THE FIRST CHAPTER : The Promise
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𝑺𝒆𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒖𝒏𝒆 : 𝑳𝒂 𝒇𝒆̂𝒕𝒆 𝒅𝒆 𝒍'𝑬𝒕𝒐𝒊𝒍𝒆
— Maman ! J'peux avoir une glace, s'il te plait ?
Soobin tirait sur la manche du léger chemisier de sa mère. Avec son costume en papier et ses caprices, il ressemblait à un véritable petit monstre bleu. Et Madame Choi ne résista pas à sa requête. Malheureusement, elle avait à faire au stand de jeux en bois qu'elle et son mari tenaient à l'occasion de la Fête de l'Étoile, alors elle lui confia quelques pièces. Le petit avait neuf ans, il était mûr désormais et pouvait parfaitement gérer une somme de monnaie telle que celle-ci. Elle lui faisait confiance.
Soobin se précipita joyeusement vers le camion du glacier, sa cape cousue dans le tissu d'un vieux t-shirt de son paternel volant derrière lui. Il y avait une petite file d'attente, mais le garçon savait se faire patient.
Il n'attendait que depuis quelques minutes quand un grand rire éclata derrière lui. Soobin fit volte-face, surpris et curieux, et découvrit un petit monstre, comme lui, de couleur rouge. Derrière le masque en carton peint, il devinait deux yeux bruns rieurs. Et le garçon se fit la réflexion que le nouveau venu savait s'amuser.
— Beau costume... Et jolis bois !
Ce fut au tour de Yeonjun de sursauter. Il se tourna vers lui et, à travers les fentes de ses yeux, lui offrit son plus beau sourire. Il en était fier, de ses bois qu'il avait confectionné lui-même en papier mâché, et se plaisait à les montrer en détail à chaque adulte le connaissant qu'il croisait. Toute leur petite ville était réunie ici aujourd'hui, pour la fête de l'Etoile, et Yeonjun connaissait presque chacun des habitants — c'était déjà la dixième année qu'il participait. Bien entendu, il y avait quelques exceptions, comme lui et son costume de monstre bleu, ou le garçon étranger arrivé la semaine dernière dans son quartier, avec ses deux mamans. Il n'avait jamais vu ça, deux mamans pour un enfant, comme son père et sa mère étaient ses parents, mais ceux-ci lui avaient expliqué que c'était tout à fait normal. Et Yeonjun s'était empressé de proposer à son nouveau voisin de jouer avec lui sur l'aire de jeu.
La file avança, Soobin se mit à trépigner d'impatience. Derrière lui, Yeonjun semblait chercher quelqu'un des yeux. Et ce n'est qu'en baissant le regard qu'il remarqua un tout petit enfant, noyé dans un déguisement de monstre comme les leurs, jaune, assis dans l'herbe et accroché fermement aux jambes de son nouvel ami. L'enfant enleva aussitôt son masque, sans doute étouffait-il dessous, et, semblant lutter contre le sommeil, posa sa tête contre les jambes du brun.
— C'est ton petit frère ? ne put s'empêcher de demander le jeune.
— Oui, plus jeune de juste trois ans. On dirait pas, il est tellement petit !
Pour appuyer ses propos, Yeonjun souleva l'enfant dans ses bras comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'une plume, et l'encouragea à dire bonjour. Mais Taehyun était timide, même effrayé devant ce masque difforme aux oreilles pointues. Il tenta de cacher son visage dans l'épaule de son hyung. Soobin comprit alors qu'il lui faisait peur et retira aussitôt la boite en carton peinte qui couvrait sa tête.
— Taehyun, regarde... C'est un humain comme nous...
Yeonjun lui fit un sourire rassurant en lui caressant doucement les cheveux, et le plus petit daigna enfin croiser le regard du monstre bleu. Ses joues rebondies et son sourire de lapin le mirent tout de suite à l'aise. Il ressemblait à une brioche.
— Bonsoir Taehyun, moi c'est Soobin, se présenta le noiraud.
