[SasoDei] Intouchable

[[ Illustration par Pixiv Id 6182681 | Montage par Iekazu ]]

De la peinture sur les doigts. Une trace sur mon tableau. Un professeur agacé.
Mais c'était le prix à payer pour pouvoir admirer secrètement la personne qui faisait chavirer mon cœur.

A cette époque, j'étais un lycéen naïf et surtout, éperdument amoureux de la personne la plus inaccessible de toute notre école. Il était entouré de sa bande d'amis, avait un succès immense auprès de toutes les filles et était bien souvent le premier de notre classe. A côté de cela, je n'étais qu'un élève moyen avec des résultats moyens. Le pire venait probablement du fait que j'étais terriblement introverti et que je peinais à créer des liens avec mes camarades de classe.


J'avais sincèrement espéré changer au fil des années. Je serais alors devenu un employé modèle ayant des relations solides avec mon équipe. Mais là encore, je m'étais trompé. Certes mon travail n'était pas mauvais mais je restais généralement en retrait de mes collègues car je ne savais toujours pas tisser de liens. Vous savez, l'éternel « Qu'est-ce que tu as fais de beau ce week-end ? » ou encore « Quoi de neuf ? » et bien, j'étais incapable de formuler une réponse correcte qui se résumait par un « Pas grand-chose. ». Autant dire qu'on m'avait rapidement collé une étiquette d'insociable au bureau...

Mais ce n'était pas le tout, le destin avait choisi que je travaillerais dans la même société que mon premier amour. Et vous savez quoi ? Je ne l'avais jamais oublié. Je l'observais silencieusement de loin mais ne lui adressait que rarement la parole. J'avais peur. Peur de rougir au son de sa voix suave comme cela se produisait dans les shojos. Mais je n'étais pas une héroïne de manga et pire encore, mon expérience dans le domaine amoureux était inexistante. Tant d'années perdues pour un cœur qui ne m'appartiendrait probablement jamais...


Ses longs cheveux blonds dansaient le long de son dos tandis que son pinceau s'étalait avec précision sur sa toile. C'était une magnifique journée ensoleillée et je me plaisais à contempler sa silhouette quelques rangs devant moi. Il avait peint un paysage lumineux et fleuri, on pouvait voir des oiseaux blancs virevolter comme s'ils avaient été réels et un petit ruisseau semblait s'écouler au pied de son châssis. Mais non loin de là, une malheureuse marguerite semblait faner sur mon triste tableau...

Le professeur l'acclamait et les élèves l'adulaient. Tout en affichant un large sourire, il s'efforçait pourtant de rester modeste. Cette année encore, il serait la star incontournable de l'exposition de notre club d'art, cela ne faisait aucun doute.


« Sasori ? C'est bien comme ça que tu t'appelles ? » Demanda une voix familière à la porte de mon bureau.

Des années à se retrouver dans la même classe puis encore embauchés dans la même entreprise et il ignorait jusqu'à mon prénom... Cela montrait à quel point j'étais invisible. Quelque peu piqué, j'eus envie de lui faire une remarque mais craignant un éventuel conflit, je préférai passer cela sous silence.

« Oui, c'est bien ça, répondis-je en tentant de sourire le plus naturellement possible alors que je sentais bien que je me décomposais de l'intérieur. En quoi puis-je t'aider ?

— Tu te montres bien formel ? Fit remarquer Deidara en écarquillant brièvement les yeux. Pourtant, on était dans la même classe depuis le lycée...

— Euh... Tu t'en rappelles ? M'étonnai-je en sentant mon teint légèrement s'empourprer.

— Oui, les gens te trouvaient bizarre parce que tu étais toujours seul dans ton coin.

— Ah.

— Enfin bon... J'ai discuté avec ton chef et il m'a dit que c'était toi qui gérerais le souci sur mon ordinateur. Tu sais, j'ai envoyé un e-mail ce matin. Dès que je démarre le nouveau logiciel de la compta, il se met à planter. Pein m'a dit qu'il y avait certainement un problème de mise à jour du système d'exploitation ou de je ne sais quoi...

— Ça marche, pose-le sur mon bureau et je regarde dès que j'ai cinq minutes.

— Tu penses que tu peux me faire ça rapidement ? Sans mon ordinateur, impossible pour moi de continuer mon travail – à part classer des dossiers - et je ne sais pas si tu connais un peu Kakuzu mais il déteste qu'on se tourne les pouces alors il risque de me taper sur les doigts encore...

— Oui, je comprends. Je termine ce que j'ai en cours et je m'en occupe.

— Super ! Merci, t'es vraiment au top ! Tu m'envoies un message quand c'est terminé ?

— Je passerai te l'apporter, je dois aller en réunion dans le secteur tout à l'heure.

