Chapitre 28 : Derrière le mur.

Chapitre28 :

Derrièrele mur.



Jesuis énervée. Vraiment énervée. Pourquoi ? Plusieurs choses.

Toutd'abord, il pleut et on est dehors. Ensuite, je suis fatiguée mais,laditepluie m'empêche de fermer les yeux, ce qui me rend incroyablementirritable – plus que d'habitude, s'entend. Et pour finir, cesPictes me donnent des envies de meurtres.

Cesont de vrais crétins incapables de suivre des ordres simples. Enquoi est-ce compliqué de ne pas attaquer les chevaliers ? Je trouvepourtant cette phrase simple, courte et totalement compréhensible.Mais pas eux, apparemment.

Ilsnous sont tombés dessus sans prévenir. Ils ont décochés desflèches attachées à des cordes, nous bloquant le passage. Sansoublier les autres pièges meurtriers que seul un psychopathepourrait imaginer et qu'ils nous tiraient dessus avec leurs saletésd'arcs pour nous piéger comme un renard piège un poulet. Nous avonsessayéde les contourner sans attaquer personne. Non pas par altruisme oudiplomatie – et puis quoi encore ? –, mais par réalisme. Ilsavaient l'avantage de connaître cette fichue forêt comme leur pochepuisqu'ils y vivent et, si eux nous voyaient, ils nous étaienttotalement invisibles.Les chevaliers sont peut-être téméraires, mais pas suicidaires – bien que j'aieun léger doute pour Gauvain et ses encouragements douteux auxPictes.Du moins, pas quand je suis là.

Quandils ont réussi à nous coincer – en prenant soin de paniquer noschevaux dans l'action, évidemment –, ils nous ont menacés avecleurs arcs alors qu'on était comme des débiles à lever nos épées.Bon, certains chevaliers étaient prêtsà décocher leurs flèches eux aussi mais, autant rester réaliste –et surtout ne dites rien à Tristan, son égo en prendrait un coup –,on n'aurait pas été loin avec maximum quatre archers dans le noircontre dix voyant parfaitement.

Puis,leur regard – aux Pictes évidemment – se sont tournés vers moiavant de se figer. Certains avaient presque l'air terrorisé,ce qui m'a bien fait rire – ou plutôt ce qui me fait bien riremaintenant, je n'étais vraiment d'humeur à ricaner quand leurs arcsétaient pointés dans ma direction. Non mais c'est vrai ; ils n'ontpas peur de chevaliers meurtriers mais, une gamine de même pas unmètre soixante incapable de faire aller ses pouvoirs au bon moment :attention, c'est tout de suite plus effrayant ! Sans compter lesencouragements de Gauvain – ce type a des tendances suicidaires, cen'est pas possible autrement.

Pourfinir, une sorte de cor a sonné et ils se sont barrés sous nosregardslégèrement ahuris. La même question a dû résonner dans chacunede nos têtes : « Et c'est tout ? ». Enfin, sauf pour Arthur qui atoujours réponse àtout.

—Merlinne veut pas notre mort.

Nonsérieux, on n'aurait pas deviné tout seuls.Mais, si Merlin ne tient pas à nous liquider, il n'en est pas demême pour son peuple qui prend un malin plaisir à essayer de tuerMES chevaliers dès que l'occasion se présente ! De quoi me mettrede très mauvaise humeur.

—Turumines toujours ? me demande Tristan en s'installant près de moi.

Jeréponds par un grognement très gracieux et très féminin alorsqu'il se moque ouvertement de ma pauvre personne. On ne peut pas direque ce soit la joie entre nous mais, on essaie de faire avancer leschoses tout doucement. La preuve est qu'il ne serait jamais venucomme ça près de moi avant. Et j'ai beau trouver ça bien qu'ilfasse un effort, j'aurais préféré qu'il ne le fasse pas pour sefoutre de moi. Je suis déjà très irritée en ce moment – plusque d'habitude,s'entend – alors s'il vient en rajouter, je ne peux pas jurer qu'ilen ressortira indemne.

—Jene vois pas pourquoi tu le prends comme ça, insiste-t-il.

—Cesdébiles ne perdent rien pour attendre, je marmonne. Attends que j'enattrape un, je vais lui faire passer l'envie de retoucher à un arcpour le restant de sa putain d'existence !

—Enora,me gronde Arthur qui est un peu plus loin mais, malheureusement assezprès pour m'entendre.

—Quoi? je m'exclame. Ne me dis pas qu'ils ne t'ont pas mis les nerfs ? Nonmais c'est vrai quoi, on a fait que passer cette pu... naisede forêt. Il n'y a pas leur nom dessus que je sache !

Arthurlève les yeux au ciel mais ne répond pas, apparemment satisfait deme voir me reprendre sur les mots que j'emploie et Tristan me regardeavec une lueur moqueuse dans le regard.

—Tume sembles bien irritable belle Enora, intervient Lancelot en prenantplace de mon autre côté en passant un bras sur mon épaule.

Cetype doit vraiment être un handicapé visuel pour ne pas voir leregard noir et franchement effrayant que lui lance Tristan. Ou alorsil s'en fout et il est donc handicapé tout court.

—Premièrement,je déteste la pluie, je rétorque en haussant la voix. Deuxièmement,cette conne de pluie...

—Enora,ton langage, soupire Arthur avec un air blasé.

—... m'empêchede fermer les yeux, je continue sans l'écouter – ma propre mèren'est jamais parvenue à ne pas me faire jurer comme un charretieravant,pourquoi y arriverait-il ?

