Chapitre 30 : Bataille de boules de neige
Mon instinct de survie prend le dessus et c'est avec tout mon courage que je lève la main pour pointer Bors du doigt. Ce dernier me lance un regard abasourdi, choqué avant s'écrier:
-Enora !
Lancelot continue cependant de me fixer et une lueur sadique prend place sur son visage. J'ai le temps de le voir se baisser pour prendre de la neige. Au moment où il me lance la boule, je m'accroupis, l'évitant de peu. Lancelot blêmit en regardant derrière moi. Je me tourne et faillis éclater de rire. La neige, que j'ai évitée, a atterri sur mon pauvre Galahad.
Il passe la main sur son visage avant de fixer la neige. Il inspire ensuite profondément et lance un regard meurtrier à Lancelot.
-C'est de sa faute ! argumente celui-ci. Elle a esquivé ! Et puis, c'est elle qui a commencé !
Galahad me lance un regard songeur alors que j'ouvre la bouche comme un poisson, indignée. Les deux chevaliers se lancent un regard complice que je comprends directement.
-N'y pensez même pas ! je couine en reculant.
Ils avancent lentement vers moi alors que je continue de reculer. Je bute contre un corps, me tourne pour me trouver face à un Bors amusé. Je ne réfléchis pas plus longtemps et me cache derrière lui.
-Dis leur d'arrêter, je lui dis.
-Bors, c'est toi ou elle, intervient Lancelot d'une voix faussement désolé.
-Ben, je peux pas te laisser t'en prendre comme ça à la gamine, commence-t-il en faisant semblant de réfléchir. D'un autre côté, ça pourrait être amusant.
-Non, ça ne le serait pas du tout, je le contredis en fronçant les sourcils.
-Allez Bors, pousse toi, le presse Gal en me lançant un regard d'enfant sadique.
-Et bien, après mûre réflexion, j'ai décidé..., répond lentement ce dernier.
Il se baisse sans que nous ayons le temps de comprendre ses intentions. Je ferme les yeux, résignée à me faire attraper, quand j'entends un son étouffé et le rire satisfait de mon ours.
-Je disais donc que j'avais décidé de défendre la gamine, s'écrie-t-il en bombant le torse, fier de lui.
-Tant pis pour toi ! répond Lancelot.
Il ramasse de la neige et s'apprête à tirer.
-En position gamine, on va leur faire bouffer cette neige !
Je fixe des yeux médusés sur mon ami avant de me secouer quand la boule passe à quelques centimètres de mon visage. Je fusille du regard mes deux soi-disant amis et me baisse pour riposter.
-Prend-les par le nord ! ordonne Bors.
Je m'exécute, me disant tout de même que Bors transforme décidément toute activité en plan de bataille.
Je vise Galahad quand celui-ci a la merveilleuse idée d'esquiver. Ma boule frappe alors Gauvain qui tente de se cacher depuis le début de notre bataille, contrairement à Tristan qui est nonchalamment appuyé contre un arbre, son oiseau sur l'épaule.
Gauvain semble mal prendre mon geste puisqu'il se met à me viser également.
-Enora, gauche !
Je lance un regard noir à Bors de derrière mon arbre. Si j'avais pu aller à gauche, il ne croit pas que je l'aurais fait ? Le fait est que c'est impossible puisque Gauvain et Gal sont tous les deux sur moi et que je tente de les éloigner en les mitraillant le plus vite possible.
Bors semble comprendre puisqu'il fait un plaquage digne d'un rugbyman professionnel à Lancelot et vient s'occuper de Gauvain. Je prends la fuite, Galahad à mes trousses et m'empêtrant dans ma robe, le souffle court à cause de mon fou rire. Un sourire sadique effleure mes lèvres quand je vois Lancelot, de dos, mitraillant Bors en riant alors que ce dernier tente de se débarrasser de ses deux attaquants. Je prends de la neige et reprend ma course, accélérant l'allure alors que Gal est toujours à mes trousses. J'approche, prend mon élan, pousse sur mes jambes quand je suis assez près et...
-WAZAAAAAAAAA ! je hurle en atterrissant sur son dos.
