7. On se croyait à Auschwitz
ALEX
J'écarquillais les yeux d'horreur.
Que se passait-il ?
Comment est-ce qu'on avait fait pour se retrouver dans un tel pétrin ?
Ce matin, on avait été réuni pour une simple réunion et on se retrouvait en plein milieu... d'une fusillade ?
Je commençai à regretter d'avoir mis en place ce plan avec Peter.
Après le second coup de feu qui mit à terre notre prof d'histoire, un grand silence se fit. De tout ce dont j'avais pu rêver, même dans mes pires cauchemars, je n'avais jamais vu une fusillade nous tomber dessus.
Un grand silence mortuaire s'installa. Au même moment, mes poumons se vidèrent alors du peu d'air qu'il me restait.
On se tourna dans un mouvement synchronisé vers la source du carnage et juste au-dessus de nos têtes, à l'étage plus haut, se tenait un mec. Sombre. On ne distinguait rien de ses traits. Il était vêtu tout de noir. La seule chose qu'il portait que je pouvais apercevoir était son cargo noir aux poches pleines.
Qui était ce mec ?
Il portait une casquette et capuche, couvrant parfaitement son visage. Il était inidentifiable. Comme il l'avait certainement souhaité. C'était donc un lâche. Il venait tuer des civils dans un lycée et n'avait même pas les couilles de montrer son visage.
Alors que je plissais les yeux pour pouvoir voir quelque chose de ce qui se cachait sous cette casquette, une secousse terrible emplie l'amphi, accompagnée de hurlements terrifiants.
La panique générale s'installa.
- IL Y A UN TIREUR, COUREZ !!!! Hurla un mec que je n'avais pas vu
A peine avait-il fini sa phrase que tout le monde avait déjà quitté son siège. Ils se mirent tous sans exception - moi y compris - à courir. Chacun courait après la vie. On voulait tous fuir la mort.
On se serait crus en enfer. On était déchaînés comme des bêtes sauvages. C'est dans ce genre de moment qu'on voyait la vraie nature des gens qui nous entouraient, pensais-je en me tournant vers Pet' pour m'assurer qu'il était toujours à mes côtés. Je n'étais pas comme ces autres-là. Je n'allais pas abandonner mon unique et véritable ami, sur qui je pouvais sincèrement compter.
Alors que je grimpais comme les autres dans un effort insoutenable pour rejoindre le haut de l'amphi, d'autres balles retentirent derrière moi et à tout moment, je m'attendais à ce que l'une d'elles finisse sa course dans ma tête.
Cette peur atroce et écrasante devenait insupportable.
Les autres vivaient aussi très mal cette peur car ils étaient littéralement en train de se marcher les uns sur les autres dessus, sans faire attention au plus faible.
Mais comment leur en vouloir, c'était le principe de la survie. L'expression « sauve qui peut » prenait maintenant tout son sens. Mais ça, il fallait le vivre pour le comprendre. Il fallait expérimenter ce que nous étions en train de vivre.
Cependant, ça me dégoûtait de voir comme l'espèce humaine pouvait être égoïste. Ne pas se préoccuper de ceux qui tombaient et même leur marcher dessus dans le seul but, nous, de nous en sortir me dégoûtait. On se serait crus dans un film d'horreur.
Alors que je me retournai de nouveau vers mon ami qui semblait assez bien me suivre, quelque chose attira mon regard : les profs sur scène, consternés par ce qui se passait sous leurs yeux.
Le tireur fit tomber d'autres victimes : six professeurs.
Il y avait Mme Clayton notre prof de sciences que je détestais plus que tout qui s'effondra comme une poupée de chiffon. Balle dans le cœur. Parfait. Il avait l'air d'avoir pris des cours de tires tant ses balles étaient parfaites.
Après ça, Mme Esperanza s'éloigna de peur, de sa collègue. Avant même de s'effondrer à son tour.
Ensuite, se fut le tour de Mr Robert, mais à ma plus grande horreur, alors qu'il s'était déjà pris une première balle, il continua de respirer, d'être conscient. Il fit encore quelques pas, prit une autre balle, un autre pas, et une troisième avant de tomber sur ses genoux.
Comment pouvait-on faire ça à quelqu'un ? L'homme était mort comme ça. Comme quelqu'un de misérable. On aurait pu se dire que c'était faux, que tout ça n'était que des effets spéciaux, mais non. On n'était pas dans un putain de film.
Mr Nicksilver avait l'air lui aussi de sentir sa propre fin arriver. Ce prof de sport que j'aimais tant, qui avait été mon mentor dans les compétitions de volley avec Peter, il allait mourir incessamment sous peu.
Je reculais de quelques pas, effrayés par le spectacle qui se déroulait sous mes yeux. Sauf que tout à coup, je perdis l'équilibre et me pris la marche derrière moi dans le pied. Mr Nick, cet homme que j'adorais, qui voyait en moi plus que mes parents ne le pouvaient, qui me poussait toujours vers le haut, me conseillait, s'effondra. Son corps résonna quand il rentra en contact avec le parquet ciré de la scène, et j'eus l'impression de perdre quelque chose en moi.
