Chapitre 42: Tristesse au clair de lune
—Que comptais-tu faire, Enzo ? demanda Gaspard en finissant par le tutoyer.
Enzo écarquilla les yeux face à cette question surprise. Il était bloqué par la poigne de Gaspard qui enserrait son poignet gauche et ses jambes. Il était pour la première fois aussi proche de Gaspard. Il repensa à tout les autres moments passé avec lui : la salle de bain, le self, ladite nuit qu'il avait rêvé de Gaspard dans un rêve érotique sans son consentement, au bord de l'étang lorsque Gaspard lui avait fait une mini-lecture, ses quelques retenues passé en sa compagnie, ladite dévotion qu'il commençait à ressentir envers Gaspard, la petite scène qu'il s'était prodiguer sur un plaisir solitaire au pied de l'arbre la dernière fois et la prise de conscience sur ses sentiments envers lui. Et ça, maintenant.
Le rouge à ses joues s'amplifia et il bégayait. Il essaya de se dégager, mais inconsciemment, Gaspard le fit se rapprocher plus contre lui en amenant sa main droite autour de la taille du plus jeune, le collant. Enzo resta bouche-bée par la poigne du professeur et le regarda. Son souffle pouvait se mélanger à celui de Gaspard tellement qu'ils étaient si proche l'un de l'autre. Pourquoi Gaspard était si entreprenant ? Dans le blanc des yeux, Enzo pouvait voir une profonde tristesse et cela l'intrigua énormément. Il allait ouvrir la bouche, mais la referma ne sachant si c'était bon de le lui demander ce qui n'allait pas. Pouvait-il tout simplement le faire ?
—Que se passe-t-il Enzo ? Si tu as quelque chose à dire, dis-le tout simplement, fit remarquer Gaspard.
—Je...Je, euh...Pourquoi êtes-vous si...
—Si je suis quoi ? Va au bout de ta pensée, Enzo.
—Vous me perturbez beaucoup, professeur, à me tutoyer comme ça...
—Ça te dérange tant que ça ?
Enzo détourna le regard et senti le soupir de son prof sur sa mâchoire. Gaspard éloigna enfin Enzo de lui et se leva de son fauteuil, contournant le bureau et se dirigeant vers la fenêtre en croisant les bras derrière son dos pour regarder l'horizon se défiler devant ses pupilles. Enzo le regardait.
—Vous me regarder beaucoup, Monsieur Levalier, fit Gaspard reprenant contenance et le vouvoiement.
Enzo baissa la tête, gêné d'être pris en flagrant délit. Il hocha la tête et haussa les épaules, ne sachant quoi dire exactement à propos de sa remarque. Gaspard soupira et se retourna légèrement afin de regarder Enzo qui faisait le tour de la pièce d'un air curieux.
Gaspard sourit à cette constatation et se rappela la méchanceté du père de son élève Son regard s'assombrit à nouveau et son cœur se comprima de peine. Comment Enzo pouvait ressentir cet éloignement entre père et fils ? Le ressentait-il plus positivement ou plus négativement ? Gaspard pencha la tête sur le côté et se rassit sur son fauteuil.
—Comment va votre père depuis notre dernière...altercation ?
Enzo se retourna face à cette question vers Gaspard et le regarda bêtement, le sourire froncé et le regard noir.
—Il va très bien.
Gaspard haussa un sourcil, très peu convaincu de cette réponse. Il fit tanguer le fauteuil d'un côté puis de l'autre, dans un ennui total. Il semblait se comporter comme un enfant ce qui intrigua énormément Enzo qui le scrutait de la tête au pied. Ils oubliaient totalement le monde extérieur. L'après-midi avançait à grand pas, l'heure s'accélérant lorsqu'on l'observait en tout temps et ralentissant lorsqu'on détournait le regard comme si notre vision était le médiateur du temps.
Enzo regardait toujours l'adulte devait lui, attendant sûrement une explication ou un jugement quelconque de sa part. Croisant les bras derrière son dos et les triturant avec nervosité, il attendit patiemment que Gaspard fasse un mouvement de plus pour attirer son attention. Quant au professeur, il regardait son étudiant et repensait par moment sa récente rupture avec son ex-femme. Il comprenait pourquoi il avait agi ainsi. La distance est mauvaise pour un jeune couple. Ça n'allait pas durer car il n'y mettait pas du tout de l'effort comme il l'aurait pensé au début. Il l'a fait car il aimait Valentine de tout son cœur, mais avait préféré de se séparer d'elle pour qu'aucun des deux ne fassent une erreur grandiose qui aurait coupé court à leur relation avec cruauté et souffrance.
Il espérait que Valentine le comprendrait et essayerait de correspondre les points positives de leur rupture au lieu des points négatives. Quant à lui, il ne pensait pas que cela l'affecterait autant. Ses muscles le faisaient mal, sa gorge s'asséchait bien qu'il n'arrêtait pas de boire de l'eau à chaque minutes de la journée. Il dormait mal, repensant et se demandant si ce qu'il avait fait était toujours la bonne décision. Il revoyait la promesse qu'ils s'étaient faites : celle de ne pas se séparer et vivre heureux. Il avait lui-même trahi cette promesse. Mais il l'avait fait pour ne pas la blesser plus qu'autre chose.
Il soupira et baissa la tête avant de se relever. Enzo le regardait en biais et la tête penchée comme s'il ne comprenait pas un problème de mathématique. Il rigola intérieurement.
—Bien, je t'emmène à ta retenue avant que la nuit ne tombe. Suis-moi.
—Où allons-nous ? demanda Enzo.
