CHAPITRE 3 - Lui

CHAPITRE 3

Jo

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Lundi 30 octobre 2023

Je sens que je vais perdre patience.

— Je vais voir ce que je peux faire. Je reviens dans une minute, Mademoiselle.

Je souris à la femme face à moi alors qu'elle se lève de sa chaise et quitte son comptoir. Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle entre dans un petit bureau. Je ne sais pas pourquoi ça peut mettre autant de temps. Il n'y a rien de compliqué à faire un virement.

Quand je me suis inscrite à l'université, il était prévu que j'ai une chambre dans une des résidences du campus. Mais à cause de l'état de santé de ma mère, j'ai préféré revoir mes plans et rester à la maison pour m'occuper d'elle et d'Heaven. Ça m'angoissait de les laisser seules, malgré la proximité de la maison et de la résidence universitaire.

Et cela fait presque trois mois, j'attends que l'université se décide à me rembourser.

Je remarque que la femme revient, le visage fermé. Et merde ! Ce n'est pas bon signe ! Je sens que je ne vais pas aimer sa réponse.

— J'ai vu avec le service comptabilité, ils ne comprennent pas pourquoi vous n'avez toujours pas été remboursé.

Bah moi non plus. Sinon, je ne serai pas là !

— J'ai payé mon semestre dès mon inscription, il a plus de six mois, je tente de lui réexpliquer une énième fois. En mai, avant même le début de l'année scolaire. J'ai annulé ma chambre et quelqu'un de votre service m'a assuré que je serai remboursé avant la rentrée. Ça fait plusieurs mois maintenant.

— Je sais bien, Mademoiselle, et je suis navrée de ce retard mais...

— Écoutez, je ne veux pas paraître grossière mais ça fait trois mois que j'attends. Je suis étudiante et vous vous doutez que je ne peux pas me permettre de laisser une telle somme en suspens. J'ai des frais médicaux à régler. Régulièrement. Très régulièrement. Donc est ce qu'il serait possible d'avoir un rendez-vous avec votre supérieur, ou la personne qui s'occupe de la comptabilité, pour que mon problème soit enfin réglé ?

Face à moi, la femme se montre compatissante. Je sais qu'elle n'y est pour rien, qu'elle fait de son mieux mais là, je ne peux plus me permettre de laisser tout ce fric dormir ailleurs que sur mon compte.

— Je... Un instant.

Une fois de plus, elle se lève et retourne dans le petit bureau derrière elle.

— Ils sont chiants, hein ? j'entends sur ma gauche.

Je pivote mon visage et étire mes lèvres face à cette brune au visage rieur. Ses yeux couleur chocolat me fixent.

— Toi aussi, ils tardent à te rembourser ta chambre ?

Elle secoue la tête.

— Non. Ça fait deux mois que je demande à changer de chambre. Ma coloc est genre super flippante.

— Oh je vois ! Qu'est-ce qu'elle fait ?

Elle souffle.

— Tu as deux heures devant toi ?

— Non, juste une. Après, j'ai cours, je réponds sérieusement.

La brune pouffe de rire, amusée. Je comprends qu'elle était juste sarcastique. Elle finit par tendre sa main vers moi.

— Aubrey, se présente-t-elle.

— Jo, je réponds en saisissant sa main.

— Enchantée.

Je n'ai pas le remps de répondre que je le suis aussi, que l'employée de l'administration revient s'asseoir. Elle glisse un morceau de papier sur son comptoir.

— Je n'ai pas réussi à avoir un rendez-vous plus tôt, me prévient-elle.

Réticente, j'attrape le papier et le retourne. Mon Dieu, j'ai peur ! Mes yeux s'écarquillent quand je vois la date de rendez-vous qu'elle me propose. Le 8 janvier. Putain ! C'est dans plus de deux mois !

— Le 8 janvier ? je souffle, choquée par l'extrême lenteur de l'administration.

— Je sais. C'est dans deux mois. Mais si vous voulez, je peux prendre vos coordonnées et si je trouve un autre créneau, plus rapide ça va de soi, je vous passe en priorité.

Encore sous le choc, je finis par hocher la tête. Je n'ai pas vraiment le choix. Et à défaut de faire mieux. Je finis par saisir le stylo qu'elle me tend et griffonne mon numéro rapidement. Elle me conseille de repasser régulièrement, dans l'éventualité qu'un créneau se dégage.

— D'accord.

— Je suis désolée, s'excuse-t-elle.

Je sens qu'elle est sincère et je ne peux pas lui en vouloir de ne pas pouvoir en faire plus. Je la remercie et lui souhaite une bonne journée.

Quand je me retourne, la petite brune relève la tête de son téléphone et me sourit. Je suis surprise de voir qu'elle m'a attendue pour finir notre conversation.

