CHAPITRE 9 - Lui
CHAPITRE 9
Arch
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Jeudi 2 novembre 2023
Non mais ils se foutent de moi ! Ça fait une plombe que je les désespère, en faisant les cent pas dans l'entrée de la maison.
— Allez putain ! Magnez-vous ! je hurle.
C'est Evan qui surgit le premier, venant de la cuisine, un toast dans la bouche. Ce mec, c'est un estomac sur pattes. Il ne fait que de bouffer. Tout ce qui lui tombe sous la main. Il marmonne quelque chose d'incompréhensible et je me dois de lui faire répéter.
— Je disais : il t'arrive quoi aujourd'hui ?
— Bah rien. C'est bientôt l'heure de partir et...
— Ne me l'a fait pas, Arch ! On doit toujours de sortir du lit, tu es toujours en retard et aujourd'hui, tu as trente minutes d'avance. Tu m'expliques ?
— Bah il n'a rien à expliquer. J'ai bien dormi et...
— Et Jo ! me coupe-t-il en riant.
À l'attente de son prénom, mes lèvres s'étirent aussitôt, ce qui fait aussitôt marrer mon pote.
— Bah quoi Jo ? je demande en me ressaisissant.
— C'est une réelle source de motivation, hein ?
— Oh, ta gueule. Ce n'est qu'une pote.
— Et une Target éventuelle !
Il n'a pas tort. Je mentirais si je disais que je ne l'ai pas envisagé. On l'a tous envisagé. Même John ou Max. J'ai très bien vu comment il la regardait hier soir, pendant la soirée pizza.
— Nan, je l'apprécie. Aubrey avait raison, elle est cool comme nana.
— Aubrey a toujours raison, dit l'intéressée qui arrive en parlant d'elle à la troisième personne.
Je déteste quand elle fait ça. Et encore plus quand elle a raison, ce qui arrive bien plus souvent que nous le souhaitons. Mais nous ne sommes pas fous. Aucun de nous la réconfortons dans cette idée. Elle serait invivable.
— Vous parliez de qui ? demande-t-elle en sautant la dernière marche des escaliers.
— De celle qui obsède les pensées de notre cher Archibald, voyons, répond son jumeau.
— Oh ! Jo ! Je ne vous avais pas dit qu'elle était géniale ?
J'attrape mon menton avec mon index et mon pouce et fais mine de réfléchir.
— Je n'ai pas le souvenir de t'avoir entendu dire ça, je l'embête. Evan ?
— Non, ça ne me dit rien non plus.
— Mais arrêtez ! J'ai dû vous le dire vingt fois !
— Faux ! contredit mon pote. Tu l'as dit trente-sept fois. Et seulement en deux heures !
Comme une gamine, Aubrey nous tire la langue alors que Grayson arrive à son tour.
— Vous parlez de quoi ?
— De Jo ! s'esclaffe en chœur les jumeaux.
Les lèvres de Grayson s'étirent et son regard pétille.
— Oh ! L'extraordinaire, la marrante, la sexy petite Jo ! Intéressante comme nana !
Plus que sexy ! Et bien plus qu'intéressante !
— Pas touche mon grand ! prévient-elle. Arch a mis une option sur elle !
Ce n'est pas vrai ! Mais je serais un sacré menteur si j'affirmais le contraire.
— Et depuis quand ? s'indigne Grayson.
Aubrey roule des yeux.
— Depuis que c'est une évidence. Ça matche carrément entre eux. Allez viens, on va prendre notre petit déjeuner avant que tu racontes une nouvelle connerie.
Elle attrape son bras et l'attire déjà dans la cuisine. Mon visage se tourne vers Evan, qui me fixe sans un mot.
— Quoi ? je finis par lui demander quand je me rends compte qu'il est un peu trop insistant.
— Rien. Mais n'oublie pas une des règles principales du contrat : Célibataire, tu seras !
C'est moi qui roule des yeux cette fois ci.
— Et je compte bien le rester ! Jo, c'est juste une cible !
Son regard persiste dans le mien.
— Je te jure !
— Mouais. Si tu le dis.
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Quand nous arrivons enfin à l'université, je râle après Evan pour qu'il se magne de descendre de la voiture. Monsieur m'a bien gonflé en me faisant un caprice pour que je l'arrête au Starbucks, sous prétexte qu'il avait la dalle et qu'il crèverait pour un de leur café de Noël. Ce mec est dingue ! On n'a pas eu le temps de digérer Halloween qu'il est déjà dans le mood Noël et compagnie.
— Ouais, deux minutes !
Il descend enfin de ma voiture alors que celle de Grayson se gare à son tour sur le parking. Aubrey descend, toute guillerette.
