.Chapitre 12.

Combien de temps encore avant que le monstre ne les retrouve ? Quand est-ce que Moïra allait-elle se réveiller ? Si on est encore plusieurs à la fin des 24h... allons-nous nous entretuer ? Ces questions se bousculaient dans sa tête, tournant en boucle, encore et encore et encore. Mais là maintenant, elle ne pouvait que penser au nom du titre. Team Survival ? Pourtant il ne pouvait y avoir qu'un seul survivant.
Bronwyn regardait à travers les vitres. Cette terre... La végétation avait l'air factice, en fait en y réfléchissant et en y regardant de plus près, absolument tout semblait faux, irréel, infaisable et pourtant... C'était là. Devant ses yeux. Elle regarda le sol à ses pieds. Tout semblait si étrange, pourquoi éprouvait-elle cette sensation seulement maintenant ? Puis, une voix la sorti de sa torpeur :

- Bronwyn ! Moïra s'est réveillée ! lui cria Lina, une fille du groupe 1.

Bronwyn se dépêcha vers les escaliers et descendit 6 étages à la hâte. Elle retrouva Moïra assise sur un canapé, se frottant la tête. Elle se rapprocha doucement mais recula d'un bond lorsque l'intéressée prit sa tête entre ses mains, se mise à crier en sanglotant. Elle aurait tellement voulu savoir ce qu'il se passait pour pouvoir l'aider, mais ne pouvait que la soutenir. 

- Chhh... lui chuchota-t-elle, ça va aller Moïra. Repose toi.

- Pardon... Excuse-moi Bronwyn... Tout ça là, c'est à cause de moi... C'était des souvenirs, dit-elle en prenant de grandes inspirations.

Bronwyn se risqua à jeter un coup d'œil à Ayden qui se trouvait dans un coin, contre un pilier. Il la regardait amèrement, puis il prononça:
- Elle ne fait que répéter ça depuis tout à l'heure. Je t'avais dit qu'on ne pouvait pas lui faire confiance, lui reprocha-t-il.

Elle leva les yeux au ciel et reporta son attention sur Moïra, elle grelottait fort. Bronwyn peinait à la garder stable dans ses bras. Elle la regarda mais Moïra évitait soigneusement son regard.

- Regarde moi, lui demanda Bronwyn.

Elle ne leva même pas la tête.

- Moïra, regarde moi !

Mais elle ne bougeait toujours pas. Bronwyn lâcha un soupir de tristesse puis murmura tellement bas qu'elle même aurait pu ne pas s'entendre:

- Des victimes ne devraient pas se sentir coupable. 

Pourtant Moïra se redressa aussitôt et fixa sa pupille si intensément qu'il y avait de quoi rendre Bronwyn mal à l'aise. Elle avait les yeux rouges, gonflés par les larmes et avait des immenses cernes sous ses yeux alors même qu'elle avait dormi pratiquement 2 heures. Malgré tout, il y brillait une étincelle de tristesse. Non, un feu. Bronwyn la serra dans ses bras en tapotant gentiment son dos.

- Moïra, raconte moi tout. Raconte moi ce que tu as vu, ce que tu as ressenti, la supplia-t-elle.

***

Moïra suivit son oncle dans les couloirs de la prison, l'endroit était tout sauf accueillant. Il lui ouvrit la porte arrière de la voiture. Elle s'y engouffra, se plaça au milieu, et attacha sa ceinture. Son oncle s'assit de l'autre côté du volant.

- Tu attends quelqu'un ? lui demanda-t-elle.

- Oui, et fais-moi une petite faveur, s'il te plaît. Ne parle pas.

Elle soupira. Elle comprenait pourquoi il l'avait choisie, même à 11 ans elle était un vrai génie. Elle fabriquait toute sorte de machines inimaginables. Sa plus grande invention était son Aspirateur à secrets, il servait à aspirer tout les secrets de la personne à qui appartenait la machine, comme ça il n'y avait aucun moyen qu'elle ne le répète à quelqu'un d'autre. Et si les secrets étaient trop importants, la personne pouvait toujours les relire. Si son oncle avait besoin d'une personne pour effacer la mémoire des autres, c'était bien elle. Mais pour une fois dans sa vie elle regrettait d'avoir cette intelligence.

Un homme noir vêtu d'un costard et d'un petit nœud papillon entra dans la voiture et ferma la porte derrière lui. Il ne lui adressa même pas un regard. L'homme sortit la clé de sa poche, la mit dans la serrure et démarra la voiture. Elle regardait par la fenêtre, il faisait nuit noire et aucune étoile ne perçait le ciel, sur l'autoroute il n'y avait aucune voiture, juste eux. Elle regarda le sol passer rapidement, elle regardait les arbres qui lui barraient la vue de l'autre côté. Et elle sentit un vide immense l'envahir, une sensation de solitude. En cet instant, elle semblait seule au monde.