J'étale la neige sur son visage alors qu'il essaye de me faire lâcher prise, mais je tiens bon. Quand je n'ai plus de neige, je passe mes mains glacées sur son cou, lui arrachant un cri pas du tout masculin. Je hurle de rire alors qu'il tente de nouveau de m'éjecter avec plus de force, mais je sers mes jambes autour de sa taille avec plus de force malgré la robe.
-Galahad, bon sang ! crie-t-il. Aide-moi !
Il tourne sur lui-même et nous tombons sur un Gal écroulé de rire par terre.
-Wa...elle a dit....Waza...
J'échange un regard blasé avec Lancelot et nous secouons la tête avec une synchronisation parfaite. J'ai un petit cri de surprise en me sentant tirée en arrière et je m'accroche à Lancelot qui émet un son étouffé. Il faut dire que je viens de l'étrangler avec mes bras autour de son cou ! Je jette un regard surpris derrière moi pour découvrir un Tristan pas content -comme c'est surprenant.
-Tu veux bien le lâcher ? demande-t-il en continuant à tirer.
-Mais arrête de tirer ! je crie avec frayeur. Tu vas nous faire tomber !
-Et vous m'étranglez, intervient Lancelot.
Tristan n'écoute pas et continue à essayer de me faire lâche prise alors que je résiste. Si je lâche maintenant, on va tous se retrouver à terre et je n'ai pas envie de me taper le poids de Lancelot sur la cage thoracique !
-Lâche-le !
-Quand tu me lâcheras !
-Non !
-Si !
-Mais non !
-Mais si !
Il tire un coup plus fort et ce que je craignais se réalise. Je pars en arrière avec le réflexe de m'accrocher à Lancelot qui suit le mouvement. Tristan comprend sa connerie et essaie de me rattraper, mais le seul changement est qu'il tombe avec nous.
La position est vraiment cocasse. Je suis dos contre Tristan tandis que Lancelot est dos contre moi. Et c'est Tristan qui porte tout le poids.
-Je te l'avais bien dit ! je marmonne en peinant à respirer.
-Enora, pour une fois, tais-toi, grince-t-il.
Je repousse Lancelot qui tombe comme une masse sur la neige en riant. Je reprends ma respiration en restant sur Tristan qui finit par s'éclaircir la gorge.
-Tu ne te lèverais pas ? demande-t-il.
-Où sinon quoi ? je le taquine en me mettant face à lui, oubliant ceux qui nous entoure. Tu comptes me punir ?
-C'est une idée comme une autre, murmure-t-il alors que je frotte mon nez au sien.
Je lui souris, taquine avant de l'embrasser. Je tente de me contrôler, ne laissant pas le feu me ravager. Il m'agrippe la nuque d'une main alors que l'autre me caresse le dos. Je tâtonne le sol, attrape de la neige et...l'étale sur son visage. Il sursaute et me lance un regard abasourdi.
-Tu ne l'avais pas volée ! je rétorque en souriant joyeusement. Ça t'apprendra à me laisser me débrouiller seule contre des gorilles pour ensuite me faire tomber.
Il hausse un sourcil avant que sa main ne plonge vers mes côtes. Je sursaute avant d'essayer de me dégager, hurlant de rire. Comme il a du mal à me maintenir en place, il passe au-dessus de moi et je n'ai plus aucune échappatoire.
-Tri...Tristan, je halète. Ar...arrête.
-Mais que se passe-t-il donc ici ?
Tristan se fige alors que je retiens ma respiration. Mon homme jette un coup d'œil par-dessus son épaule avant de grimacer. Je lève la tête, essouffler et grimace à mon tour. Arthur nous regarde comme si nous avions perdu l'esprit. Les chevaliers encore debout, et couverts de neige de la tête aux pieds, se balancent sur leurs jambes comme des enfants pris en faute.
-On s'est battus, j'annonce difficilement en repoussant Tristan sur le côté pour pouvoir respirer.
-Quoi ? s'exclame Arthur en tournant un regard réprobateur aux chevaliers.
-Elle plaisante, intervient Lancelot en me fusillant du regard. C'était une simple bataille de boules de neige.
-Bataille de boule de neige ? demande-t-il avec consternation. Quel âge avez-vous donc ?
-Ne prend pas cet air là grand-père, on dirait que tu es constipé, je ricane.
