Chapitre 4 - Terreur Nocturne
Soudainement saisi par un regain d'énergie, je me relève en un claquement de doigts. La brune me toise bizarrement.
— C'est qui elle?
Je pose mon regard sur chacun d'entre eux sans trop savoir comment réagir. Ils ont tous l'air plus surpris que menaçants. Mes yeux restent un plus long moment accrochés sur le dénommé Theo.
— Ça fait longtemps que tu es ici? me demande Scott.
Ma tête réfléchit à toute vitesse à une solution pour me sortir de ce merdier. Si je leur réponds que oui, je n'ose même pas imaginer toutes les tortures qu'ils pourraient m'infliger pour me garder sous silence.
— Non, je... je viens tout juste d'arriver, bluffais-je.
— Elle ment, lâche sèchement la brune. Son cœur s'est accéléré.
Je déglutis avant de m'enfuir comme si le diable est à mes trousses.
— Elle se sauve! crie la brune dans mon dos.
— N'y va pas Malia, entendis-je aussi.
Scott, Stiles, Malia et Theo. J'ai désormais quatre noms à donner à la police.
***
Cela doit faire plusieurs minutes que je cours sans savoir où aller. À force de zigzaguer entre les bâtiments, j'ai perdu mon chemin et j'ai l'impression d'encore plus m'enfoncer dans cette ville complètement inconnue. Je m'arrête quelques instants, trop épuisée pour continuer. Par chance, personne ne semble m'avoir suivi. La morsure sur ma cheville recommence à me faire atrocement mal, comme si elle veut me rappeler sa présence.
Une voiture sort de nulle part et braque ses phares sur moi. Je dois placer mes mains devant mes yeux pour éviter d'être aveuglée.
La portière s'ouvre et le conducteur débarque. Je ne vois qu'une grande silhouette noire à cause de la puissance de la lumière.
— Luna, dit l'homme d'une voix autoritaire.
Une boule d'émotion se forme dans ma gorge. Cette voix je la reconnaîtrais entre mille.
Je me hue dans sa direction et saute dans les bras de mon père. Je le sers fort contre moi, soulagée de ne plus être seule. Si le but de mon père était de me réprimander, il se retient et préfère me rendre mon étreinte.
— Tu peux m'expliquer où tu étais? me demande doucement mon père. L'embouteillage s'est débloqué et tu n'étais plus à la cabine téléphonique. J'ai fait plusieurs rues pour te retrouver, tu ne sais même pas à quel point je me suis inquiété.
C'est plus fort que moi, je me mets à pleurer comme une fillette. Je me fiche d'avoir l'air d'une enfant qui se fait consoler par son papa. Pour l'instant je veux simplement oublier cette terrible histoire.
— Tu peux me dire pourquoi tu es si effrayée?
Ces bêtes.
Ce n'est pas le moment de rester au beau milieu de nulle part. Nous devons nous mettre à l'abri avant qu'elles nous retrouvent.
— Rien, j'ai seulement eu peur d'être perdue et avec cette pluie et la fatigue j'ai craqué, mentis-je en me dégageant de ses bras.
Je ne sais pas s'il me croit, car il n'ajoute rien. J'entre dans la voiture et papa ne tarde à me suivre. Nous regagnons la grande route en silence. Je n'ai envie de parler à personne de ce que je viens de voir. Les images sont tellement fraiches dans ma mémoire que j'en aie un haut-le-cœur.
— Joyeux anniversaire Luna, dit finalement mon père au bout de quelques minutes.
Je jette un coup d'œil à l'heure sur le tableau de bord qui affiche 00 h 01. Avec toutes ces péripéties à n'en plus finir, j'ai oublié que j'allais enfin avoir 18 ans.
Je remercie poliment mon père avant de fermer les yeux et déposer ma tête sur la vitre froide. Mon père décide de ne pas poursuivre la conversation et de me laisser me reposer.
***
Je suis sur le point de m'assoupir quand la voiture s'immobilise.
— On est arrivé, murmure mon père en me secouant le bras.
J'ouvre lentement les yeux pour me trouver face à une maison en pierre comportant deux étages. Son toit en pignon me charme immédiatement et je ne peux m'empêcher d'être surprise par sa grandeur.
— Ce n'est pas un peu gros pour deux personnes?
— Elle a l'air plus grande qu'elle ne l'est en réalité, mais avec le prix auquel je l'ai obtenue c'était impossible de refuser.
Être devant notre nouvelle habitation ne fait que concrétiser cet énorme changement à ma vie. Il y a quelques mois, quand mon père m'a annoncé le déménagement ça ne m'avait fait ni chaud ni froid. Je n'ai jamais eu énormément d'amis à mon ancien lycée et de toute manière, je préférais rester solitaire avec mes écouteurs et mes bouquins. D'ailleurs, pour ma fête d'anniversaire et d'au revoir qui s'est déroulée plus tôt dans la journée, mes seuls invités étaient trois personnes de mon cours d'été avec lesquels j'étais en équipe pour un travail.
Mon père descend de la voiture et je fais de même en apportant une boite contenant mes derniers effets personnels. Nous nous rendons vers les quelques marches de pierre menant à la porte principale de la maison.
À l'intérieur, des cartons traînent partout. Tellement, qu'il est difficile de se mouvoir entre les pièces. Papa s'était hâté quand il était venu avec le camion de déménagement quelques jours auparavant et il avait seulement déposé grossièrement les boites dans leur pièce respective. Je ne l'avais pas accompagné, car je devais terminer mes examens de rattrapage.
— On va avoir beaucoup de boulot à tous ranger ça demain, dit mon père en contemplant le désordre.
