Chapitre 5 - Hallucinations

Je pousse un cri strident avant de sortir de la salle de bain en claquant violemment la porte. Je recule jusqu'à mon lit où je me laisse choir, totalement hébétée.

Quelques secondes plus tard, mon père débarque en trombe dans ma chambre.

— Luna qu'est-ce qui se passe? Pourquoi tu as crié? lâche-t-il complètement à cran.

Je pointe la porte de la pièce avoisinante, incapable de dire un mot. Mon père me regarde incrédule et doucement, il tourne la poignée de la porte menant à la salle d'eau avant de l'ouvrir complètement. Je ne suis toujours pas capable de formuler quoi que ce soit lorsque mon père s'émerge entièrement dans la pièce.

Je vais lui devoir des explications que je n'ai pas.

Je devrais lui raconter tous les évènements étranges qui sont arrivés depuis qu'on a débarqué dans cette maudite ville.

Cela fait un moment maintenant que mon père a disparu et il n'a toujours pas dit un mot sur ce qu'il a découvert. Je sais que je devrais le rejoindre, mais mes jambes sont trop tremblantes pour supporter mon poids.

Je sursaute presque quand la tête de papa surgit du cadre de la porte. Il me regarde les sourcils froncés.

— Je ne suis pas certain de comprendre ce qu'il y a de si terrifiant là-dedans.

Je le toise, intriguée par sa réaction. L'assurance me regagne et je réussis à me rendre dans l'embrasure de la porte.

Le miroir est intact et les lettres rouge sang ont disparu. Ma mâchoire s'ouvre, mais aucun son n'en sort.

Est-ce que j'ai halluciné tout ça?

Mon père est debout les bras croisés. Il attend visiblement une réponse de ma part. Je n'ai plus aucune preuve qui montre ce que j'ai vu, je décide donc de mentir.

— Il y avait... une souris.

— Une souris?

C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit.

Mon père inspecte du regard une dernière fois la pièce.

— Avec le cri que tu as poussé, elle doit être loin maintenant, dit-il en riant.

Je force un sourire.

— Si tu veux, je peux installer des trappes.

— Non, ça va, je descends manger dans quelques minutes.

Il hoche la tête et tourne les talons, mais je l'arrête avant qu'il n'ait le temps de franchir la sortie.

— Dit papa, comment on sait si on est en train de rêver?

Il semble amusé par ma question totalement hors sujet.

— Moi je me pince le bras.

Je me remémore mon rêve dans la forêt. J'avais ressenti la douleur de la morsure et l'air glacial sur ma peau, et pourtant ce n'était qu'un rêve.

Du moins, je crois...

— Il n'y a pas un autre moyen? tentais-je.

Papa semble réfléchir un instant.

— J'ai déjà entendu dire qu'on avait toujours plus de doigts dans ses rêves.

Puis, il sort de ma chambre pour descendre au rez-de-chaussée. Je place ma main droite devant mon visage.

Un, deux, trois, quatre et cinq.

Le compte est bon, je ne rêve pas.

Je ne peux même pas décrire comment je me sens en ce moment. C'est comme si j'étais au cœur d'une tornade d'incompréhension et de peur.

J'ouvre la caisse où se trouvent mes vêtements et je prends les premiers morceaux qui se trouvent sur le dessus. Il s'agit d'un jeans noir et d'un chemisier blanc. Je passe rapidement des coups de brosse dans mes longs cheveux ambrés et je m'habille en vitesse.

Quand je rejoins la cuisine, mon père est déjà assis avec son café, un journal entre les mains. Je prends place devant le bol de céréales qui m'attend. L'appétit me manque, alors je me force à prendre une bouchée de mon petit déjeuner.

***

Le reste de la journée passe rapidement. Je me suis occupée du mieux que j'ai pu en enchainant les cartons. Dès que je prenais une pause, les images de la veille me revenaient en mémoire et hantaient mes pensées. Mon père ne s'est pas plaint de ma productivité et pour nous récompenser il a commandé une pizza et m'a offert mon gâteau d'anniversaire. Je n'avais pas le cœur à la fête, alors j'ai mangé et souris pour lui faire plaisir. Une fois la nuit tombée, je me suis réfugié sous ma couette et j'ai attendu que le jour se lève.

***

Cela fait bientôt une heure que je suis dans le bureau du directeur pour compléter mon inscription à Beacon Hills High School. L'homme grassouillet assis devant moi me bourre le crâne de toutes les règles et différents programmes offerts par l'établissement. J'écoute seulement d'une oreille son discours et je hoche parfois la tête afin qu'il pense que je suis attentive.

— Je vois que vous êtes inscrite en AP biologie, dit le directeur le nez dans mon dossier, savez-vous vers quel métier vous orienter?

— Non, pas encore, mais ça pourrait m'être utile.

— Effectivement. Bon, le temps file, je vais vous demander de me suivre. Je vais vous montrer où se déroule votre premier cours.

Je suis le directeur à travers les couloirs. Je remarque que celui-ci est particulièrement essoufflé lorsque nous montons les derniers escaliers.

Nous arrivons devant une porte et le principal toque à trois reprises. Je serre mes mains ensemble, me présenter devant une salle remplie d'inconnus est de loin le truc que je déteste le plus au monde.

Une femme ouvre la porte et me sourit de ses dents blanches.

— C'est notre nouvelle élève, Luna Winchester, dit-il à la femme que je suppose, vu son âge, être l'enseignante.

La femme aux cheveux bruns m'invite poliment à entrer dans sa classe, tandis que le directeur repart en direction de son bureau.

Mes joues se teintent d'une douce couleur rosée quand je sens tous les regards se braquer sur ma personne.

— Voici notre nouvelle élève, Luna Winchester, annonce-t-elle d'une voix claire à l'ensemble des étudiants. J'espère que vous lui ferez le meilleur des accueils.

Personne n'a l'air impressionné par mon arrivée et cela me permet de relâcher un peu la pression.

— Il reste une place libre à côté de monsieur Raeken, me dit-elle en pointant un bureau au fond de la classe.

***

Elle est là, la fille de l'autre soir.

Celle qu'il a aperçue dans l'embouteillage, celle qu'il a recroisée sous le préau.

Celle qui a tout vu.

Le jeune homme lève sa main lorsqu'il entend la professeure l'interpeler et un léger sourire se forme sur son visage lorsqu'il voit les traits du doux visage de la jeune fille se décomposer en le reconnaissant.

***

Le concerné lève la main pour me montrer où je dois aller, mais quand mon regard croise le sien, mon cœur rate un battement.

C'est Theo.

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