Il ouvre la bouche, prêt à rétorquer, mais il finit par changer d'avis. Il secoue la tête en soupirant profondément.
-Nous allons reprendre la route, marmonne-t-il avant de se détournant en soufflant: Que Dieu nous vienne en aide.
On le regarde s'éloigner sans oser bouger.
-Il n'a pas l'air de bonne humeur, je rétorque pensivement.
-Il ne l'est pas, affirme Lancelot. Il est sous pression.
-Justement, rien de tel qu'une bataille de boule de neige pour se détendre !
-Tu devrais te lever avant d'attraper froid, fait remarquer Galahad.
Je souris et obtempère avant de grimacer quand mon ventre grogne.
-Je crois que j'ai faim, je bredouille.
À peine ai-je fini ma phrase qu'ils partent tous vers leur sacoche. Gauvain me donne un morceau de pain, Galahad sa gourde, Bors de la viande séchée, Lancelot des petits fruits qu'il a cueilli lui-même et Tristan une pomme. Je regarde ses victuailles comme la septième merveille du monde avant de sauter dessus. Il ne faut pas longtemps avant que tout ne disparaisse. Une fois que j'ai terminé, je sens la peau de mon ventre tendue de satisfaction.
Les chevaliers m'ont regardée manger avec de grands yeux et je ne peux m'empêcher de rougir quand je le réalise. Le regard le plus insistant est celui de Lancelot. Ses sourcils sont froncés comme s'il essayait de comprendre quelque chose, une chose qu'il n'avait pas envisagée avant.
-J'avais faim, je me défends.
-C'est évident, sourit-il d'un air légèrement crispé. On devrait y aller avant qu'Arthur ne s'interroge.
-Je vais voir Dag, je préviens.
-Je pars devant, dit Tristan.
Il m'embrasse sur le front avant de partir et je le regarde faire avec un sourire rêveur.
-Tu devrais voyager avec la femme et l'enfant aujourd'hui.
Je jette un coup d'œil surpris à Lancelot qui n'a pas quitté son air concentré.
-Pourquoi je ferais ça ? je demande avec perplexité -Lancelot a toujours été le dernier à me dire de me ménager.
-Tu sembles... épuisée.
Il dit le dernier mot en fronçant d'autant plus les sourcils.
-C'est stupide, je soupire avec agacement.
-Est-ce que tu pourrais, pour une fois, suivre un conseil ?
Je le regarde avec inquiétude. Que se passe-t-il ? Pourquoi insiste-t-il à ce point ?
Je remarque les autres chevaliers qui écoutent la conversation avec la même perplexité. Il y a de quoi rester septique. Lancelot a toujours été le dernier à se préoccuper de mon état physique. J'ai toujours eu l'impression qu'il me considérait comme son égal. Il ne me demande jamais si je suis fatiguée, si je me sens bien. Et c'est ce que j'aime avec lui. Quand je lui parle, je n'ai plus l'impression d'être un être fragile qu'il faut à tout pris protéger. Ce que les autres font, consciemment ou non.
Alors, qu'il s'inquiète aujourd'hui du fait que je sois... fatiguée est vraiment bizarre.
Il me fixe sans scier et je décide d'obtempérer... juste pour cette fois. Et aussi parce qu'il est vrai que j'ai besoin de repos.
-D'accord, je consens. Mais j'exigerai tôt ou tard une explication, compris ?
-Je n'en ai jamais douté, sourit-il.
Je soupire en levant les yeux au ciel et me dirige vers la charrette. J'ai un moment d'hésitation avant d'entrer, redoutant que la femme soit présente. Mais, je n'ai aucune raison de fuir. J'inspire profondément, plaque un sourire sur mon visage et monte.
-Bonjour, je lance joyeusement.
Mon regard tombe en premier sur Dag qui me fixe avec son éternel bienveillance et son air fraternel. Je ne résiste pas à mon instinct et le prend dans mes bras.
-Tu m'as manqué, j'avoue d'une petite voix.
-On s'est vu il n'y a pas si longtemps, rit-il doucement.
Je me dégage en souriant toujours et lui fait un clin d'œil.
-C'est ta fiancée ? fait une petite voix.