Lancelotretire son bras de mon épaule après un coup d'œil à mon homme quicommence vraiment à devenir nerveux par cette promiscuité.Handicapé mais pas con, le chevalier. Comme quoi, son instinct desurvie n'est pas si irrécupérable.Il se lève alors pour rejoindre les autres autour du feu. Je jetteun coup d'œil pensif à Tristan qui s'occupe de son épée et parsles rejoindre à mon tour.

Leschevaliers semblent frigorifiés et Gauvain – la tête entourée desa cape en tant que mince protection – ne se fait pas prier pournous le faire remarquer grâce à des plaintes.

—J'aitellement hâte de quitter cette île, s'exclame-t-il. Quand ce n'estpas la pluie, c'est la neige. Quand ce n'est pas la neige, c'est lebrouillard.

—Etpour eux c'est l'été, raille Lancelot.

Onest tous trempé. Et je dois dire que Tristan est très... Il n'y apas de mot pour décrire une vision pareille.Tristan mouillé de la tête auxpiedsen train d'affûter son épée, c'est juste carrément sexy.

Tues juste en manque.

Pasdu tout.

Pitié,c'est quand la dernière fois que vous avez été... intimes? Il faut vraiment que tu te décides à lui sauter dessus avant dedevenir cinglée. En plus, on dirait qu'il fait exprès de sepavaner.

Ilfaut dire que nos relations sont un peu tendues en ce moment.

Unpeu ? Vous marchez constamment sur des œufs. Et les autres sontaussi tendus que vous. Comme s'ils attendaient une attaque nucléaire.

Ilsne peuvent pas attendre une attaque nucléaire dans le sens où ilsne savent même ce que c'est !

Pasfaux...

—Lapluie c'est bien, intervient Bors, me sortant de mon débat intérieuret je lui lance un regard sceptique.Ça nettoie les maresdesang, gamine, me dit-il comme si c'était une évidence et jegrimace.

—Maisça ne nettoie pas l'odeur, rétorque Dag alors que Bors part d'ungros rire.

Jelève les yeux au ciel. Je les adore mais, parfois, les discussionsde filles me manquent un peu. Vanora me manque aussi, ainsi que lesenfants. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Lancelot change desujet avec un sourire railleur.

—HeyBors, l'appelle-t-il. As-tu l'intention d'emmener Vanora et tous tesbâtards à la maison ? demande-t-il alors que je le fusille duregard – il sait que je n'aime pas le terme de bâtard.

—Oh,soupire Bors. J'essaye d'éviter d'avoir à prendre cette décision...en me faisant tuer.

Ilsrigolent tous alors que je lève les yeux au ciel. Bors semble enfinse rappeler de ma présence car la panique s'inscrit sur son visageet il me dit :

—Nelui dispas que j'ai dit ça.

Lesautres ricanent alors que je secoue la tête en souriant. Cet hommeest l'un des plus courageux sur un champ de bataille mais, il estaussi l'un des plus peureux quand ça concerne sa femme.

—Dagonet? reprend mon ours alors que Tristan s'assied enfin près de moi etque je m'approche instinctivement près de sa chaleur. Elle voudraitse faire épouser et donner un nom aux enfants, dit-il d'une voixindécise alors que je souris en posant ma tête sur l'épaule de monvoisin.

—Lesfemmes, soupire-t-il en rangeant son épée.

Jerelève la tête, comme si j'avais reçu un électrochoc et lui metsun claque derrière la tête en le fusillant du regard, faisant rireles autres.

—Lesenfants ont déjà un nom, il me semble, tente-t-il de se justifiersans se rendre compte qu'il s'enfonce. Je me trompe ?

Jesuis de plus en plus indignée et il s'en rend compte puisqu'il lèveles yeux au ciel. Il compte agir comme ça avec nos enfants ? Oula.Pause. Je viens de penser quoi, là ? Moi, avoir des enfants ? Aveclui ? Je deviens folle ma parole. Je suis trop jeune pour penser àce genre de choses. Je ne suis même pas sûre de pouvoir y penser unjour, en fait.

—Iln'y a que Ellain, reprend Bors, me sortant de mes pensées bizarres.C'est déjà suffisamment compliqué. Les autres ont seulement unnuméro.

—Trèsintéressant, se moque Lancelot. J'ignorais que tu savais compter.

Jepouffe alors que les autres rient. Je me suis de nouveau rapprochéede Tristan, grelottante et il passe ses bras autour de moi en mefrictionnant. Je plonge mon nez dans son cou et inspire profondémentavant de soupirer de bien-être.Il ressert son étreinte en réponse et ses frottements deviennentdes caresses alors que nos autres mains s'enlacent. Dagonet sourit ennous regardant, mais je pense apercevoir une lueur menaçante dans leregard qu'il lance à Tristan.

—Jene pensais pas pouvoir rentrer vivant, lance Bors. Maintenant,l'occasion se présente et... Je n'abandonnerai pas mes enfants.

—Ilste manqueraientsûrement beaucoup, acquiesce Dag.

—Oui,j'approuve en souriant, émue. Ils manqueraient à n'importe qui, ilssont adorables.

—Lesnôtres le seraient aussi, sourit Lancelot avec un faux sourirecharmeur sous le regard noir de Tristan alors que je rougis en levantles yeux au ciel – j'ai beau savoir qu'il plaisante, je ne peux pasm'empêcher de rougir à chaque provocation de sa part et çal'amuse.

—Jeles emmènerai avec moi, poursuit-il en rêvassant. Je les aime,ces bâtards, ils sont tout pour moi.