— Bon, on y va ? je les presse.
— Ça va, détends-toi ! On a vingt minutes d'avance.
— On serait arrivés plus tôt si Evan ne m'avait pas forcé à aller chercher à bouffer.
Je lui reproche mais en réalité, ça m'a permis d'acheter un chocolat chaud pour Jo. Et j'apprécierai de lui filer encore chaud !
— Allez, on bouge ! j'ordonne presque.
J'ajuste la bretelle de mon sac à dos sur mon épaule, saisit le gobelet pour Jo et traverse déjà le campus. Je scrute chaque visage que je croise, dans l'espoir de la trouver, alors que mes amis rigolent de mon comportement. Ils peuvent rire autant qu'ils veulent, je m'en cogne royalement. Je ne les écoute que d'une oreille et j'accélère le pas pour les presser. Ce matin, je sens qu'ils font tout pour m'emmerder.
Soudain, je croise le regard de cette blonde. Elle est là ! Habillée d'une petite robe et de bottines aux couleurs automnales, elle irradie. Elle m'offre un large sourire, spontané et naturel et ça me réchauffe le cœur instantanément. Cette nana a un charme naturel et charisme de dingue.
Je presse encore plus le pas et sème presque mes amis pour aller la rejoindre.
Quand je me retrouve face à elle, mon premier réflexe est de la serrer dans mes bras. Déjà la veille, j'avais apprécié ce moment doux, au parfum de cerise. Son parfum à elle. Il n'avait pas duré assez longtemps à mon goût mais je savais que si je faisais durer cet instant plus longtemps, mes potes m'auraient charrié. J'ai dû l'interrompre à mon plus grand regret.
— Salut Arch !
Bordel de merde ! Qu'est-ce que j'aime entendre mon prénom sur ses lèvres.
— J'ai pensé à toi, je souffle.
Je sens qu'elle se tend, surprise par ma déclaration et je me recule aussitôt. Je lui tends le gobelet Starbucks, rempli de chocolat chaud. Ses sourcils se froncent un instant, surprise mais elle m'offre un petit sourire. Je vois que ce petit geste la touche.
— C'est pour moi ?
— Oui. C'est un chocolat chaud.
Toutes les nanas aiment le chocolat chaud.
— C'est adorable, merci. Je n'ai pas eu le temps de prendre mon petit déjeuner et je crève de faim.
Un point pour moi !
— Ma voiture fait des siennes et j'ai dû prendre trois bus pour arriver jusqu'ici, me précise-t-elle.
Elle saisit le gobelet de ses longs doigts fins.
— Mais qui est Johanna ? finit-elle par demander, étonnée.
Je l'interroge du regard jusqu'à ce qu'elle me montre le prénom inscrit sur le gobelet.
— Bah apparemment, c'est toi !
— Mais je ne m'appelle pas Johanna. Tu es sûre que tu as pris ce chocolat pour moi et pas pour une autre fille ? plaisante-t-elle.
Aucun risque ! Ce n'est pas mon genre d'offrir ce type de trucs à une fille. À moins qu'elle m'intéresse vraiment.
— Non, il est bien pour toi.
Pourquoi j'ai écouté Evan qui m'a dit qu'elle s'appelait Johanna ?
— C'est quoi ton prénom, alors ?
Ses lèvres s'étirent en un sourire mutin.
— À toi de le deviner !
Je souris à mon tour, un air de défi dans le regard. Elle me lance un challenge et je sens que je vais aimer ça ! Il ne doit pas exister un million de prénom qui a "Jo" comme diminutif.
— Il est sucré ?
Je hausse les épaules.
— Aucun idée. Je n'ai rien rajouté.
Elle me sourit et porte le gobelet à ses lèvres après avoir soufflé sur le liquide fumant. Elle ferme ses yeux puis laisse échapper un petit gémissement de plaisir. Oh non ! Bordel ! Tout sauf ce petit gémissement plus que sexy.
— Il est délicieux. Merci beaucoup.
Sa langue passe sur sa lèvre supérieure. Oh non ! Ça non plus s'il te plait ! A croire qu'elle le fait exprès. À moins qu'être sexy est naturel pour elle.
— Hey ! Salut Jo !
Aubrey et mes deux potes se pointent devant nous, interrompant notre moment rien qu'à nous. Je gronde intérieurement. Grayson attrape déjà Jo par la taille et la soulève pour la saluer. Elle prend garde de ne pas renverser sa boisson. Evan l'enlace à son tour. Ils échangent des banalités entre eux, le temps de quelques minutes.
— Vous commencez par quoi ? demande Aubrey, curieuse.
Je soupire. Bordel ! Qu'est-ce que je déteste la médecine !
— Droit civique, répond Evan.