Dag s'étouffe avec sa propre salive alors qu'un ricanement m'échappe. Si c'était le cas, ça rendrait sûrement les choses moins difficile mais... C'est Dag et personne ne vaut Tristan à mes yeux -aussi compliqué soit-il.
Tu peux parler de complexité, toi. Tu es une as dans le genre paradoxe humain, je te rappelle.
-C'est une amie, corrige Dag d'une voix bourrue.
-Qu'est-ce qu'elle est belle !
Je porte mon regard sur l'enfant en rougissant. Alors celle-là, c'est la première fois qu'on me la fait ! Belle, non mais je vous jure ! Je lui souris néanmoins avant de lui faire un clin d'œil complice.
-Tu n'es pas mal non plus, je rétorque et il rougit à son tour. Je m'appelle Enora et toi ?
-Lucan, dit-il timidement. Et je suis Breton, ajoute-t-il avec force en me lançant un regard de défi.
-Et moi Californienne, je réponds avec enthousiasme.
Il me sourit avec franchise et mon regard est attiré par un mouvement. La femme bretonne se relève sur ses coussins et me fixe, intriguée. Je détourne le regard en pinçant les lèvres et m'adresse à Dagonet.
-Tu as mangé ?
-Non, pas encore, répond-t-il. Lucan reprend seulement des forces.
-Tu devrais y aller, je gronde. Un tas de muscle comme toi a besoin de carburant et ça te ferait du bien de te dégourdir un peu les jambes.
Il ouvre la bouche pour protester, mais semble réaliser la véracité de mes propos.
-Et.. ça va aller ? hésite-t-il.
Il n'y a pas à dire, il me connaît parfaitement. Le regard discret dirigé vers la femme en dit long. Je lui souris de manière rassurante et acquiesce. Il se lève alors que ses jambes émettent un craquement qui me fait grimacer. Bon sang, combien de temps est-il rester sans bouger ? Il s'étire, faisant craquer ses jointures les unes après les autres, mais je ne peux en supporter plus.
-Dag, pitié, arrête ça, je grince.
Il me lance un sourire narquois et sort de la charrette juste avant qu'elle ne s'ébranle. Je secoue la tête en me disant que j'ai définitivement une mauvaise influence sur l'humour de mon entourage. Je prends la place de mon ami alors que l'enfant, Lucan, me fixe toujours. C'est vrai qu'il a l'air mieux.
-Où se trouve votre pays ? demande-t-il finalement. Je n'en ai jamais entendu parler.
-Très loin, je soupire regardant dehors le paysage défilé.
-Vraiment ? Loin comment ?
-Si loin qu'il m'est impossible d'y retourner.
-Et votre famille ?
-Je..., je commence en fronçant les sourcils. Je suppose que je n'en ai plus vraiment, je termine.
Je n'y ai jamais vraiment réfléchi, en fait. Ai-je toujours une famille ? Celle que j'avais n'est pas encore née et me croit morte de leur côté -soit plus de mille ans plus tard. Qu'est-ce que ça signifie ? Que je n'ai plus de famille ? Bon sang, pourquoi cette constatation me met les larmes aux yeux ? Je me transforme en véritable nouille !
Une petite main se pose sur la mienne et la sert comme pour me réconforter.
-Moi non plus, je n'ai plus de famille, annonce-t-il tristement.
Je le regarde avec tristesse. Comment puis-je me plaindre ? Ce n'est qu'un enfant et il a déjà tout perdu ! Quel droit ai-je de me lamenter sur mon sort ?
Je ravale donc ma tristesse et lui souris gentiment.
-Dagonet prendra soin de toi à partir de maintenant, je lui assure.
-Comment pouvez-vous en être sûre ? s'enquit-il craintivement.
-Parce qu'il a pris soin de moi.
Il me sourit et se détend sur ses coussins. Il ferme les yeux en tenant toujours ma main et je laisse ma tête aller contre la paroi sans prêter attention à la bretonne. Pourtant, je sens son regard sur moi.
-Aurais-je fais sans le savoir quelque chose qui vous aurait offensée ?
Je sursaute avant de tourner mon regard vers la voix. Je le détourne en rencontrant les yeux de la bretonne. J'ai cependant le temps de remarquer qu'elle semble juste intriguée, pas vexée.
-Non, je réponds simplement.
