bée, Lucille s'était sentie particulièrement idiote pour ne pas s'en être rendue compte plus tôt. L'asiatique l'avait rassurée.
— Tu le savais, tu l'as su à l'instant où tu es entrée dans la vie sociale avec assez de recul et de maturité pour ouvrir les yeux. De plus en plus, le tabou autour des orientations sexuelles diminue, et les enfants prennent conscience plus vite de cette réalité. Non, il n'existe pas que des couples hétérosexuels. Il arrive que des enfants s'aperçoivent de leur orientation à un jeune age, parfois des huit ans, plus ou moins, et ils paniquent ou l'acceptent. Toi, tu as paniqué et tu as tout refoulé jusqu'à ne plus t'en souvenir. Tu as enfoui tes désirs si profond dans ton âme que tu as passé des années à ne pas soupçonner tes préférences. Et c'est normal. Enfin, il n'y a pas de quoi s'en inquiéter. Maintenant, il faut seulement que tu assimiles le fait que tu es à priori lesbienne, que tu aimes les femmes et que tu ne dois plus chercher à plaire aux hommes.
— Tu...Ça ne te...? Tu resteras mon amie ?
L'asiatique lui avait lancé un regard noir.
— A ton avis ? Ai-je l'air d'une homophobe ou je-ne-sais-quoi ?
— Les coréens n'approuvent pas vraiment les différentes orientations sexuelles, n'est-ce pas ?
— Oui, mais tu oublies que je suis à moitié française. J'ai grandi avec les deux nationalités et j'ai essayé de saisir le meilleur des deux.
Min-Hee l'avait aussi éclairée sur sa relation complexe avec la nourriture.
— Laisse-moi émettre une hypothèse. Du moment où tu as ouvert les yeux à aujourd'hui, tu manges avec moins de difficulté, tu ne prends plus des portions ridicules tant elles sont petites et tu ne rechignes plus à te resservir. Ai-je raison ?
Lucille avait opiné vigoureusement du chef, abasourdie par sa précision. Puis, elle avait arboré une grimace contrite en demandant à la belle asiatique si elle l'avait découvert à sa prise de poids. Min-Hee avait froncé les sourcils.
— Je te rassure, tu ressembles encore à un semi-squelette. D'ailleurs, prendre une dizaine de kilos supplémentaires ne te ferait pas de mal ! Mais, c'est ton choix. En tout cas, je suspectais dès le premier jour que quelque chose te tracassait énormément, au point que tu ne te nourrisses presque plus. Les troubles de l'alimentation résultent de problèmes psychologiques, mentaux. Une conséquence. Tu réprimais une partie de toi et cette partie se montrait dans ton mal-être.
Min-Hee ne prononce ni mots compliqués, ni vérités hallucinantes ; pourtant, Lucie et le trio infernal la fixent avec admiration à chacune de ses interventions. La blonde avait hoché de la tête et avait bien réfléchi à ses paroles et conseils. L'asiatique avait visé juste, comme d'habitude. Sa quête de garçons s'est brutalement arrêtée et elle prête beaucoup plus attention aux filles autour d'elle, mais un détail l'empêche de profiter pleinement de sa condition. Comment reconnaître une autre lesbienne ? Les hétérosexuels ne font pas face à ce genre de dilemme. Si un homme désire une femme, il l'aborde et la drague.
Et si elle se décide un jour d'accoster une femme et que cette personne est une hétérosexuelle, ou, pire, une homophobe ? La honte. L'humiliation. Lucille se pose désormais ces questions-là. Elle les a chassées durant des années et qu'elle se prend en pleine tête tout à coup. Entre sa crise d'adolescence qui s'est terminée quelques mois auparavant et sa crise de la vingtaine qui ne tardera pas à pointer le bout de son nez, elle se confronte à la crise existentielle – celle qui abat toutes ses convictions et lui donne du fil à retordre.
Cet après-midi pluvieux, dans sa chambre, elle épluche tous les articles qu'elle croise sur le net. Comment faire son coming-out ? Que faire si nos parents nous rejettent après un coming-out ? Comment parler à ses parents de son orientation ? Quoi dire pour convaincre ses parents de ne pas nous virer de la maison ? Mais, s'ils nous virent quand même, y a-t-il des refuges ou des aides ? Autant d'informations que Lucille a recherchées. Tantôt effrayée, tantôt rassurée, elle ne sait plus sur quel pied danser. Sa relation avec sa mère s'est stoppée à la suite de l'accouchement et son père tient des discours peu élogieux sur les homosexuels, malgré une bonne entente entre eux. Conclusion : ça passe ou ça casse. Soit ils le tolèrent parce qu'elle est leur fille, soit ils la retirent du registre familial... Les parents peuvent-ils retirer leur enfant du registre familial ? La réponse d'internet la réconforte un tout petit peu.
