24 mars ~

- Quelqu'un veut te voir ma chérie, me fait doucement ma mère en ouvrant la porte.

Qui peut bien être ici, en plein milieu de l'après-midi qui plus est ? Je ne suis de toute façon pas en état de recevoir quelqu'un. Je bouge une épaule sous ma couette pour exprimer mon refus. Les mouchoirs par terre ainsi que les rideaux fermés auraient dû être une raison de plus pour convaincre ma mère que je n'ai pas envie de voir qui que ce soit. Alors pourquoi dit-elle à la personne qu'elle peut rentrer ? Étant tournée vers le mur, je ne peux distinguer le visage du visiteur. Je remonte la couverture sur ma tête après avoir entendu la porte se refermer. Quelques secondes passent avant que la personne ne décide de s'asseoir sur le bord de mon lit.

Elle doit se rendre compte que je n'ai pas envie de discuter, car elle ne dit rien pendant un moment. Au bout d'un certain temps, elle se déplace et, à ma plus grande stupéfaction, elle se glisse sous les draps pour m'enlacer. Je reconnais alors l'odeur d'Elmeth. Je me surprends alors à l'entendre pleurer. Il doit réellement s'en vouloir, même si ce n'est pas sa faute. Hier, lorsqu'on est rentrés, il s'est excusé de nombreuses minutes auprès de mon père en répétant qu'il n'a pas été à la hauteur de ce qu'il lui avait demandé. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé après qu'il m'a déposé dans mon lit.

- Désolé... Si tu savais combien je m'en veux ! me fait-il, tout d'un coup.

Je ne réponds rien, car je ne sais tout simplement pas quoi dire. Et je suis déjà assez gênée du contact entre nous deux pour faire quelque chose.

- J'aurais dû être à tes côtés du lycée jusqu'à chez toi. Si ça avait été le cas, ces mecs ne t'auraient jamais approchée.

Sa voix triste devient alors plus colérique.

- Au moment où ils sortiront de prison, je les défoncerais tellement qu'y retourner sera comme un rêve pour eux.

Je pose ma main sur son bras pour le calmer. Je n'ai plus envie qu'il parle de ces personnes. J'avais juste réussi à l'effacer partiellement de ma tête. Cela semble fonctionner et il rapproche sa tête pour venir la nicher dans mon cou. Il fait chaud tout d'un coup ! Elmeth murmure alors quelque chose si bas que je me demande si j'ai bien entendu.

- Je tiens à toi plus que tu ne le penses.

Cet aveu me fait chaud au cœur... et me donne encore plus chaud. Nous restons ainsi, sans oser bouger, jusqu'à ce que des voix provenant de l'entrée de ma chambre me sortent de mon demi-sommeil. Elmeth se redresse immédiatement. Lorsque je me retourne, je peux voir mes cinq ex-amies dans la pièce. Qu'est-ce qu'elles font là ? Sont-ce mes parents qui les ont prévenues ? Elles ont l'air non seulement inquiètes, mais elles doivent également se demander ce qu'Elmeth faisait dans mon lit, sachant que je n'apprécie guère le contact habituellement. Alix est la première à parler avec un sourire narquois.

- Je ne savais pas que vous étiez aussi proches vous deux. On vous a dérangé peut-être ?

Si elles sont venues pour me chercher des noises, elles peuvent retourner d'où elles viennent. C'est alors que Juliette donne un coup de coude avant de lancer un regard noir à celle qui vient de prendre la parole. C'est au tour de Maya de dire quelque chose.

- Max... On s'inquiétait pour toi parce que tu n'es pas venue. On a appris par ta mère. Est-ce que ça va ?

Mon regard se voile un instant. La dernière fois, on ne s'est pas quittées en bons termes, c'est le signe que quelque chose ne va pas dans notre groupe. Je le sentais depuis qu'Elmeth nous accompagnait, mais je n'hésite même plus entre elles et lui, car ce dernier est beaucoup plus amical envers moi. Je tourne la tête et leur réponds sur un ton sec.

- Oui. Maintenant, vous pouvez y aller.

Pourquoi elles ne partent pas ? Allez, je n'ai pas envie de leur parler, j'étais bien sans elles. Quoi ? Qu'est-ce qu'elles font ? Pourquoi elles m'enlacent elles aussi ? Je n'en ai absolument pas besoin ! Tiens ? Je n'avais pas remarqué que des larmes coulaient de mes joues. Moi qui pensais que j'avais épuisé mon stock hier soir... Finalement, je tiens peut-être plus à cette longue amitié que je ne le crois. Je leur rends cette étreinte. Je ferme les yeux pour apprécier cet instant, en espérant que ce ne soit pas le dernier que nous passions ensemble.

- On est désolées, font-elles en chœur.

- Envers toi et Elmeth, complète Jeanne.

