Chapitre 27: Envie
Gaspard regarda l'heure sur sa montre à gousset. Il jeta des regards à ces quatre derniers élèves. Maximilian finit par se lever de la troisième rangée et lui donner sa copie avec un regard penaud.
— J'ai fait du mieux que j'ai pu, professeur, déclara-t-il d'une voix triste.
— Bien. Seul l'effort personnel enrichit et libère*, Maximilian.
Le jeune homme à la peau caramel hocha la tête et c'est tremblotant, presque sur le point de pleurer qu'il sortit de la salle d'histoire, pensant avoir été une catastrophe ambulante pour son examen. S'en suivit de près par Caklian et Browen. Il ne restait plus qu'Enzo, qui écrivait les dernières réponses. L'heure sur sa montre montrait qu'il ne lui restait plus que quatre minutes.
Le stress s'était amplifié et accélérait la circulation de son sang et rendait ses mains encore plus moite. Ce qui devait arriver arriva, il perdit son crayon à force du stress et le crayon avait roulé sur son pupitre avant de tomber sur le plancher dans un tintement cassant. Il se pencha et chercha son crayon de chaque côté. Plus que deux minutes. Il stressait de plus en plus ; il ne lui restait plus qu'une question. Une question parmi tant d'autres qui valait le plus de point !
Il se leva de sa chaise lorsqu'il vit enfin son crayon sous un bureau de la deuxième rangé. Le prit à la hâte et se rassit. Il lut la question rapidement et répondit à celle-ci alors que les minutes défilèrent devant ses yeux, lui cachant les lignes. Ce n'était qu'une illusion, lui noyant l'inspiration et l'écriture. Il ne voyait plus que les aiguilles sur sa feuille, le faisant trembler de peur et écrivant sans propreté, tout de travers. Il finit par bouger sa jambe, stimulant et dégageant son stress, le montrant à son prof qui ne faisait que le fixer ; attendant sa copie avec impatience.
Il se mordit la lèvre à nouveau, ouvrant le sang séché qui s'était installé sur ses lèvres charnues et déjà blessées par d'autres maltraitances de stress.
— Monsieur Levalier, appela son prof.
Enzo releva la tête et lui fit signe d'attendre à son prof par un signe d'index murmurant un faible « attendez une minute ». Gaspard regardait sa montre et son étudiant. Il le rappelait à l'ordre à plusieurs reprises. L'heure était écoulée et Enzo écrivait sur sa copie, dépassant le temps accordé aux étudiants.
— Enzo Levalier, le reprit plus fort Gaspard.
Enzo sursauta et soupira. Il voulait terminer sa phrase, mais c'était fini. Las et déçu, il finit par se lever au bout d'un certain temps de réflexion. Il longea les tables avec son cahier d'examen en main et le regarda une dernière fois avant de le donner malencontreusement à son prof. Gaspard le regarda et déposa le cahier sur la pile d'examen. Enzo se retourna à son pupitre, jeta un coup d'œil à son prof, ramassa ses affaires et quitta la pièce. Il n'aimait pas sortir le dernier. Il s'en voulait de ne pas avoir plus de réaction, de rapidité pour répondre aux questions.
Tandis qu'Enzo allait au self pour manger au côté de Dimitri, Gaspard resta interdit, installé confortablement sur sa chaise roulante. Il regardait les copies et hocha la tête. Il finit par se lever, la chaise brisant le silence autour de lui en reculant et prenant les copies, il quitta à son tour la salle de classe afin de se diriger vers son bureau dans deux étages plus bas. Il arriva au couloir de l'administration et soupira en voyant Catherina assis sur ses fauteuils, regardant le cadre où il était avec sa femme.
— Votre sœur ? demanda Catherina en montrant le cadre, un regard inquiet sur le visage.
— Non, c'est ma femme, répondit-il en s'asseyant sur sa chaise et en posant ses copies dans un bruit sourd.
Catherina sursauta au bruit, ne s'y attendant pas et regarda de ses yeux pastel l'homme en face d'elle. Elle sourit.
— Oh, celle que vous avez parlé au pub ? demanda Catherina.
— Oui, répondit Gaspard sans hésitation.
Catherina sourit en voyant la réponse hâtive et sans une once d'hésitation de Gaspard. Elle déposa le cadre et louchait toujours sur la robe rose que portait la ravissante femme de l'homme mordu d'histoire.
— C'est une image de vos noces ? Vous semblez moins téméraire sur cette image.
— Oui, nous venons de nous marier et cette photo a été prise lors de notre voyage de noce. Effectivement, vous êtes une vraie petite détective, éclaira-t-il.
Catherina parti à rire, prenant cette constatation comme un compliment alors que c'était plutôt une petite insulte. Gaspard trouvait cette femme trop fouineuse et parlote. Ce n'était pas son genre, mais pas du tout. Il ne comprenait pas pourquoi Benjamin voulait qu'il y ait plus d'affinité entre eux. Ils n'avaient rien en commun. Pour certains, ce fait était plus excitant, mais cela dérangeait énormément Gaspard. Quelles seraient leur activité ? Leur quotidien ? Sur quoi leurs discussions tourneraient progressivement ? Ça ne lui plaisait absolument pas.
— Que puis-je pour vous, Catherina ? Vous n'êtes pas venu ici pour parler du beau temps, fit Gaspard.