D'abord, elle lance plusieurs vidéos de coming-out. Un garçon joue la carte de la farce. Il donne des écouteurs à ses parents avec de la musique forte et mime la révélation. Mauvaise idée, suivant. Un homme plus âgé l'annonce d'une traite et termine en larmes, insulté. Horrible idée ! Désespérée, la jeune femme tombe sur une vidéo d'une femme expliquant qu'il ne faut pas se décourager, s'enhardir, se préparer à toutes éventualités et ne surtout pas culpabiliser après coup. Si l'enfant est rejeté par sa famille à cause de son orientation, il n'est pas en faute, il n'a rien fait de mal. Ce sont les autres qui ne comprennent pas.
A partir de ces articles et vidéos, la jeune femme envisage quelques douzaines d'idées de coming-out qui se soldent toutes par un rictus dégoûté et une mine déprimée. Elle raye de sa liste la lettre manuscrite, le texto surprise, la technique du sparadrap et la devinette. Lucille se laisse chuter en arrière, s'allongeant de tout son long sur son lit. Elle fait le point. Quelle stratégie s'associerait le mieux avec sa personnalité ? Sans nul doute, ce serait la franchise par le face à face. Elle s'invente divers scénarii, mais aucun ne lui plait.
— Bon, au pire, je serai balancée dans la rue ! Tout va bien se passer, Lucie ! Respire et s'ils te détestent après, bah..., tu les insulteras et tu quitteras la maison avec cool-attitude !
Elle-même lève les yeux au ciel à sa propre phrase. Ni une, ni deux, Lucille ne s'octroie plus une minute de plus. Plus elle pense, plus sa détermination s'envole. Elle ouvre à la volée la porte de sa chambre et rejoint la cuisine d'où elle perçoit des bruits de fritures. Sa mère prépare le repas et son père regarde probablement la télévision.
— Papa ! crie-t-elle, faisant sursauter sa mère. Viens dans la cuisine, s'il te plaît !
Sa mère s'apprête à la gronder pour avoir affolé son palpitant, mais elle y renonce par lassitude. Son père se traîne mollement à la cuisine et s'assoit sans grâce sur une des chaises, la dévisageant avec curiosité. Lucille demeure pantoise un instant, debout, au milieu de la pièce.
— Qu'est-ce que tu voudras pour...?
— Stop, maman ! s'exclame-t-elle.
Ses deux parents pivotent vers la jeune femme, le front plissé, perplexes.
— J'ai un truc très important à vous dire. Alors, écoutez-moi, s'il vous plaît... En fait...
Sa respiration s'accélère et une douleur se répand dans sa cage thoracique, mais elle ne baisse pas les bras et complète :
— Je ne suis pas hétéro... Je n'aime pas les hommes... J'aime les femmes...
Ses parents ne répliquent rien, ce qui l'inquiète. Elle rajoute phrase sur phrase dans l'espoir qu'ils la coupent et expriment le fond de leur pensée une bonne fois pour toute.
— Je l'ai découvert récemment... J'ai pensé que vous devriez le savoir... Euh... Est-ce que vous avez, eh bien, un avis ? Non...? Voilà, voilà...
Sa mère inspire subitement et s'enquiert :
— Qu'est-ce que tu voudras pour le dessert ?
— C'est tout ce qui te préoccupe ?! s'insurge Lucie.
— Oui, parce que j'aimerais bien me reposer. Donc, dis-moi ce que tu veux que je puisse le préparer et me détendre ensuite !
Clignant plusieurs fois des yeux, elle n'est finalement pas étonnée par cette réaction indifférente. Sa mère se soucie peu d'elle. En réalité, elle a vécu une grossesse plutôt horrible, faite de douleurs et des complications. Le jour où elle l'a expulsée de son corps reste probablement le plus beau jour de sa vie, car elle a pu s'en débarrasser de manière définitive. L'amour qu'elle porte à son mari constitue son unique raison de ne pas ignorer sa fille. Elle ne souhaitait pas d'enfant et lui a fait comprendre à de multiples occasions. Lucille préfère cela à un rejet catégorique. Timidement, elle se tourne vers son père. Ce dernier grignote des cacahuètes.