— Trop sympa ! Merci beaucoup ! »

Esquissant un immense sourire reconnaissant, il se retira après un bref geste de la main. De mon côté, mes sentiments étaient plutôt confus : il se rappelait de moi mais d'un autre côté, lui aussi semblait m'avoir collé cette étiquette d'insociable inapprochable...

J'aurais tellement voulu l'oublier et passer à autre chose.

Ayant terminé mon sujet en cours, je poussai un long soupir en me détournant vers l'ordinateur qu'il avait posé une dizaine de minutes plus tôt. Je n'avais pas envie de le revoir, pas tout de suite en tout cas car le fait qu'il s'adresse à moi et cette discussion dérangeante me mettaient mal à l'aise.

Attrapant le petit post-it laissé sur son clavier pour me donner le mot de passe de son appareil, je grimaçai en tentant de relire les caractères se rapprochant plus de simples gribouillis que de lettres et après deux erreurs, je finis par déverrouiller le tout. Je soupirai en constatant que son fond d'écran était plutôt personnel : il s'agissait d'une photo qui avait dû être prise le jour de la remise de nos diplômes en dernière année. Il se tenait en premier plan, enlaçant ses amis et levant un bras au ciel en signe de victoire tout en esquissant un immense sourire. Nouveau soupir. Je constatai que j'apparaissais tout au fond, en arrière-plan de cette photo, en tout petit dans un coin affichant une sorte d'air surpris étrange. Quel gâchis, il aurait pu mieux choisir...

« Ah ça y est, tu t'attaques à l'ordi de Deidara. Pas mécontent que tu t'en charges, il me tanne depuis ce matin pour que je le prenne en priorité... Qu'est-ce qu'il peut m'agacer à se la jouer beau gosse à qui tout lui est dû... marmonna Pein en entrant dans notre bureau.

— Tu le détestes tant que ça ? Demandai-je. Habituellement, tout le monde l'adore...

— Non, ce type est un sale gamin flashy qui se la joue un peu trop, répondit-il en s'approchant. Pff il s'aime tellement qu'il s'affiche jusqu'en fond d'écran... Oh mais ce type dans le fond, il te ressemble. Il tire une de ces têtes !

— Il me ressemble parce que c'est moi... marmonnai-je piqué au vif.

— Ah mince, désolé... Mais pourquoi est-ce que tu fais cette tête ? Oh et merde, vous vous connaissez ? Je suis en train de le critiquer mais en fait, c'est ton ami ?

— Je ne me rappelle pas de ce moment donc j'ignore pourquoi j'ai l'air aussi ébahi et certes, oui, on était dans la même école mais nous n'avons jamais été amis.

— Façon, t'es un peu comme moi, j'ai l'impression, c'est pour ça que je n'ai jamais eu de difficultés à travailler avec toi. Tu es un solitaire et tu aimes bosser en silence, c'est parfait pour moi. Ces gens populaires m'agacent sincèrement. Oh tiens, Deidara, s'exclama-t-il soudain en détournant la tête. Ton ordi est prêt, je te laisse voir avec Sasori. »

Entendant Pein prononcer son nom et le voyant apparaître dans l'encadrement de la porte, je sentis mon cœur battre à tout rompre. Avait-il entendu notre discussion ? Probablement car sa mine n'affichait rien d'aimable mais cela ne sembla pas déstabiliser mon chef qui arqua un sourcil puis retourna à son bureau sans mot dire.

Me tournant vers mon collègue, j'eus le sentiment de me décomposer sur place si bien que je ne sus pas vraiment quoi lui dire. Refermant vivement son appareil, je lui tendis en évitant soigneusement son regard tandis que mon teint commençait à s'empourprer... Quel malaise !

« V... Voilà, c'est terminé... C'était juste une petite mise à jour... Tu ne devrais plus être embêté...

— Hum. Merci. »

Sa froideur me percuta en plein fouet tandis qu'il s'éloignait. Lorsque je levai les yeux vers Pein, il lâcha un petit rictus moqueur en voyant la silhouette du blond disparaître dans le couloir.

« Je ne trouve pas ça amusant... fis-je ennuyé. Je n'ai pas envie qu'il s'imagine que je pense mal de lui, j'essaye d'avoir de bonnes relations avec mes collègues.

— De bonnes relations avec tes collègues ? Se moqua Pein. Tout le monde ici sait que tu es aussi insociable que moi et personne n'ose t'approcher. C'est certainement pas ce blondinet qui aura une plus haute estime de toi qu'eux. Allons, allons, fais pas cette tête, je ferai attention à l'avenir. C'est vrai que je ne l'aime pas mais tu n'as rien à voir avec tout ça, tu es beaucoup trop gentil... Pour me faire pardonner, j'aimerais te payer un verre en sortant d'ici, tu serais partant ?

— Un verre ? M'étonnai-je.

