Pendant trois jours, le groupe n'avait cessé de marcher vers le nord et ce n'est qu'au milieu du troisième jour de neige qu'ils apercevaient enfin les rempares d'Inokuni qui s'étendaient à l'horizon et l'immense pagode japonaise* dominant la cité.

*tour japonaise, lieu de culte bouddhiste

Inokuni était une capitale réputée pour son culte traditionnel asiatique et la compétence de ses armées de samouraïs obéissante à leur seul shogun, Enji Todoroki, l'un des huit grands Empereurs du continent. Ses murailles robustes ne laissaient aucun intrus les entraver, ce pourquoi les démons n'avaient encore jamais pu s'approprier le territoire hautement protégé. Les contrées du Nord, outre les terres du Sud aujourd'hui assiégées, étaient dorénavant les seules terres où l'Abysse n'avait pas étendu son pouvoir.

Seulement l'infertilité des terres agricoles touchait tous les royaumes. Afin de ralentir la progression de la calamité, la princesse de jadis, touchée au coeur, fut escortée loin de son peuple vers des terres pures que seuls les sages et les elfes avaient le droit de fouler, afin de demeurer dans la paix et loin des malheurs dans l'espoir de guérir de ses maux. Personne ne sait aujourd'hui ce qu'il est advenu de la princesse d'antan, mais beaucoup gardent espoir qu'elle soit toujours en vie, puisque la nature et les montagnes recouvraient chaque printemps des hectares de forêts luxuriantes et abondantes de nourriture diverse et variée, même si l'énergie faiblissait peu à peu dans l'air.

- Il existe aussi un prophétie, où on dit que la guerre cessera à la naissance d'un enfant, raconte Uraraka. Les shamans disent que cet enfant né de l'union de deux faces opposées portera le dernier espoir de Paix que le monde n'ait jamais espéré, et la calamité sera enfin levée.

- Comment un bébé pourrait arrêter une guerre ? doute Kyoka.

- Qui sait, ce sera peut être celui de Mina et Kirishima, rit Sada.

- Hé, laisse mon bébé tranquille ! boude la Hungür, se reposant à l'arrière du chariot.

Les filles éclatent de rire.

- En vrai, ça peut être celui de n'importe qui, réfléchit Uraraka. Tant que les parents sont deux partis opposés. Même si l'espèce de Mina est une proche cousine des démons, elle n'a cependant aucun lien avec les ombres.

- Ah je vois ! capte Toru en marchant. Comme l'union de l'ombre et de la lumière !

- Eh ouais, acquiesce Sada. L'ombre ne peut exister sans lumière et inversement.

- Ca me fait penser à la théorie du Yin et du Yang tout ça, compare Kaminari. M'enfin, qui serait assez fou pour enfreindre la loi et s'unir à un démon qui fait partie du monde des ombres ? C'est la peine de mort assurée des deux côtés !

Sada s'efforce de sourire et tourne la tête en laissant ses amis plaisanter sur le sujet. Son père étant un humain classique et sa mère une démone ayant abandonné sa véritable nature afin de vivre en tant qu'humaine, elle ne savait que trop bien les conséquences de cette union. Elle était évidemment témoin du sort infligé. Même les habitants de son village natal n'étaient guère au courant de ses origines, ni de celles de sa défunte mère.

Perdue dans ses souvenirs, elle sursaute ensuite lorsqu'une graine percute son front.

- Aie !

- T'es encore dans la lune, peste Bakugou en grignotant.

- Et alors, je suis dans mon droit !

La brune le rejoint au petit trot jusqu'en tête de file, quand le dragonnier lui tend un petit sac de graines, laissant son cheval gris pommelé suivre la marche sans tenir les rênes.

- T'as rien mangé depuis qu'on est parti. 

- Eh ? C'est quoi ?

- Des graines féeriques, répond-t-il en prenant une poignée dans sa main. Ca vaut l'équivalent d'un steak en protéines.

- Oh... J'en ai jamais goûté, dit-elle en goûtant. Hmph ! Faut pas avoir peur de se casser une dent !

- T'as juste pas de force. Au pire ce que tu fais c'est que tu l'ouvres en deux et tu manges que le noyau, il est tendre dedans.

Sada essaye alors en s'aidant de ses ongles, suivant les conseils du blond qui se retenait de rire.

- Et le pire c'est qu'elle le fait... se moque-t-il.

- Tu te fous de ma gueule !

- Totalement ! Le temps que t'arrives à l'ouvrir j'aurai déjà fini le sac entier !

