Chapitre 43: Sauver par le gong

La matinée avait bien commencé pour Dimitri et Samuel qui s'étaient retrouvé au self. Dimitri avait fait sa routine habituelle, c'est-à-dire : bailler, tourner dans son lit de gauche à droite avant de tomber de celui-ci, les draps emprisonnés dans ses jambes nues, se laver rapidement et retrouver Enzo à la sortie du dortoir. Samuel avait commencé sa journée par un petit jogging pour ensuite se doucher et retrouver ses deux nouveaux amis au self.


Alors qu'ils mangeaient tous dans un silence étonnant parmi le brouhaha éternel et impitoyable des autres étudiants, Enzo releva la tête lorsqu'une main tapa contre la table. Il croisa le regard noir de Guidever et il déglutit tandis que Samuel releva les yeux vers le ciel et que Dimitri mâchouillait sa fourchette dans sa bouche.


—Qu'est-ce que tu nous veux, Guidever ? demanda Dimitri.

—À vous, rien. À Enzo, quelque chose.

—Il ne te doit rien, laisse-le tranquille, prévient Samuel.

—Quoi ? Enzo s'est trouvé un petit toutou pour le surveiller ? Tel maître tel serviteur, dit Guidever.


Samuel se leva brusquement faisant tomber la chaise dans un grand fracas qui fit taire tout le self.


—Bien, encore mieux ! s'écria Guidever ironique.

—Allons-y, dit tout simplement Samuel, ignorant la présence de son ennemi.

—Quoi, tu vas te laisser faire comme un vulgaire caniche, Enzo ? Je te pensais plus marginal que ça, provoqua Guidever.

—Ne te le laisse pas influencer, Enzo, commenta Samuel.


Dimitri regardait la scène avec ignorance et attendait que les choses se calment.


—Qu'est-ce qui se passe, ici ? demanda une voix qu'Enzo reconnut.

—R—Rien, on allait nous séparer, n'est-ce pas Guidever ? répondit Samuel en regardant son ennemi juré d'un air froid.

—Oui, en effet Monsieur Venderdrake, accorda Guidever.


Gaspard regarda Enzo et celui-ci hocha la tête bien qu'il avait la soirée d'hier encore frais dans la mémoire. Le prof mordu d'histoire soupira et sortit du self ayant fini de manger et faire sa loi. Enzo regarda Samuel, Dimitri et Guidever qui commençaient à quitter promptement le self. Il décida de suivre le professeur et l'appela en criant son titre.


—Professeur ! Professeur !


Gaspard ne se retournait pas. Enzo continua de courir vers le professeur qui sortit de l'établissement et se promenait dans la grande étendue de verdure de l'école. L'air frais presqu'humide de l'extérieur frigorifia légèrement Enzo qui se frictionna les biceps.


Il voulait savoir pourquoi il était intervenu. Il voulait savoir pourquoi Gaspard était toujours sur son dos depuis l'arrivée de ce prof. Il voulait savoir pourquoi il était attiré par lui. S'il le demandait, est-ce que Gaspard lui donnerait toutes les réponses à ses questions ? Peut-être bien, peut-être que non. Il suivit Gaspard jusqu'à la forêt, bizarrement, il s'arrêtait là où il était venu avec Makoto, Minho, Juuya et les autres membres de l'équipe de Frosffal en plus de Samuel et de Dimitri. Il y avait bien sûr, deux chemins pour y accéder : le sentier de la forêt ou celui de l'étang.


—Que veux-tu, Enz ? demanda Gaspard.


Ça y'est, il le tutoyait à nouveau. Pourquoi Gaspard le tutoyait seulement lorsqu'ils étaient ensemble ? Pourquoi le vouvoyait-il seulement lorsqu'ils étaient devant les autres ? Enzo se mordillât la lèvre inférieure.


—Pourquoi avez-vous rompu avec votre femme ? demanda-t-il.


Il avait posé cette question sans réelle motivation derrière. Sa pensée à dépasser sa bouche. Il voulait se rassurer malgré tout.


—Ce ne sont pas vos affaires, Monsieur Levalier, répondit Gaspard en soupirant.


Enzo regarda le dos de son prof d'histoire et se mordillât la lèvre inférieure.


—Je suis curieux à votre sujet, professeur. Vous me hantez, expliqua Enzo le rouge aux joues.

—Vous ne devriez pas, Monsieur Levalier.

—Je le sais, mais je n'y peux rien, c'est comme ça. Je veux tout savoir à votre sujet.


Gaspard regarda derrière lui et scruta son étudiant auquel il avait porté une si grande estime dès le début. D'entrée de jeu, il avait vu du potentiel dans ce jeune étudiant qui avait réussi à capter son attention et sa curiosité. Il voulait le former, le protéger et l'observer tous les jours. Il n'avait pas de sentiment fort à porter à son égard mais c'était tout comme.


Il avait de l'empathie, de la curiosité et une infime attirance envers ce jeune étudiant. Une attirance éphémère et interdite. Une attirance qu'il ne pouvait pas amplifier et y répondre. Une attirance qui ne le complétait pas sur le moment.