— Oui, ça fait déjà quelques mois que tu travailles ici et la coutume est que le chef emmène ses nouvelles recrues manger un morceau à leur arrivée. Mais tu sais, moi, c'est pas mon truc tout ça...

— Pourquoi ferais-tu ça pour moi ? Questionnai-je avec méfiance.

— Je suis plus à l'aise avec des personnes comme toi... Ça changera de l'ordinaire et ça permettra de faire plus ample connaissance, qu'en penses-tu ?

— Pourquoi pas... »

Le soir suivant, je terminai tard mon travail comme à l'accoutumée. Pein attrapa son manteau et me tendit le mien en m'indiquant que j'en avais assez fait pour la journée. Acquiesçant, je rassemblai mes affaires et nous sortîmes ensemble du bâtiment tandis qu'un vent frais vint balayer mon visage. Pourquoi mes anciens souvenirs avaient-ils choisi ce moment précis pour ressurgir une nouvelle fois ?


L'exposition de notre école avait été parfaite et les fans de Deidara s'étaient accumulés toute la journée autour de lui pour le féliciter. Il n'était pas rare qu'une fille ne lui demande de sortir avec lui mais je ne l'avais jamais vu fréquenter qui que ce soit. Je regardais ses toiles, à la fois si profondes et nostalgiques, retraçant le fil de saisons d'un même paysage. J'étais ébahi par un tel talent.

« Mes toiles t'inspirent tant que ça ? Ça fait bien dix minutes que tu es planté devant, fit Deidara en surgissant dans mon dos.

— Oh... Euh... Eh bien... Je me disais que tu vais vraiment beaucoup de talent et que chacune de tes toiles était pleine d'émotions... répondis-je un peu gêné.

— Oh merci ! Dit-il en se grattant l'arrière du crâne en souriant. Au final, assez peu viennent ici pour mes tableaux, je suis content de rencontrer quelqu'un qui s'y intéresse un minimum ! Tu es dans notre club, n'est-ce pas ?

— Oui, en effet... Mais la peinture, ce n'est vraiment pas mon truc...

— Oh je vois... Si tu es du genre créatif, tu trouveras sûrement un autre domaine où tu excelleras, j'en suis persuadé. Moi par exemple, je préfère les sculptures d'argile... »


Pein se tenait un peu plus loin et me fit signe de le rejoindre. Cependant, j'entendis des discussions dans mon dos et me détournai. A ce moment, je reconnus plusieurs collègues de la comptabilité dont... Deidara. Lorsque son regard croisa le mien, il s'empressa de le détourner puis s'éloigna sans mot dire. Je me sentis encore plus mal suite à ce qu'il s'était passé cette après-midi...

« On dirait bien qu'il fait la gueule, le blondinet, commenta Pein en voyant le groupe s'éloigner. Qu'est-ce qu'il peut être hautain celui-là, franchement... T'en fais pas, ça va lui passer ! Après tout, tu n'as rien dit de mal, c'est moi qui ai craché mon venin dans son dos alors si jamais ça ne s'arrange pas, dis-le moi et j'irai m'expliquer avec lui.

— Non, c'est bon, ça ira... soupirai-je. Comme je te l'ai dit, nous n'avons jamais été amis donc qu'il m'ignore ou me déteste, ça n'a pas vraiment d'importance.

— Je vois, lâcha Pein sans quitter le groupe des yeux puis en se tournant finalement vers moi. Bien, j'avais pensé plutôt manger un morceau dans un petit restaurant calme, c'est pas très loin d'ici si ça te va ?

— C'est parfait, tant que ce n'est pas bondé... »

Il me guida vers un petit restaurant quelques rues plus loin et comme il l'avait souligné, l'endroit était très calme. Quelques clients mangeaient là tranquillement tandis qu'une musique douce se faisait entendre en fond. La décoration de la salle était assez sombre mais accueillante avec beaucoup de bois encadré de noir et quelques tableaux d'artistes locaux japonais. Une serveuse nous guida vers notre table et nous donna le menu en nous demandant ce que nous désirions boire.

« Vous pouvez nous mettre une bouteille de sake pour commencer et puis on va commander vos petites salades maison en entrée, commanda Pein.

— Bien c'est noté, je vous apporte ça tout de suite.

— Oh non... fis-je en pâlissant légèrement.

— Quoi ? »

Se détournant vers la porte, Pein reconnut Deidara et quelques-uns de ses collègues qui entraient tout juste dans le restaurant. Une autre serveuse les installa à quelques tables de notre position mais il ne semblait pas nous avoir reconnus... pour le moment.

« Merde alors, je pensais pas qu'il se pointerait ici celui-là, grogna le rouquin en remplissant nos verres avec la bouteille qu'on venait de nous apporter.

— C'est proche de l'entreprise, j'imagine que beaucoup de collègues viennent manger ici... lui fis-je remarquer.