— Est-ce que tu me détestes ? questionne-t-elle sans détour.
— Pourquoi ? Je m'en fiche. Non, en fait, le mot est mal choisi. Disons que je m'en fiche dans la mesure où tu vis ta vie. Ta mère est sûrement du même avis.
Défaite, elle lâche de façon abrupte :
— Tu n'es pas homophobe ?
— Je n'apprécie pas trop les homosexuels, c'est vrai, concède-t-il.
— Par contre, deux femmes ensemble, c'est ok ?
— Deux femmes ensemble, ce n'est pas pareil, voyons ! C'est sexy, marmonne-t-il.
Sa mère peste à sa réflexion et il regagne docilement le salon sans un regard envers sa fille. Lucille ne bouge plus pendant un moment, déconfite. En concluant que ses parents sont déjà passés à autre chose, elle remonte dans sa chambre, tel un pantin désarticulé. Sur son lit, elle scrute un point invisible au mur, livide. Tellement d'anxiété et de questionnements cruciaux pour une totale nonchalance. Et puis depuis quand deux hommes ensemble sont censés répugner et deux femmes ensemble séduire ? Elle balaye d'un revers de main le fantasme de son père, un frisson de dégoût parcourant son échine.
Mitigée et quelque peu déçue, bien qu'elle ait toujours le droit de vivre dans cette maison, Lucille songe à la prochaine étape de son éveil. Trouver une copine et expérimenter une relation qui lui convient réellement. Elle visualise toutes les filles de son entourage proche et plus lointaine qui seraient susceptibles de la captiver et d'être lesbienne. Ce deuxième paramètre la perturbe. Cependant, ce qui la trouble d'autant plus, ce sont les visages de celle qui la fascinent.
Han Min-Hee glisse dans ses pensées et les accapare subitement. Elle ne s'est jamais cachée son attrait pour la belle asiatique. Du premier jour de leur rencontre à maintenant, elle s'est sentie gênée par sa présence, à cause de son charisme et de son élégance légendaire. Sombre et ésotérique, cette fille brise de nombreux clichés et incarne tout ce qu'elle adore chez l'être humain – de la persévérance, du courage, de l'intelligence et de la perspicacité, un côté érudit et altruiste, ainsi qu'un raffinement rare. Elle penche souvent dans le négatif, tout en se dévoilant réaliste et pragmatique. Son caractère ne pourrait pas la subjuguer davantage, et elle ne compte même pas le physique. Une ligne de rêve, des cheveux magiques et des lèvres si aguicheuses sans le vouloir.
— Ouah..., soupire-t-elle. Comment j'ai pu ne pas le voir plus tôt ? N'importe quoi...
Min-Hee n'est pas la seule à occuper momentanément ses pensées. Evi Van Der Meiden y apparaît brusquement. Moins rigide, plus accessible, mais avec autant de caractère, elle possède toutes les qualités d'une femme forte. Sa joie de vivre bat à plate couture celle de l'asiatique. A noter qu'elle l'aidait à supporter les harcèlements et Lucille ne lui a guère fait confiance à l'époque, autrement elles auraient été amies depuis longtemps. Quelle erreur. Elle le regrette amèrement. Ses mèches violettes et bleues s'accordent complètement avec le message qu'elle porte : soyez comme vous êtes et faites des doigts d'honneur aux étriqués qui vous critiquent.
— Dommage qu'elles n'aiment que les hommes, se désole-t-elle.
Lucille glousse et commente :
— Il n'y a pas que moi qui fantasme sur elles !
En effet, et contrairement aux deux garçons qui sont dorénavant leur petit ami, elle n'a pas le droit de s'imaginer à leur côté. Aujourd'hui, Evi lui a confié qu'aurait lieu son rencard avec Christopher. Elle avait rassuré la tête violette, inquiète puisqu'il s'agit de son premier véritable rendez-vous.
— Ne t'inquiète pas ! Vous vous embrasserez et la tension bizarre disparaîtra !
— S'embrasser..., je note !