— Effectivement, professeur. Après ma rencontre avec Benjamin, il m'a avoué que ce Week-end il ne pourrait pas participer à notre rendez-vous. Il m'a clairement certifié que vous aviez été d'accord pour le remplacer, du coup, je suis venue pour vous faire un briefing du Week-end.
Gaspard ébouriffa les cheveux d'un air fatigué et penaud.
— Je m'excuse, mais je crois qu'il y a erreur. Nous ne devons pas continuer à nous voir. Je ne veux rien à faire avec vous, Catherina. J'ai une femme et je l'aime. Je ne veux pas la tromper, fit Gaspard.
— Qui dit qu'elle devrait le savoir ? demanda Catherina dans un sourire forcée et à la fois mystérieux.
— Catherina, si cela continue, je vous prierais de quitter mon bureau et de ne pas y revenir, déclara Gaspard d'une voix sèche.
Catherina se renfrogna.
— Donc, vous annulez ce rendez-vous préalablement accepté ? Vous êtes un lâche, je ne vous pensais pas comme ça, Gaspard. Vous reculez devant ce qui vous fait peur, devant ce qui est interdit alors que c'est parfois excitant et vous vous empêchez d'explorer de nouveaux horizons, insista Catherina.
— Je vous prie de vous arrêtez là. Je ne suis pas un lâche. J'ai des principes et la tromperie ne fais pas partie de mon dictionnaire. C'est mal. Je ne veux pas y explorer quoi que ce soit et vos nouveaux horizons vous pouvez les mettre là où je pense.
— Oh ! Je me sens terriblement offusquée !
— J'en suis sincèrement désolé.
Catherina se leva et s'éloigna.
— Je vais vous montrez que vous ratez quelque chose et que vous allez regretter vos paroles. Je suis sûre que je vous fais de l'effet et je vais vous les faire dévoiler, vous les retirer de leur prison que vous retenez, déclara Catherina.
Dans un geste gracieux, elle releva une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille et quitta avec colère le bureau de Gaspard. Celui-ci soupira et regarda sa femme d'un air nostalgique.
— Je tiendrais notre promesse, ma chérie, fit-il.
Nostalgique, il prit les cahiers et commença à corriger les copies.
***
Tard le soir, Gaspard souffla et déposa son stylo rouge. Il massa ses poignets et regarda la lune se refléter sur les vitres de son bureau sur le mur gauche. Il parcourra des yeux son bureau. Il avait passés son après-midi enfermé dans son bureau, à boire du café à longueur de temps et en corrigeant les examens de la matinée. Il avait entendu plusieurs brouhaha provenant de l'extérieur, signe que les étudiants s'amusaient dans les jardins de l'établissement. Il avait également vu les professeurs de sport leur inculquer le sport du golf dans l'après-midi.
Il s'était souvenu à ce moment-là de la partie qu'il avait joué avec sa femme il y a deux-trois ans et s'est souvenu de son rire angélique et contagieux, ses cheveux virevoltants au grès du vent et sa jupe blanche l'accompagnant dans une danse imaginaire ; son sourire embellissant son visage et rapetissant ses pommettes. Il s'était rappelé également le pique-nique, en fin d'après-midi, qu'ils avaient fait et le cadeau de sa femme : le roman d'Arthur Conan Doyle.
Il sursauta lorsqu'il entendit trois coups portés à la porte. Il prononça le « entrez » d'une voix forte et téméraire. Il vit Enzo entrer et son sourire se camoufla dans un visage sévère et adoucit à la fois.
Enzo parcourra, à nouveau, des yeux l'immense bibliothèque qui était installé contre le mur devant Gaspard et se tourna rapidement vers son professeur d'histoire. Il s'asseyait sur l'un des fauteuils et sentit une odeur de café et de camomille. Une nouvelle odeur. Il fronça les sourcils et essayait de se rappeler d'où il avait senti cette odeur. La femme blonde parvint comme un flash dans son esprit et son regard s'assombrit. Elle était venue ici, à sa place. Enzo serra les doigts et regarda la femme de Gaspard sur le cadre. Il était entouré de belles femmes. Qu'avait-il de si spécial qui les attiraient ?
Enzo parvint à croiser le regard noir de Gaspard et s'y plongea, son esprit s'infiltrant dans ses abysses éternels. Un silence agréable les encercla tandis qu'ils se plongèrent dans le regard l'un de l'autre, essayant tous deux de faire baisser le regard de l'autre ; faisant un duel imaginaire. Ce fut Enzo qui détourna le regard le premier, un picotement s'était fait sentir dans son estomac et son cœur tambourinait dans sa poitrine, le faisant mal et Gaspard émit un sourire de vainqueur. Il toussota pour faire relever la tête d'Enzo afin de capturer son attention.
— Bien, je présume que vous êtes là pour votre retenue, fit Gaspard.
Enzo hocha la tête et son esprit fut lunatique lorsque la voix de son prof l'envahie et le rouge lui parvint à ses oreilles lorsqu'il regardait les lèvres pulpeuses de Gaspard se séparer pour prononcer des mots, lui dictant ce qu'il devait faire durant cette retenue. Enzo était déjà ailleurs et n'avait pas écouté les propos de Gaspard.
Une pensée lui vient directement, son cœur fit le tocsin.
Il avait envie de les embrasser.
De savoir leur goût.
Mais Gaspard était un homme inaccessible pour lui.
Et pour ça, il jalousait sa femme.
*Citation de Reine Malouin, évolution-101.com
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