— T'as pas tort... Merde alors, on aurait dû aller au resto dans mon quartier... »

Pein se montra assez grincheux au commencement puis sa mine s'illumina lorsque nos plats arrivèrent : des okonomiyakis qui ravirent aussi bien nos narines que nos papilles ensuite. Cependant, je réalisai rapidement un détail que j'ignorais à propos de mon chef : il enchaînait les verres de sake alors qu'il ne tenait pas du tout l'alcool...

« Tu sais, Sasori, fit-il en tendant son verre dans ma direction. Je suis vraiiiment content de te connaître. Pas comme ces gens qui se croient au-dessus de tout. Tu sais, t'as l'impression qu'ils sont entourés de petites fleurs et de paillettes ! Pouah !

— Oui... Bien sûr, Pein... Euh, tu devrais peut-être que tu devrais calmer un peu sur le sake, non ? Tu ne tiens pas vraiment l'alcool et tout le monde nous regarde...

— Oh mais je m'en fiche ! S'exclama-t-il en posant bruyamment son verre. T'as peur que la blondinette se fâche à nouveau, c'est ça ?

— Pein ! Arrête un peu ça ! »

Tandis que je faisais mon possible pour calmer mon responsable, je vis Deidara nous toiser avec agacement non loin de là, ce qui augmenta encore la pression que je ressentais à cet instant précis.

« Je te l'ai dit, ce type, je le déteste. Un jour, tu vas voir...

— Pein, ça suffit ! Tentai-je de lui murmurer en l'incitant à se lever.

— Il va voir quoi ? » Tonna une voix dans mon dos.

Me détournant de façon presque mécanique, mon teint devint livide lorsque je vis Deidara qui semblait furieux, cette fois. Mes yeux s'écarquillèrent et je dus réfléchir à toute allure pour éviter qu'une bagarre n'éclate entre ces deux-là.

« Pousse-toi, c'est à lui que je parle.

— Deidara, non ! Il est complètement ivre, il ne pense pas ce qu'il dit, je te prie de l'excuser. Je vais le raccompagner chez lui...

— Bien sûr qu'il le pense, j'ai bien entendu votre petite discussion au bureau tout à l'heure, je ne suis pas dupe, siffla-t-il avec colère. Ne te mêle pas de ça, c'est entre lui et moi.

— Non, je ne peux pas te laisser faire ça. Restez-en là pour aujourd'hui et si tu as des comptes à régler avec lui, fais-le quand il sera sobre. Pour le moment, il n'est pas en état d'avoir une discussion normale.

— Bien, c'est bien parce que c'est toi que je laisse couler mais crois-moi, Ikari, on va avoir une petite discussion ensemble très prochainement.

— Ouais, ouais, et voilà que la blondinette nous fait sa diva... se moqua Pein en soutenant sa tête dans le creux de sa main.

— Pein, on rentre, le coupai-je en le tirant par le bras.

— Ça ira avec lui ? Me demanda Deidara perplexe. Tu sais où il habite au moins ?

— Oui, j'ai regardé dans ses papiers pour trouver son adresse, ce n'est pas très loin de chez moi.

— Bien... Si tu as soucis, n'hésite pas à m'appeler alors.

— D'accord... Merci... Et vraiment désolé pour le dérangement... »

Pein nous avait littéralement gâché la soirée mais le point positif était que j'avais pu brièvement parler avec Deidara et il semblait avoir compris que le seul à avoir un problème avec lui était mon chef.

Pein était beaucoup plus grand que moi et donc naturellement, plus lourd que moi. Il était donc compliqué pour moi de le traîner jusque chez lui. D'autant plus qu'il était littéralement affalé contre moi...

Après une marche interminable en sortie du train, nous arrivâmes chez lui et je pus enfin me débarrasser de ce lourd fardeau. Il semblait comateux contre son canapé et ne réagissait pas vraiment à ce que je lui disais. Je refusais de le laisser dans cet état avant de partir donc je restai encore un moment en tentant de lui faire boire de l'eau et de lui parler pour qu'il réagisse. Je n'avais pas spécialement envie d'apprendre qu'il avait ensuite fini dans un coma éthylique après mon départ, d'autant plus qu'il semblait vivre seul.

Son appartement était majoritairement dans les tons gris et à part quelques décorations de style abstrait, il n'y avait absolument rien pour égayer un peu ce logement moderne et froid. Il n'y avait aucune photo, aucun objet personnel et on se serait presque cru dans un showroom Ikea... L'impression que j'avais de tout cela était que cet habitat était à l'image de son propriétaire : vide et froid. Finalement, nous n'avions pas tant en commun contrairement à ce qu'il pouvait le prétendre...