— Alors ? Ils t'ont réattribué une nouvelle chambre ? je demande.

Elle roule des yeux.

— Pff ! Tu parles ! Ils m'ont mis sur liste d'attente bien sûr. Ils se foutent de savoir que je pourrais être prochainement dans la rubrique nécrologie.

Je réprime un petit rire. Je ne voudrais pas qu'elle pense que je me moque mais elle est tellement marrante, cette fille !

— Ta coloc est si terrible que ça ? je m'inquiète.

Elle lève les yeux cette fois ci avant de passer son bras sous le mien pour m'embarquer je ne sais où.

— Allez viens, je te raconte tout ça devant un café.

Je me laisse entraîner à l'extérieur du bâtiment administratif.

— Dafne est complètement givrée. Une psychopathe. Dès le début, j'ai compris que ça n'allait pas le faire. Mais j'ai écouté Grayson qui faisait que de me dire que c'était OK, qu'il fallait juste lui laisser du temps pour s'adapter et que je réussirais à l'apprivoiser. Je l'ai écouté, ce débile mais mon Dieu, je le sais pourtant, il ne faut jamais l'écouter.

— C'est ton petit ami ? je demande alors qu'Aubrey nous arrête devant un camion ambulant qui vend des boissons et pâtisseries en tout genre, implanté sur le campus.

Elle tourne son visage vers moi et me fixe, horrifiée. Je crois que j'ai fait une boulette.

— Qui ? Grayson ?

Elle ne me laisse pas répondre et secoue déjà la tête avec énergie. Ça, c'est un non catégorique !

— Non. C'est mon pote, juste mon pote.

— Oh. OK, je souffle, ne sachant pas quoi répondre d'autre.

Aubrey se poste devant le comptoir du camion et sourit au type.

— Ce sera un cappuccino pour moi. Et pour toi ?

Elle tourne son visage vers moi.

La même chose, je réponds. Sans sucre.

L'homme s'attèle déjà à préparer notre commande et Aubrey insiste pour m'offrir ma boisson. Une fois nos gobelets en main, nous nous installons autour d'une table métallique.

— Donc, Dafne ?

— Oh oui ! Elle ! Mes potes l'appellent Dafne la frappée. Cette fille me fait flipper. Tu sais ce qu'elle m'a fait pas plus tard qu'hier soir ?

Je secoue la tête et avale une gorgée de mon capuccino. La boisson brulante me réchauffe l'œsophage. Ça fait du bien. Cette fin d'octobre est légèrement fraîche.

— Je dormais quand j'ai senti... comme une présence. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. J'ouvre les yeux et elle était là, penchée au-dessus de moi à me fixer. J'ai hurlé à la mort et cette folle m'a engueulé parce que je faisais trop de bruit. Une vraie tarée ! Je n'ai jamais autant flippé de ma vie.

— C'est normal ! Je pense que j'aurais fait une crise cardiaque !

— On est d'accord. Mais cette cinglée ne s'est pas arrêtée là. Elle a commencé à me balancer tout ce qui lui passait par la main. Des livres, une brosse à cheveux, ses pompes. Et la meuf est dans le trip gothique alors imagine le poids de ses chaussures.

J'explose de rire. La situation, bien qu'elle soit loin d'être drôle reste risible. C'est sûrement dû à ses talents de narratrice. Elle explique les choses d'une certaine façon que je défie quiconque de ne pas rire.

— Qu'est-ce que tu as fait alors ?

— Bah je me suis barrée. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ?

— Lui rebalancer sa pompe ? je suggère.

Aubrey esquisse un sourire.

— Ça aurait été marrant. Mais je ne sais pas viser. Avec ma chance, elle aurait fait ricochet sur cette timbrée et c'est moi qui aurais souffert.

— Tu as eu raison de ne pas prendre ce risque alors !

Cette fois ci, elle explose de rire. Depuis mon sac, mon téléphone se met à sonner, m'annonçant l'arrivée d'un mail. Je tente de le trouver dans tout mon bazar et finit par sortir mon énorme manuel sur la biologie cellulaire que je balade partout. Je le pose sur la table métallique, vérifie ma boîte mail mais déchante rapidement en voyant que c'est une publicité.

— Bon. Et toi ? Médecine ?

Je m'étonne de sa question. Comment le sait-elle ? Elle est médium ? Ses yeux rieurs se détournent brièvement sur mon livre.

— Ouais. Première année.

— Oh ! Un cursus semé d'embûches. Un de mes potes est en aussi en médecine. En deuxième année. Mais je crois que ça ne lui plaît pas trop...

Quel dommage ! Mais je peux comprendre que ça ne plaît pas d'autres. Cette voie est la seule que j'ai choisi et je ne me vois pas faire autre chose. Et même si elle est très dure, je m'accroche pour réaliser mon rêve de gosse : soigner les gens.