La file avança de nouveau, Taehyun se frotta les yeux et sombra dans un sommeil léger, serré dans les bras de son nouveau hyung tandis que son grand-frère s'occupait des glaces. Yeonjun avait souri à la scène, attendrit, puis ils s'étaient installés dans un coin plus calme, non loin des stands de leurs parents, pour déguster leurs sucreries et papoter.
— Dis, tu veux qu'on joue ensemble ? Vu qu'on a des costumes pareils, ça pourrait être marrant !
— Ça me tente bien, ouais !
Taehyun bougea entre eux, de nouveau réveillé par le bruit ambiant de la fête, et les deux plus vieux lui soumirent leur proposition. Il revêtit avec hâte son masque en carton et pointa un garçon aux traits atypiques dans la foule, visiblement enthousiaste à l'idée de l'inviter aussi. Son costume vert détonait avec son air monstrueux et les petites ailes de fée collées à son dos. Il était très réussi, bien que visiblement un peu trop grand pour ses petites jambes. Il avait retiré son masque pour manger, lui aussi, une glace, et croisa le regard de ses camarades de jeu et voisins. Aussitôt, il faussa compagnie à ses mères et se précipita vers eux, ses chaussures à peine mises à ses pieds. Il les salua avec un fort accent, aussi joyeusement qu'il le put. Tout le contraire de Taehyun qui se cachait derrière son grand frère.
Il avait voulu l'inviter parce que Kai était dans sa classe et qu'il paraissait adorable. Mais il avait bien vite oublié sa grande timidité. Yeonjun s'occupa des présentations puis tous se levèrent de l'herbe verte et humide.
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𝑺𝒆𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅𝒆𝒖𝒙 : 𝑳𝒂 𝒇𝒐𝒓𝒆̂𝒕 𝒎𝒂𝒈𝒊𝒒𝒖𝒆
L'heure était avancée, l'ambiance festive s'était apaisée pour devenir plus magique encore. Des lanternes volaient dans le ciel, côtoyant leurs sœurs les étoiles, et une berceuse retentissait doucement en fond sonore. Chacun avait la panse remplie ou les jambes fatiguées par la danse. Beaucoup somnolaient aux tables montées à l'occasion sur des tréteaux, sous le ciel obscur de la nuit.
Pourtant, Soobin, Yeonjun, Taehyun et Kai manquaient à l'appel...
Ils s'étaient enfoncés dans la forêt, suivant les pas d'un énième camarade du plus vieux, habillé lui aussi d'un costume de monstre en carton. Le rose les attendait à l'orée du bois et c'était comme s'il avait été la pièce manquante de leur petit cortège. Beomgyu était un enfant calme, qui souriait peu, mais il avait tout de suite su mettre à l'aise le petit monstre jaune. Et Soobin avait, pour la première fois de la soirée, entendu la voix de Taehyun.
Ils marchaient depuis de longs instants dans ce bois qui lui était inconnu. Soobin avait l'habitude des balades dans ce petit coin de verdure avec ses parents mais ce soir, les arbres, les chemins, les buissons semblaient différents. La forêt avait changé.
Et puis les fleurs au sol, libérant un fluide violet visqueux dans lequel ils s'enfonçaient jusqu'aux chevilles, n'avaient rien de commun. Elles étaient exotiques, presque irréelles. Comme le reste de ce qu'il voyait. De la couleur des troncs jusqu'aux insectes voletant autour d'eux. Et pourquoi avait-il l'impression d'être suivit, observé, alors même qu'il fermait la marche de leur petit cortège ?
Soobin voulu jeter un œil à sa montre. Et le regretta aussitôt. L'aiguille des minutes frétillait, bloquée par il ne savait quoi sur le troisième quart du cadran, et celle des heures... elle tournait à une vitesse affolante. Le mécanisme semblait possédé par une sorte de force magique obscure. Et lui ne pouvait pas lire l'heure.
Beomgyu, qui était taciturne depuis le début de leur marche, se retourna enfin vers eux, quelques pas plus loin.
— C'est ici.