J'avais découvert le volley grâce à mon ami il y avait déjà quelques années de cela. Je m'étais inscrit pour lui faire plaisir sauf que mon coach avait remarqué quelque chose d'insoupçonné dans mon jeu. Un style que j'avais, et qui lui plaisait. Depuis, je jouais et m'entraînais avec lui. Ça faisait quatre ans que trois ou quatre fois par semaine, je retrouvais donc mon coach que j'appelais Nick.
On avait prévu que je m'inscrive à une compétition nationale qui aurait lieu dans quelques mois et qui me donnerait un billet d'entrée dans l'équipe de notre État et même peut-être plus tard dans l'équipe du pays.
Et ce mentor qui m'avait tant soutenue, venait de me quitter.
Encore cloué au sol, j'avais du mal à voir ce qui se passait autour de moi. Je repris mes esprits quand je me rendis compte que si tout tournait tant autour de moi, c'était pour la simple et bonne raison que Peter était en train de me secouer.
- Mec !! Me secoua t - il
Une larme roula contre ma joue brûlante. Je venais, en ce jour, de perdre l'une des personnes à laquelle je tenais le plus. Cette douleur était oppressante, elle irradiait dans l'ensemble de mes organes.
Mme Davis qui était tout juste arrivée dans notre établissement venait elle aussi de s'effondrer, suivit de mon ancien prof de maths : Mr Wilson.
Il n'y avait plus aucun prof à présent avec nous. On était livrés à nous-mêmes.
- ALEX !!
Alors que je m'apprêtai à me relever, quelqu'un marcha sur ma main. Je poussai un hurlement horrible. Mais alors que celui-là était lié à la douleur à ma main. Une part de moi prolongea le cri, l'amplifia. Bientôt, se fut un cri de rage qui traversa la barrière de mes lèvres.
Il fallait que quelqu'un bute ce bâtard.
Je finis par me relever, sans même avoir le temps de me remettre de toutes ces horreurs. Une seule chose me motivait à présent : la haine.
Quand on fut proche du haut de l'amphi - où se situait les seules entrées - je jetai un œil vers les portes. Il y avait un attroupement d'élèves.
Ils essayaient tous de grimper pour s'échapper, car ils devaient tous s'être rendu compte... qu'on était bloqués.
Le tireur avait pensé à tout. On était donc pris au piège. Comme des souris dans une cage.
Les voir tous amassés sur ces grandes portes, en train de griffer et de donner des coups contre le bois ferme qui nous emprisonnaient, me rappelait ces documentaires qu'on avait vus sur les camps de concentration.
Les cris et les pleure, eux aussi, s'en rapprochaient beaucoup. Un frisson d'effroi me parcouru le dos.
On se croyait à Auschwitz.
Tout à coup, le tireur se remit à tirer, mais cette fois-ci, les balles étaient dirigées vers nous. On avait beau être tétanisées par l'horreur devant nous, les balles qui se rapprochaient de plus en plus tout en s'échouant sur quelques élèves derrière nous, nous poussaient à courir. À fuir.
On perdait, nous aussi, maintenant notre humanité. Maintenant, Pet' et moi étions ceux en train de marcher sur les autres. Je m'interdisais de me retourner. J'en avais assez vu comme ça. Et aussi, je n'avais pas besoin de me retourner et de voir les corps de mes camarades de classes pour savoir qu'ils étaient morts.
À présent, j'étais celui qui était derrière Peter, guidé par sa force et son courage. Était-il aussi brisé que moi ? Jouait-il un rôle et gardait tout enfoui au fond de lui ?
Alors que je me questionnais sur l'état mental actuel de mon ami, un corps à mes côtés tomba. Puis un autre. Et encore un autre.
Il tirait désormais au niveau auquel Peter et moi étions.
Merde.
Je le tirai alors en arrière par le poignet avant de lui indiquer du bout des doigts les morts devant nous. On se mit sous quelques sièges, paralysés de peur. Il nous avait manqué de justesse. Je... On avait une nouvelle chance de vivre.
Cependant, si j'étais dans cet état, dans quel était se trouvait Ary.
On leur avait dit de ne pas venir, comme si leurs bonnes étoiles avaient veillé sur elles. La seule chose que je souhaitais maintenant, c'était qu'elles s'y soient tenues, qu'elles soient parties et qu'elles aient fuis. Je connaissais Ary elle serait restée au lycée pour venir nous porter secours.
Mais honnêtement, ma douleur n'aurait été que pire d'apprendre qu'elle était toujours là, qu'elle était revenue. Ou pire, qu'elle était dans cette salle avec moi.
Je décidai de me raccrocher à la seule chose qui pouvait peut-être tous nous sauver, et que j'avais rejetés malgré les recommandations de ma mère.
Et comme si je l'avais toujours fait, je me mis à prier pour ma copine.
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