« Te sens pas obligé de me tenir compagnie, tu sais... marmonna-t-il en se massant le front. J'ai gâché ta soirée et en plus, Deidara risque de te détester tout autant que moi. Ce serait dommage vu les sentiments que tu as pour lui...

— Quoi ? M'étonnai-je en tressaillant.

— Ça se lit facilement sur ton visage mais crois-moi, tu n'as aucune chance avec un mec pareil. Il est trop populaire, trop...

— Je le sais bien, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie, j'en suis parfaitement conscient, bougonnai-je sans même le regarder.

— Pourquoi ne pas envisager d'autres options qui s'offrent à toi dans ce cas ? Souffla-t-il soudain en s'asseyant à côté de moi.

— Hein ? Sursautai-je une nouvelle fois en tentant de m'éloigner avant de remarquer que j'étais déjà au bout de son canapé.

— J'ai tout de suite vu que tu avais beaucoup en commun avec moi. Tu es le genre de personne avec qui je pourrais envisager d'aller plus loin... Je t'aiderai à oublier ce Deidara et...

— On se calme, on se calme ! M'exclamai-je en bondissant en position debout tandis que ses mains avaient commencé à m'enlacer. Le consentement, c'est un mot absent de ton vocabulaire ou quoi ? »

Pein s'était figé sur son canapé et me regardait désormais d'un air abasourdi, comme s'il réalisait qu'il venait de commettre une erreur. Finalement, il plaqua ses mains contre son visage et se recroquevilla sur lui-même un moment avant de me regarder de nouveau.

« Désolé, je crois que les choses ne tournent pas rond dans ma tête ce soir... Ne te fais pas de fausses idées, je ne suis en aucun cas amoureux de toi, j'ai juste choisi la facilité...

— La facilité ? Lançai-je vexé. J'ai l'air d'un mec facile ? C'est ça que tu veux dire ?

— Non ! Non ! C'est juste que c'était plus simple pour moi de tenter ma chance avec quelqu'un comme toi car on est assez similaire dans le fond...

— C'est la première fois que j'entends une connerie pareille... bougonnai-je ennuyé.

— J'aime quelqu'un, tu sais. Mais je ne sais pas comment l'aborder...

— Et tu crois franchement que je sois la meilleure personne pour te conseiller ? Sérieusement, tu ferais mieux de sympathiser avec des mecs comme Deidara pour avoir des conseils au lieu de les dénigrer...

— C'est Konan du service Marketing...

— Pardon ? M'égosillai-je. Konan ? On parle de la même Konan ? Le dragon du service Marketing ? T'es maso ou quoi ?

— Elle est adorable...

— Elle est aimable comme une porte de prison !

— Elle est si douce...

— Elle m'a déjà balancé un bloc-notes parce que son ordinateur ramait trop à son goût !

— Et elle est vraiment très jolie...

— Bon, là, je vais pas dire qu'elle est moche mais en dehors de ça... C'est un vrai dragon...

— Je le connais depuis l'école et crois-moi, elle n'est pas toujours comme ça.

— Ouais l'amour rend aveugle, tu sais, hein...

— Je te rappelle que tu es amoureux du pire play-boy de toute l'entreprise... souligna mon chef sur un ton sarcastique.

— On ne va pas commencer un débat pour savoir lequel des deux est le pire. Mais je te prierai désormais de ne plus essayer te rabattre sur moi par pur dépit.

— Faisons un deal : celui qui ne se sera pas déclaré d'ici fin de semaine devra payer le restaurant à l'autre.

— Commence déjà par cuver et on en rediscutera, hein. Allez, maintenant que tout semble rentré dans l'ordre, je vais rentrer chez moi. Bonne soirée. »

Je soupirai en regagnant la rue. Je n'aurais jamais imaginé que le glacial Pein puisse se montrer aussi entreprenant après quelques verres, c'était un important détail que je me devais de noter à l'avenir. Et il était amoureux de Konan ? Quel imbécile. Je n'aurais jamais imaginé que d'autres crétins dans mon genre étaient capables d'aimer de cette façon sans jamais se déclarer.

Le vent soufflait toujours et le fraîcheur s'était intensifiée si bien que je m'emmitouflai davantage dans mon écharpe avant de reprendre le chemin jusque chez moi. Il n'était même pas nécessaire que je prenne le train car Pein habitait seulement à quelques rues de chez moi. Il fallait dire que c'était un quartier assez populaire pour les jeunes employés car il y avait tout le nécessaire sur place, les immeubles étaient plutôt modernes et les loyers assez peu élevés. Le seul inconvénient résidait dans la distance existante avec les quartiers d'affaires et donc signifiant de se retrouver écrasé au beau milieu d'une foule terrible aux heures de pointe chaque jour.