Je hoche la tête en chevauchant un tapis roulé. La boite que j'ai dans les bras me déséquilibre et en tentant de ne pas tomber sur les fesses ma cheville heurte de coin d'un mur. Je grimace de douleur et la réalité me rattrape bien vite. Le bas de mon pantalon est taché de sang séché. Étonnamment, mon père ne l'a pas encore remarqué.
—Je suis fatiguée, lâchais-je. Ma chambre est à l'étage?
— Oui, la dernière porte au bout du couloir. Ton lit est en place, il ne reste qu'à mettre les draps, dit mon père en se dirigeant vers la cuisine avec un carton dans les mains.
Je ne prends même pas la peine de lui répondre que je gravis déjà l'escalier. Une fois dans la chambre au bout du couloir je laisse tomber la boite sur le matelas et je me hue dans la salle de bain attaché à ma chambre. Quand mon père m'avait montré les photos de la maison, j'avais précisément choisi cette chambre pour sa salle de bain personnelle.
Je ferme et verrouille la porte avant de retirer mon jeans et de m'asseoir sur le bord du bain. Ma blessure ne saigne plus depuis un moment, car elle a déjà commencé à crouter. Je grimace quand je dois la frotter sous l'eau.
Je m'arrête seulement lorsque l'eau du bain troque sa couleur rosée pour redevenir translucide. Les serviettes et la trousse de premiers soins se trouvent dans une des centaines de boites présentes dans la maison. Il est donc impossible pour moi de bander ma plaie pour la nuit, à moins de créer un total fouillis et d'éveiller les soupçons de mon père.
La fatigue me saisit d'un coup et je puise mes dernières sources d'énergie pour rouler mon pantalon en boule et le lancer dans le fond du cabinet se trouvant sous l'évier et ensuite je me traîne jusqu'à mon lit où je m'effondre. Placer les draps est une tâche trop exigeante pour le moment, je me laisse donc sombrer dans le sommeil sans couverture ni oreiller.
***
Dans sa chambre, une jeune fille blonde dort paisiblement. Soudainement, son corps fragile se redresse brusquement, comme si elle venait tout juste de se réveiller d'un terrible cauchemar. Seulement, l'adolescente est loin d'être éveillée. Ses paupières sont toujours closes et son esprit est ailleurs. Ce phénomène courant s'appelle somnambulisme. Rien n'est donc alarmant lorsque la jeune fille fouille dans une boite et se dirige machinalement vers la salle de bain, un petit objet au creux de sa paume.
Devant le miroir, ses yeux sont révulsés, comme s'ils tentaient d'observer l'intérieur de son crâne. Malgré l'absence de ses iris, l'adolescente semble se contempler. Ses deux mains s'agrippent férocement contre les parois de la vanité, jusqu'à blanchir ses jointures.
***
Je me retrouve au centre d'une énorme pièce. Tout autour de moi est d'un blanc immaculé : plafond, mur, sol, j'en suis aveuglée. Cette pièce ne comporte ni portes ni fenêtres, je suis prise au piège.
Mes pieds parcourent quelques pas hésitants, tandis que mon regard inspecte encore l'endroit.
Devant moi, apparaît comme par magie une souche d'arbre. C'est de loin la plus large souche que j'ai vue de toute ma vie. Son diamètre doit facilement approcher du trois mètres, mais ce qui me surprend le plus, c'est le magnifique loup blanc qui est étendu sur le dessus et qui me fixe de ses yeux perçants.
Bizarrement, cette fois je n'ai pas peur. Je me sens plutôt en confiance dans cet environnement. J'ai l'impression que nos deux esprits connectent parfaitement et que je dois me rapprocher encore plus de cette mystérieuse souche et de l'animal.
Je m'étonne d'avancer vers eux d'un pas décidé.
Je tends la main pour caresser le museau du loup et avant que mes doigts n'effleurent son pelage, une voix résonne dans ma tête.
— Luna, réveille-toi.
***
Quand j'ouvre les yeux, je vois le visage de mon père au-dessus de moi.
— Bon enfin tu décides de te réveiller.
La lumière du jour baigne dans la chambre sans rideau et j'ai l'impression de n'avoir dormi que cinq minutes.
— Je t'ai fait des céréales spéciales anniversaire, alors si j'étais toi je descendrais avant qu'elles ne ramollissent, dit moi père en me faisant un clin d'œil. Et bon sang, fais ton lit quand tu te couches! Ou au moins, prends un oreiller avant de te créer un torticolis. Je ne pensais pas qu'à tes 18 ans je devrais encore venir te border.
Je ris lorsque je constate que j'ai bien une couverture sur le corps et un coussin derrière la tête.
— Désolée papa, j'étais trop fatiguée pour ça hier soir.
— Dans ce cas j'espère que tu t'es bien reposé, parce qu'on a du pain sur la planche aujourd'hui. Je t'attends en bas.
Et il sort de la pièce.
Un frisson me parcourt.
S'il m'a bordé, il a forcément vu la morsure sur ma cheville. Je pousse violemment la couverture au bout du lit et mon cœur rate un battement lorsque je découvre ma cheville complètement intacte.
Tout ceci n'était qu'un rêve.
Un sourire fend mon visage et des larmes de soulagements coulent sur mes joues.
Je me jette sur mes pieds et aucune douleur ne survient. Sans me contrôler, je fais une petite danse de la victoire en me dirigeant vers ma salle de bain. Cependant, lorsque j'ouvre les lumières mon sourire disparaît immédiatement.
Le miroir de l'évier est fissuré comme si quelqu'un avait donné un violent coup de poing dedans. Au-dessus de celui-ci, deux mots sont écrits avec une matière rouge.
Je retiens mon souffle lorsque je lis :
« Réveille-toi ».
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