J'ai réellement envie de leur pardonner et que tout revienne dans l'ordre, mais ça ne se pourra que si le principal concerné accepte de leurs excuses. Je me tourne alors vers lui et l'interroge du regard. Il soupire en comprenant ma question. Étonnement, il me la retourne d'un mouvement de la tête alors que mes amies ignorent tout de l'échange qu'il se passe actuellement entre nous. Elmeth s'en remet à moi, alors je veux leur donner une chance de se racheter auprès de lui.

- Nous acceptons vos excuses, je leur fais avec un petit sourire.

Elles crient alors de joie. Après cela, elles montent une soirée pyjama en quelques minutes à peine, de sorte que deux heures plus tard, nous avons de la nourriture pour tout un bataillon. Leurs parents ont déposé leurs sacs de couchage et même Elmeth est de la partie, malgré lui. Je n'avais pas forcément besoin de toute cette agitation pour me remonter le moral, mais elles ont l'air de tenir à cela, donc je les laisse faire. Surtout qu'elles ont l'air de s'amuser avec Elmeth. Elles sont en train d'essayer de le maquiller, après avoir réussi à lui mettre un bandeau avec des oreilles de chat.

Et nous sommes toutes d'accord pour dire que ça lui va très bien. Il ne cesse de répéter qu'il aurait dû partir lorsqu'il en avait encore l'occasion, mais je suis convaincue qu'il est loin de s'ennuyer. De mon côté, j'essaie, mais je n'y arrive pas. Et cela, Alix l'a bien remarqué. Prétextant la fatigue, elle cesse de se battre contre le géant et vient s'asseoir en face de moi sur le lit. Elle regarde nos amis sans rien dire, si bien que je pense qu'elle est réellement fatiguée, jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche pour s'excuser une nouvelle fois, mais à propos d'un autre sujet.

- Je n'aurais pas dû dévoiler le secret d'Elmeth.

Je ne fais qu'acquiescer, que puis-je faire d'autre ? Tant qu'elle a compris qu'elle a fait une bêtise, c'est cela qui importe.

- Je comprends pourquoi il n'a rien dit, même à ses amis, quand je vois la popularité dont il jouit actuellement. J'aurais fait la même chose si j'avais été à sa place.

Elle comprend alors aisément, sans le vouloir, la situation dans laquelle je me trouve. Elle se tourne alors vers moi et me sourit gentiment.

- Il ne te le dira pas, du coup, je le fais à sa place pendant qu'il ne s'occupe pas de nous, mais en début d'aprèm, il s'est battu avec Jake à ton propos.

J'écarquille les yeux, inquiète. Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? C'est au tour de Lylia de s'asseoir à côté de moi et de prendre la parole.

- Oui, cet imbécile a demandé à Elmeth des conseils pour que tu atterrisses dans son lit sans trop de difficultés. Il l'a dit si fort que la prof a arrêté son cours. Ton prince charmant a réagi au quart de tour. Il s'est levé en faisant tomber sa chaise puis il s'est retourné tellement vite que personne n'a rien vu venir et a filé une bonne droite bien méritée à Jake. Le coup était tellement fort qu'il en est tombé à la renverse.

Je n'arrive pas à y croire. Jake n'est qu'un pervers !

- Ils s'y sont mis à quatre pour les séparer, fait Alix avec un sourire. Plus personne n'arrivait à reconnaitre Jake tellement il l'a amoché.

- Et Elmeth ? je demande, inquiète.

- Renvoi d'une semaine, me répond Lylia.

Étonnamment, je peux lire de la tristesse sur le visage de mes amies. J'imagine que cet évènement a été un motif pour qu'elles se réconcilient avec nous. C'est alors qu'un oreiller m'atterrit en pleine poire, au moment même où les cris d'amusement s'éteignent. Je m'empare lentement du coussin et le renvoie dans la face de son propriétaire avec un grand sourire. S'ensuit une bataille générale.

***

Je n'arrive pas à dormir, les évènements récents me m'en empêchant. Je me lève en prenant soin de ne réveiller personne. Je descends les marches et arrive dans la cuisine où je me sers un verre d'eau. Peut-être que j'arriverai à m'endormir si je prends un léger somnifère... Ce doit être par là... Trouvé !

- Ça ne risque pas de t'aider, fait une voix dans mon dos qui me fait sursauter.

Je me retourne et découvre Elmeth, debout juste derrière moi.

- Ah bon ? je fais en reprenant mon souffle.

- J'en ai pris un, il y a deux heures. Tu peux observer son effet devant toi.

Je repose la boite à sa place avant d'aller m'asseoir dans le canapé. La semi-pénombre donne un peu plus de mystère à ce garçon que je ne connais pas autant que je ne l'espérais.

- Qu'est-ce que tu proposes alors ? je lui demande après un silence.

Il sourit et ouvre ses bras.

- De la chaleur humaine ? Ça a fonctionné tout à l'heure, non ?

Je souris à mon tour et vais volontiers me réfugier contre lui. C'est vrai qu'il est chaud, il me fait penser à une couverture, encore mieux qu'un vrai lit ! C'est tellement agréable que je tombe très rapidement et sans m'en rendre compte dans les bras de Morphée...