Jetique un peu au mot employé mais, la seconde partie de la phrase metouche trop pour que je ne le fasse remarquer. J'ai presque envie depleurer – bon sang, je deviens trop sentimentale, moi. Je continuedonc à m'occuper de mon homme, mordillant son cou et le lobe de sonoreille pour l'embêter et il me répond souvent en me pinçantlégèrement les côtes, me faisant sursauter et poufferdiscrètement.

—J'aimesurtout le numéro trois, ajoute-t-il à notre attention. Il a l'âmed'un guerrier.

—C'estparce que c'est le mien, réplique Lancelot, coupant court au momentd'émotion alors que Gauvain s'étouffe de rire et que je lève unenouvelle fois les yeux au ciel.

—Ilfaut que j'aille pisser, soupire Bors, blasé en se levant.

—Charmant,je grimace alors qu'il s'éloigne.

—C'estBors, souffle Tristan à mon oreille.

—Arrête,je pouffe en me grattant l'oreille avec mon épaule. Ça chatouille.

—Vraiment ?sourit-il avant de recommencer.

Jeris moins discrètement avant de le mordre légèrement plus fort quetout à l'heure et il siffle.

—Onne vous dérange pas ? ricane Gauvain.

Jereviens à la réalité et me replace correctement avec les jouesrougies. Tristan tente de se lever mais, je l'en empêche engrognant.

—Ilfaut que je fasse un tour, m'apprend-t-il.

—Maisj'ai froid moi, je ronchonne d'une voix plaintive.

—Jereviens vite, soupire-t-il en levant les yeux au ciel.

Jem'éloigne en faisant la moue alors que le froid entre de nouveau encontact avec ma peau. Je me lève d'un bond et fonce sur Dagonet quise fige quand je me colle contre lui.

—Enora? m'appelle Tristan en fronçant les sourcils.

—C'estsoit ça, soit je meurs d'hypothermie, à toi de voir, je répliqueavec irritation.

—Hypo-quoi?

—Defroid, je marmonne en m'enfonçant dans la chaleur de Dagonet enfermant les yeux.

Tristanronchonne encore pour la forme alors que Dagonet s'installe plusconfortablement pour nous deux. Je me sens partir rapidement.

***

Jesoupire pour la énième fois en regardant Tristan manger, lescheveux encore humides.Il le fait exprès, ce n'est pas possible autrement. Il doit savoirl'effet qu'il me fait comme ça, surtout en ce moment d'inactivitésexuelle plutôt poussée.

Tues juste une obsédée.

Oseme dire que tu ne m'encouragerais pas si je lui sautais dessus pourlui arracher ses vêtements, là, tout de suite ?!

...

C'estbien ce que je pensais.

Jen'ai jamais été du genre nymphomane avant, mais depuis que je l'airencontré, je me fais l'effet d'une véritable obsédée sexuelle,jamais rassasiée. Alors, si en plus je dois être abstinenteplusieurs jours d'affilée,je doute de survivre. Je finirai probablement par mourir parcombustion instantanée à cause de son attitude hautementprovocatrice.

Ilmange ! En quoi c'est provocateur ?

Mais,il a les cheveux humides et ça a un effet jusque-làinsoupçonné sur ma personne. Le crétin d'oiseau sans nom me sortde ma contemplation en arrivant en piaillant. J'ai presque envie delui hurler qu'on l'a entendu et qu'il n'a pas besoin de se donner enspectacle de cette façon. Je deviens dingue, définitivement.

Tudis ça souvent, non ?

C'estparce qu'à chaque fois que j'atteins un degré de folie en me disantque ça ne peut pas être pire, un événement vient me contredire.

Etle sentiment de contrariété et de jalousie que je ressens en voyantMON homme faire des papouilles à sa débilité d'oiseau me confortedans ma pensée. Je suis vraiment barge ! Jalouse d'un piaf,c'est le comble.

—Situ continues de le regarder de cette façon, il risque de s'embraser.

Jejette un coup d'œil à Lancelot qui est à mes côtés en soupirant.

—Etarrête de soupirer de cette façon, sourit-il. On dirait que tuportes toute la peine du monde sur les épaules.

—Lapeine, non, je le contredis. La frustration ça par contre, c'est uneautre histoire !

Ilrit légèrement en secouant la tête.

—Tuveux dire que vous ne vous sautez plus dessus à la moindre occasion? m'interroge-t-il en haussant les sourcils d'un air plein desous-entendus.

—Quellesoccasions ? je rumine en faisant une moue boudeuse. Il passe tout sontemps à nous trouver des chemins, à surveiller les alentours, àmanger et à s'humidifier les cheveux exprès pour me provoquer. On aeu l'occasion de rien, même pas un câlin ou une conversation.

—Depuisquand discutez-vous, tous les deux ? raille-t-il. Quand vous en venezà parler, vous finissez toujours par hurler. Enfin, c'est toi quihurle. Lui, il tue tout sur son passage.

—Etpuis, pourquoi je parle de ça avec toi ? je réalise en le fusillantdu regard.

—Àqui d'autre pourrais-tu en parler ?

J'ouvrela bouche avant de la refermer sans rien dire. Oui, il n'a pas tort.Dagonet risquerait de s'enfuir en courant pour éviter le sujet,Arthur ferait une syncope en apprenant que j'ai une vie sexuelle,Bors n'est pas assez sérieux pour ce genre de discussion et je doutequ'il approuve de toute façon – il pourrait tuer Tristan enapprenant que j'ai une vie sexuelle. Gauvain... Et bien disons que jene suis pas assez proche pour parler de ce genre de choses. Quant àGalahad... Non, franchement pas une bonne idée non plus. Il ne resteque Lancelot. Lui, nymphomane pur et dur, peut comprendre par quoi jepasse – je me suis d'ailleurs souvent demandée comme il géraitles missions.