Il ne reste plus qu'à se dénicher une copine pour Lucie et ne pas saboter son propre rencard pour Evi. Cette dernière, sur son sofa, martèle le sol de sa jambe, incapable de se calmer. Sortir avec des garçons, faire la fête ou flirter, elle maîtrise. En revanche, si les sentiments entrent dans la balance, tout change. Elle a méticuleusement préparé son rendez-vous. En premier lieu, elle a rangé sa chambre et chaque pièce de la maison. Ne faisant pas partie des plus désordonnés, Christopher a déjà tout vu, mais elle a tout de même passé près de deux heures à dépoussiérer et nettoyer du sol au plafond.
Ensuite, elle s'est postée face à son armoire et a campé là jusqu'à ce qu'elle se décide. Après mûre réflexion, elle a opté pour la classe mêlée au charme. Vêtue d'un chemisier noir à dentelles et aux manches bouffantes rentrée dans une jupe en cuir serrée, Evi n'a pas hésité à recourir au rouge à lèvres pour ajouter la touche finale. Intérieurement, elle s'interroge sur cette tenue. Christopher l'aimera-t-il ? Mais, elle réalise en se sentant idiote que le brun connait tous ses styles par cœur. Bien qu'ils se côtoient depuis plus de trois ans, elle a l'impression que toute leur situation est devenue nouvelle, inédite et effrayante.
Alors qu'elle commençait à creuser un trou dans son sol à force de le brutaliser, la sonnette retentit. Evi se lève d'un bond et court pour ouvrir. Elle jette un coup d'œil à l'horloge. Dix-sept heures pile. Qu'il est ponctuel ! Ce qui ne lui ressemble pas. Elle doute, impossible qu'il ne soit pas un minimum en retard. Contre toute attente, c'est bel et bien Christopher. Les ongles rongés, il est évident que le brun éprouve cent fois plus de trac qu'elle. Les deux se saluent à la façon de deux robots cassés et elle le conduit machinalement au salon où ils prennent place.
— Tu veux boire ?
— Non merci.
Il n'a pas ôté sa longue veste, immobile sur le canapé et droit comme un piquet. Ils ont sélectionné la maison d'Evi pour lieu de rendez-vous afin d'éviter les endroits trop stéréotypés, mais en fin de compte ils regrettent tous les deux le classique cinéma ou le restaurant romantique.
— Qu'est-ce qu'on fait d'habitude ? balbutie-t-il.
— Eh bien..., on sort ou on discute, mais...il y a toujours Nicholas avec nous.
— On devrait l'appeler ?
Par automatisme, il attrape son portable. Christopher s'aperçoit de sa bêtise au regard foudroyant de la jeune femme. Embarrassé, il le remet rapidement dans sa poche.
— Tu es très jolie, relève-t-il.
— Toi aussi.
Pour une fois, il a fourni des efforts considérables en s'habillant d'un pantalon basique mais qui n'est pas troué et d'une chemise repassée. Evi en serait presque impressionnée. Que ce soit sa tenue soignée ou sa gêne apparente, son attitude prouve à la jeune femme que ce rendez-vous lui importe autant qu'à elle et qu'il est très sérieux à ce propos. D'un côté, cela la réconforte, puisqu'ils se retrouvent tous les deux avec les mêmes sentiments et dans une timidité similaire. D'un autre, elle aurait aimé qu'il joue à l'idiot pour les décrisper.
— Et si on couchait ensemble ?
La proposition d'Evi, aussi brusque soit-elle, choque Christopher qui, les yeux écarquillés, la dévisage de haut en bas. Pour se justifier, elle bredouille :
— Pour enlever cette tension entre nous... Je pense que faire l'amour au début nous permettrait de nous...dérider !
Christopher blêmit. Techniquement, elle n'a pas tort. Entre eux plane un nuage sordide mélangeant l'appréhension du premier rendez-vous et une tendresse longtemps contenue, ainsi qu'un désir hésitant. Aucun des deux ne sait comment le gérer et cela donne cette situation singulière où ni l'un ni l'autre ne parvient à éliminer la raideur dans leurs muscles.
— Il me faut un verre ! souffle-t-il.
Bien heureuse de quitter le sofa, elle se rue dans la cuisine. Evi ressent une sensation de bien-être dès que sa mère n'est pas à la maison et qu'elle peut en profiter toute seule. Or, cet après-midi, elle perd tous ses repères. Adossée à son réfrigérateur, elle peste contre ses réactions louches et sa proposition éhontée. En plus, elle n'est pas du tout prête !
— Mais, quelle idiote ! murmure-t-elle en boucle.