-Dans ce cas pourquoi me détestez-vous ?
Je lui lance un regard abasourdi, plantant pour la première fois mon regard dans le sien.
-Te détester ? je m'écrie en la tutoyant sans m'en rendre compte. Je ne te déteste pas, voyons !
-Dans ce cas, pourquoi tant de froideur ?
Je balade sur elle un regard pensif, notant au passage que les images sont moins fortes. Que répondre à ça ? Je n'ai jamais cru que mon indifférence apparente l'affecterait et encore moins qu'elle le prendrait pour du mépris.
-Tu...ramènes des images indésirables et que j'ai cru avoir oubliées, je souffle finalement en détournant le regard.
Il y a un silence avant que sa voix ne se fasse de nouveau entendre.
-Qui ?
-Les saxons, je réponds sans y penser.
-Ces barbares, grogne-t-elle férocement.
Je lui lance un regard nouveau. Elle ne semble finalement pas être une petite chose fragile ou brisée. La lueur dans ses yeux est féroce, meurtrière. Presque autant, j'en suis certaine, que celle qui m'anime quand je pense à eux.
Quoi d'étonnant ? Tu passes ton temps à juger trop hâtivement les autres. C'est l'un de tes nombreux défauts. Tu adores jouer à l'autruche !
Pas faux. Même très vrai. Mais, ne dit-on pas : faute admise, faute à moitié pardonnée ?
-Je dois juste m'habituer à toi, je suppose, j'ajoute avant de grimacer.
La façon dont je présente la chose fait penser à un animal sauvage qu'on tente d'apprivoiser après qu'il ait été battu. Mais, n'est-ce pas le cas ?
Tu dois arrêter de te représenter comme un animal à chaque occasion qui se présente ! C'est ce qu'ils voulaient !
Encore une fois, pas faux.
-Tu es celle dont parlait mon peuple, n'est-ce pas ? Celle venue de loin pour nous aider à retrouver nos terres.
Je lève des yeux ronds comme des soucoupes vers la bretonne. Et pas parce qu'elle vient de me tutoyer.
-Je suppose mais, pour le coup, tu en sais bien plus que moi, je réponds.
Et c'est la vérité. Merlin ne m'a jamais expliqué les choses aussi clairement. Sauf que, je commence à croire que je préfère ses énigmes. C'est quoi ce délire au juste ? Les aider à retrouver leur terre ? Et comment ? En jetant dehors l'évêque à l'aide de coup de pieds dans l'arrière-train ?
Pas que ça me déplairait. Par contre, Arthur risquerait de ne pas apprécier. Même si mono-sourcils semble avoir baissé dans son estime avec cette mission pourrie de dernière minute.
-Merlin n'est pas très loquace, j'ajoute. Il m'a plus donné d'interrogations que de réponses.
-C'est son genre, acquiesce-t-elle. Il préfère que tu découvres les choses par toi-même, pour ne pas t'influencer.
-Ce serait tout de même pas mal de me donner un point de départ, je grommelle.
Le silence retombe finalement. Ce n'est pas vraiment un silence tendu ou gêné comme celui de départ, nous n'avons simplement rien de plus à nous dire.
La charrette s'arrête le temps que Dagonet entre avec la femme du boudiné. Cette dernière va s'asseoir dans un coin alors que mon ami me rejoint. La bretonne finit par se lever en soupirant, s'enroulant dans des couches de vêtements et s'installant à l'ouverture. C'est vrai qu'il fait froid, mais je commence à m'habituer.
Personne ne parle et je somnole plus que je ne dors. Je sens Dagonet me couvrir et je lui fais un sourire endormi. Ensuite, j'entends la voix de la bretonne. Je fronce les sourcils, me demandant si elle parle toute seule. Mais, la voix d'Arthur lui répond, ce qui me pousse à prêter plus d'attention à ce qui se dit sans le laisser paraître.
J'ai un sursaut en entendant qu'Arthur est à moitié breton et Dagonet me lance un sourire ironique. Je rougis, prise sur le fait, mais n'en continue pas moins d'écouter. Elle rappelle à Arthur qu'il tue son propre peuple alors qu'il ne souhaite que récupérer leurs terres.
