22. Manger mes cours en vaut-il vraiment la peine ?
NOAH
Flashback :
J'avais passé une journée épuisante avec les mecs. J'avais été épuisé, par les vacances improvisées la semaine dernière, la soirée de la veille, et ma petite virée de ce matin qui avait été plus longue que prévu. Et alors que j'étais prêt à rester encore longtemps quand j'avais reçu un message de ma sœur, j'étais donc parti.
J'avais d'ailleurs été surpris. Étrangement, j'avais passé du temps à la maison, mais à force de sortir, j'avais eu l'impression de ne plus beaucoup la voir. Elle passait son temps enfermé à réviser et à faire tous ces trucs qui lui ressemblaient bien.
Elle était l'enfant préférée, mais je ne l'en voulais pas. C'était la plus petite. Elle était à fond dans ses études. Elle avait toujours de bonnes notes, en même temps, il n'y avait rien de surprenant là-dedans.
Vu la façon avec laquelle elle travaillait, parfois, j'étais surpris qu'elle n'ait que dix-sept. Ce qui était déjà très bien, mais elle en voulait toujours plus. J'étais donc à la fois fier d'elle et inquiet. Elle ne sortait plus.
Lizzie, la blonde, qui aimait sortir avec ses amies auparavant, ne le faisait plus. Donc si elle ne sortait pas avec moi, ou avec Ave' elle restait dans sa chambre devant un bouquin.
Récemment, elle s'était fait un délire un peu étrange. Elle voulait aller à Harvard. À ses premiers essais, ils lui avaient gentiment dit que ses résultats étaient insuffisants. Alors ça avait empiré. Elle travaillait encore plus et puis, depuis qu'elle savait que le lycée pouvait appuyer son dossier, elle s'était encore plus dite que ses résultats étaient insuffisants.
J'avais tenté de lui faire comprendre que si ce n'était pas Harvard, ce serait Yale, ou la UCLA, mais non. Ce n'était pas pour elle. Donc je la laissais faire.
Je me garais devant la maison et sortais avec empressement. Déjà, je voulais pisser, mais je ne voulais pas que les parents me voient rentrer. Leur nouveau sujet de disputes était mes sorties répétitives. Je n'étais pas Lizzie. J'avais de bons résultats et je faisais tout pour que ça se passe bien à la maison, mais je ne pouvais pas manger mes cours, ni les boire, ni les respirer et encore moins les fumer.
Je me penchai pour voir sous le volet roulant blanc du garage qui étaient à moitié fermé. Ils n'étaient pas là. Je traversai alors la porte sans crainte avec un nœud d'anxiété qui commençait à se former dans mon estomac.
- Lizzie qu'est-ce qui ne va pas ??
Je grimpai à l'étage où étaient nos chambres.
- Tu dors gamine ?
Elle ne me répondait pas. Je ris alors en jetant mes chaussures dans ma chambre sans prêter attention à comment je le faisais, maman n'était pas là, alors liberté !
Je fonçais aux toilettes en recommençant :
- Lizzie je te parle, pourquoi est-ce que tu avais mal au cœur ? J'espère que tu ne m'as pas fait me dépêcher pour l'une de tes blagues pour que je passe du temps avec toi, parce que tu n'as plus rien à réviser !
Je tirai la chasse et retirai ma veste que je balançais à travers ma chambre.
- Je t'ai ramené des trucs pour te goinfrer
Je mentais, c'était pour la faire parler. Je riais intérieurement même si j'avais peur de ce silence. Je faisais demi-tour et tapais contre la porte de la salle de bain.
- Tu pues ? C'est pour ça que tu te douches ?
Pas de réponse. Étrange.
- Je vais rentrer ?
J'attendis quelques secondes son hurlement habituel. Quand je disais ça, elle réagissait toujours avec un « DÉGAGE ».
Rien.
- Je rentre Lizzie
Mon ton était un peu plus sec. J'espérais qu'elle était sortie avec les parents. Je poussais la porte de la salle de bain, la poignée ne résista pas.
- Je ferme les yeux
Pas de bruit, pas de hurlement.
- Lizzie ! Tu n'es pas drôle
Je finissais par ouvrir les yeux, elle n'était pas là. Elle ne se maquillait pas, elle ne faisait pas de bruit. Je me dirigeais rapidement vers sa chambre. J'aurais d'ailleurs dû commencer par là, mais sa porte étant à moitié ouverte, je m'étais dit qu'elle ne devait pas y être. Elle révisait toujours porte fermée.
Je poussais sa porte pour pouvoir passer.
- Liz
En entrant dans sa chambre, je su tout de suite que quelque chose n'allait pas. Le silence était lourd, oppressant, et il y avait cette odeur étrange dans l'air. Une odeur amer. Ce n'était pas agréable. Pourtant elle avait rangé sa chambre, comme tous les jours, et puis le ventilateur tournait. Mais cette odeur était toujours là. Je n'osais pas regarder autour de moi.