Distraite, elle sert un verre de soda au brun ; elle lui aurait bien suggéré un alcool, mais les quelques bouteilles restantes appartiennent à sa mère et elle ne l'agacerait pas en piochant dans ses réserves. Evi revient dans le salon en lui tendant la boisson fraîche qu'il boit d'une traite.
— Il fait chaud ! déclare-t-il pour expliquer sa soif.
— Je n'ai pas mis le chauffage et il fait un froid de canard cette semaine, marmonne-t-elle.
Christopher se tait pour de bon, ne voulant pas prononcer l'absurdité de trop. Il repense au raisonnement d'Evi. S'ils couchaient ensemble tout de suite, probablement supprimeraient-ils le trouble entre eux, mais il transpire à grosses gouttes rien que de l'imaginer. L'assaillant de nulle part, l'intégralité de sa confiance en soi s'évapore lâchement. Il craint de ne pas la satisfaire, de la blesser, de la décevoir aussi et toutes ces incertitudes le paralysent. Le brun redevient le garçon mal assuré qui n'avait connu aucune fille à l'époque et il déteste cela. Il peut désappointer n'importe quelle femme, mais pas celle-ci ; il n'a pas le droit à l'erreur avec elle.
— Chris...
Sa voix chevrotante l'interpelle. Il braque aussitôt son regard sur le profil d'Evi, penaude.
— Est-ce que tu as subi d'autres crises d'angoisse ? Tu n'en parles jamais.
Instantanément, son indécision se dissipe et ses désirs s'enterrent de nouveau en lui.
— C'est ce qu'on appelle casser l'ambiance, maugrée-t-il.
— Il n'y avait pas d'ambiance, rétorque sèchement Evi. Et je m'inquiète pour toi. Tu ne mentionnes pas tes crises et tu gardes tout à l'intérieur. De temps en temps, quand tu n'arrives pas à ensevelir tes émotions, tu peux les décharger en te livrant à moi... Je serai là si tu as besoin d'une épaule.
Elle ne regarde pas, mais Evi devine le regard du brun sur elle. Il la contemple en silence. Naturellement, il se penche vers la jeune femme et replace une de ses mèches derrière son oreille. Elle pivote légèrement, mais est prise de court par un délicat baiser sur la joue. A son oreille, il susurre :
— Merci de te soucier de moi, Evil. Je vais plus ou moins bien. Les crises n'ont pas recommencé et mon moral décolle de plus en plus récemment. En grande partie grâce à toi !
Soulagée, elle hoche la tête de façon machinale. Christopher recule quelque peu, lui rendant un brin d'espace. Une question le chiffonne depuis septembre et puisqu'ils se sont aventurés sur le terrain dangereux des traumas, il s'y risque à son tour.
— Et en ce qui concerne la fête de Nathan ? Tu ne retournes plus en boite de nuit, j'en déduis que tu n'es pas encore à ton aise avec des garçons. Est-ce...ma présence te dérange ? Je suis loin de m'opposer à faire l'amour maintenant, mais...tu en serais capable ?
Cet été, son esprit n'obéissait pas et répétaient inlassablement cette affreuse scène, comme pour la torturer et ancrer ce souvenir dans sa mémoire jusqu'à la fin de ses jours. Quelquefois, une douleur attaquait sa gorge et ses voies respiratoires, elle se blottissait dans son lit et n'en ressortait plus jusqu'au lendemain. Il a fallu un moment pour qu'elle puisse observer un individu de sexe masculin sans animosité. Elle se cachait chez elle et cet abus sexuel n'a cessé de lui provoquer des angoisses en fermant les yeux, une peur constante en sortant et a également engendré une courte dépression de laquelle elle s'est rapidement et avec bravoure extirpée.
Avec du recul, elle a relativisé. D'autres femmes et hommes sont victimes de bien pire. Néanmoins, cet événement est gravé à l'encre noire dans sa tête et elle choisit avec soin les hommes qu'elle approche. Ceux qui l'effraient ou dont elle se méfie, Evi les évite. Elle ne souffre plus de honte et n'endure plus cette culpabilité qui la bouffait ou détruisait ses barrières psychologiques. Elle ne se croit plus impliquée dans l'agression, c'est-à-dire qu'elle a pris conscience des vrais fautifs. En somme, sa perception de cette fâcheuse et horrible journée s'est altérée pour le meilleur en la dévoilant à ses amis. Elle ne fréquente plus les boites de nuit, mais supporte certains contacts physiques avec de simples connaissances ou inconnus sans tressaillir.