Il s'effaça pour les laisser voir une clairière féérique, baignée d'un halo de lumière et peuplée d'insectes volants de toute beauté. Le petit Kai se précipita aussitôt à la poursuite de ce qui ressemblait vaguement à une libellule, Yeonjun déposa son frère cadet contre l'imposant tronc d'un vieux chêne mort, sur un tapis de mousse. Et lui, Soobin, se figea un instant.
Il connaissait cet endroit.
Il en avait rêvé.
Beomgyu se rapprocha de lui, une pile de bouts de bois dans ses bras pâles et frêles. Et Soobin se demanda un instant comment il avait pu ne pas remarquer les épines déchirant le tissu de sa manche de pull au niveau de son épaule. Il avait retiré son costume de monstre dès le début de leur randonnée mais le noiraud ne les avait pas remarquées, alors même que son regard était resté posé sur lui pendant tout le trajet. Il ne s'en formalisa pas — tout était étrange ici, de toute façon — et le délesta de quelques brindilles.
— Je sais que tu connais cet endroit.
Soobin sursauta, ne s'attendant pas à ce que le garçon taciturne lui parle. Ils s'étaient enfoncés de quelques mètres dans les bois pour chercher plus de combustible pour leur feu de camp et le silence les avait accompagnés. Jusqu'à ces mots. Il faisait visiblement allusion à ses rêves. Et le petit monstre bleu se demanda bien d'où il sortait pour connaître ce détail.
— D'où viennent ces épines sur ton épaule ?
Ce fut la seule chose qu'il trouva à répliquer. Beomgyu lui lança un regard qui, à la fois, expliquait tout et rien. Un drôle de regard, avec un drôle d'éclat scintillant au fond de sa pupille. Et Soobin déglutit à sa réponse.
— Regarde autour de toi et tu comprendras.
Ses brindilles lui en tombèrent des bras. Dans la clairière, l'ambiance était devenue encore plus étrange. Il y avait ces choses, ces deux petites ramures de jeune cervidé qui saillaient à travers les cheveux de son aîné, Yeonjun. De courts mais magnifiques bois couverts d'un velours pâle. Aussi, dans un coin un peu plus reculé, prêt du ruisseau de liquide violacé, d'extraordinaires ailes blanches frétillaient dans le dos de Kai. Il était magnifique ainsi, toute sa pureté jaillissait à travers le plumage immaculé de sa parure.
La bouche entrouverte de stupeur, il laissa ses yeux se promener sur l'image féérique que lui offrait la forêt. Taehyun se frottait les yeux, fatigués, et l'un d'eux semblait étrange. Il ne savait trop pourquoi, c'était seulement une impression. Son œil était parfaitement normal au premier abord, toujours aussi grand et aussi brun, mais Soobin sentit que, désormais, le jeune enfant voyait, devinait des choses qu'eux ne pouvaient pas. Il se tourna vers Beomgyu. Mais avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, un léger picotement lui chatouilla le pavillon des oreilles. Il y porta sa main pour faire passer la démangeaison. Et c'est avec stupeur qu'il remarqua la forme pointue de ses écoutilles. Ses oreilles avaient changé, elles s'étaient muées en de véritables oreilles d'elfe, comme il en voyait à la télévision le matin, avant de partir à l'école.
Bien évidemment, chacun avait quelque chose de nouveau, quelque chose de magique. Il ne dérogeait pas à cette règle.
— L'île nous offre à tous une particularité physique, une manière de montrer qu'on fait partie intégrante de sa magie.
Soobin lâcha ses oreilles après les avoir découvertes du bout des doigts pour se reconcentrer sur Beomgyu et il fut étonné du vocabulaire et de la maturité de ses paroles. Le petit monstre rose semblait être un adulte enfermé dans le corps d'un enfant. Il paraissait tout savoir de cet endroit, comme s'il y était déjà venu, comme s'il y avait déjà vécu une vie.
— Et ces particularités viennent également avec des pouvoirs, qu'on découvrira plus tard.