Ilte faut un dessin ?

Pasvraiment.

—Tudévores donc du regard notre éclaireur parce que tu as atteint unniveau de frustration trop élevé ? reprend-t-il avec un airmoqueur.

—Jene le dévore pas, je claque en le fusillant du regard, attirant leregard des chevaliers sur nous.

Jeleur fais un sourire forcé et ilsretournentà leurs conversations.

—Etje ne suis pas frustrée, je reprends plus bas. Je suis juste enmanque de câlins.

—C'estune autre manière de dire que tu es frustrée, Enora, me fait-ilremarquer en me lançant un regard blasé.

—Non...Bon d'accord, j'abdique en grimaçant. C'est vraiment pathétique. Onrisque de se faire attaquer par deux peuples à chaque instant etmoi, je pense à ma vie sexuelle... Ou plutôt mon absence de viesexuelle. J'ai vraiment un sens des priorités légèrement décalé.

—Cen'est pas vraiment une grande nouvelle, rit Lancelot.

Jesoupire en me prenant le visage dans les mains. Si même lui approuvel'idée que je suis une perverse, j'ai vraiment touché le fond.

—Situ veux, je peux me charger d'alléger ta frustration, mepropose-t-il.

—Nonmais t'es malade ? je crie en me relevant d'un bon, furibonde etrouge comme une tomate sous son air hilare. On ne peut vraimentjamais parler de rien avec toi ! J'aurais mieux fait de me taire !

—Quese passe-t-il, encore ? soupire la voix d'Arthur.

Jeme mords la lèvre en me tournant au ralenti vers les autres. Tousles regards sont sur moi, me faisant encore plus rougir. Bon sang, çafaisait longtemps que je n'avais pas gaffé comme ça et ça ne m'apas manqué.

—Rien,je réponds avec un sourire crispé sous l'œil dubitatif d'Arthur etdes autres.

—Lancelot? l'interroge-t-il.

—Etbien Enora m'a fait part de sa récente f...

Jeplaque une main sur sa bouche et agrippe ses cheveux de l'autre enlui adressant un regard menaçant.

—Unmot, sale petit mouton dégénéré, et tu peux dire adieu à tachevelure de pré-ado retardé, j'ai été clair ? je siffle en lelâchant.

Ilme sourit d'un air moqueur alors que les autres nous regardentbizarrement. Tristan fronce les sourcils avec un regard suspicieuxque j'aurais pu trouver super craquant s'il ne m'était pas adressé.Bon sang, je déteste quand il me jauge de cette manière.

—Quoi? je demande sèchement.

Ilhausse les épaules et détourne le regard pour retourner à sonmaudit piaf.Oui, je suis désagréable sans raison apparente, mais la distancequ'impose cette satanée mission commence vraiment à jouer sur moncaractère. Il est tellement sur ses gardes tout le temps que je nepeux profiter vraiment de sa présence les rares fois où il est làet ça commence vraiment à me peser. Je suis vraiment sur les nerfsen ce moment, et le manque de contact entre nous n'aide pas vraiment.

Tuvas peut-être avoir tes règles.

Ilne manquerait plus que ça !

Nousreprenons le chemin, avançant rapidement. Nous ne ralentissons qu'àun moment parce que le chemin est un peu moins stable – merciTristan pour ton magnifique itinéraire. En parlant de ce dernier, ilralentit encore pour arriver à ma hauteur et me fixe sans rien dire,m'énervant au passage.

—Pourquoitu me regardes comme ça ? je marmonne.

—Jeme demandais simplement ce que j'avais encore fait pour te mettre encolère, répond-t-il calmement.

—Quoi? je m'étonne. Je ne suis pas en colère !

—Biensûr que si.

—Puisqueje te dis que non !

—Tuvois bien que tu es en colère, il n'y a qu'à entendre le ton que tuutilises.

—C'estparce que c'est toi qui me mets en colère, je m'écrie.

—Tuvois, tu l'avoues !

—Mais,je n'avoue rien du tout bon sang ! Je n'étais pas en colère jusqu'àtu me mettes en colère avec tes questions stupides !

—Questionsstupides ? s'indigne-t-il. Ce n'est pas de ma faute si j'ai toujourspeur de faire un faux pas. Tu n'es jamais satisfaite.

—Alorsça, c'est la meilleure!

—Jevoulais juste savoir ce qui t'agaçait, soupire-t-il.

—Là,maintenant, c'est toi qui m'agaces,je crache.

—Bien,dans ce cas, je resteraià distance, réplique-t-il froidement.

—Jene vois pas en quoi ça change des jours précédents, je le rabroue.

—Alorsce n'est que ça ? s'exclame-t-il. C'est pour ça que tu es énervée?

—Maispuisque je te dis que je ne suis pas énervée, je crie.

—Alorspourquoi cries-tu ? me demande-t-il narquoisement.

—PARCEQUE TU M'ÉNERVES !

—Tuvois, dit-il simplement.

—Çasuffit, intervient sèchement Arthur alors que j'ouvre la bouche pourtuer verbalement l'homme dont je suis stupidement amoureuse. Onn'entend que vous ici, vous allez ameuter tous les Pictes ou Saxonsdes environs avec vos cris, poursuit-il en me lançant un regardlourd de reproches.