Finalement, mes pensées se tournèrent de nouveau vers Deidara. J'étais soulagé de constater qu'il n'y avait pas eu de malentendu entre nous bien que la situation risquait de dégénérer entre Pein et lui dans les jours à venir. Restait à espérer que mon chef ne se montre plus coopératif et aimable en étant sobre s'ils venaient à se croiser de nouveau. Deidara semblait être une personne aimable et le peu de fois que nous avions parlé, il s'était montré sympathique. Son seul défaut était probablement qu'il prenait à cœur son art et pouvait s'étaler sur le sujet durant de longues durées, ce qui parfois pouvait en ennuyer certains.


Ce jour-là, je m'étais décidé à me déclarer. C'était notre dernier jour d'école et nous étions enfin diplômés. C'était alors ma dernière chance de lui parler car nos chemins risquaient ensuite de se séparer pour ne plus jamais se croiser.

Sortant dans la cour, je tombai directement sur lui. Nos regards, écarquillés, se croisèrent et je sentis mon cœur battre à tout rompre au creux de ma poitrine. Ses incroyables pupilles céruléennes me déstabilisèrent si bien que le peu de courage que j'avais réussi à rassembler me quitta lâchement. Mais je ne pouvais pas le laisser partir sans même lui parler, non ?

« Salut Dei...

— Hey Deidara ! Hurlèrent soudain ses amis en sortant de nulle part et en lui sautant dessus. Ça y est c'est le grand jour, il faut absolument qu'on aille fêter ça ! On t'a cherché partout ! Tu faisais quoi ? Encore une nana qui s'est déclarée, je suis sûr ! Ha ! Ha ! Ha ! Sacré Deidara, il nous fait des cachotteries ! Allez, viens !

— Mais... commença le blond en tentant de se détourner vers moi.

— Hey les garçons ! S'exclama une jolie brune dans le fond. Venez par ici, on va immortaliser ce moment, faisons une photo de groupe !

— Ouais, super idée ! Viens Deidara ! Dépêche-toi ! »

Deidara ne se détourna plus et suivit son groupe d'amis au milieu de la cour et tous semblaient crier leur joie sur tous les toits. Non loin de là, je les vis prendre quelques photos ensemble pendant que je restai vers cette porte, loin d'eux.

Mon corps refusait de bouger même si mon esprit lui criait de réagir et de ne pas bêtement rester ainsi, bouche bée et l'air hagard. J'eus l'impression que mon cœur se déchirait en lambeaux. Deidara avait été mon premier amour et la façon dont tout s'était terminé m'avait comme brisé. Alors c'était ce que l'on ressentait lorsque l'on se prenait un râteau ? C'était si douloureux que je songeai que je n'aurais pas souhaité cela à mon pire ennemi. Retrouvant finalement mes sens, je jetai un dernier regard vers la petite bande joyeuse puis m'éclipsai en toute discrétion, comme je l'avais toujours si bien fait jusqu'à ce jour...


Je tressaillis en songeant à la photo sur l'ordinateur de Deidara. Je ne me rappelais plus de cette scène car je l'avais inconsciemment enfouie au plus profond de mon être pour ne plus souffrir. Cette tête étrange, je l'avais faite car il m'avait laissé en plan après que j'aie tenté de lui adresser la parole... Visiblement, cela ne l'avait pas marqué puisqu'il l'affichait en fond d'écran. Tous les jours, il voyait cette scène sans remarquer qu'il m'avait brisé le cœur.

« Sasori ? Fit une voix familière face à moi.

— Eh ? Fis-je en reconnaissant Deidara.

— Tu as pu ramener ton chef chez lui ? Demanda-t-il. Tu as une mine épouvantable, j'espère qu'il ne t'a pas posé de problème...

— Euh... Oui... Il est chez lui là, balbutiai-je perturbé. Je... Je rentrais chez moi là...

— Oh. Eh bien moi aussi... Tu es du quartier ? Questionna-t-il. Je l'ignorais, je ne t'ai jamais vu dans le train...

— Je pars avant et rentre après les heures de pointe, expliquai-je en tentant de garder mon calme. Bien, il est tard, je vais rentrer... Encore désolé pour la scène au restaurant, j'espère qu'il ne t'importunera plus à l'avenir... Bonne soirée.

— Ah... Euh... Hum, hésita-t-il soudain. Je sais qu'il est tard mais est-ce que tu aurais un peu de temps à m'accorder s'il te plaît ?

— Pour quelle raison ? Demandai-je surpris.

— Juste... Discuter...

— Euh... Pourquoi pas... J'habite l'immeuble au coin de la rue, tu n'as qu'à me suivre. Je pense que c'est mieux de ne pas rester au froid...

— D'accord. »

Deidara souhaitait me parler ? Mon cœur se mit de nouveau à bondir avec force dans ma poitrine si bien que je commençai à redouter ce dont il allait me parler. Voulait-il régler ses comptes avec moi ? Je ne l'avais pourtant pas critiqué ! Et s'il y avait un malentendu ? Après tout, il aurait tout à fait pu arriver au milieu de la conversation et penser que je l'avais insulté au même titre que mon chef !

