Chapitre 2

Je rejoins ma voiture mais pas forcément très rassurée. Ces deniers temps, j'ai la désagréable impression que l'on nous observe Cat et moi. D'ailleurs un frisson me parcourt l'échine dès que je croise un motard. J'essaie de relativiser et de faire appel à ma raison. Si je suis logique avec moi-même, cela fait dix-sept que je suis partie et il ne s'est jamais rien passé. Alors pourquoi maintenant ? Je me ressaisis et reprends ma routine quotidienne.

Je sais que je suis parfois pénible pour Cat à toujours vouloir savoir si elle est bien arrivée ou si elle va bien. Mais le fait d'être infirmière m'a amené à voir toutes sortes de choses et la ville de Los Angeles n'est pas la ville la plus calme du monde même si nous vivons dans un quartier agréable. De plus, j'ai toujours peur que quelqu'un veuille se venger des activités de Jake sur nous. Mais depuis le temps, rien, j'avais fait le bon choix en partant.

Je parcours les quarante minutes de trajet qui m'amène au Cédar Sinaï. Comme chaque matin, une fois arrivée, je montre ma carte au gardien qui m'ouvre la barrière me permettant d'accéder au parking des employés. Et comme chaque matin, je fais les mêmes rituels. Je me gare sur ma place réservée. Je pointe avec mon badge qui prouvera que comme d'habitude, je suis un peu en avance. J'avance dans ce long couloir qui mène aux vestiaires où je me change. J'enfile mon pyjama d'infirmière et range mes effets personnels dans mon casier. Puis je me dirige vers le bureau des infirmières saluer mes collègues. Quinze ans que j'avais la même routine. Une routine qui me rassure. 

_ Bonjour Lisa ! Me lance ma meilleure amie toujours pleine de joie de vivre.

_ Bonjour Susan, lui répondis-je 

Cela fait bientôt quatorze ans que nous sommes amies et que nous travaillons ensemble. Mais depuis peu, pour des raisons financières, son mari ayant perdu son travail, Susan fait les gardes de nuit aux urgence et moi de jour. Si bien que nous ne faisons que nous croiser c'est derniers temps. Rapidement, elle m'explique les sortants et ceux qui doivent être orientés sur les différents services de l'hôpital. Puis elle me dit à ce soir. 

_ Tu es de garde ce soir ! Lui demandais-je surprise.

_ Oui, Mike ne trouve pas de travail et les factures impayées s'accumulent alors, me répond-t-elle en haussant les épaules mais sans jamais se départir de son éternel sourire. Je sais à quel point on peut se faire déborder. Mais fort heureusement j'avais toujours réussi à nous maintenir à flot. Je regarde mon amie partir en me faisant un clin d'œil me disant de ne pas m'inquiéter. J'avance vers elle et la serre dans mes bras quand la lumière du box 3 s'allume. 

_ Le devoir m'appelle, lui dis-je avant de me diriger vers le box. J'ai le temps d'entendre mon amie me dire qu'il est adorable. Je souris car adorable est un code entre nous. Quand on dit cela d'un patient c'est qu'il est tout le contraire. 

Je ne suis pas au bout de mes peines. Je me retrouve face à un golden boy probablement accro aux antidouleurs car il me signale souffrir le martyr alors qu'il a une perfusion qui s'écoule sans problème. Je lui explique que la perfusion n'est pas bouchée et qu'elle s'écoule normalement. Et qu'au vue de son dossier je ne peux rien lui donner de plus fort avant encore quatre heures. S'en suivent les récriminations habituelles, mais depuis quinze je suis rodée. Alors avec un sourire et des paroles calmes, je le ramène à la raison.

En sortant du box, je regarde ma montre. J'ai une solution que je voudrais proposer à mon amie pour l'aider. Susan doit encore être dans l'hôpital. Je cours jusqu'aux vestiaires mais c'est trop tard. Elle doit déjà être dans le parking. Je me dépêche et pousse la lourde porte qui donne direct sur ce dernier. Je la vois au loin se rapprocher de sa voiture garée juste à côté de la mienne . Je me mets à courir pour la rejoindre.

_ Susan ! Susan ! l'appelais-je plusieurs fois avant qu'elle ne m'entende dans le brouhaha du parking. Elle sourit en voyant que c'est moi.

_ J'ai oublié quelque chose ? Me demande-t-elle un peu surprise de me voir là alors que je suis en service.

_ Non, non. Je voulais te proposer . . . et ma phrase reste en suspens stoppée net par le bruit caractéristique d'une moto qui freine et les détonations qui suivent. 