Jebaisse les yeux, honteuse alors que les larmes me montent aux yeux.

—Ilest vraiment temps de t'occuper de ton état,rétorque Lancelot avec sourire moqueur, attirant un regardinterrogateur de Tristan sur moi.

Jesoupire. Ce n'est tout de même pas mon état de frustration qui merend aussi irritable et sensible, si ? Parce que si c'est le cas,Lancelot a raison : il est temps de s'en occuper, ce n'est pluspossible. Je deviens une véritable girouette émotionnelle.

Lesautres recommencent à avancer en silence mais, Tristan reste à mescôtés, chose étonnante. Il est plutôt du genre à fuir nosproblèmes,d'habitude – ce qui n'arrange rien puisque je suis exactementpareil. Le fait qu'il reste malgré mon hostilité à son égard ence moment me fait me sentir coupable.

—Jesuis désolée, je soupire. Cette dispute est vraiment stupide.

—C'esttoi qui ne veux pas avouer que tu es énervée, réplique-t-il alorsque je lui lance un regard noir avant de lever les yeux au ciel –il n'abandonnera pas.

—D'accord,je suis énervée, j'avoue. Et c'est bien parce que nous n'avons pasbeaucoup eu de temps à nous ces derniers temps. Je ne t'en ai pasparlé parce que je sais que la situation exige en quelque sortecette distance. Avec ton rôle d'éclaireur et tout ça. Bref, jem'en suis prise à toi pour passer mes nerfs et j'en suis désolée.

—Bien,répond-t-il simplement.

Etla médaille de l'homme le plus expressif revient au grand etmagnifique chevalier Tristan,je songe en levant les yeux au ciel. Il n'y a que lui pour répondrepar monosyllabesaprès tout un discours. Je ravale la remarque acerbe que j'ai sur lebout de la langue et qui me vaudra à coup sûr de nouvelles excuseset me concentre sur le chemin alors qu'il repart devant pour trouverun autre chemin pour repartir.

Jerencontre le regard exaspéré de Dagonet qui lève les yeux au cielavant de se détourner. Le chemin redevenant normal, nous reprenonsune vive allure et un petit village devant un énorme mur apparaît.On est enfin arrivés.

Nousarrivons rapidement devant le mur alors que les paysans arrêtentleur travail pour nous accueillir, me regardant plus longtemps quenécessaire. Nous arrivons devant de grandes portes qu'on nous fermeau nez. Charmant accueil ! Traduction : tuez les paysans si vous ledésirez mais ce qui est àl'intérieur,pas touche !

Deshommes, au-dessusdu mur, s'approchent et nous demandent qui nous sommes.

—Jesuis Arthur Castus, répond celui-ci. Commandant des chevaliersSarmates, envoyé par l'évêque Germanus, de Rome.

Voilàqui est assez complet.

—Etla femme ? interroge un autre en me montrant d'un mouvement dumenton.

—Elleest avec nous, répond-t-il simplement d'une voix autoritaire quiinterdit toute autre question.

—Ouvrezla porte, ordonne celui que je suppose être le chef.

Lespaysans nous ont maintenant encerclés et je me sens très mal àl'aise, je déteste être entourée et regardée de la sorte. Ilsregardent les chevaliers comme s'ils étaient leurs sauveurs – cequi doit être le cas – et me regardent moi comme une bêtecurieuse. Mais, ils font tout de même peine à voir. La plupart sontmaigres et sales, même les enfants.

Lesportes s'ouvrent, me sortant de ma contemplation. Je me redresse unpeu pour voir par-dessus Bors qui s'est planté devant moi comme pourfaire barrage avec ce qui arrive. Deux soldats sortent, accompagnéspar un homme boudiné. Rien qu'en un regard, je sais que lui et moine seront pas des amis. Il a quelque chose de commun avec cet évêqueGermanus, quelque chose de malsain qui ne me plaît pas du tout et jeme crispe, prête à me défendre tout en sachant intérieurement quec'est inutile... pour l'instant.

—Vousêtes venus, s'exclame-t-il avec joie en s'approchant et je faisreculer mon cheval presque inconsciemment. Doux Jésus, Arthur et seschevaliers.

Legros balourd tente de caresser le cheval de Galahad mais, celui-ci serebiffe sous mon sourire narquois et satisfait – même cet animalpense comme moi !

—Vousavez combattu les Pictes, continue-t-il. Ces viles créatures,ajoute-t-il alors que je hausse un sourcil – plus il parle, plus mapremière impression se renforce.

—Nousavons ordre de vous évacuer immédiatement, intervient Arthur.

Leboudiné laisse échapper un rire incrédule en jetant un coup d'œilautour de lui.

—Mais,c'est impossible, rit-il et je soupire.

—Quiest Alecto ? demande Arthur après un silence.

—C'estmoi, s'écrie une voixdu haut du mur.

Ungamin d'environ seize ans se tient là avec une femme. Je ne lesavais pas vus arriver.

—Alectoest mon fils, annonce le boudiné. Tout ce que nous avons est ici.Sur cette terre qui nous a été offerte par le Pape, à Rome.

Ilest au courant qu'on s'en fout royalement ? On doit juste ramener lefils d'après ce que je sais, alors personne ne m'en voudra de tuerle boudiné qui lui sert de père, si ?

Oùest passée ton indulgence ?

Jen'en ai jamais eu.

Lancelotsemble penser comme moi puisqu'il intervient, exaspéré.

—Quevous n'allez pas tarder à abandonner aux Saxons !