— TP, fait Grayson.
— Biologie, dit Jo.
Je soupire une nouvelle fois. Deux heures d'enfer en compagnie du soporifique professeur Johnson, pour bien commencer la journée. Quel calvaire ! Cet homme est si vieux qu'on se demande s'il n'a pas vécu les premiers pas de la médecine moderne.
— On se retrouve pour manger ce midi ? propose-t-elle.
— Ça marche. Rendez-vous à l'endroit habituel, je précise.
Mes amis hochent la tête et nous décidons chacun de rejoindre nos cours respectifs. Je marche au côté de Jo, jusqu'à notre amphithéâtre.
— Donc, ce n'est pas Johanna, je reprends notre conversation avant que nos amis nous aient interrompu.
— Et non !
— Umh... Joëlle ?
Elle grimace.
— Ah non ! C'est une proposition par jour, sinon, c'est de la triche !
— Et qui a décidé ça ?
— C'est moi !
— Umh... OK.
J'attrape son gobelet de chocolat de ses mains et le porte à mes lèvres. C'est vrai qu'il est délicieux. Dommage qu'il ne soit pas plus sucré.
— Faut pas se gêner surtout !
— Tu peux bien un peu partager !
— Jamais quand il s'agit de bouffe.
Je tire la porte de l'amphithéâtre et lui tiens galamment. Elle pénètre dans la grande pièce, et je la suis aussitôt. Bien évidemment, l'amphi est déjà bondé de monde. Jo déniche une place et je m'installe à ses côtés.
Je l'observe alors qu'elle sort tout son attirail : PC, manuel de biologie, bloc note, crayon. Elle est carrément bien équipée et quiconque pourrait deviner qu'elle n'est pas là pour déconner. Une fois parée, elle sent mon regard sur elle et pivote son visage. Ses yeux transpercent les miens.
— Tu ne sors pas tes affaires ? demande-t-elle.
Je hausse les épaules. Je ne suis pas un exemple d'élève studieux. Je suis plus du genre à retenir les choses et à tout miser sur la chance lors des évaluations et examens. Cette méthode ne m'a jamais fait défaut, jusqu'ici.
— Pas étonnant que tu as repiqué ta première année.
— Tu prendras les notes pour moi.
Elle me sermonne du regard et s'apprête à dire quelque chose quand le professeur Johnson fait son apparition. Aussitôt, toutes les conversations dans l'amphi se taisent.
Le professeur nous salue, de sa voix monotone et je pique presque instantanément du nez. Quel enfer, ce cours ! Encore deux heures de perte de temps.
J'attrape le carnet de note de Jo et le tire vers moi. Je saisis le crayon qu'elle a fourré dans sa bouche, elle sursaute, surprise. Son visage se tourne vers moi, ses yeux me sermonnent et son nez se plisse légèrement. J'étouffe un petit rire devant son comportement. Elle n'est tellement pas crédible. Et si sensuel à la fois.
Je pose le crayon sur la feuille et commence à dessiner des traits vulgairement, que je peaufine au fil des minutes. J'ai toujours adoré dessiner et depuis gosse, je rêve de créer mes propres bande-dessinés. C'est ça mon truc. Pas toutes ces conneries de vésicule biliaire, de globules rouges et de phlébite. Non, ça, c'est le délire de mes parents. C'est leur rêve, pas le mien !
De temps en temps, je sens le regard de Jo sur moi et à chaque fois que je relève mes yeux vers elle ou que j'esquisse un sourire, elle se ressaisit et se reconcentre sur son cours. Elle parait si sérieuse, si studieuse. Si passionnée. Elle, elle a parfaitement sa place dans cet amphithéâtre.
Je change de page et relève mon visage vers elle. Jo fait mine de ne pas apercevoir mon attention sur elle et semble boire les paroles du professeur Johnson. De temps en temps, ses doigts courent sur le clavier de son ordinateur et je la vois acquiescer ou répondre à voix basse à une question posée.
Mon crayon toujours en main, je commence à dessiner les contours et détours de son visage. Son nez long et droit, qui se plisse quand elle devient mal à l'aise. Ses yeux étirés et en amande qui clignent régulièrement. Ses longs cils, protégeant ses magnifiques yeux hazel. Et sa bouche... Cette bouche. Divine, charnue, qu'elle martyrise de ses incisives, tant elle est concentrée.
Je n'oublie pas ses innombrables grains de rousseur, qui parsèment son visage, comme s'ils représentaient la carte du ciel. Je jurerais que certaines forment des constellations, si on y regarde de plus près.
— Monsieur Armstrong-Brown !
Merde ! C'est moi ça !