***

C'était le matin, tôt. Moïra regarda sa montre. Elle indiquait 6h27. Aujourd'hui c'était son anniversaire, elle allait avoir 12 ans. Est-ce que son oncle s'en souviendrait ? De toute façon, à cette heure, il n'était toujours pas réveillé, et elle savait qu'à la minute où il se réveillerait, il lui demanderait de continuer sur son projet. Elle en profita donc pour se balader dans les couloirs. Il faisait plutôt sombre. Seule la lampe torche qu'elle avait amené avec elle lui permettait de voir clairement, et l'endroit était immense. Finalement, elle décida de s'aventurer dans un espace qui lui était interdit, pourquoi ne pas le visiter si il n'y avait pas de danger? Elle aurait juste à rentrer avant 7h30, l'heure où son oncle se réveillait habituellement, plus tôt si ce sur quoi il travaillait était vraiment important. Elle était sûre que l'accès lui était interdit parce que c'était là qu'il cachait ses parents. Et elle était bien décidée à les retrouver.

Elle marchait depuis déjà plusieurs minutes, et s'arrêta soudainement devant une porte entrouverte qui laissait échapper de la lumière. Elle glissa un œil dans la pièce. Son oncle était debout à une table autour de laquelle se tenait le même homme noir, dans le même costard, que le soir où ils l'avaient emmenée dans cette endroit plein de problèmes, et qui pourrissait sa vie chaque seconde passée ici. Il y avait également une femme métisse, avec de longs cheveux noirs ondulés qui tombaient en cascade sur ses épaules remontées avec orgueil. Et puis aussi une autre femme, blanche cette fois. Elle avait des cheveux blonds retenus en un chignon mal fait. Une mèche rebelle tomba sur son nez, mais la femme ne la retira pas. Moïra aurait trop voulu la lui remettre derrière l'oreille. La femme tenait dans ses mains un stylo et un cahier remplis de notes mais quand Moïra y regarda plus précisément c'était juste des chiffres qui n'avaient aucun sens, même elle ne comprenait pas. Son oncle prit la parole :

- On manque de temps, il nous reste seulement 2 ans avant que Moïra atteigne les 14 ans et le palais n'est même pas terminé ! Vous avez intérêt à me dire que vous avez progressé ! Julien, tu commences, fais-moi un rapport sur ce que vous avez construit dans le 4ème gratte-ciel.

- Nous avons installé une salle de miroir cachée au dernier étage, un étage consacré à la détente où il n'y a que des canapés, un étage avec un labyrinthe de portes. Les autres étages ne sont pas encore terminés mais nous estimons les finir dans un mois à peu près, exposa l'homme en costard.

Son oncle lâcha un soupir méprisant.

- D'accord... Et vous Nathalie ? Comment avance la machine de Moïra ? Est-elle bientôt finie? demanda-t-il en s'adressant à la femme avec les cheveux ondulés.

- Eh bien... On dirait qu'elle ne fait que retarder la machine, pourtant la dernière fois que je l'ai vue, elle m'a assuré que c'était assez simple, lui répondit elle.

- Et pourtant elle sait que la liberté de ses parents est en jeu. Elle a toujours été naïve malheureusement... Ses parents en subiront les conséquences, en tout cas. Alors dites-lui de se bouger un peu, si elle ne veut pas que ses chers parents souffrent encore plus... Y'aura-t-il au moins une bonne nouvelle aujourd'hui ? se demanda-t-il en se tournant vers la femme aux cheveux blonds. S'il vous plaît Catherine, dites moi que vos calculs avancent !

- Effectivement, ils avancent. En fait, j'aurais terminé dans moins de 2 semaines, si mes estimations sont exactes, fit-elle en lui montrant le cahier aux pages noircies par des chiffres incompréhensibles.

- Mais c'est formidable ! C'est fantastique ! Il faudra juste former la base du corps du monstre ! se réjouit son oncle, extatique.

Moïra poussa un petit cri de surprise à cette phrase, dont les implications la terrifiaient. Et son erreur ne passa pas inaperçue, car tout le monde se mit instantanément à fixer la porte.

- Moïra ! Montre toi ! Je sais que c'est toi ! s'écria son oncle.

En entendant son oncle s'approcher de la porte, ses pas lourds et menaçants sur le parquet, elle s'échappa en courant, ses pas résonnants dans les couloirs.

***

- Assieds-toi sur cette chaise, Moïra , lui ordonna son oncle.

- Je n'en ai pas envie! répliqua-t-elle.

- FAIS CE QUE JE TE DIS !

Elle s'assit sur la chaise à contrecœur, en apparence bougonne et agacée, mais en intérieur terrifiée. Son oncle referma les bracelets de fer sur ses poignets puis sur ses chevilles pour l'empêcher de bouger, elle se retrouva coincée. Elle le regarda en fronçant les sourcils.