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𝑺𝒆𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒕𝒓𝒐𝒊𝒔 : 𝑳𝒂 𝒄𝒉𝒂𝒏𝒔𝒐𝒏 𝒅𝒆 𝒍'𝑬𝒕𝒐𝒊𝒍𝒆
L'air était devenu plus frais au fond de la clairière. Au-dessus d'eux, à travers le feuillage des arbres qui commençaient à porter les stigmates de l'automne, les étoiles semblaient étinceler avec plus d'intensité. La nuit devait être avancée. Mais, inconsciemment, Soobin sut que ce n'était pas le cas. Le temps n'avait pas de prise ici, il paraissait ne même pas exister parmi les troncs et les fleurs violacées de la forêt.
Dans un coin, Kai s'était endormi, sa tête reposée sur les genoux de Taehyun. Le plus petit, quant à lui, attendait quelque chose, stoïque, un regard concentré posé sur le télescope trônant au pied de l'imposant arbre mort de la clairière. Yeonjun et Beomgyu étaient en grande conversation autour du feu de camp qu'ils avaient allumés, et Soobin se fit la réflexion que le garçon aux épines ne ressemblait plus du tout à l'adulte qu'il avait cru entrevoir dans son attitude, tout à l'heure. Il n'était que le petit Beomgyu, taciturne mais jovial, et surtout passionné par les trains miniatures. La discussion des deux tournait autour de ce sujet et le brun faisait de grands moulinets avec ses bras pour expliquer certaines idées, ce qui amusait bien le monstre rouge.
Soobin s'approcha du tas qu'ils avaient fait avec leurs costumes de monstres en papier mâché. Il éprouvait un étrange sentiment, quelque chose l'attirait par ici. Il ne savait pas quoi mais ne chercha pas à y réfléchir. Le noiraud s'était fait à l'idée que les choses étaient bizarres ici, il avait accepté ses oreilles d'elfe et les attributs des autres, ainsi que ses instincts mystérieux. Et puis cette impression d'être observé ne le dérangeait plus. Il posa sa petite main à plat sur la peinture de son costume, les sourcils froncés sous la volonté étrangère qui l'y poussait.
Et quelque chose se passa.
Les étoiles, au-dessus d'eux, elles s'éteignirent pour ne laisser place qu'à la plus brillante de toutes.
Soobin fit volte-face vers la clairière, il croisa l'œil de Taehyun qui semblait tout savoir, puis le visage serein — presque soulagé — de Beomgyu. Yeonjun s'était levé, Kai se réveillait. Et une petite voix lui souffla de revêtir sa parure de monstre.
Aussitôt, tous s'approchèrent pour l'imiter. Les petits garçons se muèrent en d'étranges créatures aux attributs spéciaux. Les mêmes qualités qu'ils portaient sur leurs déguisements. Soobin s'en fit la réflexion, et la petite voix dans sa tête lui murmura que c'était leur destinée.
Beomgyu libéra le télescope de son socle de bois et le positionna au milieu de la clairière, sa loupe orientée vers l'étoile. Il savait quoi faire. Après une ou deux petites manipulations, il invita Yeonjun à s'approcher et à regarder dans l'objectif de l'instrument. Ils se succédèrent de la sorte tous les cinq, comme un rituel enfantin, comme un jeu. Mais Soobin savait que ce n'était pas un jeu.
Son tour vint, il se pencha vers la lunette du télescope, hésitant. Sa volonté l'y poussait mais son esprit tentait de lutter. Il ne savait plus qui écouter entre sa raison et la voix mystérieuse dans son esprit. Mais l'appel de l'étoile était plus fort, plus fort que sa conscience, que ses pensées, que son être. Elle régnait ici, sur chaque corps et sur chaque esprit. Elle dominait la forêt, elle dominait les arbres, les buissons, les fleurs, et tous ceux qui y résidaient. Eux y compris. A travers la loupe, le monstre bleu aperçut une forme étincelante, éblouissante, et un grand pouvoir l'emplit des pieds à la tête quand il rencontra nettement l'astre. Elle était là, elle les observait, elle veillait sur eux.
Et l'étoile offrait un cadeau à chacun des cinq garçons qui étaient venus lui rendre visite cette fois-ci.
