CHAPITRE 4 - Eux
CHAPITRE 4
Arch
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Lundi 30 octobre 2023
Depuis presque une heure, Aubrey ne cesse de jacasser. Cette nana, quand elle l'ouvre, elle ne s'arrête pas !
Elle a toujours été ainsi. Déjà ado, elle ne faisait que ça et nous étions obligé de la faire taire de différentes façons.
- Oh ! Et tu sais quoi, Arch ? Elle fait aussi médecine ! dit-elle en me secouant à nouveau le bras.
Je râle quand elle me fait bouger, ce qui permet à Grayson de marquer un touchdown. Cet enfoiré en profite pour me charrier alors que je gronde.
- Super ! Heureux pour elle ! je souffle, agacé.
- Tu peux arrêter d'être aussi irritable ? me demande-t-elle. Tout à l'heure, tu étais clairement désagréable. Jo s'est posé des questions et...
Ouais bah cette Jo l'aurait sûrement été aussi si elle s'était pris une honte royale en cours de biochimie. Ce prof veut ma mort et j'en ai ras le cul que mon nom soit un prétexte à la réussite, aux yeux des profs.
- Qui est Jo ? je questionne, pour éviter de lancer le sujet sur mon agacement de cet après-midi.
- La nouvelle pote d'Aubrey, répond Evan, qui a les yeux rivés sur son téléphone, sûrement en train de scroller et mater des réels Instagram.
Je sais ce qu'il pense. Que cette Jo n'existe pas. J'aurais pensé la même chose si je ne l'avais pas vu moi-même. Enfin vu est un bien gros mot. Je ne l'ai pas regardé plus d'une demie seconde.
- Elle est super géniale. Franchement, je l'aime bien.
- On le sait, râle Grayson. Ça fait trois heures que tu nous bassine avec cette nana. Tu veux un bon point car tu as enfin réussi à te faire une pote fille ? Tiens, le voilà !
Il attrape un vieux menu d'une pizzeria qui a traine sur la table basse depuis une éternité et le balance sur ses genoux. Il se reconcentre sur l'écran de la télé, prêt à reprendre la partie.
- Non mais c'est vrai, elle est super, ne se formalise pas notre amie. Je suis sûre que vous l'adoreriez. Elle est aussi géniale que moi.
Pour qu'Aubrey dise d'une personne qu'elle est à son niveau, c'est qu'elle doit vraiment en valoir le détour, cette Jo.
- Dis-lui de venir à la soirée demain, suggère son frère.
- Vous vous doutez bien que je lui ai proposé. Mais elle ne peut pas. Elle a un rendez-vous.
Ah ! Elle a un mec ! C'est con ! Quoi que, un dérapage, ça comptabilise huit points. Et ce n'est clairement pas négligeable ! J'appuie sur le bouton "pause" de ma manette. Mes autres potes semblent avoir raisonné comme moi car ils paraissent soudainement tout aussi intéressé que moi.
Putain ! Pourquoi ne l'ai-je pas regardé plus de deux secondes tout à l'heure ? Je ne pourrais même pas dire si elle était blonde ou brune, tant j'étais énervé par les nombreuses réflexions du professeur Monroe.
- Et ta pote ? Elle est comment ? demande Grayson.
Aubrey fronce les sourcils, suspicieuse.
- C'est quoi cette question bizarre ?
- Ça n'a rien de bizarre, continue-t-il. Elle est comment ? Elle est bonne ?
Quelle subtilité ! C'est du Grayson tout craché ! Ce mec ne sait pas faire autrement que mettre les deux pieds dans le même plat.
- Et qu'est-ce que ça avoir dans le fait que je la trouve cool ?
- Mais ça nous intéresse, fait Evan. Si elle devient ta première pote-fille et qu'elle se met à traîner avec nous...
Aubrey comprend alors ce que nous avons tous les trois derrière la tête. Son regard devient presque noir en même temps que son front se plisse.
- Non, non, non ! s'exclame-t-elle. C'est hors de question ! Vous gardez vos mains dans vos poches et vos asticots dans vos slips ! Personne ne touche à Jo !
- Oh, tout de suite ! je m'indigne, on n'est pas comme ça !
OK, c'est un mensonge. Mes potes et moi sommes comme ça. Et encore plus depuis le début du jeu.
- Oh que si, vous êtes comme ça ! Et je ne parle pas seulement de vos petits asticots que vous avez dans le caleçon ! On ne touche pas à Jo ! Je ne veux pas que vous lui fassiez peur !
- Pff ! Tu n'es pas marrante, je souffle.
- Je sais ! Mais je m'en fous ! Interdit de draguer Jo pour la foutre dans votre pieu !
- Je confirme, lâche Grayson, elle n'est vraiment pas marrante.
Je laisse échapper un petit rire alors qu'il relance le jeu.