Gaspard s'approcha de la rivière, se déchaussa, enleva ses chaussettes hautes noires et remonta son pantalon marron pour tremper ses pieds dans l'eau presque glacée. L'eau le fit frissonner de bien-être et le relever la tête vers le ciel tout bleu, sans nuages présageant du bon temps. Dans son dos, il pouvait sentir le regard de braise d'Enzo le soudoyer.


Alors qu'il voyait Gaspard marcher dans l'eau pour se rafraîchir légèrement et éphémèrement, Enzo continua son monologue sous les chants des oiseaux aux alentours qui se cachaient dans les feuilles des arbres.


Professeur, vous êtes le seul à vous préoccuper de moi avec honnêteté. Vous êtes le seul à avoir eu confiance en moi et je vous ai déçu à de nombreuses reprises, je le sais et j'en suis désolé. Mais vous savez, c'est ma personnalité je ne peux pas la changer pour quelqu'un d'autre, mais je peux essayer de m'améliorer. Professeur, vous comptez beaucoup pour moi dans tous les sens du terme.

Je suis content que vous pensez ainsi, Enzo. J'ai eu raison de mettre une confiance aveugle en vous.


Enzo releva la tête à cette phrase et regarda Gaspard qui continuait de marcher après ces paroles morales et s'arrêta afin de regarder Enzo qui avait la tête baissée.


Pourquoi avez-vous eu cette confiance ? Pourquoi avez-vous autant d'estime en moi ? Je ne comprends pas. Les autres ne pensent qu'à me rabaisser, à m'isoler des autres et à me tabasser. Je ne suis pas autant lumineux pour vous que pour les autres. Expliquez-moi, professeur. Moi je sais ce que je ressens pour vous, mais vous...Pourquoi ne dépassez-vous pas ces limites ? Pourquoi vous ne me dites-pas sur ce à quoi vous pensé ? Vous pouvez lire un livre ouvert juste en me regardant, moi, lorsque je vous regarde, je ne vois qu'un cadenas sur lequel je ne peux pas ouvrir même si j'essaie de toutes mes forces. Vous m'êtes inaccessible et je déteste ça. Je veux être autant important pour vous que pour moi et être à la hauteur de votre estime que vous porté envers moi.


Enzo reprit son souffle après cette longue tirade qu'il avait parlé avec ferveur et ses épaules hochaient selon son souffle effréné.


Quant à Gaspard, il ne préférait pas répondre à l'aveu de son étudiant. Il réfléchissait mot pour mot à son discours et ce qu'Enzo venait tout juste de lui avouer. Il n'allait jamais le comprendre et ce qu'Enzo voulait désirer, il ne pouvait pas le lui offrir. Et allait au-delà de ce qu'ils pouvaient être tout simplement. Ils ne pouvaient pas. Il ne comprenait pas ce qu'il ressentait. Gaspard marchait encore dans l'eau fraîche et se retourna pour voir Enzo se rapprocher de lui. Il haussa les sourcils intrigués et l'observa faire, sans bouger d'un pouce.


Brusquement, Enzo releva la tête et avança vers lui. Il se déchaussa, enleva ses chaussettes comme lui avait fait quelques minutes plus tôt. Gaspard le vit avancer tranquillement vers l'eau et sursauta lorsqu'il reçut des gouttelettes lorsqu'Enzo s'écroula dans l'eau par manque d'équilibre sur la fente qui séparait la rivière de la terre ferme. Dans tous les cas, Enzo avait le pantalon mouillé. Il regarda avec ébahissement Gaspard qui finit par éclater de rire. Un rire chaud et qui ravivait le cœur. Enzo sourit à cette pensée.


Joueur, il tapa dans l'eau avec ses deux mains afin d'éclabousser avec exagération son prof d'histoire qui se protégea des éclaboussures d'eau en amenant ses bras à son visage et reculant. Gaspard riait toujours. Enzo l'accompagna dans son rire lorsqu'il se releva et qu'il eut reçu des éclaboussures d'eau à son tour dans une grande marée par les pieds de Gaspard. Les deux rires s'entrechoquèrent et se répercutaient contre les troncs d'arbres de la forêt. Enzo et Gaspard s'élançaient des vagues d'eau. Ils se retrouvèrent bien vite trempé de la tête au pied.


Essoufflé, ils arrêtèrent leur manège et se regardaient avant de partir dans un second rire. Gaspard passa une main dans ses cheveux afin d'avoir une meilleure vue et mit une de ses mèches derrière son lobe d'oreille. Il croisa le regard d'Enzo qui avançait prudemment.


—Attention, cela peut être glissant, lança doucement Gaspard.


Enzo hocha la tête et réussit à se rapprocher de Gaspard. Alors qu'il allait avancer d'un autre pas, ce qui devait arriver, arriva. Il glissa d'un caillou plat qui était bien caché dans le fond de l'eau et Gaspard écarquilla les yeux tout comme le jeune étudiant. Ce dernier essaya de se rattraper à quelque chose tandis que Gaspard tendit les bras pour récupérer Enzo avant qu'il ne tombe tête la première contre le fond de l'eau et qu'il y ait un blessé.