Beomgyu lui tapota l'épaule pour qu'il se sépare du télescope.
— La cérémonie n'est pas terminée.
Et Soobin se demanda bien de quoi il voulait parler.
Une nouvelle brise s'était levée, amenant une odeur douce à leurs narines. Les étoiles, en haut, avaient reparu et semblaient danser autour de la plus brillante de toutes. Les fleurs violettes, dont l'arôme provenait, se balançaient au rythme du vent léger et tiède les accompagnant. A travers son masque de monstre bleu, Soobin admirait ce spectacle, subjugué par la beauté du moment. Il était bien ici, en tailleur dans l'herbe fraiche de la clairière, avec ses nouveaux amis, protégé par ces troncs massifs et colorés qui tendaient leurs branches vers eux comme pour les enlacer. Il sentait un nouveau pouvoir couler dans ses veines, une force mystérieuse mais bienveillante, qui lui procurait un agréable frisson le long de l'échine. C'était comme une petite boule de chaleur réchauffant son cœur, comme les câlins de sa mère. Mais Soobin savait que ce pouvoir était encore plus puissant que l'amour maternel. L'étoile le lui soufflait dans l'oreille.
Beomgyu se leva soudain, pointant son pavillon auditif, et invita chacun à se lever.
— Ça commence.
La voix dans sa tête devint plus claire, plus mélodieuse, et le noiraud décela bientôt un certain rythme. C'était une berceuse qui résonnait dans leurs oreilles, une berceuse contant leur histoire, l'histoire de cinq garçons aux pouvoirs grandioses et de leur étoile. Le feuillage autour d'eux se joignit à la mélodie, ainsi que les oiseaux du fond des bois, pour former une harmonie parfaite. Il ne manquait qu'une seule voix, la leur. Ce fut Taehyun qui entama le chant, encouragé par le regard de Beomgyu, et Soobin s'accorda à son timbre après quelques battements de mesure seulement. Il glissa sa main dans celle du jeune garçon, qui fit de même avec son frère, et les cinq enfants formèrent un cercle autour du télescope.
Au-dessus d'eux, l'étoile chantait, scintillait, pétillait et tournait, entrainée par le rythme de la berceuse. Soobin gonfla le torse pour chanter plus clair. Il s'était fait aux paroles, à la mesure et aux notes, il claironnait maintenant un air puissant, un air qui leur donnait à tous de la force. Ils se sentaient grandis, unis, protégés, puissants. Et surtout chez eux. Ils se sentaient chez eux, ensemble dans cette forêt magique, comme si cela avait toujours été une évidence. Les cinq enfants ne se connaissaient pas avant, mais ils se sentaient plus proche que jamais à cet instant. Le destin les avait réunis et ils resteraient soudés pour toujours.
C'étaient les termes de la promesse qu'ils chantaient. Rester ensemble pour toujours, respecter le lieu magique qui leur était offert et faire bon usage de leurs particularités. Tous s'en sentaient capables.
Le chant arrivait à son terme. Comme guidés par un maitre d'orchestre invisible, ils soufflèrent les dernières paroles sur un rythme plus lent, plus serein.
Soobin, Yeonjun, Beomgyu, Taehyun et Kai clorent leur promesse.
Leur promesse de ne jamais oublier la magie.
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𝑺𝒆𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒒𝒖𝒂𝒕𝒓𝒆 : 𝑳𝒆𝒔 𝒄𝒊𝒏𝒒 𝒈𝒂𝒓𝒄̧𝒐𝒏𝒔 𝒂𝒖 𝒅𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒖𝒏
Soobin avait récupéré Taehyun dans ses bras après avoir retiré son costume. Le plus jeune réclamait les câlins de son hyung-brioche et le noiraud n'avait pas pu résister aux petites mains tendues vers lui. Le brun était mignon, il était même absolument adorable. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'était que Kai aussi veuille expérimenter le moelleux de ses joues. Il se retrouva bien vite avec deux petits démons lui tirant la peau du visage et riant aux éclats sur ses cuisses. Beomgyu aussi avait tout perdu du calme et de la maturité qu'il avait abordé durant la cérémonie de l'étoile. Il était devenu un enfant énergique qui courait après les insectes de la clairière, imitant par moment leurs battements d'ailes de ses bras. Yeonjun, lui, s'occupait du feu. Il avait un visage serein et les bois sur sa tête lui donnaient un air de créature magique des bois. Il était beau comme ça, et Soobin rougissait en l'imaginant après avoir passé ce que les adultes appelaient la puberté. En quelques semaines à peine, son baby-sitter avait changé de voix, de carrure, et était devenu encore plus intelligent et fort qu'il ne l'était avant. Et le jeune garçon n'avait pu s'empêcher de lui poser des questions intrusives sur ce qu'il s'était passé. Il devinait sans mal que Yeonjun serait encore plus magnifique que son nounou après cette étape.