Je m'avançais lentement, presque avec appréhension, vers le lit. Lizzie... elle était dans son lit, étendue là, immobile. Qu'est-ce qui n'allait pas. Je priais pour qu'elle dorme. Vraiment.
Je l'inspectai en m'asseyant au bord de son lit. Mes yeux se mirent alors à fixer son visage pâle, presque comme si mon cerveau refusait de comprendre ce qu'il voyait. Mon souffle se coupa, et je sentis mon cœur tambouriner dans ma poitrine, douloureusement conscient de ce que cela signifiait. Elle avait les lèvres violettes.
Plus d'oxygène ? Elle ne respirait plus ?!
Les objets autour d'elle semblaient presque suspendus dans le temps, figés dans un instant que je ne pouvais pas inverser. Je regardais comme si je cherchais quelque chose ! Ma sœur était morte ?! Elle avait cette couleur aux lèvres mais rien autour d'elle n'indiquait un suicide. Pas de médicaments à côté de son lit.
Ma voix était étouffée par un cri qui ne pouvait pas sortir. Les larmes se mirent alors à couler, brûlantes et aveuglantes, brouillant ma vision. Je la tirais du lit.
- S'il te plaît Lizzie.
Son corps sans vie était froid quand je l'attrapai sous les aisselles. Les aisselles étaient l'endroit qui devait être le plus chaud au toucher, mais non... Elle était froide. Ses bras pendaient tandis que ses jambes suivaient le haut de son corps que je posais par terre.
Je ne faisais rien dans l'ordre, je sortis mon téléphone avec panique. Et appelai les secours. Je ne pouvais pas la laisser partir. Qu'est-ce qui lui arrivait ?
En attendant qu'ils arrivent, je tentais de la réveiller avec des claques avant de lui faire un massage cardiaque. Je suais à grosses gouttes. Je n'avais plus de bras.
Une armée de médecin et de pompiers finirent par entrer. Je les guidaient vers la chambre de ma sœur, visiblement déjà partie...
Je me laissais tomber sur le sol, à côté d'elle, incapable de trouver un moyen de réagir, les suppliant de la sauver. C'était comme si le monde entier s'était effondré autour de moi. La réalité de la situation était accablante, suffocante. Je passais ma main sur sa joue, glacée au toucher, et je murmurais son nom, comme si elle allait soudainement ouvrir les yeux et me sourire quand un médecin me repoussa violemment. Un autre se tourna vers moi. C'était une blondasse. Elle me demanda si j'allais bien. La bonne blague. Ma sœur s'était peut-être suicidé ou était morte de je ne sais quoi, et je devais aller bien ?
J'essayais de me calmer. Mais il n'y avait que le silence, le silence assourdissant d'une vie qui s'était éteinte trop tôt. Mon esprit était en ébullition, essayant de comprendre comment cela avait pu arriver, pourquoi je n'avais pas vu les signes, pourquoi je n'avais pas pu l'aider.
Les larmes continuaient de couler, mes émotions m'envahissant comme une vague dévastatrice. Je rêvais de prendre sa main dans la mienne, espérant que quelque part, elle pouvait sentir à quel point je l'aimais, à quel point je regrettais de ne pas avoir pu faire plus. Et dans cet instant, tout ce que je pouvais ressentir était la douleur de la perte, une douleur qui semblait impossible à guérir.
Peu après, mes parents nous avaient rejoints à l'hôpital mais les cris de ma mère devenaient compliqués à gérer. J'avais besoin de soutien. J'avais besoin d'aide. Je rentrais alors à la maison à la recherche de réponse. On avait accepté qu'un médecin légiste nous dise ce qui l'avait tué. Sans trop rentrer les détails, juste savoir quel organe avait cessé de fonctionner. Histoire de ne pas faire notre deuil dans le doute.
Je rentrais alors doucement espérant la voir, espérant me réveiller. Mais ma sœur était morte... elle était partie. La seule personne avec Avery qui me connaissait vraiment. La seule personne que j'étais réellement heureux de voir en rentrant. Comment rentrer dans la chambre de sa sœur en se disant qu'elle serait vide pour toujours.
Je fouillais partout, espérant trouver quelque chose. Il n'y avait rien dans son bureau. Je fonçais dans son armoire avec frénésie. Rien non plus. Que des vêtements avec une fois de plus des post-it de révisions. Je les lisais rapidement. Je sentis les larmes me monter. Son écriture... je serrais la mâchoire pour me contenir. C'étaient des mots sur de l'algèbre ou un truc du genre.
Je refermais son armoire sans intérêt et m'éloignai, avant de penser à la trappe, qu'elle adorait tant.
Quand on avait emménagé ici, enfants, elle avait voulu cette chambre pour la trappe dans l'armoire. Elle y cachait des mots pour ses amoureux, des dessins, des fleurs. Mais une adolescente discrète n'avait pas les mêmes secrets qu'une enfant. Je levai la planche de parquet.
Mon cœur sembla lâcher. Je plongeais ma main dans le carton qui était dans la trappe et en sortait des boites et des boites de médicaments. De la ritaline...
- FAIS-CHIER !!