—Vous devriez nettoyer le jardin des déchets lancé par les étudiants lors des pauses-déjeuners. Monsieur Valroy était très mécontent lorsqu'il avait vu l'extérieur aussi sale. Il ne peut pas faire son cours librement. Et puis, le jardinier n'est pas présent cette semaine, expliqua Gaspard.
—Oh...
Enzo souffla d'exaspération et se dit qu'il aurait mieux fait d'écouter Dimitri et de ne pas aller à cette retenue qui était déjà une plaie comme ça pour en rajouter. Il suivit Gaspard jusqu'à un petit placard où le professeur ouvrit la porte afin de donner un sac poubelle et une pince à déchet bleu. Gaspard soupira en voyant la mine déconfite de son étudiant et prit une nouvelle pince pour lui-même sous le regard de son étudiant.
—Professeur ?
—Hum ?
—Pourquoi en avez-vous une aussi ?
—C'est déjà une plaie de ramasser des déchets, alors en retenue et seul, c'est encore deux fois plus fatiguant, expliqua Gaspard.
—Je ne comprends pas votre raisonnement, professeur, c'est le but d'une retenue, fit remarquer Enzo.
Gaspard haussa les épaules et amena son étudiant à l'extérieur. Dès leur sorti de l'établissement, ils commencèrent à enlever les déchets de la cour extérieure sous le soleil couchant. Enzo, la tête baissé, scrutait de loin Gaspard qui avançait tranquillement dans la cour, le dos légèrement courbé et penché vers le sol tout comme pour lui.
Même de loin, il est magnifique, pensa Enzo.
Le rouge aux joues, il baissa le regard et continua le ménage imposé, suivant les pas de son professeur d'histoire. Il se cogna, au bout d'un moment, contre le torse de Gaspard et recula en se frottant le nez. Enzo regarda Gaspard avec curiosité et se positionna à côté de lui. Gaspard regardait le coucher du soleil d'un air hagard et Enzo regarda les traits de son visage.
—Pourquoi êtes-vous arrêté, professeur ? demanda Enzo.
Gaspard soupira de lassitude et baissa le regard afin d'observer ses mains.
—Elle me manque tellement, avoua-t-il.
—Qui ça ? demanda Enzo le cœur battant de peine et de jalousie.
—Ma femme...Enfin, mon ex-femme. Nous avons rompu il y a quelques semaines...déclara Gaspard.
Enzo ouvrit la bouche avec étonnement. Il ne pensait pas que c'était ça, la raison de sa semi-dépression. Pourquoi avait-il rompu avec sa femme ? Avait-il fait quelque chose de mal ou était-ce sa femme ? Il était devenu curieux. Il voulait en savoir un peu plus chaque jour sur son prof d'histoire. Enzo hésitait à lui demander le pourquoi du comment, mais était-ce seulement autorisé ? Avait-il le bénéfice du doute pour le lui demander ? Il n'était pas aussi proche de Gaspard qu'il l'aurait aimé...Il doute réellement de pouvoir lui demander la raison. Cependant, il n'eut même pas à le faire que Gaspard lui donna la réponse.
—À cause de la distance, je ne peux pas la voir, lui parler. Elle ne me donne pas son horaire, alors je ne sais pas quand l'appeler et je me demande toujours si ça la fatigue encore plus notre appel. Du coup, je ne le fais pas. Je ne veux pas qu'elle faiblisse, qu'elle tombe malade alors qu'elle a tant voulu avoir ce travail. Je ne veux pas la rendre totalement vulnérable. Pff, je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça pour être honnête, Monsieur Levalier, déclara Gaspard d'un ton fatigué.
Le regard de Gaspard se voilà de tristesse, faisant serrer le cœur du jeune garçon à ses côtés. Ce dernier se rapprocha de plus en plus de l'adulte et lui empoigna la main afin d'enlacer leurs doigts entre eux. Gaspard ouvrit la bouche avec étonnement et le regarda faire sans s'opposer.
—Vous me dites tout ça, car vous en aviez besoin de quelqu'un comme moi. Quelqu'un qui sera là pour vous épauler dans les moments les plus dur, quelqu'un sur qui compter, sur qui pleurer et quelqu'un sur qui vous pouvez vous confiez. Ne vous en faites pas, je serais cette personne pour vous, si vous le désirez, professeur, déclara Enzo.
Gaspard écarquilla les yeux à ce discours loufoques et regarda les pupilles pétillants de tristesse d'Enzo qui regardait avec peine ses mains rugueuses.
—Je vous en remercie, Enzo, mais je crois que vous ne pourrez pas le faire. Nous n'avons pas le droit.
Enzo serra les mains qu'il tenait et un rictus se forma sur son visage éclairé par la lune naissante qui les éclairaient.
—Ne vous fatiguez pas. Je m'en contrefiche de ces règles. Professeur, vous allez mal. Je suis là pour vous aider dans cette impasse. Qui le peut ? Célestine ? Catherina ? Non. Je veux que cette personne soit moi !
—Enzo ! Ne faites pas vos caprices d'enfant ! Retournez plutôt à votre retenue ! Je n'aurais pas dû me confier à vous !
—C'est ma faute, maintenant ? V—Vous êtes ridicules ! cria Enzo.
Il s'éloigna et furieux, il prit la pince à déchet et le sac afin de s'éloigner et de rentrer brusquement dans l'établissement. Il donna le tout au concierge qui passait à ses côtés, faisant la ronde. Celui-ci le regarda avec hébétement et Enzo se dirigea vers le dortoir.
Et lui, qui pensait bien faire et se rapprocher de Gaspard. C'était raté.
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