Déjà enfant, j'adorais jouer à Opération* et je soignais mes poupées grâce à un kit de médecin que j'avais reçu à Noël. Quand j'ai eu dix ans et que ma mère a eu son premier cancer, je rêvais de trouver un médicament pour la soigner. Et depuis, mon objectif n'a pas changé.

— Tu voudrais te spécialiser ?

— Oui. En oncologie.

— C'est cool !

— Et toi ? Tu fais...

— Les Arts, me coupe-t-elle. Deuxième année. L'avantage, avec mon cursus, c'est qu'on ne peut pas se planter.

C'est vrai.

— Et tu es spécialisée dans...

— La peinture, me coupe-t-elle. J'ai toujours adoré dessiner.

— C'est cool ! J'ai toujours admiré les gens qui ont un talent.

— On a tous un talent, Jo ! Tu n'as peut-être pas encore découvert le tien !

— Eh bien, j'aimerai bien qu'il se manifeste !

Hormis le don de m'occuper des autres et d'être déterminée, je ne me connais aucun talent.

— Eh dis, j'y pense. Ça te dit une fête demain soir ?

Je grimace. Demain est la nuit la plus terrifiante de l'année : Halloween ! Bien que je devrais travailler, j'ai demandé à Pete de quitter plus tôt pour aller faire la tournée des bonbons avec Heaven. Je lui ai même promis qu'on regardera un film d'halloween, adapté à son âge bien sûr, en se goinfrant de popcorn et de bonbons.

— C'est gentil mais j'ai déjà quelque chose de prévu demain et...

— Ce n'est pas grave. Amène ton mec, il est aussi le bienvenue.

Je secoue la tête.

— Non, ce n'est un mec. C'est ma nièce. Elle est complètement excitée à l'idée de cette soirée avec moi.

— Quel enfant ne l'est pas le soir d'halloween ! Je comprends, la famille avant tout ! Et puis, il ne serait pas très prudent de l'emmener à une soirée chez les APZ*.

— En effet ! je ris.

Nous sursautons toutes les deux quand un livre s'abat sur la table métallique, entre nous deux. Je relève les yeux vers le mec qui vient d'arriver près de nous. Malgré qu'il soit de dos et que je ne puisse voir complétement son visage, j'arrive à remarquer sa mâchoire serrée et son front plisser. Il a l'air sacrément remonté.

— Oh ! Salut, je te présente...

— Ouais, salut !

Il me jette un coup d'œil rapide, qui ne dure pas plus d'une seconde et retourne son intérêt vers son amie. Je ne suis même pas sûre qu'il m'ait vraiment porté attention.

— Il est où ton frangin ? demande-t-il, l'air mauvais.

Face à lui, Aubrey a perdu sa bonne humeur et le toise du regard.

— Je n'en sais rien. J'ai l'air d'être sa secrétaire ?

— Vas-y ! Dis-moi s'il te plaît !

— Il n'est pas là ! le coupe-t-elle. Alors tu fais comme tout le monde, tu cherches ! Ou tu l'appelles !

Agacé par la réponse de son amie, le mec embarque son livre et tourne les talons, encore plus furieux qu'à son arrivée. Je le regarde s'éloigner et finit par interroger Aubrey.

— C'était Grayson ?

— Non, ça, c'est Archie. Celui dont je t'ai parlé et qui fait médecine, tout comme toi.

— Il est toujours aussi tendu ?

Elle hausse les épaules.

— C'est un chouette type, se sent-elle obligée de répondre.

Eh bien, ce n'est pas flagrant ! J'ai surtout l'impression que c'est un sacré con !

Aubrey vérifie son téléphone et sursaute une nouvelle fois.

— Et merde ! Je suis à la bourre ! Mon prochain cours commence dans deux minutes.

À mon tour, je vérifie l'heure. J'ai tellement passé un bon moment avec Aubrey que je n'ai pas vu le temps passer. Je saisis mon téléphone et mon bouquin que je fourre à la hâte dans mon sac. Aubrey attrape alors ma main et munie d'un stylo, écrit dans ma paume.

— Si tu changes d'avis pour demain, appelle-moi. Peut-être que ta nièce s'éclatera à une soirée étudiante.

Elle ne me laisse pas le temps de répondre qu'elle s'éloigne déjà de moi.

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(1) L'équivalent américain de Docteur Maboul
(2) Alpha Phi Zeta

☆☆☆

Hello les LoveAddict !

J'espère que vous allez tous bien et surtout que vous avez aimé ce petit chapitre.

Notre belle Jo qui rencontre la petillante Aubrey, ainsi que son ami un peu "grognon". Qu'en avez vous pensez ? Dites moi, tout, je veux tout savoir.

On se retrouve bientôt pour le prochain chapitre

Love

Lau

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