Mon poing s'écrasa sur l'une des planches de son armoire. Ça faisait un mal de chien, mais pas autant que de perdre sa sœur.
Elle avait désobéi ?
Je sortis une première boîte : vide. Une deuxième : vide. Jusqu'à la dernière : vide. Elle en avait déjà parlé, mais nous l'avions ignoré. Par là, je voulais dire que pour obtenir de meilleurs résultats pour Harvard, elle nous avait fait part de son besoin d'un truc boostant.
Ma mère, au début contre car elle était fière de sa fille, avait fini par craquer. Lizzie était devenue ennuyeuse avec cette histoire. J'attrapais mon téléphone coincé dans ma poche, et tentais le numéro de ma mère avec les derniers dix pour-cent de batterie qu'il me restait.
Lizzie avait tellement insisté que ma mère lui avait trouvé un rendez-vous médical pour obtenir une prescription de ce machin. Cependant, aux dernières nouvelles, le médecin lui avait refusé l'accès à ce truc, trop dangereux surtout pour une personne n'étant pas dans le besoin. Elle avait eu de bons résultats scolaire toute sa vie, pourquoi rajouter un stimulant ?
- Noah ?
- Maman ?
- Oui ?
Elle renifla. Je pouvais entendre au son de sa voix qu'elle se retenait de pleurer avec moi à l'autre bout du fil.
- Tu te souviens de ce truc qu'on refusait à Liz ?
- Quoi ?
- MAMAN LA RITALINE PUTAIN !!!
Un blanc s'installa entre nous... je ne lui avais jamais hurlé dessus. J'avais les yeux écarquillés dû à mon comportement si malveillant face à ma mère en deuil.
- Je ne t'en veux pas mon chéri... Qu'est-ce qu'il y a ?
Sa voix grésillait. Je me mis à pleurer à chaudes larmes, avec ces boîtes de médocs autour de moi.
- Tu as accepté d'acheter de la ritaline à Lizzie ?
- Quoi ?
- J'ai retrouvé des boites vides dans son placard
- Non... ce n'est pas possible
Elle se mit à pleurer, je raccrochais.
Pour ce procurer de la ritaline, il fallait une ordonnance ! Sauf si elle s'était trouvé un dealer, ce qui n'était pas son genre, elle avait donc trouvé un autre moyen. Mais une chose sur laquelle je restais certain, c'est qu'elle n'avait JAMAIS eu des pensées suicidaires, elle ne pouvait pas avoir fait ça. Je refusais d'avoir le sentiment que je ne l'avais jamais connu.
Je me relevais et fouillais une fois de plus dans sa chambre. Au bout de cinq minutes à la retourner avant de ranger à chaque fois afin d'éviter à ma mère de devoir ranger sa chambre en ressentant ce que je ressentais actuellement, je finis par me tourner vers sa table de chevet peinte par ses propres soins. Je m'avançais doucement mais sûrement avant de tirer sur un tiroir. Rien. Deux livres. Un premier qui était un livre de cours merdique et l'autre un de ses livres d'amour à l'eau de rose, je le refermai avec soin.
J'aurais voulu le faire avec violence, mais je pensais à ma sœur... je ne pouvais être que doux. Je passais à son second tiroir : des stylos, un surligneur, quelques chargeurs inutilisables à présent, une batterie externe, quelques feuilles que je dépliais évidemment mais ce n'était que des garanties pour, je ne sais quels appareils, il y avait encore un livre qui parlait visiblement d'une histoire de vampire. Je souris en la revoyant lire ce genre de bêtises et en discuter avec Ave' dans ma chambre pendant que je jouais sur mon ordi avec mes amis.
Je soufflais désespéré. Si elle avait été là, elle aurait marqué le fait que j'avais des cernes énormes. C'était douloureux que maintenant, j'allais avoir une vie d'enfant unique. Une vie sans sœur... une vie seule. La solitude me faisait si peur. Une larme tomba par terre quand je refermai le second tiroir.
Je passais alors au dernier tiroir quand je vis qu'il était vide. Vide. Il n'y avait rien d'autre qu'une pochette violette. J'espérais avoir quelque chose. Je sortais la pochette et m'asseyais par terre, appuyé sur son lit, prêt à lire même juste un cours qu'elle aurait noté avec soin.
J'écartai les élastiques de la pochette, le cœur battant, un mal à l'estomac ne voulant pas me lâcher quand je me rendis compte qu'il n'allait jamais s'en aller.
Une boule enserra ma gorge. Bordel. De. Merde. Qu'est-ce que c'était tout ça ?
J'ouvrais mes yeux devant toutes ces feuilles... Des feuilles d'ordonnance. Je les inspectais toutes. Une à une. Je regardais, attentivement. Je les quittais des yeux, regardais les boîtes. C'étaient des dizaines et des dizaines et des dizaines d'ordonnances, toutes pour prescrire la même chose : de la ritaline, au nom du Docteur Jaceline Fred-Rick.
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Hommage à tous les parents ayant perdu un enfant. Courage.
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