— Je n'ai pas tenté. J'ignore donc quelle serait ma réponse à...eh bien...toi qui me... Voilà quoi.
Formuler l'acte par des mots concrets n'est pas facile pour eux. Christopher réfléchit moins d'une dizaine de secondes et un éclair de génie le frappe – ce qui n'est possiblement pas une bonne nouvelle.
— Oh, et puis zut !
Saisi par une impulsion, il glisse doucement ses mains autour de son visage et s'avance vers elle sans se détourner. Evi rougit sans le contrôler. Elle le laisse faire, curieuse de ses prochains gestes. Tandis qu'il passe sa langue sur ses lèvres sèches, elle zieute sur celles-ci et s'empourpre d'autant plus. Elle n'avait pas remarqué que sa bouche l'attirait à ce point. Lentement, il comble les derniers centimètres et les plonge dans un baiser langoureux, sautant l'étape du smack peureux. Il entremêle leurs langues et ne tarde pas à l'entraîner dans une cacophonie de plaisirs.
Sceptique, la jeune femme n'avait pas compris l'engouement envers les baisers et les actes sexuels en général. En visionnant des séries ou des films où deux acteurs s'embrassaient passionnément, elle trouvait leurs comportements exagérés et invraisemblables. Qu'elle se trompait ! Les lèvres de Christopher s'activent avec volupté sur les siennes. Elles la désorientent, chamboulent tous ses sens et si elle ne se tenait pas à lui, elle se serait égarée.
Il se stoppe et demande comment elle va. Evi ne répond pas tout de suite. Je crève d'envie que tu continues et que tu ne t'arrêtes plus, tu es le premier et unique homme que je désire, je t'aime trop pour paniquer entre tes bras ; elle pourrait lui dire tout cela, mais plus une seconde ne doit être gaspillée. Elle refuse d'être séparée de lui. La jeune femme efface l'espace entre eux en enjambant les cuisses de Christopher qui, émerveillée, se fige en admirant le corps si proche de la femme pour laquelle son désir brûle.
— Apparemment, tout va bien ! raille-t-il.
Elle lui sourit, espiègle, et l'embrasse à pleine bouche. Cette initiative le déconcerte brièvement, mais il s'y accommode sans difficulté et réplique avec ardeur à chacun de ses baisers. Ses mains malicieuses descendent peu à peu dans son dos jusqu'à s'accrocher à ses hanches et sortir son chemisier de la jupe, caressant de ses pouces sa peau dénudée. Elle frémit, mais ne parait pas dégoûtée. Christopher part du principe qu'elle tolère très bien ses touchers, qu'elle les réclame et par conséquent il lui accordera le moindre de ses souhaits.
— Si ta mère rentre plus tôt, je suis mort ! s'écrie-t-il entre deux baisers.
— Chris, merde, ne mentionne pas ma mère quand tu m'embrasses !
Cependant, il a raison. Elle se lève et tire sur sa chemise pour qu'il l'imite. Sans lâcher les lèvres de l'autre, ils titubent en direction de sa chambre. Irritée de se cogner aux murs, elle se détache de lui, ronchonne et se dépêche de fermer la porte derrière eux en un claquement qui fait trembler la maison. Ils reprennent sur-le-champ leurs baisers et Christopher ne retient pas son envie de soulever son haut. Dans l'optique de ne pas la brusquer, il se contente de frôler son ventre, mais l'impatience de la jeune femme la fait craquer. Elle ouvre habilement tous les boutons de son chemisier et ne s'attarde pas sur ceux du brun. En une minute top chrono, ils finissent à moitié nus l'un contre l'autre.
Il n'avait pas présagé qu'elle serait aussi autoritaire dans leurs échanges. Au lieu de lui déplaire, cela l'excite plus que prévu. Christopher frissonne lorsqu'elle pose les paumes de ses mains sur son torse. Sous l'intensité de leurs baisers, elle le serre inconsciemment, stimulant sans le savoir une zone érogène qu'il n'avait pas soupçonnée, ses pectoraux. Ses ultimes restrictions sont pulvérisées, et il la pousse doucement en arrière. En sentant son matelas moelleux sur ses genoux, elle tombe à la renverse et il la suit sans hésitation.
— Jusque-là, je maîtrisais à peu près, chuchote-t-elle. C'est à toi de prendre le relais.