—Ilsarrivent par le nord, acquiesce Arthur.

Ily a un silence alors que le boudiné prend un air de prince outragé.

—AlorsRome enverra une armée, réplique-t-il d'un air hautin.

Bon,là, j'ai le droit de le tuer ? Il se prend pour quoi exactement ?

—Elleest là, répond Arthur. C'est nous. Nous partirons dèsque vous serez près.

Jelui jette un regard. Sans vouloir paraître offensante concernantleurs performances, c'est tout ce que possède la très grande Rome ?Et elle se la joue parce qu'elle possède sept hommes – dont sixsont forcés – dans son armée ? Et les abrutis qui se pavanent aumur alors ? C'est quoi ? Des moines ?

—Jerefuse de partir, dit le boudiné d'un air qu'il espère sûrementautoritaire – il n'a jamais eu à faire face à Arthur, lui,visiblement.

Celui-cile regarde d'ailleurs avec exaspération alors que le fameux Alectoet celle que je suppose être sa mère arrivent.

—Retournezau travail, s'écrie le gras du bide aux paysans, me faisantsursauter.

Ceque je vois ensuite me donne littéralement des envies de meurtres.Les soldats répètent l'ordre en s'avançant vers les paysans,poussant ceux qui ne sont pas assez rapides comme s'ils n'étaientque des moins que rien. Je me crispe entièrement, mon corps toutentier se révolte et je suis prête à intervenir tout en sachantque c'est la dernière chose à faire. Dag doit avoir comprispuisqu'il se rapproche de moi et pose sa main sur mon bras en signed'apaisement.

Arthurdescend de sa monture et se dirige vers le boudiné avec un air pasfranchement commode.

—Sije ne vous ramène pas ainsi que votre fils, mes hommes ne quitterontjamais cette terre, commence Arthur avec colère. Alors vous mesuivrez même si je dois vous attacher à mon cheval et vous traînermoi-même jusqu'au mur d'Hadrien ! Monseigneur, ajoute-t-il.

Jesouris alors qu'un sentiment de fierté me remplit. Ça, c'est monArthur. Oui, je sais, je réagis comme une gosse qui voit encore sonpère comme son héros et s'extasie quand il remet un connard à saplace. Et alors ?

—Dame,ajoute-t-il ensuite à la femme. Mes chevaliers ont faim.

Moiaussi, j'ai faim ! Ne me dites pas qu'il me met dans le tas deschevaliers ? Et c'est quoi cette façon de parler ? Un s'ilvous plaîtlui écorcherait la bouche ?

Ladame en question regarde son mari le boudiné – oui, je me répète–, attendant visiblement son accord et je regarde la scène avec unsentiment de rébellion. Bon sang, les années soixante n'ont servi àrien ou quoi ?

Cesannées ne sont pas encore arrivées ! Et on en est loin.

Oui,j'ai remarqué. Le boudiné se retourne vers elle et lui donneson accord.Alors, elle s'en va. Je déteste les femmes soumises !

Ily a un affrontement de regard entre le boudiné et Arthur que cedernier gagne haut la main puisque l'autre se détourne et rentredans l'enceinte du mur en bousculant son fils.

Arthurjette un coup d'œil sur le côté, vers une sorte de bâtiment qu'onsemble refermer. À la simple vue de cet endroit, sans même savoirce qu'il contient, je sais que c'est mauvais, horrible et malsaincomme le maître des lieux. Je secoue la tête pour me remettre lesidées en place alors que Bors s'adresse à Arthur – qui ne semblepas vouloir remonter à cheval.

—Allez,sourit l'ours. Viens.

Maiscelui-ci fixe un nouveau point, derrière nous, en fronçant lessourcils. Nous suivons son regard et j'ai la nausée. Plus loin, aumilieu du village, se tient un homme, maigre, sale et suspendu parles poignets. D'ici, on voit qu'il n'a pas dû être bien traité. Ilse tord sur lui-même, essayant de tenir debout et je grimace dedégoût face à ce qu'on lui a fait.

Arthuravance d'un pas décidé, prenant son épée au passage sous nosregards ahuris. Lancelot lève les yeux ciel et marmonne « Et çarecommence », en me jetant un coup d'œil. Traduction: « Ladernière fois qu'il a fait ça, c'était avec toi ». Bors prend unair résigné et sort son épée en descendant de cheval à son touralors qu'un paysan fait de la gratte à Arthur en le poursuivant.

—Vousvenez de Rome ? demande un paysan à Bors d'une voix presqueémerveillée.

—Del'enfer, répond celui-ci très sérieusement avant de continuer sonchemin.

Jedescends à mon tour, sans mon épée, et rejoins Arthur quiinterroge les paysans sur l'homme.

—Pourquoilui inflige-t-on ce châtiment ? demande-t-il alors que je me place àses côtés, regardant le pauvre homme. Répondez-moi, exige-t-ildevant le silence qui suit sa question.

—Ila défié notre maître, Marius, raconte celui qui poursuivaitArthur. La plus grande partie de nos récoltes prend la mer pour êtrevendue. Il a demandé qu'on puisse en garder un peu plus pour nous,c'est tout ! Mon estomac est vide, tout le monde ici meurt de faim.Vous venez de Rome, continue-t-il. Est-il vrai que Marius est unreprésentant de Dieu et que c'est un pêché de le défier ?

Ily a un silence alors que je regarde le vieil homme, comme hypnotisée.Celui-ci a ses yeux mi-clos fixés sur moi et il me souritlégèrement, me donnant envie de pleurer. Arthur semble sur le pointd'exploser alors que la colère se lit clairement sur son visage.

