Chapitre 55 : Catriona
Je me réveille en sursaut dans ma chambre de Otter Rock. J'ai le visage baigné de larmes et une douleur sourde dans la poitrine. J'ai beau espérer le voir à mes côtés mais la place est désespérément vide. Car il ne sera plus jamais là.
Je prends plusieurs inspirations pour essayer de calmer mes sanglots. Mais j'ai beaucoup de mal pour être honnête. Alors je me lève et vais faire quelques pas sur la terrasse. La nuit, le vent est vif dans l'Oregon sur la côte. Pour autant, la brûlure du froid n'est rien par rapport au vide que je ressens au fond de moi.
Sur la terrasse, je m'avance jusqu'à la rembarde en bois. Je m'appuie sur elle, et me penche en avant pour regarder les vagues s'écraser violemment contre les rochers. Pendant un instant, je me dis que tout serait si simple, plus simple si je me laissais tomber. Je me penche un peu plus en me disant que cela sera rapide, simple et efficace. Tout comme je sais que Declan ne me pardonnera jamais ce geste. Mais en même temps qu'est - ce que cela changerait ?
Je finis par secouer la tête pour me remettre les idées en place. Une nouvelle bourrasque de vent glacé me fait comprendre que je ferai mieux de rentrer avant de commettre une erreur. En entrant, je passe devant ma coiffeuse où se trouve la lettre de mon père que je n'ai toujours pas eu le courage d'ouvrir. Sachant que je n'arriverai pas à me rendormir où du moins pas de suite, je la prends dans mes mains en soufflant un bon coup.
Je me cale avec mes oreillers et finis enfin par l'ouvrir. En la parcourant ma vue se trouble face à tout l'amour que je ressens de mon père. Je comprends les choix de mon grand - père et mon père. Chaque décision est juste dans un unique but nous protéger. Et quand j'arrive à la fin, les battements de mon cœur s'emballent. Je relis même cette phrase plusieurs fois pour être bien sûr de ce que je lis.
" Il y a une lettre de Declan derrière le miroir de la coiffeuse."
Au bout de plusieurs minutes sans bouger, je finis par me lever en refermant la lettre de mon père. J'avance comme un automate jusqu'à la coiffeuse. Ma main tremblante glisse sur le contour du miroir pour trouver un loquet, ou plutôt un bouton poussoir que j'actionne le cœur battant.
Le miroir se décolle alors légèrement du cadre et une lettre tombe sur le dessus de la coiffeuse. Je pousse le miroir pour le fermer sans jamais quitter des yeux la lettre de Declan. Cette feuille sur laquelle je reconnais mon prénom écrit par sa main. Je finis par la prendre et retourne m'asseoir sur mon lit. Je suis soudainement paralysée. Je sais que je dois la lire, j'en ai envie et je lui dois. Mais je sais aussi que cela sera la dernière chose que j'aurai de lui alors égoïstement je repousse le moment de l'ouvrir.
Bizarrement je m'attendais à pleurer, mais non les larmes ne montent pas aux yeux. Je reste étonnamment calme pour ce que je m'apprête à faire. Je ma cale contre les coussins et ramène mes genoux vers moi. Je l'ouvre sans trembler et commence à la lire.
"Catriona, ma puce,
Je ne sais pas comment font les types qui écrivent ce genre de trucs car je ne sais pas m'y prendre. Tout ce que je sais c'est que si tu la lis c'est que je suis plus là. Et rien que pour ça je suis désolé ma puce. Désolé de te faire souffrir, désolé de ce que tu vas traverser et du fait que je ne serai pas à tes côtés pour t'aider. Je sais que pour moi, mourir faisait partie de mon mode de vie. Et je crois même que je me voyais pas mourir autrement. Vivre une petite vie tranquille et mourir de vieillesse n'a jamais vraiment été au programme pour moi.
De ça j'en suis sûr. Tout comme j'ai su que tu serais à jamais la seule que j'aimerai au moment où j'ai posé les yeux sur toi, quand tu es entrée dans le bar avec cette robe marine. Tu m'as montré que je pouvais être aimé pour moi, avec mes qualités et mes défauts. Tu aurais pu partir un bon nombre de fois mais tu es restée. Et je t'ai aimé plus que tout en retour.
Tout ce qui c'est passé entre nous je l'ai voulu. Je t'ai voulu dès que j'ai posé les yeux sur toi. J'ai su que tu serais la seule que j'aimerai vraiment. Tout comme j'ai su que tôt ou tard tu poursuivrais ta vie sans moi. Je te connais. Tu vas secouer la tête et jurer tes grands dieux que non. Mais si tu es sincère avec toi. Au plus profond de toi, tu sais que c'est n'est pas vraiment le genre de vie que tu veux et à laquelle tu aspires. Et ne lève pas les yeux au ciel. Tu vois que je te connais bien.
Alors promets moi une chose. Je veux que tu cesses de me pleurer. Je veux que tu avances. Que tu te construises la vie que tu mérites, celle à laquelle tu as le droit, mais surtout loin de tout ça. Alors fait le ma puce.
Je t'aime, Declan "
Je n'en reviens pas qu'il ait réussi à me faire rire et pleurer dans une même lettre. Je refuse de l'admettre pour l'instant, mais je sais au fond de moi que tout ce qu'il est vrai. Pour autant je ne vais pas suivre ses conseils dès demain.