Une fois dans mon appartement, je lui proposai de s'installer à la table de la cuisine pendant que je préparais du thé pour nous réchauffer un peu. Son regard fut aussitôt attiré par ma collection de marionnettes qu'il examina attentivement après m'avoir demandé la permission.

« Je te l'avais bien dit que tu trouverais un jour ta voie, dit-il en souriant. La peinture, ce n'était clairement pas ton fort mais tu aurais largement mérité ta place lors de nos expositions avec ces créations-là !

— Tu te rappelles de cette discussion ? Fis-je ébahi.

— Oui, tu étais le seul à savoir lire au travers de mes tableaux, comment aurais-je pu oublier ? S'exclama-t-il en souriant.

— Je ne pensais pas que ça t'aurait marqué... Après tout, je pense que personne ne se rappelle de moi d'une manière générale.

— Tu devrais te mettre un peu plus en avant : tu as du talent et en plus tu es vraiment mignon. Je me souviens qu'à l'époque, il y avait des personnes qui auraient voulu te parler, des filles amoureuses de toi mais personne ne savait comment s'y prendre avec toi. C'est dommage, je suis persuadé que tu es quelqu'un de très intéressant ! »

Figé face à lui, je sentis mon visage s'enflammer lorsqu'il avait dit qu'il me trouvait « vraiment mignon ». Est-ce que j'avais bien entendu ? Non, c'était forcément le fruit de mon imagination. J'avais tellement rêvé qu'un jour il s'intéresse à moi que je commençais à halluciner... Pathétique Sasori !

Reposant sa tasse sur la table, il leva son visage vers moi d'un air sérieux. Si sérieux qu'un long frisson me traversa l'échine.

« Je m'éloigne du sujet, c'est tout moi ! Rit-il soudain nerveusement. Je suis content de découvrir que tu as finalement des passions mais ce n'était pas de cela que je voulais te parler à vrai dire...

— Oh... Je vois... Si c'est en rapport avec ce que tu as entendu cette après-midi, je...

— Non, rien à voir avec ça, me coupa-t-il en secouant la tête en signe de dénégation. Je voulais te parler de ce qu'il s'était passé le jour de la remise des diplômes.

— La... remise... des diplômes ? Soufflai-je d'une voix éteinte.

— Oui, en fait... Je voulais m'excuser. Tu voulais me parler ce jour-là, non ? Mes amis ont débarqué et je me suis laissé entraîner. Après ça, j'ai voulu revenir vers toi mais tu n'étais plus là. Je t'ai cherché partout mais j'ai appris ensuite que tu étais parti. Quand... Quand j'ai découvert qu'on avait été recrutés par la même entreprise, j'ai voulu venir te parler mais je me sentais vraiment honteux.

— Tu m'as cherché ? Répétai-je abasourdi.

— Oui... Ce jour-là, moi aussi je te cherchais, pour être honnête. C'était notre dernier jour d'école et je craignais ne plus jamais te revoir. Je m'en suis vraiment voulu de t'avoir laissé filer... J'ai utilisé cette photo en fond d'écran pour essayer de lancer la discussion mais bon, après ce qu'il s'est passé avec ton chef... J'étais bien trop fâché pour discuter...

— Je... Je ne t'aurais jamais critiqué, tu sais... murmurai-je mal à l'aise.

— Je le sais bien, j'ai entendu toute votre discussion. C'est contre lui que je suis en colère. Avec cette stupide panne, j'avais finalement l'opportunité de te parler et cet imbécile a tout gâché...

— Pourquoi voulais-tu me parler ? Osai-je sur un ton hésitant.

— Désolé, je ne suis pas très à l'aise avec les mots, c'est une première pour moi... commença Deidara peu assuré. Ça faisait un moment que je t'avais remarqué avant cette exposition mais comme je suis assez timide, je ne savais pas trop comment m'y prendre. Lorsque tu es venu voir mes tableaux, j'étais vraiment heureux mais là encore, j'ai manqué de courage. J'ai voulu me rattraper le jour de la remise des diplômes mais là encore, j'ai échoué... Ahem. Tout ça pour te dire que... Euh... J'aurais voulu savoir si tu accepterais de sortir avec moi ? »

Une nouvelle fois, je sentis mon corps se crisper, mes yeux s'écarquillèrent tandis que ma bouche dessinait un O parfait. Après un long silence, je finis par acquiescer d'un signe de tête mais fut incapable d'esquisser le moindre mouvement. Alors lui aussi il m'aimait ? Cela me semblait tellement irréel que mon esprit ne parvenait plus à faire le point, me laissant bêtement immobile face à lui...

