11. Quand et Pourquoi ?
NOAH
Ils avaient fini par obéir et s'étaient enfin tous installés comme je le leur avais demandé. Je continuai alors à faire les cents pas sur cette scène, sous les feux des projecteurs. Je passai mes yeux sur chacun d'eux histoire qu'ils puissent tous voir le visage de leur assassin, de celui qui était à l'origine de tout ça. J'observai, calme, maître de moi-même, mais plus je marchais, plus je me rendais compte que je trainais derrière moi les traces de sang de ceux qui étaient derrière moi sur ce parquet en bois ciré.
- Merde, grognais-je de dégoût ;
Je passai mes mains dans mes cheveux bruns, fixant toujours les élèves et anciens camarades de classes terrorisés. Mon regard passa de la première rangée, à la deuxième, à la troisième, mais quand j'atteignis une rangée assez éloignée de la scène, des yeux d'un bleu marin attirèrent mon attention.
Incroyable.
Ave'...
Un lueur haineuse envahit son regard et ce contact visuel que nous avions établi prenait des allures de défi.
Mon ex.
Celle qui m'avait tout à coup quitté.
Comme les autres.
Celle qui m'avait abandonné.
Bordel.
Elle était cachée derrière un siège, mais sa curiosité légendaire l'avait poussé à montrer sa petite tête. Elle n'avait plus une seule once d'amour pour moi, et elle voulait me le faire comprendre.
Mon corps tressaillit d'abord doucement.
Je serrai le micro noir dans mes mains et je sentais que mes doigts perdaient peu à peu le sang qui les alimentait.
Et dans ce silence effroyable... j'éclatais de rire.
Un rire diabolique. Un rire profond. Un rire sourd.
On allait s'éclater bordel de merde.
J'avais l'impression que dès que je m'étais mis à rire tout le monde avait cessé de respirer. Avery n'en faisait pas exception. Je sentis d'ici que plus je riais, plus elle resserrait sa mâchoire. Je portai alors le micro à mes lèvres, fendu par un grand sourire :
- Bordel de merde, qu'est-ce que je vais m'amuser aujourd'hui, dis-je encore dans un petit rire sardonique, toujours en fixant la petite blonde. Pas vous ?
Je serrai mon arme suspendue à mon épaule. Cessais de plaisanter, et recommençais à faire mes petits pas légers.
- Bonjour à tous, élèves du lycée Victoria, dis-je avant de me courber en avant pour les saluer.
J'étais totalement dans le sarcasme, sans aucun doute. J'imitai la défunte directrice gisant quelques mètres derrière moi. Aussi loin que j'avais été dans cet établissement, elle avait toujours commencé ses discours de cette façon. Tout élève connaissait ses débuts de discours, et en commençant le mien comme ça, je prenais immédiatement sa place et montrais que l'autorité, maintenant, elle était entre mes mains. Tout d'abord, je voulais sincèrement m'excuser pour vos professeurs, et pour certains, vos parents qui ne respirent plus à mes côtés. Mais je vous avouerai qu'il fallait que je sois seul. C'était nécessaire, vous comprenez ?
Bien évidemment, personne ne me répondit.
- Ne vous en faites pas, de toute façon, vous les rejoindrez bientôt alors le manque sera court. Sauf si vous vous comportez bien... je marquai une légère pause. En fait non... je ne vais pas vous promettre quelque chose d'impossible. Vous les rejoindrez tous, tous sans exception. Que vous m'écoutiez ou non. Ce truc, qui pend contre mon bras, est assez chargé pour tuer le double de votre nombre actuel.
Je posai tout à coup mes yeux sur un mec qui tremblait au premier rang, et dans un certain sens, il me faisait de la peine, car pour lui, comme pour les autres, c'en était fini.
- Toi, lui dis-je, demande-moi pourquoi je suis ici, pourquoi je fais ça
Il continua de fixer ses baskets grises tachées de sang pourpre. Il ne m'accorda même pas un regard.
- Le maigrichon ! Je te parle articulais-je d'un ton clair
Il sursauta, et écarquilla les yeux quand il se rendit compte que j'étais en train de lui parler. Il avait les yeux rougis, pire que les fumeurs de weed qui se réunissaient à chaque récré dans un coin reculé du lycée.
Il avait les yeux remplis de larme et son expression de garçon à la fois traumatisée mais aussi furieux était à mourir.
- ESPÈCE DE CONNARD ! commença t - il à brailler en se levant précipitamment vers moi COM-
Sans que je ne m'en rende compte, mes doigts entourèrent la détente, l'arme se posa contre mon avant-bras. Plus le garçon avançait vers moi, plus la balle allait vers lui.
Il s'écroula.
- Un de moins, dis-je dans le micro
Une élève, sur qui venait de gicler le sang du mec, hurla à plein poumon.
Un autre tire s'en alla.
Elle se tut.
- Je suis sensible des oreilles en ce moment, dis-je calmement
Je posai mon regard noir sur sa voisine qui essayait de se retenir de crier car la fille qui venait de mourir était parti en laissant sa tête basculer sur son épaule frêle. L'égoïste.
- T'es super intelligente toi, tu sais ce qu'il faut faire, lui souris-je de toutes mes dents parfaitement blanches
Beaucoup étaient en pleure, d'autres tremblaient, d'autres n'affichaient que des visages fermés et haineux et d'autres encore se bouchaient les oreilles. Peut-être des sensibles comme moi.
- Toi ! Criais-je à une fille assise à la rangée opposée maintenant, demande-moi pourquoi je suis ici et pourquoi je fais ça
La fille aux cheveux roses et à l'accoutrement étrange marqua d'abord une pause.
- Pourquoi est-ce que tu es ici, et pourquoi est-ce que tu nous fais ça à nous tous ? dit-elle la voix mal accordée
- Bonne question riais-je
Avant de répondre, je baissai la tête, puis me jetais au bas de la scène, devant l'estrade, faisant alors rebondir les chargeurs dans mes poches. J'étais sûr que je n'allais pas les oublier, tout me rappelait toujours que j'avais plus de munition que nécessaire.
Je regardai de nouveau la fille avant de faire quelques pas en arrière pour m'asseoir sur le rebord de la scène, prêt pour une conversation intense et longue, comme celle que j'avais avec ma sœur des temps où elle était encore là.
- Pour répondre à ta question, commençais-je tout en inspirant profondément, j'ai toujours été celui qu'on n'écoutait pas. Celui qui passait après, j'ai toujours dû me plier aux convenances des autres. Me taire, sourire, accepter les paroles blessantes. Parce que j'étais celui qui était le gentil, et ce n'était pas mon rôle d'être trop colérique.
Je les regardai tous, les uns après les autres, j'admirai mon audience.
- Mais il est arrivé un point de non-retour, un point de saturation. J'ai toujours vécu comme une bombe à retardement. Une bombe dont l'explosion était prévue pour dix-sept ans après son activation apparemment. Et à cause de nombreuses personnes, j'ai vécu le pire. Je me suis retrouvé seul, moi qui avais toujours tout sacrifié pour tout le monde, moi le gentil, le compréhensif, je perdis tout.
Un rire rauque m'échappa.
- Ma sœur, ma famille, mes amies, et même, tenez-vous bien les amis, ma parfaite petite amie blonde aux yeux bleus si douce et si bienveillante. Elle m'abandonna à son tour. Je tapais dans mes mains. Étant donné que le point de départ de tous ces malheurs était.... vous, je me suis dit, après des mois, qu'il était temps, d'en finir.
Je me tus un instant et inspirai profondément.
- Je vais donc vous raconter son histoire.
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