—Jevais vous dire la vérité, annonce-t-il en les montrant de son épéealors qu'ils reculent, légèrement effrayés – niveau tact, onrepassera. Marius n'est pas un homme de Dieu. Et vous, vous tous ici,vous êtes libres depuis le jour de votre naissance.

Surces mots, il se retourne vers le vieil homme et abat son épée surses liens avant de se tourner vers les autres.

—Aidezcet homme, dit-il aux autres. Aidez cet homme ! ordonne-t-il enne les voyant pas bouger.

Ilsréagissent enfin et s'approchent pour s'occuper de lui alors que jereste figée sous son regard. Il finit par fermer les yeux,apparemment épuisé et me libérant de son emprise.

—Écoutez-moibien, poursuit Arthur. Une immense armée de barbares sera bientôtlà. Ils n'auront aucune pitié, ils n'épargneront personne. Ceuxd'entre vous qui en sont capables doivent rassembler leurs effets etcommencer à avancer au sud, vers le mur. Ceux qui en sont incapablesviendront avec nous. Toi, dit-il en parlant à son poursuivant. Tuentres à mon service. Aide ces gens à se préparer.

Surces paroles, il tourne les talons et je le suis, hébétée. Je n'aipas tout suivi mais quelque chose me dit que sa formidable idée vatous nous mettre dans la merde. D'un autre côté, je comprendspourquoi il l'a fait.

Leschevaliers regardent la scène d'un air blasé et je me poste auxcôté de Bors.

—Jesavais que ça finirait comme ça, ronchonne-t-il.

—Ilne pouvait pas les laisser ici, je tente.

—Si,il pouvait, me contre-t-il. Mais sa conscience ne le lui permettaitpas. Mais bon, après tout, c'est sa conscience qui nous a menée àtoi, gamine. Et je ne m'en plains pas.

Jelui rends son sourire avant qu'on ne se mette au travail. J'aide lespaysans depuis un moment quand la neige comme à tomber. Je remarqueen grimaçant que l'on recommence à refermer la porte du petitbâtiment mais me détourne, mal à l'aise sans comprendre pourquoi.Au bout d'un moment, je soupire, fatiguée. Je n'ai pas beaucoupmangé dernièrement et les effets commencent à se faire sentir, carma tête me tourne légèrement. Lorsque je me relève trop vite, mesjambes cèdent mais je sens qu'on me rattrape. Tout mon corps secrispe et je m'éloigne vivement en me retournant, manquant unenouvelle fois de tomber.

J'ouvrela bouche de surprise en me trouvant face à Alecto.

—Vousdevriez vous reposer, me dit-il doucement.

—Çaira, j'assure en souriant. Mais merci de m'avoir rattrapée.

Ilme rend mon sourire sans insister et s'en va. Au bout de deuxminutes, un Bors auxsourcils froncés d'inquiétudeapparaît devant moi. Bon, le petit Alecto n'a pas insisté mais aprévenu mon garde du corps attitré visiblement. Il me tend unegourde et un peu de nourriture et se plante devant moi, attendant queje mange. Je lève les yeux au ciel et m'exécute, me sentant tout desuite mieux.

Jevois Tristan arriver au galop et plante mon regard dans celui de monours.

—Pasun mot, j'ordonne.

Ilacquiesce à contre cœur en soupirant et je souffle de soulagement.Pas besoin de l'inquiéter pour une petite hypoglycémie. Tristanrejoint Arthur et ils discutent. Je vois mon homme regarder autour delui avant de parler, la réponse ne doit pas lui plaire puisqu'ilprend un air mi-résigné mi-énervé.

Destambours retentissent au loin, nous figeant tous. Mon regardrencontre celui de Tristan et pour la première fois, je vois del'inquiétude dans ses yeux. Je m'approche en frissonnant quand lessoldats réordonnent de se remettre au travail à ceux qui murent laporte. Ça attire le regard d'Arthur qui n'a, jusque-là,portéqu'un regard distrait sur cette porte. Il croise mon regard et y litmon malaise. Un message passe, il sait en regardant mes yeux que jesens que ce qu'il y a là-dedans est inhumain. Il sort son épée enreportant son regard vers la porte et descend de cheval. Ils'approche suivit des chevaliers d'un air menaçant alors que lessoldats tentent de lui barrer le passage.

—Poussez-vous,ordonne-t-il alors que Bors vient à la rescousse. Poussez-vous !

Lessoldats s'écartent donc alors que je reste légèrement en retrait.Tristan se déplace presque imperceptiblement, plaçant son chevalentre moi et un soldat sans pour autant me regarder. Gauvain menace,quant à lui, un soldat avec grande satisfaction – le pauvre, cedoit être la première fois qu'il y est autorisé avec autre chosequ'un Picte ou un Saxon.

—Qu'est-ceque c'est ? demande Arthur en désignant la porte alors que les deuxtravailleurs se placent devant.

—Vousne pouvez pas y entrer, répond l'un d'eux. Cet endroit est interdit.Il n'est pas autorisé d'y pénétrer.

Arthurle fixe un moment avant de l'écarter, lui et son coéquipier, dubout de son épée.

—Arrêtez !hurle la voix du boudiné et je lève les yeux ciel – il esttoujours là, lui ?

Jericane intérieurement en voyant Bors se déplacer et lui couper laroute. Arthur s'approche de la porte presque totalement emmurée etla frôle.

—Arthurnous n'avons pas le temps, intervient Lancelot et pour une fois, iln'a pas tort.