Je saisis ce qu'il se passe mais je n'ai pas le temps de réagir. Non seulement j'entends le bruit de chaque détonation mais à chacune de celle-ci je ressens une vive douleur dans différentes parties de mon corps. Je m'effondre au sol alors que je vois mon amie se précipiter pour me venir en aide. Je sens ses mains faire des points de compression. Je l'entends appeler à l'aide. J'entends les sirènes des ambulanciers ou  de la police. Je perçois l'agitation tout autour de moi. J'arrive à voir Matthew, un urgentiste chevronné se baisser sur moi. 

Mais je sais déjà que cela ne sert à rien. Il est trop tard pour me sauver, je perds trop de sang et beaucoup trop vite. Je dois avoir plusieurs hémorragies internes. J'ai suffisamment été de l'autre côté de la barrière pour savoir que je ne réagissais à aucune des solutions qu'ils tentaient. Je ne sais alors que trop bien ce qui m'attend. Pendant qu'ils s'activent pour retarder l'inéluctable, toutes mes pensées vont vers Catriona, ma fille, notre fille. Je prie pour qu'il la protège. Je ne ressens plus la douleur mais un froid engourdissant qui se répand dans mon corps. Et je sais très ce que cela annonce, j'ai de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts.

_ Aller. Reste avec nous Lisa ! Ne ferme pas les yeux, me dit Matthew.

Je le vois se démener alors qu'il n'y a plus d'espoir. Je finis pas capter son regard et il comprend alors. Il comprend que tout est terminé. Il arrête d'un simple geste toute l'agitation autour de moi et murmure simplement "je suis désolé" en essuyant une larme. Susan essaie de retenir vainement les siennes qui roulent sur son visage et elle prend la main.

_ Tiens le coup encore quelques minutes ma belle, ils sont partis appeler Cat, m'informe-t-elle en caressant mes cheveux.

J'essaie d'acquiescer mais je n'y arrive pas. Alors je serre simplement sa main. J'arrive de moins en moins à garder les yeux ouverts.

_ Lisa, . . ., Lisa, . . . reste avec nous, murmure doucement mon amie avant que je ne ferme les yeux pour la dernière fois.

Je revois tous les grands événements de ma vie sous forme de flash. Ma rencontre avec Jake, notre premier baiser, notre première fois, nos moments de bonheur et notre vie à trois avec Catriona. Catriona notre plus belle réussite . . . puis plus rien . . . le néant . . . la fin.


Les cours s'enchaînent les uns derrière les autres et sans que je ne m'en rende compte, il est déjà midi. Je sors dans le hall du grand bâtiment et me rappelle que non seulement j'ai oublié d'envoyer un message à ma mère mais que ce matin mon portable a sonnée au début de mon premier cours. Je pose mon sac sur un banc et le cherche frénétiquement. Quand enfin je tombe dessus, je l'allume et reste ébahie devant le nombre d'appel en absence et de messages non lus. Mais ce qui est le plus inquiétant ce n'est pas le nombre mais qui les a passé, . . . car il proviennent tous de l'hôpital.

Mon sang ne fait qu'un tour et j'appuie les doigts tremblants sur l'icône rappeler.

_ Bonjour, je suis Catriona Starkson et vous m'avez appelé plusieurs fois dans la matinée, commençais-je.

Mais tout de suite, je sens la personne se tendre de l'autre côté de l'appareil. Elle devient hésitante et se met à bégayer. Elle finit par me demander de patienter quelques instants . . . quelques instants pendant lesquelles l'angoisse monte d'un cran et mes mains deviennent moites. 

Je regarde autour de moi dans le hall de l'hôtel quand tout semble se mettre au ralenti. Je croise alors le regard de Susan, l'amie et collègue de ma mère. A son visage je comprends, . . . elle n'a pas besoin de le dire. Mon portable tombe avec fracas sur le sol où je m'effondre en pleurs. Je sens à peine les bras de Susan qui se referment autour de moi. Je ne remarque pas tous les regards braqués sur moi. Je refuse de voir les deux policiers qui se tiennent en arrière de quelques pas. 

Tout ce qui suit est flou. Susan qui me relève et me parle. Les policiers qui nous suivent. Ils semblent vouloir me parler mais elle les maintient à distance. J'ai l'impression que c'est quelqu'un d'autre qui va à l'hôpital, qui remplit toutes sortes de papiers. Même après l'avoir vue sur ce lit, je refuse de croire que ma mère, ma confidente, ma meilleure amie n'est plus là. Je suis désormais seule au monde . . . 



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