Je finis par m'allonger sur mon lit et sombre à nouveau dans le sommeil sa lettre au creux de ma main. Mais mon repos est de nouveau de courte durée, car je ne tarde pas à me réveiller à cause d'un nouveau cauchemar.
Je sais ce que je dois faire si je veux dormir. Mais pour autant cela me dérange de devoir aller dans la chambre d'Andrew pour dormir. C'est comme si ça présence éloignait mes cauchemars. Et même si je l'adore, je refuse d'être dépendante de lui ou qui que se soit d'autre. Je reste un moment à fixer le plafond, allongée sur mon lit, mais rien.
Quelques jours passent et je n'arrive toujours pas à dormir plus de deux heures de suite. Très vite Andrew et Anna se rendent compte que je manque de sommeil. J'ai beau botter en touche, je ne leurre personne. Anna a la délicatesse de faire semblant de me croire comprenant que je ne suis pas prête à en parler. Par contre pour Andrew, ce n'est pas du tout la même chose. J'ai de plus en plus de mal à trouver des excuses que de toute façon il ne croit pas.
Ce matin ne change pas des derniers et le moins que l'on puisse dire c'est que je ne suis pas très opérationnelle pour aider Andrew dans sa rééducation. Je suis tellement crevée que je manque de m'étaler sur le sol lors d'un de ses exercices.
_ Stop ! C'est bon Cat ! on arrête la rééducation pour aujourd'hui, dit - il fermement.
Je n'ose même pas le regarder. J'arrive juste à bredouiller un désolé à peine audible. Je m'avance vers lui pour l'aider à s'installer dans son fauteuil. Mais il me fait comprendre d'un seul regard qu'il ne vaut mieux pas que j'essaie.
_ Va chercher Anna s'il te plait, me demande - t - il voyant que je ne bouge pas.
_ D'accord, lui répondis - je en courant pour quitter la pièce tant je me sens mal à l'aise.
En descendant les escaliers, je manque de tomber à la renverse en emmenant Anna dans mon sillage.
_ Y a un problème ? Me demande - t - elle la mine défaite.
Je n'arrive pas à lui répondre. Je n'avais jamais vu Andrew aussi directif. Et quelque part, j'ai été prise au dépourvu par sa réaction. Je lui fais un signe de tête en direction de la chambre qui a été aménagée en salle de rééducation. Anna me jette alors un regard inquiet. J'essaie de lui sourire pour la rassurer. Elle pose délicatement sa main sur ma joue avant de rejoindre Andrew. Tandis que pour ma part, je file me pelotonner sur le canapé du grand salon en plongeant ma tête entre mes genoux.
J'arrive tout doucement à me calmer en me concentrant sur ma respiration. Je ne sais pas vraiment combien de temps je reste ainsi. J'arrive à garder mon calme quand Anna vient s'installer à mes côtés. Je finis par lever mon visage vers le sien.
_ Andrew veut te voir, me dit - elle avec douceur.
Je secoue la tête pour lui faire comprendre que je ne peux tout simplement pas. Anna plante alors son regard dans le mien, avant de reprendre avec la bienveillance qui la caractérise.
_ Catriona, je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre vous deux mais je sais une chose. C'est que vous tenez l'un à l'autre, tout comme vous avez besoin l'un de l'autre. Va le voir, vous devez discuter et toi dormir, termine - t - elle avant de partir vers la cuisine.
Je la regarde partir et mon regard se perd à nouveau dans les vagues, repensant à ce qu'Anna venait de me dire. Je finis pas trouver le courage de me lever et de rejoindre Andrew confortablement installé dans son lit.
_ Viens t'asseoir, dit - il en me montrant un place sur le lit à côté de lui.
Je m'y installe toujours un peu mal l'aise par rapport à ce qui s'est passé tout à l'heure. Pour être honnête je m'en veux.
_ Cat, commence Andrew en me prenant la main, depuis combien de temps tu n'as pas dormi ? Me demande - t - il doucement.
Je relève brusquement la tête et croise son regard bleu inquiet. Je me mords la lèvre inférieure car il va savoir que je lui mens.
_ Plusieurs nuits, répondis - je simplement, à quoi bon mentir de toute façon.
_ Tu fais encore des cauchemars, reprend - t - il sans que cela ne soit une véritable question.
Andrew prend une grande inspiration avant de reprendre.
_ Ce que je vais dire est non négociable Catriona. Tu vas venir dormir dans ma chambre. Tu dois récupérer. Et si cela ne va pas, je serai là pour t'aider, termine - t - il.
Je voudrais lui dire non mais pour être honnête je tombe de fatigue. Et la perspective d'une nuit de sommeil sans cauchemar me fait rendre les armes. J'ouvre la bouche pour lui dire non ou oui, je ne sais plus, alors que des larmes ruissellent sur mon visage sans que je ne puisse rien faire. Andrew ne me dit rien, il se contente de me tirer vers lui. Je m'écroule contre son torse. En moins de deux minutes, je sombre dans un sommeil sans cauchemar.
Quand je me réveille, je suis seule. Andrew est déjà dans la salle de rééducation. Je m'étire et sors de la chambre pour rejoindre ma salle de bain. Je prends un bonne douche puis je rejoins Andrew dans la salle. La journée passe facilement sans encombre. Le fait d'avoir eu des heures de sommeil réparatrices m' a fait un bien fou. Je regarde Andrew se battre pour remarcher. Et en le regardant ainsi, je me dis que moi aussi je peux arriver à me reconstruire . . .
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