—N'entends-tupas les tambours ? renchérit Galahad.

Jesuis d'accord avec eux, il n'est plus temps de traînermais, d'un autre côté, une curiosité malsaine me pousse à vouloirsavoir ce qui se cache derrière cette porte. Arthur semble du mêmeavis car il se tourne vers Dag. Il ne fait que prononcer son nom maiscelui-ci comprend le message et descend de son cheval en dégainantsa hache.

Ildonne un premier coup et j'ai un sursaut involontaire. Puis unsecond, et un autre et encore un autre alors que le mur cède sous sapuissance. Il donne ensuite un coup de pied dans la porte mais ellene bouge pas.

—Laclé, ordonne Arthur.

—C'estverrouillé, avoue l'un des soldats. Fermé de l'intérieur.

Jegrimace. Qu'il y a-t-il donc dans cet endroit qu'on veut à tout prixcacher ? Dagonet défonce alors la porte avec plusieurs coup de piedsalors que Lancelot les rejoint en sortant son épée. J'avance d'unpas, voulant les suivre mais, Tristan s'interpose.

—Enora,je ne pense pas que..., commence-t-il.

Maisje n'écoute pas. C'est comme si quelqu'un m'appelait d'en bas.Dagonet me lance un coup d'œil avant de soupirer, comprenantsûrement qu'on ne me fera pas changer d'avis. Gauvain nous suit enentraînant avec lui un des « hommes de Dieu ». Le restant deschevaliers faitbarragedevant la porte. Nous descendons les marches alors qu'une voix nousparvient. Je crois reconnaître du latin. Nous arrivons finalement aubas des marches et une odeur me parvient, entêtante, atroce. Cellede la mort. Je ne l'ai jamais vraiment sentie, pas à ce point etpourtant, je pourrais la reconnaître entre toutes.

—Quisont ces affreux profanateurs du temple du Seigneur ? fait un hommeen apparaissant devant nous.

Lancelotne semble pas apprécier la remarque.

—Horsde mon chemin, crache-t-il en l'empoignant et en l'éjectant.

Nousentrons dans le tombeau et mes sens se brouillent. Il n'y a pasd'autres mots pour décrire l'endroit. Un tombeau. C'est une horreur.La scène me file la nausée autant que l'odeur de mort et ma gorgese sert, devient sèche. Ma respiration s'accélère alors que jecontemple les cages qui nous entourent.

Cescages, je les connais. Bien. Trop bien.

N'ypense pas ! On a juré d'oublier, il faut oublier. Sors d'ici !

Mais,je n'arrive pas à bouger.

—L'Œuvrede ton Dieu, crache Lancelot en regardant Arthur. C'est ainsi qu'ilrépond à tes prières ?

—Voiss'il y en a qui sont encore en vie, dit simplement Arthur aux autres.

Jereste figée à l'entrée, à côté de l'homme. L'Œuvre de Dieu ?Non, c'est l'œuvre de barbares. Ce dont les Saxons sont capables.L'un d'eux s'attaque à Lancelot et bien que je ne comprenne pas cequ'il dit, je sais que toucher le chevalier n'était pas une bonneidée. L'homme retombe à mes pieds, mort sans que je ne réagisse.Un bourdonnement m'appelle, je bouge enfin sans pourtant avoircommandé à mes jambes de se déplacer. Je n'entends plus les autresparler, il n'y a que ce bourdonnement, comme une voix qui m'appelle.

Jem'arrête devant une cage et j'ai l'impression que je vais vraimentvomir sans arriver à rebrousser chemin. Je reste figée, rencontrantune paire d'yeux.

—Enora? m'interroge Arthur en me touchant le bras, me ramenant à eux.

—Envie, je dis simplement en désignant la cage.

Ils'accroupit et ce que je vois m'achève. C'est comme si je revenaisun an en arrière. Je me souviens de la douleur morale et physique.Je la ressens.

Cettefemme, c'est comme si c'était moi bien qu'il n'y ait aucuneressemblance physique. Il ne manque que la chaîne autour du cou.

Jefais un pas en arrière, manquant de tomber.

—Hey,souffle Gauvain en me rattrapant.

—Je...je vais..., je bégaye.

Jeme dégage et me précipite jusqu'aux marches. Je les monte envitesse. Une fois dehors, je mets dans un coin et remet tout ce quej'ai pu manger de la journée. Mon ventre se tord, mes yeux et magorge me brûle et les sanglots que je tente de retenir m'étouffent.Je vomis tout ce que je peux, tout ce que j'ai alors que les imagesm'envahissent.

Nepense plus à ça, il faut oublier.

Jeme crispe et m'éloigne en sentant un contact sur ma peau.

—C'estjuste moi,gamine, souffle la voix de Bors mais, il ne cherche plus à metoucher – bon point pour lui. Je vais t'aider à te remettre enselle, d'accord ?

Jesecoue la tête, je ne veux pas qu'il me touche. Il ne faut surtoutpas qu'il me touche.

—Tristan? appelle-t-il.

J'aienvie de protester mais, je n'y arrive pas. Je me sens soulever pardes bras musclés que je connais par cœur. Mon corps se crispe etpanique légèrement par automatisme mais, après une seconde, je mefonds dans ses bras, plongeant ma tête dans son cou. Je respire sonodeur avec délectation, oubliant celle de la mort. Son contact mesoigne, encore une fois. Il est le seul à y parvenir. Il me répare,me reconstruit...

—Jet'avais dit de ne pas y aller.

Etm'agace prodigieusement.

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