- Je suis sérieuse. Cette fille, elle est...
- Géniale ? je lui coupe la parole.
- Comment tu sais que j'allais dire ça ? s'étonne-t-elle.
- Ce n'est pas comme si tu l'avais répété cent fois par quart d'heure, je m'amuse.
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Jo
Les yeux plein d'amour, je regarde Heaven tournoyer sur elle-même. Son costume est tout simplement parfait. Et elle est si mignonne, vêtue de la robe d'Alice.
- Ton travail est remarquable, Maman ! je complimente ma mère.
Et je modère mes mots. Elle s'est vraiment surpassée pour confectionner le costume d'halloween d'Heaven. Elle m'offre un petit sourire loin d'être modeste. Mais elle a raison et peut être fière de sa création. La robe que porte ma nièce est la réplique parfaite de celle du dessin animé.
- Allez viens ma puce, retirons ton costume
- Oh Grand-Mère, je peux le garder pour manger ? supplie Heaven.
- Non ma chérie, tu risques de le salir. Et c'est demain, Halloween, je te rappelle. Il faut juste que tu sois un peu patiente.
Résignée, Heaven finit par obéir et je l'aide à se déshabiller. Elle se retrouve en culotte et débardeur devant nous et je lui demande d'aller se rhabiller. Elle file dans sa chambre sans un mot alors que je reprends place sur le fauteuil.
- C'est vraiment un super boulot, maman. Mais tu aurais dû me laisser faire.
- Parce que tu sais coudre, maintenant ?
- Bien sûr ! Depuis deux jours, je ris. Depuis que j'ai fait sauter un bouton de mon uniforme.
Ma mère rit de bon cœur et ça me réchauffe le cœur. Aujourd'hui était un de ses bons jours. Nous devons en profiter car nous savons que dans deux jours, quand elle ira à sa prochaine séance de chimio, le scénario sera bien différent.
Et je ne suis pas pressée. Voir sa mère aussi affaiblie, aussi frêle n'a rien de plaisant. Je ne souhaite ça à personne.
- Je voulais que tout soit parfait. Et fabriquer ce déguisement m'a remonté de bons souvenirs, quand je faisais les tiens ou ceux de Katherine.
À l'entente du prénom de ma grande sœur, je déglutis. Depuis cinq ans, on ne prononce pas son nom, ici. C'est comme s'il était devenu tabou, au même titre que celui de Voldemort.
- Heaven commence à poser des questions sur sa mère, m'informe-t-elle.
Je relève ma tête rapidement vers elle. Et merde ! Le sujet qu'on redoutait tant. Comment expliquer à une enfant de cinq ans que sa mère est en prison pour trafic et possession de drogues et qu'elle aura huit ans quand elle sortira ?
- Qu'est-ce que tu lui as dit ?
Nous avons tellement esquivé la conversation que nous ne nous sommes jamais mises d'accord quand le sujet serait abordé.
- Elle m'a prise au dépourvu. Je lui ai dit qu'elle travaillait.
En espérant que cette explication contente Heaven pendant un moment. Le plus longtemps possible. Mais je sais que ce ne sera pas le cas. Heaven est une fillette tenace et curieuse. Et elle est loin d'être bête.
- Tu as bien fait, je souffle. Elle est trop petite pour connaître la vérité.
Mais à quel âge pourra-t-on lui dire ? Y a-t-il vraiment un âge ? Ne serait-ce pas plus judicieux de lui laisser son innocence d'enfant ?
- Et toi ? Ta journée ?
- Ça a été.
Pour une fois, j'ai séché le cours du professeur Monroe, afin de me rendre à l'administration pour ce souci de virement. Ce prof est un véritable enfoiré, il est toujours piquant avec les étudiants et a la réputation de tellement les pousser à bout que certains en ont déjà pleurer.
- Accroche-toi ma chérie ! Dans quelques temps, tu deviendras la super star des médecins quand tu auras découvert le remède contre le cancer !
Je laisse échapper un petit rire. J'adore les discours encourageants de ma mère.
- Et qui sait ? Tu gagneras peut-être le prix Nobel dans quelques années...
Elle m'offre un petit clin d'œil. Rien ne me rendrait plus fière que de découvrir le remède de la maladie du siècle.
- Bon, je vais aller faire le dîner.
- Tu veux que je le fasse ? je me propose.
Elle se lève déjà du canapé.
- Non ma chérie. Profite en pour étudier un peu. Comme ça, tu ne te coucheras pas trop tard.
Je hoche la tête et suis ses conseils. Une bonne nuit de sommeil ne pourra que me faire du bien. Et je vais avoir besoin de toute mon énergie demain, pour m'occuper d'une enfant surexcitée par Halloween et shooté au sucre.