Christopher perçoit sans mal le sous-entendu. Elle exige purement et simplement qu'il lui fasse vivre monts et merveilles. Sans prétendre aux cieux, il peut au moins assouvir la plupart de ses désirs et c'est pourquoi il s'autorise à afficher un large sourire, s'insufflant autant de confiance que possible. Ce rictus enflammé envoûte Evi. Un pique de stress vient la titiller, mais elle le chasse vivement. La chaleur de son corps, le familier de ses yeux, l'assurance de ses gestes, comment s'effarouchait avec lui ?
Il l'embrasse derechef en s'abaissant petit à petit. Christopher poursuit les baisers sur la ligne de sa mâchoire, laissant une traînée humide à son passage. Les paupières closes, elle s'abandonne entièrement à lui. Les sensations se décuplent, en particulier quand il dévore la peau tendue de son cou. Il joue avec ses clavicules et remonte à son lobe d'oreille. Toujours en mouvement, elle peine à ne pas sombrer. Son parcours désordonné est en fait méticuleux et il sait parfaitement ce qu'il fait, insistant sur chaque parcelle qui lui procure un vertige de plaisir.
Pendant que sa bouche est occupée à la déboussoler, ses mains s'amusent avec son soutien-gorge. Christopher essaie de ne pas fixer la dentelle et le transparent du tissu pour rester maître de lui-même. Comment a-t-il pu patienter toutes ces années ? Il ne se remet pas de sa beauté. Peut-être que l'amour l'aveugle ou exacerbe son ressenti, mais il mourait pour cette fille. Il en est certain aujourd'hui. Avec agilité, il défait les agrafes et se débarrasse du sous-vêtement. Evi sursaute quelque peu au souffle du brun sur ses seins, mais il accapare de nouveau ses lèvres pour la distraire.
Il empoigne lascivement sa poitrine, la massant. Leurs jambes s'entrelacent et leurs intimités se rencontrent avec exaltation. Il fait exprès de bouger afin que son torse effleure la pointe de ses seins. Ses tétons se dressent pour la première fois, mais elle n'a même pas le temps de s'en apercevoir. Christopher s'éloigne de sa bouche et assène le coup de grâce.
Sans prévenir, il lèche son téton et le suçote avec passion. Evi se noie pleinement dans ce nouveau plaisir, mais elle n'est pas au bout de ses surprises. Christopher discerne le gonflement de son sexe dans son pantalon par une impression d'étroitesse. Il se relève et l'enlève sous les yeux vitreux de la jeune femme. Concentré sur sa tâche, il croise presque par hasard son regard et son cerveau ne fonctionne plus durant une minute. Incapable de se soustraite à cette vue, il note ses courbes attrayantes et ses seins qu'il veut goûter une fois de plus. Les cheveux en pagaille, éparpillés sur son coussin, il admire le plus séduisant de tous ses fantasmes.
— Evil, je viens d'avoir une vision de nous deux. Je me suis inventé toute notre vie ensemble, ça va être formidable !
Son intervention stupide doublée de son air déconfit la fait exploser de rire. Ces éclats cristallins sonnent comme du miel. Christopher se ressaisit et termine de jeter son pantalon dans un coin de la chambre. Il se cale immédiatement entre ses jambes et caresse sa joue sans un mot.
— Tu me raconteras le projet plus tard.
Il acquiesce et se penche vers ses lèvres, mais dévie sur ses seins qu'il adore, visiblement. Elle se recouche et se mord la langue pour ne pas couiner. Dès qu'il quitte un de ses tétons, il satisfait le second, la poussant toujours plus loin dans le plaisir. Toutefois, elle ne s'était pas préparée à la suite. La fermeture éclair de sa jupe s'ouvre sous les mains expertes du brun et elle constate avec un brin de stupeur qu'un dernier sous-vêtement la couvre. Christopher se moque royalement et caresse l'intérieur de sa cuisse. Plus il s'approche de son intimité, plus elle tremble.
Un gémissement s'échappe de ses lèvres, à l'instant où sa main se faufile dans sa culotte et joue avec son intimité. Avec désarroi, elle se rend compte de l'humidité de son sexe. Elle en fronce les sourcils. Sa façon naïve de réagir le fait rire contre sa peau. Il se demande ce qu'il devrait tourmenter en premier, son clitoris ou son intérieur mouillé et si accueillant. Christopher se décide assez vite et un doigt s'introduit avec une immense précaution en elle. Evi en devient pantelante. Pour la détendre, il l'embrasse encore et encore. Il tente quelques va-et-vient.