Une plume lui chatouilla soudain le nez. Soobin éternua, forçant ses pensées à se dissiper aussi vite qu'elles étaient apparues, et se reconcentra sur les deux mômes qui, visiblement, avaient décidé de le provoquer. Kai, sa plume à la main, lui tira la langue avant de s'enfuir en courant jusqu'à Beomgyu, derrière lequel il se cacha dans un grand cri aigu et amusé. Sur ses genoux, Taehyun riait à la tête qu'il avait dû faire lorsqu'il réfléchissait.
— Il est devenu tout rouge !
Soobin ne put rien faire à part rougir de nouveau, d'autant plus quand Yeonjun s'approcha d'eux pour calmer son petit frère. Il lui adressa un rictus dubitatif. Sans doute avait-il deviné qu'il était l'objet des pensées de Soobin, et lui se sentit obligé de se justifier.
— C'est... c'est pas c'que tu crois, j'me disais juste que tes bois t'allaient bien...
— Pareil pour tes oreilles.
Soobin ouvrit la bouche. Mais ne répondit rien. Alors Yeonjun rit à son air perdu en reprenant son petit frère dans ses bras. De l'autre côté de la clairière, Kai se pavanait devant Beomgyu avec ses grandes ailes blanches. Il ressemblait à un ange avec son visage fin, atypique, et ses élytres divines. Et le plus vieux le complimentait à foison. Il voyait d'ici les yeux du jeune garçon briller un peu plus à chaque fois que Beomgyu disait quelque chose.
Soudain, un sifflement s'éleva au-dessus du bruissement constant des feuilles et du chant mélodieux des oiseaux. Soobin releva les yeux de la bûche se désintégrant lentement dans le feu pour seulement remarquer que rien n'avait changé dans le comportement de ses amis. Ils n'avaient pas entendu. Ou alors ne pouvaient-ils pas ? Le noiraud profita du fait que personne ne le regardait pour s'éclipser vers l'origine du sifflement. Il ne comptait pas aller bien loin, juste se rapprocher du son pour en savoir un peu plus.
Aussitôt le rideau de feuilles de la clairière passé, tout devint plus calme. La luminosité s'amoindrit, le couvert des arbres se faisait plus épais ici et la lumière de l'étoile ne perçait pas la canopée. Soobin s'autorisa un regard en arrière pour s'assurer qu'aucun d'eux n'avait remarqué sa disparition, puis il fit un pas en avant. Son pied s'enfonça jusqu'à la cheville dans un étrange fluide violacé, le même qu'ils avaient traversé plus tôt, à leur arrivée ici, et le noiraud retint un rictus de dégout. Il n'aimait pas vraiment l'environnement hors de la clairière, la forêt ne semblait pas vouloir le laisser s'y aventurer. Mais il avait besoin de réponses sur ce bruit étrange, alors Soobin avança malgré tout.
Le sifflement se fit plus net et le noiraud aux oreilles pointues fut capable de l'identifier. Il l'avait déjà entendu, la seule fois où lui et ses parents avaient pris le train pour un voyage à l'autre bout du pays. C'était le crissement des freins de la locomotive sur les rails, il en avait maintenant le cœur net. Mais il n'y avait pas de train ici, c'était complètement stupide. Pourtant... Yeonjun avait des bois sur la tête, Kai avait des ailes, lui avait des oreilles d'elfe. Et ils avaient honoré une cérémonie pour une étoile. Tout pouvait arriver ici, il s'y était fait, mais Soobin ne croyait pas à la possibilité de croiser un train ici. Il ne le sentait pas.
