Chapitre 11
Pour la première fois de ma vie, je suis au bord de l'explosion face à une fille. D'habitude je n'ai pas besoin de répéter ce que je dis. Je ne dis rien, je me contiens, enfin j'essaie. Je veux lui laisser ouvrir les hostilités juste pour avoir le plaisir d'avoir le dernier mot. Je dois lui montrer que je n'ai clairement pas apprécié son comportement sur le parking. Elle aurait du m'écouter et m'attendre pour démarrer et rentrer chez son père.
Je m'attendais à ce que ma posture l'agace ou l'énerve et qu'elle monte sur ses grands chevaux. Mais contre toute attente, elle se contente simplement de me tourner le dos et de monter les escaliers. Ce qui pour être honnête me mets encore plus les nerfs que je ne les ai déjà si c'est possible.
Une fois Catriona en haut, je décide de faire le tour du rez-de-chaussée pour me calmer mais aussi pour vérifier que tout est en ordre. Car même si elle me mets en rogne, elle reste la fille du boss et je dois veiller à ce que rien ne lui arrive. Mon tour terminé, je vais me poser dans le canapé qui fait face à la baie vitrée. Même s'il fait nuit, le faible éclairage extérieur permet de voir le jardin paysagé avec la piscine et cette vue a quelque chose d'apaisant.
J'envoie un message à Alvaro pour lui dire que tout est sous contrôle ici. Le fait d'écrire sous contrôle me fait sourire, ce qui est rare chez moi pour être franc. J'avoue que j'espère que ce dernier va me dire que Jake est sur le retour et que je vais bientôt pouvoir décoller d'ici. La réponse ne se fait pas tarder et moi je déchante en la lisant.
Alvaro m'explique que la petite visite que je devais faire avec lui après était annulée. Apparemment il y a un souci avec le paiement d'une livraison délicate et Jake veut s'en occuper lui même. Normalement j'aurais du l'accompagner, car c'est mon job et que je suis doué pour ça . . . mais pas ce soir car je suis de baby-sitting.
Fais chier, dis-je à voix haute en donnant un coup de poing dans l'assise du canapé en cuir. Pour une soirée de merde, c'est une soirée de merde. Une gamine qui écoute rien et qui me fout les nerfs. Pas d'action pour me défouler et en prime même pas mon plan cul régulier pour me détendre. Je bascule la tête en arrière sur le canapé et pose mon bras sur mon front. Je m'endors sans même m'en rendre compte.
Je me réveille en sursaut me demandant pendant un bref instant où je suis. Puis tout me revient très vite en pleine tête comme un boomerang. Je ne suis pas dans ma petite chambre de Los Angeles mais dans une chambre agencée comme dans un catalogue de déco à Portland. Je suis dans la maison de mon père que je connais seulement depuis moins de 48 h. Car ma mère, ma confidente, ma meilleure amie est morte tuée sur le parking de l'hôpital où elle travaillait dans le but de sauver des vies . . . pas pour perdre la sienne.
Comprenant que je n'arriverais pas à me rendormir, je décide de faire la seule chose qui m'apportera à cette heure-ci un peu de réconfort. Je sors de mon lit et me dirige vers la cuisine sans faire de bruit. Je n'ai vraiment pas l'envie ni même le courage d'affronter Declan. Seulement, arrivée en bas, pas le choix, je dois passer par le salon. Et de là où je suis, je vois ses bottes de motard.
Je n'allume pas la lumière car la lampe à coté de la bibliothèque donne une ambiance tamisée. J'avance un peu plus dans la pièce et par curiosité je jette un coup d'œil dans la direction des bottes. Mon regard remonte de ses bottes jusqu'à son visage. Pendant un instant, j'arriverais presque à lui trouver un certain charme. Mais je me gifle aussitôt mentalement d'avoir cette pensée. Si ce type est là c'est uniquement pour jouer les chaperons et rien d'autre.
Pourtant la curiosité me donnerait presque envie de m'approcher mais ma raison me dit de faire ce pourquoi je suis descendue. Je souffle doucement, tourne les talons et me dirige vers la cuisine à pas de loup. Mais je me stoppe net et me retourne vivement quand j'entends des grognements et des soupirs plaintifs. Je le vois alors qui bouge la tête. J'avance vers lui pour le réveiller mais bizarrement plus je m'approche plus il semble s'apaiser. Et une fois à côté de lui, il semble comme détendu. Je sais que je ne devrais pas, mais j'en profite pour l'observer. Et je suis forcée de constater que aussi désagréable soit-il, il faut lui reconnaître qu'il est plutôt mignon. Enfin si on aime le style sûr de soi, un brin autoritaire, tatoué, biker, musclé, bien foutu et très mignon.
Grr, je me maudis d'avoir ces pensées et me rappelle qu'il est juste là pour jouer les nounous. Je me retourne et file dans la cuisine en laissant ma Mary Poppins mode biker dormir dans le canapé. Cette allusion à Mary Poppins me fait sourire malgré la situation et je dois admettre que cela me fait du bien en fait.
Arrivée dans l'espace cuisine, je me dis que les choses sérieuses commencent. Car autant dans ma maison, je sais où tout se trouve autant ici on va jouer à où sont les ustensiles et les ingrédients. Alors c'est parti. Le lait, facile c'est dans le frigo ainsi que la crème fouettée. Je commence à chercher dans les différents placards et finis par trouver casseroles, fouet et chocolat en morceaux. Une fois le tout rassemblé sur le plan de travail, je commence par faire fondre doucement le chocolat. Cuisiner m'a toujours fait du bien et avec ma mère quand l'une de nous n'avait pas le moral ou au contraire quand tout allait bien on se préparait le chocolat chaud. Mais attention pas de poudre dans du lait. Un vrai, fait maison avec le chocolat que l'on fait fondre doucement, puis on ajoute le lait chaud en remuant avec le fouet.