De moins en moins active dans les baisers, ses membres se transforment en coton et elle ne semble plus diriger son corps. Elle ondule et il ne résiste pas à l'envie d'enfoncer un deuxième doigt, profondément dans son intimité. Son expérience avec Nicholas dénué de tout sentiment ne représente clairement rien pour elle ; Evi est envahie par le désir et elle aimerait lui rendre le plaisir, mais il augmente avec une malicieuse cruauté sa vitesse et elle en perd la tête. Des bruits humides se dégagent de son intérieur. Christopher se restreint pour elle, mais son sexe pulse dans son sous-vêtement et il ne pense plus qu'à une chose – lui faire l'amour et les propulser jusqu'à l'orgasme. Il en a tellement rêvé.
— Evi !
Elle entend dans sa voix du désespoir.
— Est-ce que je peux ?
Quelle question ! se dit-elle. La jeune femme lui donne son accord pour un gémissement tout autant désemparée. La culotte vole quelque part dans la chambre, rejointe par son sous-vêtement. Nus et enfin prêts à passer à l'acte, elle ne ressent plus les va-et-vient délicieux de ses doigts et grogne en couinant des mots incompréhensibles. Adorable, voici le seul mot auquel il pense. Christopher obtempère à son ordre muet et s'apprête à entrer en elle, mais il se pétrifie brutalement.
— La capote ! crie-t-il, au bord des larmes.
Elle pointe le tiroir de sa table de chevet, fière d'avoir anticipé. Christopher en sauterait de joie. Il l'embrasse et saisit le préservatif qu'il enfile d'un coup. Cette fois, il calme son cœur près de l'implosion et se positionne face à son intimité. Il désire baisoter toutes les parties de son corps, surtout celle-là, et envisage de prolonger les préliminaires. Puis, il se souvient que tous les deux possèdent tout le temps du monde et qu'ils expérimenteront un autre jour tout ce qu'ils ne font pas maintenant. Réjoui par cette perspective, il la pénètre avec prudence et considère toutes ses expressions faciales.
Ses muscles se relâchent en notant l'extase sur les traits de son visage. Le brun dépose une traînée de baisers de ses seins à sa bouche tout en se déplaçant lentement d'avant en arrière. Ses parois se contractent, faisant geindre Christopher. Son intérieur n'arrête pas de s'humidifier et le bruit la rend complètement folle. Fiévreuse, elle l'enlace afin de le rapprocher de son corps embrasé. Si son esprit délire à chaque va-et-vient, il n'en mène pas large. Il ne mesure plus le temps et ne sait pas pendant combien de temps il se délecte de son intimité étroite, embrassant sans se lasser sa bouche haletante. Il ne cède pas à son sexe qui veut déjà se vider. Leurs respirations chaotiques résonnent dans la chambre.
L'excitation de Christopher atteint son paroxysme, tandis qu'il s'enfonce au plus profond et qu'elle se contracte toujours plus. Une main se fraye un chemin entre eux et fait la rencontre de clitoris. Ce dernier succombe à la stimulation et Evi en est électrisée. Une vague de plaisir, bien plus puissante que les précédents, la pulvérise et gémit tout en serrant les parois de son intimité avec frénésie. Le brun ne tient plus et jouit à son tour dans le préservatif en quelques va-et-vient suaves.
Evi continue de gémir, alors que Christopher ne bouge plus, épuisé. L'orgasme de la jeune femme persiste une poignée de secondes et il n'en perd pas une miette, flattant son corps fébrile de ses yeux amoureux. Il sourit bêtement en sortant de son intimité et en s'allongeant à côté d'elle. Il l'étreint et se colle contre elle, respirant dans ses cheveux senteur de rose. Elle finit par s'en remettre et déclare soudainement :
— Tu vois, la tension a disparu maintenant !
Il glousse et l'embrasse tout en lui clamant des je t'aime. Christopher n'a jamais été aussi heureux qu'en ce jour. Pour la première fois depuis longtemps, il discerne les effets doucereux de l'amour. Evi lui rend l'étreinte. Nathan et ses infâmes amis, sa mère et ses critiques maladroites, tout lui parait bien loin. Elle se maudit d'avoir ignoré son affection et se promet de ne plus le faire attendre
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