Quand j'entends la bretonne continuer de parler au point d'énerver Arthur, je me dis qu'elle mérite peut-être d'être connue. On aurait un but commun : faire perdre son calme à Arthur le plus souvent possible !
Il n'empêche qu'elle n'a pas tort la petite bretonne et qu'elle remet Arthur à sa place. J'ai beau l'adorer, il faut qu'il réalise que les romains ne sont pas des bisnounours. Et elle vient juste de le faire de manière très brusque mais efficace.
La femme du boudiné pince les lèvres et je lui fait un sourire railleur. La dame écoute aux portes et ne semble pas aimer ce qu'elle entend. Elle détourne le regard sans rien ajouter.
Quand il est évident qu'Arthur ne répondra pas -je n'arrive pas à croire qu'elle ait réellement réussi à le faire taire-, la bretonne reprend la parole. Arthur esquive une question gênante en l'interrogeant sur sa main et je lève les yeux au ciel.
Elle parle ensuite de sa terre, de la mère d'Arthur et de ce qui a poussé son père à la choisir. On peut lui accorder une chose à cette femme : elle ne lâche pas le morceau facilement. Décidément, je commence vraiment à l'apprécier.
Mais Arthur ne répond toujours pas et elle laisse tomber.
-Tu dois arrêter d'écouter les conversations des autres, me reproche Dag avec un sourire.
-Cette conversation était difficile à ignorer, je fais remarquer. Et ose me dire que tu n'as pas écouté, toi ?
Il me sourit de nouveau et ouvre la bouche pour répondre quand la charrette s'arrête. Il fronce les sourcils alors que je me lève.
-Je vais voir, j'annonce.
Je sors et écarquille les yeux en voyant que le ciel s'assombrit déjà. Nous sommes entourés d'arbres et de verdure recouvertes de neige. Je reconnais la touche de Tristan et conclus que nous nous arrêtons pour la nuit.
-Je t'accompagne, souffle Dag en sortant.
Nous montons à cheval et rejoignons les chevaliers.
-Nous dormirons ici, annonce Arthur. Abritez-vous sous ces arbres. Tristan, ajoute-t-il.
-Tu veux retourner te promener ? demande ce dernier à ce maudit oiseau.
Je dois être folle mais je suis certaine que ce moineau ricane quand Tristan l'envoie en l'air. Je grince des dents sans rien dire.
Tristan part en arrière et je le suis un moment. On s'arrête hors de vue et il se tourne vers moi.
-Je ne serai sûrement pas là cette nuit, réplique-t-il.
Je soupire et mes épaules se voûtent. Bon sang, quand est-ce que je pourrais l'avoir pour moi ? Je grimace à cette pensée égoïste.
-Nous serons bientôt rentrés Enora, me réconforte-t-il.
-Ils nous restent au moins deux semaines, je soupire alors que mes yeux s'emplissent de larmes. Peut-être plus !
-Enora...
-Non, je l'arrête. Je sais que tu n'as pas le choix, je suis désolée. Juste... fais attention, d'accord ?
Il approche son cheval du mien et se penche pour m'embrasser. Ensuite, il s'en va.
Je serre les dents pour ne pas me mettre à pleurer tout en m'insultant intérieurement. Quelle cruche je fais, en ce moment. Ça en devient pathétique !
Je vais m'installer de mon côté, un peu plus loin des autres. J'ai envie d'être un peu seule. Je m'accroupis et prépare des couches pour m'allonger en soupirant, déprimée. Une fois terminée, je reste sans bouger, toujours accroupie. Qu'est-ce que je vais faire maintenant que Tristan est parti ? Il est toujours là le soir, d'habitude. Au moins, au moment où je me couche. Là, je suis toute seule et pas vraiment fatiguée.
Et puis, qu'est-ce qui me prend de me plaindre comme ça ? Ce n'est pas la première fois qu'il part en éclaireur et je le retrouverai demain matin ! Depuis quand suis-je autant dépendante de lui ?
Quand il n'est plus dans les parages, je suis presque perdue, c'est dingue ! Cette constatation me déprime encore plus.
Je me sens légèrement poussée à la tête et regarde avec de grand yeux Airas. Il me tourne autour avant de s'allonger à mes côtés, aussi près qu'il le peut. Bon sang, mon cheval essaie de me remonter le moral.