Je relève mon visage vers le professeur Johnson. Ce vieux con me fixe, l'air mauvais, comme s'il était impensable qu'une personne ose ne pas s'abreuver de tout son laïus. Tous les regards de l'amphithéâtre me fixent, comme si je venais d'une autre planète.
Je ne me formalise pas d'eux. Le seul regard qui me trouble est celui de ma voisine. Elle me détaille avec insistance, comme si elle venait de découvrir une chose extraordinaire.
Je comprends aussitôt... Elle ignorait mon nom et elle vient de le découvrir...
Je déteste faire cet effet aux gens. Oui, j'ai des parents et des grands parents brillants, qui ont joué un rôle dans l'innovation de la médecine moderne. Ils ont même leurs pages Wikipédia qui relatent leurs nombreux exploits. Mais parfois, la pomme roule très loin après être tombé de la branche. Et moi, je suis celle qui est la plus éloignée du tronc.
— Je comprends que votre voisine puisse être une jolie façon de passer votre temps plutôt que de m'écouter mais j'apprécierai que vous soyez un peu plus attentif. Je vous rappelle que vous avez loupé vos examens l'an passé et compte tenu des brillantes carrières de vos parents, j'ose espérer que vous allez vous ressaisir rapidement afin de marcher dans leurs pas. Et cela implique que vous écoutiez mon cours. Ce n'est pas en agissant ainsi que...
Et voilà ! Toujours le même discours ! Je ne l'écoute même plus. Depuis mon arrivée à Upenn, je n'entends parler que de mes parents. Parents respectables, études et carrières brillantes, comportements exemplaires. Je pense que chaque prof de cette université adore me les briser avec la vie de mes parents et ce nom qui me colle à la peau.
— Quelle était la question, Professeur Monroe ? je le coupe pour l'arrêter dans son discours.
— Je n'ai posé aucune question, Monsieur Armstrong-Brown ! s'agace-t-il. Nous parlions de l'importance de la biochimie dans ce cursus. Mais nous verrons ça la semaine prochaine.
Les étudiants se lèvent bruyamment et commencent déjà à remonter les escaliers menant jusqu'à la sortie. Jo, elle, ne me lâche pas du regard. Je sens qu'elle est choquée.
— Tu... Tu t'appelles Armstrong-Brown ? demande-t-elle en bafouillant.
Je tente de réprimer un soupir d'agacement. Je n'ai pas envie de paraître impoli mais c'est une réaction que j'ai presque systématiquement en entendant cette foutue question.
— Armstrong-Brown comme la bibliothèque de l'aile Ouest ?
— Ouaip.
Pour ça, je ne remercie pas mon grand-père qui a estimé que ça pouvait être cool de filer des millions de dollars à l'université pour avoir son nom en gros, gravé dans la pierre d'un bâtiment.
— Armstrong-Brown comme Richard Armstrong-Brown, le célèbre oncologue ?
— C'est mon père.
— Ce n'est pas vrai ?! s'exclame-t-elle.
Si seulement...
— Armstrong-Brown comme l'essai clinique Armstrong-Brown ? enchérit-il
Je sens qu'elle est refaite et moi, je perds patience.
— Oui, c'est toujours mon père.
— Putain, ce n'est pas vrai ! Je n'en reviens pas. Tu crois que je pourrais avoir...
— Il ne signe pas d'autographe ! je la coupe, agacé.
Bon, ça, je n'en sais rien et je m'en fous, en réalité. Mais ses questions commencent à me taper sur le système.
— Non non, je n'en veux pas. Qu'est-ce que je ferai d'un autographe ? Je... Tu crois que je pourrais te demander de voir avec lui pour avoir un rendez-vous. C'est quasi-mission impossible et...
C'est bon, là, ça me gonfle ! C'est toujours la même chose. Rapidement, j'attrape mon sac à dos et la plante dans l'amphithéâtre.
OK, je sais, c'est une réaction de merde mais j'en peux plus de tous ces étudiants qui me demandent ce type de faveur pour décrocher un internat à ses côtés. Je ne suis pas la secrétaire de mon père !
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Oh oh ! J'ai l'impression que les choses commencent à se gâter entre nos deux (futurs) amoureux ! Arch montre son petit caractère alors que Jo est complètement surprise de sa réaction. Il faut dire qu'il y va un peu fort. Peut être cela cache un certain mal être... affaire à suivre.
Alors, qu'avez vous pensé de ce chapitre ? Il vous a plu ? Vous avez hâte d'avoir la suite ? Dites moi tout...
On se donne rendez-vous la semaine prochaine pour connaître la suite de l'histoire. Est ce qu'Arch va venir s'excuser de son comportement ? Est ce que Jo va lui pardonner son attitude ?
Je vous embrasse
Lau
LoveWritter
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