Échappant un petit rire, Deidara se leva finalement avant de s'approcher. Ses mains vinrent encadrer mon visage tout en caressant délicatement mes joues. Ses incroyables pupilles topaze vinrent se perdre dans les miennes et son visage se pencha vers moi jusqu'à ce que ses lèvres se déposent tendrement contre les miennes.

Ses mains vinrent ensuite glisser le long de mon dos avant de fermement se joindre autour de ma taille tandis que son baiser se faisait plus passionné. Tout contre moi, je sentis que les battements de son cœur suivaient le même rythme effréné que le mien. Ses doigts vinrent ensuite glisser dans mes cheveux, contre ma nuque puis de nouveau mon visage avant qu'il ne se recule pour reprendre son souffle tout en me couvant de son plus doux regard.

« Finalement, l'intouchable Sasori n'est pas si fermé qu'il n'y paraît, souffla-t-il dans un sourire malicieux. Je sens que je vais faire des jalouses pour avoir su percer ta carapace et sincèrement, je ne le regrette pas. J'ai hâte de rattraper ce temps qu'on a perdu séparés l'un de l'autre... »

Le lendemain, j'entendis quelques chuchotements dans les couloirs car le beau Deidara portait les mêmes vêtements que la veille. Beaucoup se demandèrent alors qui pouvait bien avoir su prendre son cœur ou bien si cela n'avait été que l'histoire d'une nuit. Après tout, il avait une réputation de play-boy bien que je fus son premier petit-ami...

En arrivant au bureau, Pein esquissa un large sourire de défi en me saluant. Sa poigne ne relâcha pas la mienne alors que son regard déterminé se posa sur moi.

« Alors, tu es partant pour notre petit défi ? Fit-il confiant.

— Bien sûr, je te laisse choisir la date et le lieu pour le resto, je ne suis pas trop regardant, tu sais...

— Quoi ? S'étonna-t-il. Non, c'est pas possible ! Tu n'as pas pu... »

Finalement, il se tut lorsqu'il entendit des filles passer dans le couloir commenter la tenue de Deidara, le suspectant d'avoir fait une rencontre. Croisant les bras d'un air triomphal, je vis Pein se décomposer face à moi, déçu d'avoir perdu aussi rapidement son stupide défi.

« Bien, bien, j'ai compris, il va falloir que j'aille voir Konan et que je lui dise...

— Que tu lui dises quoi ? Tonna une voix dans l'embrasure de la porte.

— ... Que tu es extrêmement séduisante aujourd'hui... lâcha-t-il avant de rougir malgré lui.

— Ah... s'exclama-t-elle en s'empourprant à son tour. M... Merci... Mais j'espère que tu ne me dis pas ça juste pour couvrir autre chose. Tu n'oserais pas, hein ?

— Jamais de la vie... bégaya-t-il en secouant ses mains.

— Bien, je préfère ça ! Maintenant, tu vas prendre mon ordi et vite le réparer sinon, je te jure que je lui fous le feu. Tu m'entends, Pein ? Je ne plaisantais pas au téléphone !

— Bien, bien, je vais voir ce que je peux faire et euh... Si je réussis, est-ce que je pourrai t'inviter à dîner ce soir ? Osa-t-il en craignant une réplique acide dont Konan était spécialiste.

— Un dîner ? Répéta-t-elle étonnée. Bien... Bien sûr ! Mais si mon ordi est toujours HS d'ici ce soir...

— Je t'en ai commandé un nouveau, beaucoup plus performant et adapté à ton utilisation, tu ne seras pas déçue!

— Bien, passe me prendre à mon bureau vers dix-huit heures trente dans ce cas... »

Je souris intérieurement en voyant ces deux-là discuter. Il était clair que chacun avait des sentiments pour l'autre, c'était clair comme de l'eau de roche. Comment Pein avait-il pu autant hésiter ? Ah oui, il était comme moi...

Bien que j'aie redouté la suite des événements entre Deidara et Pein, ce dernier avait finalement décidé de s'excuser et les choses étaient rentrées dans l'ordre. D'ailleurs, le midi, nous avions fini par tous manger ensemble. Même l'impitoyable chef de Deidara, Kakuzu, nous avait rejoint et bien qu'il ne parlait pas beaucoup, il semblait apprécier de faire partie de notre petite bande...

Tandis que je filais le parfait amour avec Deidara, Pein s'était rapidement décidé à se déclarer face à Konan, avant la fin de semaine pour ne pas perdre son défi, et celle-ci avait répondu à la positive, visiblement ravie qu'il ne se déclare enfin...

Les insociables de l'entreprise avaient fini par trouver chaussure à leur pied et avaient montré à tous qu'ils n'étaient pas si intouchables qu'ils pouvaient le paraître aux premiers abords. Et pour nous, c'était déjà un grand pas vers notre intégration auprès de nos collègues...

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