Une branche lui fouetta soudain le visage, éraflant sa pommette, et il trébucha. Son pied avait rencontré une surface dure, une aspérité dans le sol boueux et visqueux de la forêt. Il s'étala de tout son long contre le sol. Et quand Soobin se releva, des rails se dévoilèrent sous ses yeux. A moitié dissimulé par l'herbe et la terre, le métal froid détonait dans ce milieu naturel et magique. Le noiraud eu du mal à y croire et dû poser ses doigts sur l'acier pour en avoir le cœur net. Mais les rails étaient bels et bien réels, et ils semblaient s'étendre à travers la forêt. Cependant, leur ville n'avait pas de gare, aucun réseau ferré ne la desservait ni l'approchait à moins d'une trentaine de kilomètres, il était totalement impossible qu'une telle infrastructure soit ici.
— Soobin !
Le noiraud releva la tête. Ils avaient remarqué son absence. Il cria en retour qu'il revenait vite pour les rassurer. Ils ne devaient pas voir ça. Soobin ne savait pas pourquoi il pensait cela, c'était son instinct qui le poussait à agir de la sorte, une sorte de mauvais pressentiment qui lui conseillait de cacher ce détail à ses amis.
Et puis le crissement retentit de nouveau, derrière lui.
Soobin fit volte-face. Rien.
Il n'y avait rien, pourtant il l'avait entendu fort et proche. Il avait entendu le train. Et s'il y avait rails, il y avait forcément train.
Une boule se forma alors dans sa cage thoracique. Un pressentiment puissant, néfaste, l'envahissait. Il avait l'impression d'être observé, de nouveau. Comme à leur arrivée, exactement la même impression. Et il sentait que des choses horribles allaient leur arriver.
— Soobin, tu fais quoi ?
— Rien, je... je suivais un drôle de papillon. Je reviens.
— Fais vite, on doit rentrer.
— J'arrive, j'arrive.
Il jeta un dernier coup d'œil de chaque côté de la voie ferrée, espérant trouver une réponse aux événements étranges qu'il expérimentait.
Et Soobin croisa un regard.
Deux billes de couleurs différentes, l'une bleue et l'autre verte, qui se détachaient dans la noirceur des bois.
Il sut de suite que cet intru leur était hostile.
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𝑺𝒆𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒄𝒊𝒏𝒒 : 𝑳𝒂 𝒑𝒓𝒐𝒎𝒆𝒔𝒔𝒆 𝒃𝒓𝒊𝒔𝒆́𝒆
— Soobin ! Soobin, regarde !
Dès qu'il avait reparu à travers le rideau de végétation de la clairière, toutes ses inquiétudes s'étaient envolées et Kai l'avait tiré par le bras jusqu'au feu de camp. Personne ne releva son absence, ils avaient cru au mensonge du papillon. Le plus jeune l'arrêta juste à côté du feu et lui promit que ce qu'il s'apprêtait à lui montrer était quelque chose d'absolument extraordinaire. Soobin l'observa se positionner dans une posture déterminée, les pieds plantés dans le sol et les bras tendus vers les flammes. Une ride se forma entre ses deux sourcils froncés par la concentration et le noiraud s'interrogeait un peu plus à chaque seconde qui passait. Qu'essayait-il de faire ?
Et puis quelque chose bougea soudain entre les flammes orangées. D'abord, ce ne fut qu'un frissonnement au fond du foyer. Puis Soobin aperçut des braises redevenir bois et reconstituer la bûche qui brulait auparavant. Il n'en crut d'abord pas ses yeux mais après un coup d'œil aux trois autres, Soobin fut forcé de reconnaitre l'évidence : Kai avait remonté le temps.
C'était donc cela, leur pouvoir : ils pouvaient manipuler le temps.