Je ne me fais pas prier plus longtemps et file dans ma chambre. Je dépose mon sac au pied de mon lit et me laisse tomber sur mon matelas. Maintenant que l'adrénaline de la journée est en train de retomber comme un soufflé, je ressens l'épuisement. Je fixe le plafond et constate qu'il bouge, à m'en donner le tournis. Non, ça, ce n'est pas la fatigue, c'est mon taux de glycémie qui déraille. Je me redresse lentement, afin de ne pas tomber dans les pommes et fouille dans mon sac pour récupérer mon matériel.
Machinalement, j'effectue tous les gestes qui vont me permettre de me tester. J'insère la languette dans ma machine, je prends mon lanceur et me pique le majeur. Je martyrise ma peau pour en faire sortir une petite goutte que j'essuie sur ma languette.
Et merde ! Il me faut une dose d'insuline rapide.
Mes gestes sont tout autant mécaniques. Cela fait trois ans que je les fais au quotidien, voire plusieurs fois par jour. J'attrape mon stylo, pince ma peau et l'enfonce dans mon ventre. L'effet peut prendre quelques minutes.
Quand on m'a annoncé mon diabète, j'ai cru que c'était une blague. Personne dans mon entourage n'est diabétique, je n'ai jamais fait d'excès et j'ai toujours tenté d'avoir une qualité de vie plutôt saine. Alors ce diagnostic a été une surprise. Une sacrée surprise bien pourrie, pour être honnête.
Les vrombissements de mon téléphone me sortent de mes pensées et j'attrape mon appareil. Le numéro qui s'affiche sur mon écran n'est pas enregistré dans mon répertoire et je plisse le front. Qui ça peut bien être ?
D'ordinaire, je ne réponds jamais au numéro inconnu, par crainte de tomber sur un employé de je ne sais quelle entreprise, prêt à tout pour me vendre je ne sais quelle connerie.
Et si c'était le programme Armstrong-Brown qui m'appelait pour m'annoncer que ma mère avait obtenu une place dans leur essai clinique ? Je sais qu'il est tard, presque vingt heures mais il est bien connu que les médecins n'ont pas d'horaires.
Sans plus d'hésitation, je décroche.
- Une détenue du centre pénitencier de Waymart souhaite entrer en contact avec vous. Pour accepter l'appel, appuyer sur le "un".
Je raccroche aussitôt. Je sais très bien de qu'il s'agit et il est hors de question que je la laisse m'embobiner.
Ma conscience me pousse à m'en vouloir mais ma raison me force à reconnaître que j'ai fait le bon choix.
Peu importe de ce dont ma sœur a besoin, à mes yeux, elle ne mérite pas ma clémence. Et encore moins mon aide. Elle s'est foutue dans la merde toute seule, c'est à elle de s'en sortir comme une grande. Je ne peux plus rien pour elle.
Je n'ai pas parlé à Katherine depuis des années. Pas même quand elle a accouché alors qu'elle était en prison depuis quelques mois. Intérieurement, elle me manque mais mon ego m'interdit de l'avouer.
Comme il a refusé pendant des années de reconnaître que celle que je voyais comme mon exemple était complètement aux antipodes de ma personnalité. Je pensais que nous étions pareilles, que nous étions droites et avions des principes mais ce n'était pas le cas, loin de là. Et je crois que c'est ce qui m'a fait le plus mal. J'idolâtrais Katherine à un point que je ne voyais pas ses défauts et ses faiblesses.
J'ai toujours été très fusionnelle avec ma sœur, de quatre ans mon aînée. Elle et moi étions inséparables, complices et elle était ma meilleure amie. Mais quand elle a commencé à laisser sa vie partir en vrille, je savais que quelque chose s'était brisé entre nous. Je lui en ai tellement voulu d'avoir été si naïve, si influençable, malgré mes avertissements.
Elle a perdu sa vie, ses droits, sa liberté par amour pour un mec qui se foutait d'elle et la traitait comme un chien. Un pauvre type qui n'a pas hésité une seconde à la faire plonger avec lui quand ils se sont fait arrêté, plutôt que de la protéger, comme chaque homme devrait le faire. Un enfoiré qui n'a pas hésité à la rejeter quand elle lui a appris qu'elle attendait leur enfant.
Quel gâchis !
Tout ça pour un mec...
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Hello les LoveAddict !
Que d'informations dans ce chapitre...
Entre Arch et ses potes qui ont hâte de rencontrer la nouvelle amie d'Aubrey et la sœur de Jo qui essaie de la contacter...
Qu'en avez vous pensé ? Je veux tout savoir donc n'hésitez pas à me laisser vos questions, interrogations, etc en commentaires.
Et vous savez quoi ?! Comme aujourd'hui est un jour particulier pour moi, j'ai décidé de vous offrir un petit chapitre supplémentaire. Ça vous tente ?
Bisous
Lau
LoveWritter
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