-Je suis si pathétique que ça ? je lui demande.
Il souffle légèrement et je lève les yeux au ciel. Je m'appuie sur son côté et regarde les autres autour de moi. Mon regard s'arrête sur Lancelot un peu plus loin qui regarde du coin de l'œil une charrette. Je fronce les sourcils, me penche et ouvre la bouche comme un poisson. Le pervers !
J'ai un petit sourire et me relève, revigorée. Je m'approche de lui alors qu'il s'est détourné et le bouscule.
-Alors, la vue était bonne ? je ricane.
Il me lance un regard embarrassé avant de redevenir lui-même.
-Presque autant que la tienne, assure-t-il en souriant.
-Tu mens, je réplique en plissant des yeux.
-Et bien, je suis le seul à le savoir pas vrai ?
-Les boules de neige n'ont pas réussi à te remettre à ta place ? je grince.
-C'est nous qui avons gagné, s'écrie-t-il.
-Ha non, c'était nous ! je riposte.
-Si Tristan n'était pas intervenu, j'aurais réussi à te faire descendre !
-C'est ce que tu dis !
On s'affronte du regard avant de pouffer.
-Arthur a raison, je soupire. Nous sommes de vrais enfants.
-Grâce à toi.
Je lui souris en retour et le laisse s'éloigner. Il semble un peu déprimé, n'empêche. Il en pince peut-être pour la bretonne. Voilà qui serait risible venant de monsieur aux mille conquêtes.
Je pars me coucher près d'Airas, profitant de sa chaleur. Mais voilà, le sommeil ne vient pas. Je n'arrive pas à dormir. Je rejoindrais bien Dagonet, mais il s'occupe déjà de Lucan. Je regarde donc le temps filer en tournant dans tout les sens.
Alors que je change de position pour la centième fois, je me fige. La bretonne s'éloigne à pas lents du campement, Arthur la suivant. Ben voyons ! Lui, il peut s'éloigner pour batifoler ! Que je l'entende encore faire une remarque.
Mais, j'ai comme un pressentiment. Il me dit de me lever et de les suivre.
Oui et les voir en pleine séance de bécotage ? Non merci ! Et puis, qui sait sur quoi tu pourrais tomber si tu te perdais !
Je soupire en changeant de nouveau de position. Sauf que ce pressentiment me pousse à me lever. Alors, je me lève et me laisse guider sans savoir où je vais. J'entends des voix en colère et les suis.
Je finis par me figer. Arthur est là avec la bretonne mais, il n'y a aucun bécotage. Surtout que Merlin se trouve devant eux et que Arthur brandit son épée en résistant mal à l'envie de l'empaler. Charmante réunion.
Alors que la bretonne parle, il baisse son arme et Merlin reprend la parole. Je continue de m'approcher pour entendre Merlin demander à Arthur de devenir le chef des bretons et j'écarquille les yeux. Bon, sang, il a de l'espoir, le vieux !
Évidemment, Arthur ne saute pas au plafond et tourne les talons, mais Merlin semble assez obstiné.
-Le fer de l'épée que tu tiens vient de cette terre, annonce-t-il alors qu'Arthur se fige. Elle a été forgée dans les flammes de Bretagne ! C'est l'amour pour ta mère qui a libéré cette épée et non pas ta haine pour moi ! L'amour, Arthur !
Celui-ci regarde son épée sans se tourner alors que je fronce les sourcils. Pourquoi déteste-t-il tant Merlin ? C'est vrai qu'il est agaçant, mais il n'a pas de raison particulière, si ? Apparemment, ça a un rapport avec sa mère. Il faudra que je l'interroge un jour.
Il ne répond pas et reprend son chemin. Il y a un silence alors que je regarde encore l'endroit où a disparu Arthur.
-Je sais que tu es là Enora, annonce Merlin, me faisant sursauter. C'est moi qui t'ai appelée.
Je soupire en levant les yeux au ciel. Pourquoi ça ne me surprend pas ? Je traverse l'espace qui nous sépare alors que Merlin et la femme -faut vraiment que je me mette à l'appeler par son prénom- me regarde.
Je me plante devant eux et croise les bras sur ma poitrine.
-Salut grand-père, je ricane. Enfin décidé à m'en dire un peu plus ?
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