- Juste pour être sûr que tu ne t'enfuies pas, à 13 ans les gens on tendance à désobéir, expliqua-t-il avec une grimace qui n'augurait rien de bon.

Elle savait très bien à quoi il faisait allusion. Il parlait de la fois où elle était partie dans le bureau de son oncle à 3h du matin pour chercher des fichiers, qu'elle n'avait pas eu le temps de trouver parce qu'elle s'était faite prendre la main dans le sac, sauf qu'elle n'avait plus 13 ans aujourd'hui, pourtant son oncle ne cessait de la traiter comme si elle en avait 10. Il sortit de la pièce, sans même allumer la lumière. Elle se retrouva dan le noir complet. Soudain, l'écran qui se trouvait en face d'elle s'alluma, elle ne pouvait pas mettre ses mains devant ses yeux pour se protéger la vue, elle vit à l'heure en bas de l'écran qu'il était 1h du matin. Elle pouvait voir des gens qui formaient des groupes devant une immense porte fermée, puis sans crier gare un immense monstre bleu apparut derrière eux, entouré d'un champ de force. Alors c'était ça le projet de son oncle? Tuer des gens en créant un monstre qui les dévorerait tous, un par un ? Le monstre se dirigeait vers la maison de poupée en premier, comme elle avait entendu son oncle le sous-entendre une fois alors qu'elle l'espionnait. Elle vit des morts, des sacrifices... Comment est-ce que son oncle pouvait leur faire ça ? En seulement quelques heures les petites personnes courant de tous les côtés avaient frôlé la morts des millions de fois. Elle ne voulait plus regarder, elle ne pouvait plus regarder, elle ferma les yeux. Elle les rouvrit en entendant son oncle :

- C'est terminé, tu peux rouvrir les yeux Moïra. (Puis, quelques secondes plus tard :) Dis-moi, as-tu fini la machine?

Elle aurait voulu lui mentir mais à quoi bon? Dans tous les cas, il finirait par l'apprendre à un moment où à un autre, et elle prendrait cher pour ses mensonges.

- Oui, murmura Moïra en baissant la tête, résignée.

- Très bien, suis moi, fit son oncle en détachant les bracelets qui encerclaient ses poignets et ses chevilles.

***

- Attrapez-la, ordonna froidement son oncle aux deux gardes du corps.

- Hein ? Non! Lâchez moi ! s'écria Moïra, apeurée.

- Tu as fini ta machine mais..., commença son oncle, avant de s'arrêter, un sourire de mauvais augure plaqué sur son visage.

- Mais ? l'encouragea-t-elle à continuer.

- Mais il nous faut un cobaye pour voir si elle marche vraiment, tu vois? Et je n'ai plus vraiment besoin de toi à présent... J'ai laissé Nathalie se charger d'analyser chacune de tes manipulations. Ainsi, en cas de souci, nous pourrons facilement réparer ta machine. De plus, j'aimerais bien voir tes qualités de survie.

- Vous avez promis de libérer mes parents ! hurla-t-elle.

- Je le ferai, assura-t-il. Seulement, je n'ai jamais précisé quand. Et où je les laisserai. Ni dans quel état ils seront.

Moïra se pétrifia sur place, il voulait lui arracher ses souvenirs ? Comment ça, tester ses qualités de survie ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Qu'elle allait se retrouver coincée avec le monstre qu'elle avait vu à travers l'écran il y a 4 heures ? Elle était horrifiée par cette idée. Ils la firent s'asseoir sur une chaise à proximité de son effaceur à mémoire. Heureusement qu'elle n'avait dit à personne comment l'utiliser...

- J'ai demander à Nathalie de me montrer comment on fait pour l'allumer, dit il comme si il avait lu dans ses pensées. Ah et aussi, merci énormément pour ton aide, Moïra !

Elle refusait de croire qu'elle l'avait aidé à quoi que ce soit mais pourtant, ses mots se répercutèrent dans son esprit, prenant de plus en plus d'ampleur. Il appuya sur plusieurs boutons et bizarrement elle ne versa aucune larmes. En fait, même si un destin horrible l'attendait, elle ne voulait pas se souvenir de son oncle.  Et de toute façon, elle ne pouvait pas s'échapper, les mains fortes des gardes du corps l'empêchaient de bouger. Elle ferma fort les yeux. Le processus commença, puis il s'accéléra, encore et encore et encore arrachant ses souvenirs un par un, ça ne faisait pas mal mais d'une façon ça restait insoutenable. Avant de sombrer dans les ténèbres, elle ouvrit très légèrement les yeux et entendit son oncle prononcer, un énorme sourire affiché sur son visage :

- Joyeux anniversaire, Moïra.

// 2227 mots <3 //


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top