Maintenant la touche finale, j'ajoute la crème fouettée mais il me manque encore quelque chose pour ce que cela soit parfait . . . des marshmallows. Je suis sûre d'en trouver ici. Ma mère ne me parlait jamais de mon père sauf pour le chocolat. Quand petite, je devais avoir trois ou quatre ans tout au plus, j'avais voulu des marshmallows dans mon chocolat. Ce à quoi, ma mère m'avait dit en souriant tu es bien la fille de ton père. Je lui avais demandé pourquoi elle disait ça. Elle m'avait alors expliqué qu'elle ajoutait de la crème dans son chocolat et mon père des marshmallows dans le sien. Alors depuis ce jour moi, je mettais les deux.
Bon c'est pas tout ça mais je dois trouver ces fichus marshmallows. Je me recule et voit un bocal en verre avec ma friandise tant convoitée. Seulement pour l'atteindre avec mon mètre soixante deux, je suis bonne pour jouer les équilibristes sur un tabouret. Je mets donc en mode équilibriste mais j'ai oublié d'éteindre le mode catastrophe. Résultat, je suis montée sur le tabouret, j'ai touché le bocal, j'ai glissé du tabouret . . . et dans ma chute j'ai eu la riche idée d'emmener avec moi le bocal en verre qui se brise en mille morceaux autour de moi dans un fracas pas possible . . .
Et merde, dis-je à voix haute mais je ne suis pas au bout de mes surprises quand je vois Declan arriver en courant dans la cuisine avec un truc dans la main que je distingue mal. Je regarde car pendant un instant, j'ai cru voir une arme . . . mais j'ai du rêver car quand il se penche pour m'aider il n'a rien dans les mains.
_ Mais à quoi tu joues ? me demande-t-il de façon plutôt agressive.
_ Je me fais un chocolat chaud, lui répondis-je sèchement. Il veut la jouer comme ça pas de problème, je peux essayer d'être désagréable et avec des heures de sommeil en moins ça devrait même être facile.
_ Ah oui ! Et tu m'expliques depuis quand on joue les équilibristes sur un tabouret pour se préparer un chocolat chaud ? Reprend-t-il en colère et je soupçonne en plus une envie de rire.
_ Rho c'est bon, je voulais attraper les marshmallows, répondis-je en massant ma cheville droite qui me fait mal.
Et là, il éclate de rire. Ce qui me fait voir rouge. J'essaie de me relever pour quitter la pièce et mets ma main dans les débris de verre pour me redresser. Y a pas à dire, quand il y en a une à faire, c'est pour moi. Je serre les dents mais une larme roule sur ma joue alors que du sang coule de mes coupures sur ma main.
Mais Declan le voit et son visage change du tout au tout, il se ferme mais il y a autre chose que je n'arrive pas à déceler. Sans un mot, il passe une main sous mes jambes et l'autre dans mon dos. En moins d'une seconde, je suis dans les bras de Declan, collée contre son torse. Et bien croyez ou pas mais pendant une seconde, je ne ressens plus aucune douleur, . . . non juste une gène immense et là oh joie au bonheur. Je sens mes joues chauffer signe que je dois être écarlate, génial ! Il ne manquait plus que cela !
Pourtant Declan ne dit rien. Il me pose sur le plan de travail délicatement. Il prend ma main dans la sienne et l'ausculte quelques secondes avant de marmonner quelques mots inaudibles. Puis il se recule et me demande.
_ Alors à part à la main, tu as mal quelque part ?
_ Ma cheville droite, répondis-je simplement.
Declan prend alors mon pied dans sa main et fait courir ses doigts sur ma cheville. Il bouge mon pied de façon délicate avant de me dire avec une voix plus posée.
_ Je vais te donner de la glace, ça va soulager ta cheville. C'est douloureux mais pas grave.
Il s'éloigne et revient avec de la glace dans un torchon. Je la prends et l'applique sur ma cheville en grimaçant.
_ Bon, je peux monter chercher la trousse de secours ou tu risques de tomber du plan de travail ? me balance-t-il avec un air pince sans rire.
Et là, j'ai la réaction la plus mature qui soit. Je lui tire la langue. Il ne montre rien sur l'instant. Mais je l'entends rire quand il monte les marches. En moins de cinq minutes, il est de retour avec tout ce qu'il faut. Rapidement, il enlève les éclats de verres et nettoie les plaies avant de bander ma main. Puis il me fait un bandage bien serré au niveau de ma cheville. Il range tout et il me regarde enfin à nouveau mais pendant un instant, je dirais presque qu'il est hésitant.
_ Je te porte jusqu'au canapé ou tu veux essayer de marcher ? Finit-il par dire.
_ Je vais essayer de marcher.
Declan m'aide à descendre et à aller jusqu'au canapé où je m'installe confortablement. Sans un mot, il retourne dans la cuisine où je l'entends s'affairer. Puis il revient au bout de quelques minutes avec deux tasses de . . . chocolat chaud, crème fouettée et . . . marshmallows. Il m'en tend une et au lieu de lui dire merci, je lui dit
_ Et tu les as trouvé où les marshmallows ?
_ Dans le placard, à côté du frigo, me répond-t-il comme si tout cela était évident.
Pendant un instant, je suis triste de voir que lui sait où se trouve les choses alors que je suis une étrangère dans la maison de mon père. Declan et moi buvons notre chocolat en silence . . . puis la fatigue m'envahit et plus rien.
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