Taehyun applaudit, félicitant la capacité de son ami, et Kai réclama un câlin à son hyung. Soobin le prit dans ses bras en le complimentant sur son magnifique pouvoir. Et puis, au-dessus de leurs têtes, trônant en reine sur la toile céleste, l'étoile scintilla plus fort. Elle aussi le félicitait.
— Je crois qu'on devrait rentrer, maintenant, souffla Yeonjun après quelques minutes.
Chacun acquiesça, surtout Taehyun qui s'endormait dans les bras de Beomgyu. Alors tous rassemblèrent leurs affaires, revêtirent leurs costumes en papier mâché et quittèrent la clairière féérique après une dernière salutation solennelle à leur étoile protectrice.
Les yeux vairons n'avaient pas disparu. Chaque fois que Soobin — en fin de file comme à l'aller — se retournait, il les voyait les suivre. Et chaque fois qu'il jetait un œil derrière eux, Yeonjun lui demandait ce qu'il lui arrivait.
— Rien c'est... c'est juste une impression.
Il s'enfonçait jusqu'aux chevilles dans le fluide floral violet, lui arrachant à chaque pas une grimace de dégoût. Et puis ce sentiment qui ne le quittait plus : le sentiment qu'ils avaient fait une grosse erreur, qu'ils n'auraient rien dû promettre à cette entité magique qu'était l'Étoile, que les problèmes allaient déferler sur eux à la seconde où ils quitteraient la forêt ce soir.
Mais rien n'arriva quand Soobin franchit l'orée des bois. Tout était calme, la fête battait son plein comme lorsqu'ils étaient partis. Rien n'avait changé. Ou plutôt, le temps s'était arrêté. Il souffla quand l'herbe verte devint chemin de terre et que la musique de l'événement lui parvint aux oreilles. Ils étaient rentrés.
Aussitôt, le jeune garçon salua ses nouveaux amis, promettant qu'ils se retrouveraient le lendemain ou les prochains jours pour jouer, et se précipita vers le stand de ses parents. Le temps ne s'écoulait peut-être plus quand ils étaient dans la forêt, mais rien n'était sûr. Il ne voulait pas les inquiéter si tel n'était pas le cas.
Quand il aperçut la grande silhouette de son père en pleine discussion avec l'un des organisateurs de la fête, Soobin se sentit soulagé. Ils n'étaient pas partis à sa recherche, il ne les avait pas inquiétés. Sa mère s'était assise sur un tabouret derrière le comptoir de leur stand, profitant de l'affluence moindre pour reposer ses jambes. Et le petit garçon n'attendit pas pour se précipiter vers elle.
— Mon grand ! Tu es déjà de retour ?
— Comment ça ?
— Tu es parti jouer avec tes amis il y a à peine dix minutes. Il y a eu un problème ? Ils ont été méchants ?
— Nan nan ! Ils sont super sympas ! C'est juste qu'on a beaucoup joué en pas beaucoup de temps. J'ai cru qu'il était déjà l'heure de rentrer.
La femme laissa un petit rire lui échapper. Son garçon était adorable et tellement soucieux des règles. Ils n'étaient pas des parents stricts, Soobin souhaitait simplement respecter chaque consigne qui conditionnant sa vie. Il était comme ça, c'était son caractère.
Cependant, il n'avait pas respecté la plus fondamentale de toutes.
Sa mère le prit dans ses bras et le berça jusqu'à ce que Soobin s'endorme paisiblement après la nuit éprouvante qu'il venait de passer.
Tout là-haut, dans l'immense voûte céleste constellée de petites loupiotes, la plus brillante de toutes étincelait par son absence.
L'étoile s'était éteinte.
Les garçons avaient brisé la promesse.
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𝐟𝐢𝐧 𝐝𝐮 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞
Voici donc pour votre bonheur, le premier chapitre d'une fanfiction sur le +u (oui, encore. J'aime le +u) qui n'a pas encore de suite mais ça ne saurait tarder !
Joyeux Halloween à vous !
(Oui je sais c'est pas très effrayant pour Halloween mais euh hein d'abord)
31.10.2021
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