Enzo réussit à se rattraper, mais on pouvait entendre un splash provenant de sa chute. Il grimaça et regarda ce qui l'avait retenu. Il écarquilla les yeux en voyant son prof d'histoire qui se redressa et le surplomba de toute sa hauteur sur son corps. Ses bras positionnés de chaque extrémité de sa tête et leur regard se plongeant dans celui de l'autre. Il s'était retenu au bras droit de Gaspard et l'avait entraîné dans sa chute. Enzo rougit immédiatement lorsqu'il vit des gouttelettes qui descendirent du visage de Gaspard pour atterrir sur le sien. Il ferma les yeux à ces rencontres liquides et les rouvrit tandis que Gaspard l'observait à en couper le souffle.


Enzo sentit son corps se contracter et il ne pouvait s'empêcher de regarder les traits prononcés du visage de son vis-à-vis. Il parcourra la courbe de son front, ces sourcils ni long ni trop court, ses joues légèrement rebondies et remontant lorsqu'il souriait ou riait, plissant légèrement ses yeux en amande. Enzo s'arrêta sur la courbe légère de son nez et vit un petit grain de beauté qu'il n'avait jamais aperçu de loin sous la courbe de celle-ci. Enfin, il s'arrêta sur ces lèvres tentatrices et rosées pour quelqu'un qui ne mettait jamais de maquillage. Enzo déglutit et sentit son cœur battre tandis que sa gorge s'asséchait. Ses mains devenaient moites et son estomac se tordait.


Gaspard le regardait lui aussi tout autant que lui. Ils restaient un bon moment dans cette position, sans que cela gêne l'autre comme par enchantement et avec une légère surprise pour Enzo puisqu'il aurait cru que Gaspard se serait éloigné face à cette proximité flagrante. Leur souffle pouvait se mélanger. Inconsciemment, Enzo amena sa main dans la nuque chaude de Gaspard, dégageant les quelques boucles de ces cheveux marrons et il rapprocha son interlocuteur plus près de lui sans réagir. Enzo regardait toujours les lèvres rosées du mordu d'histoire.


Il retient un souffle et arrêta tout geste lorsqu'il se rendit compte qu'il était à deux doigts de répondre à son envie, son désir tant audacieux, interdit. Il croisa le regard légèrement pétillant de Gaspard à son grand étonnement et se redressa faiblement afin de pouvoir accaparer les lèvres douces de son professeur d'histoire qui retint un gémissement d'étonnement, qui fut coupé par les lèvres d'Enzo.


Son cœur bondit de joie. Des papillons voltigeaient dans son estomac. Sa gorge s'amplifiait de bonheur. Ses joues étaient toutes rouges comme une tomate cerise et ses lèvres se mouvaient à ceux de Gaspard qui continua le baiser. Ses jambes tremblaient de tendresse et ses mains étaient toujours aussi moites. Sa peau se frigorifiait parce qu'il était trempé et ses vêtements collaient à la peau. Mais peu importait, tout ce qui comptait sur le moment présent pour Enzo était de dévorer ces lèvres qu'il convoitait tant depuis qu'il avait découvert ses sentiments pour Gaspard.


Quant à Gaspard, il était tout drôle, bizarre. Ses membres tremblaient d'un plaisir qui lui était inconnu et qui lui semblait éphémères sur le moment. Ses cheveux bouclés tombaient autour de ses courbes de son visage et chatouillaient le cou légèrement mate d'Enzo. Il sentait comme par enchantement son cœur battre le tocsin dans sa cage thoracique comme s'il en voulait en sortir et sa gorge s'asséchait. Il voulait toujours en goûter plus et mouvait ses lèvres avec celles de son jeune étudiant avec ferveur. Il n'avait jamais ressenti ce genre de chose avec son ex-femme s'il pouvait l'appeler comme ça puisqu'ils n'étaient pas en « état de divorce » sur les papiers administratives de la société.


Peut-être que sa relation avec sa femme n'était qu'amourette et qu'ils n'auraient jamais rien vécu d'aussi aimant, d'aussi passionnée et leur relation se tiendrait sur un fil. Peut-être que Valentine n'était pas la bonne personne à la fin...? Peut-être vivaient-ils une relation platonique ? Gaspard amena ses mains à la mâchoire d'Enzo et pencha la tête de celui-ci pour approfondir et amplifier le rythme de leur premier baiser. Il n'avait jamais vécu cette effervescence qu'il ressentait à présent lorsqu'il se tenait contre le corps d'Enzo.


 Il n'avait jamais trouvé l'occasion ou eu ne serait-ce l'envie de quémander à nouveau des baisers à son ex-femme. Il n'avait jamais senti ses membres trembler autant dans un échange amoureux comme celui-ci et il n'en avait jamais redemandé autant de sentir les lèvres de son interlocuteur sur les siennes. Il maintenait Enzo de toute ses forces pour l'empêcher de partir, de s'éloigner et de rompre ce moment magique. Sur le moment, Enzo était devenu une drogue que Gaspard n'aurait jamais osé toucher au départ. Il ne le regrettait pas.


Enzo était différent et il voulait à tout prix le protéger d'un quelconque mal.

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