Chapitre 2 - Hurlement
- Au fait, pourquoi il y a un embouteillage? demandais-je la mâchoire serrée par la douleur.
Rien de ce que je viens de vivre ne fait de sens. Il est impossible qu'une blessure faite en rêve reste au réveil. Je dois tout de même faire face à la réalité, je n'ai pas été en contact avec un chien depuis un très long moment.
- Apparemment, un arbre serait tombé sur la route et il coupe la circulation, répond mon père en me montrant son téléphone cellulaire. Du moins, c'est ce que j'ai pu lire avant que le réseau ne coupe. Je crois que nous allons rester coincés encore longtemps.
Je ne peux parler de ma cheville blessée à mon père. En fait, je ne sais tout simplement pas quoi lui dire, tout semble si irréel.
Je relève une nouvelle fois le bas de mon pantalon pour m'assurer que je n'ai pas halluciné la première fois, et non, la morsure est toujours gravée sur ma peau claire.
Soudainement, je pense à une bonne amie de mon ancien lycée qui s'est toujours beaucoup intéressée à la signification des rêves et à l'ésotérisme. Je pourrais peut-être me confier à elle, et j'aurais toujours l'excuse de la blague si jamais elle veut me faire interner dans un hôpital psychiatrique.
Je sors mon téléphone portable de la poche arrière de mon jeans, mais une notification m'avertit que je n'ai aucune connexion au réseau quand j'essaie d'envoyer un message à mon amie Sarah.
- Putain de réseau, laissais-je échapper.
- Je te jure, plus personne ne capte, me lance mon père en pointant une jeune fille à la veste rouge debout sur le toit d'une voiture.
Elle brandit son téléphone en l'air comme si elle souhaite attraper toutes les parcelles de réseaux qui pourraient encore être disponibles. Je vois en cette fille un moyen de sortir de cette voiture qui commence à m'étouffer.
- Je vais sortir pour voir si je peux avoir du réseau, dis-je à mon père.
Et sans lui laisser le temps de répondre je sors du véhicule et ferme la portière derrière moi. Immédiatement, je prends de grandes inspirations, essayant de me calmer. Beaucoup de gens sont également à l'extérieur de leur automobile et leur présence me rassure. J'ai l'impression de me sentir en sécurité au milieu de cette foule.
Après quelques minutes de profonds exercices de respirations appris lors de mes anciennes séances de méditation, mon cœur retrouve enfin son rythme normal.
La fille de tout à l'heure descend du toit de sa voiture et je me penche pour regarder ma plaie à la lumière.
Je soulève doucement le bas de mon jeans et j'ai un haut-le-cœur en constatant que ma cheville baigne dans le sang. Je prie pour que rien ne s'infecte.
- Moi non plus je n'ai pas de réseau, dit une voix masculine.
Quand je lève la tête, je perçois un garçon ayant à peu près mon âge, qui s'adresse à la fille qui était en équilibre sur le toit de sa voiture quelques instants auparavant. Elle lui sourit et retourne s'asseoir dans sa voiture. Puis, le garçon pose ses yeux sur moi. Je rabats le bas de mon jeans en espérant pour qu'il n'ait pas remarqué tout ce sang.
Il me sourit poliment et j'ai l'impression que ses yeux bleus percent la nuit.
Nous restons un moment à nous dévisager.
Le vent amène une mèche de cheveux blonds devant mon visage, je la replace derrière mon oreille sans le quitter des yeux.
***
La première chose que le jeune homme remarque est le noir profond des yeux de la nouvelle venue. Il continue son balayage visuel, l'adolescente est d'une beauté simple. Ses cheveux un peu ébouriffés lui donnent un certain charme.
Une puissante bourrasque passe ce qui fait voler vers l'avant l'épaisse chevelure blonde de la fille. Theo fronce les sourcils, lorsqu'une odeur de sang lui prend au nez.
***
Le jeune homme descend son regard vers mes pieds et mon cœur se met à battre plus rapidement. Il devait avoir tout vu.
Ne sachant pas quoi faire, je recule de quelques pas et me renferme dans la voiture de mon père.
- Tu as réussi à avoir du réseau? me demande mon père.
- Non.
Par la vitre, je regarde si le garçon est encore là. Il est en train de regagner une voiture, sûrement la sienne.
J'appuie la tête contre la vitre froide et je ferme les yeux une seconde. Le visage du jeune homme me revient immédiatement en tête. Tout son être dégageait la confiance, et que dire de ses yeux qui pouvaient presque lire à travers mon âme. Je ne pourrais dire si je le trouve attirant ou effrayant.
***
Cela fait maintenant une heure que nous n'avons pas bougé d'un poil. Mon père fredonne des airs country puisque la radio ne capte que des grésillements. Mes fesses semblent s'engourdir à force d'être assises dessus.
En scrutant l'extérieur, je remarque une pancarte au loin disant « cabine téléphonique ».
- Ça existe encore ce truc? demandais-je à mon père.
- Eh oui, la méthode de communication du moyen âge, me répond-il en souriant.
- J'ai un coup de fil à passer à Sarah, dis-je en mettant ma main sur la poignée de la portière. Je vais pouvoir expérimenter ce téléphone antique.
Mon père rigole et au moment où je m'apprête à pousser la portière, une moto passe à toute allure entre les voitures. Je sursaute et lâche la poignée. Qui peut bien être assez idiot pour faire une telle manœuvre dans un embouteillage? Je colle mon visage contre la vitre pour voir ce qui se passe.
Le motard s'est arrêté au milieu de la route et est descendu de son engin. À ma gauche, la fille qui était grimpée sur son toit une heure auparavant sort de son véhicule et court rejoindre le danger public. Le garçon à la moto a à peine le temps de retirer son casque que la fille lui saute au cou. Le jeune couple s'embrasse passionnément au beau milieu du bouchon. Je reste sans mots face à cette scène digne d'un film romantique un peu trop cliché.
Après quelques minutes, le garçon donne un casque à la jeune fille et ils partent tous les deux dans la nuit.
Elle a de la chance de pouvoir sortir d'ici, me dis-je.
- Vas-tu téléphoner finalement? me dit mon père pour me ramener à l'ordre.
- Ah, oui! répondis-je en sortant de ma torpeur.
- Tu les regardais?
- Qui?
- Le couple.
- Ils étaient mignons, c'est tout, me défendis-je.
- Ce n'est pas Will qui aurait fait ça pour toi, me lance mon père un rictus aux lèvres.
Mon père se fait un malin plaisir de parler en mal de mon ancien petit-ami dès que le moment le permet.
Je lui fais une grimace pour lui montrer mon mécontentement.
- Ne t'en fait pas chérie, toi aussi tu finiras par trouver l'homme parfait pour toi, le prince charmant!
Sans le vouloir, ma pensée dévie sur le garçon de tout à l'heure.
- Papa soit réaliste un peu, les princes charmants ça n'existe pas.
- Bon, bon d'accord! Alors un jour toi aussi tu trouveras le gros porc alcoolique de tes rêves.
J'éclate d'un rire franc.
- Je préfère, dis-je en lui faisant un clin d'œil avant de sortir de la voiture.
Je me dirige en marchant vers la pancarte en néons présentant la cabine téléphonique. Le vent se fait de plus en plus fort et quelques gouttes de pluie commencent à tomber sur le sommet de mon crâne. J'accélère le pas malgré ma cheville douloureuse, jusqu'à ce que je sois à l'abri dans la boîte en verre servant de centre d'appel.
Je suis sur le point d'ouvrir mon sac à main pour y sortir de la monnaie, lorsqu'un hurlement inhumain retentit et me glace le sang.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top