Les filles restaient en arrière en les regardant se chamailler, le sourire aux lèvres en échangeant des regards complices. Ces deux là ont eu le temps de se rapprocher durant ces trois jours et Bakugou semblait beaucoup plus estimer le potentiel et la bonne volonté de Sada, qui elle, commençait à apprécier la compagnie de ce dernier et aimait discuter avec lui, quitte à finir en disputes.

- Hmm, moi je vois des petits Katsuki courir partout... taquine Toru.

- Moi aussi, rêve Mina, des étoiles plein les yeux.

- Par pitié, pas cette vision d'horreur... supplie Kaminari, horrifié.

- MINA !!! hurle Kirishima en se jetant vers elle.

Le pauvre dragon venait de protéger son épouse d'une flèche noire logée à présent dans son épaule. Les montures s'affolaient à l'embuscade tandis que des flèches enflammées s'abattaient sur le groupe qui n'eut d'autres options que de protéger leurs têtes avec des nappes, des boucliers de fer ou des couvercles de marmites. Des démons s'aventuraient si près d'Inokuni alors que les nomades avaient passé les frontières protégées, c'était une attaque en traitre.

Midoriya accourt auprès des filles en leur donnant les armes, couvert par Kaminari et Toru sous leurs arcs, tandis que Kirishima évacuait le chariot en train de prendre feu rapidement. Les villageois s'affolaient également en s'éparpillant dans tous les sens, certains tombaient sous les flèches ennemies, les trois enfants survivants étaient pris au piège alors que les démons donnaient l'assaut en sortant de leurs cachettes. N'ayant plus d'armes, Sada se saisit d'une lance dans le grand coffre des armes et commençait à balayer les ennemis proches de sa monture. Elle entendait les cris apeurés des petits qui suppliaient de l'aide au milieu des corps.

Un démon nain s'approchait d'eux, muni d'une hachette ensanglantée, mais se retrouve harponné dans son dernier pas.

- Onee-san !! pleure le plus petit.

- Je suis là, ne regardez pas ! protège Sada en les portant à tour de rôle avant de les hisser sur son cheval. Acero vous emmènera jusqu'à Inokuni, galopez aussi vite que vous pourrez et surtout, ne vous retournez jamais !

- Tu vas mourir ici ! Viens avec nous--

Sada tape la fesse de son cheval qui part au triple galop avant d'esquiver une lame frôlant le coin de son oeil, puis attrape le bras de son adversaire et le lui déboite afin de le désarmer. D'un geste vif, elle donne un coup de talon dans son genou pour le mettre à terre tandis que Bakugou lui tranche la tête par derrière en passant en coup de vent.

- Et après ça va me faire la morale ! nargue-t-elle.

- Oh la ferme ils sont pas là pour nous faire la causette ! Kirishima !

Le dragon, même blessé, se transforme majestueusement avant de rugir et piétiner leurs ennemis. Comme une bête sauvage, un dragon blessé est beaucoup plus dangereux qu'un ours affamé. Seul le dragonnier pouvait le contrôler sous cette forme. Grâce à un avantage de taille, les démons restants se repliaient vers les fourrés, permettant aux nomades de terminer d'évacuer leur caravane - ainsi que les animaux - qui avait hélas perdu beaucoup de rescapés, quand d'immenses virevoltants** enflammés dévalent la pente en fonçant tout droit sur le groupe. Si ce n'était que ces boules de feu, se décaler sur le côté serait plus simple, seulement des boitiers étranges accompagnaient la roulée des virevoltants.

**Tumbleweed en anglais, boules d'herbe sèches

- À terre !! hurle Midoriya en protégeant Uraraka et Kyoka.

D'instinct, Bakugou se jette sur Sada en couvrant sa tête avec sa cape, tandis que Kirishima, incapable de garder sa forme bestiale plus longtemps à cause de sa blessure, éloigne au plus vite Mina vers Toru et Tsuyu ; alors que les boitiers roulant près du feu explosent les uns après les autres. Dans la volée afin de se mettre à l'abris...

- KAMINARI-KUN ! crie Midoriya, n'ayant pas le temps de se retourner.

L'elfe se retourne vers son ami sans prêter attention à la flèche démoniaque qu'il venait de recevoir en plein milieu de la poitrine. Alors que le feu incendiait leur cargaison ainsi que leurs provisions et ce qu'il restait des soins médicaux, Kaminari était aveuglé par les flammes et n'avait pas remarqué un démon archer, plus grand que les autres et couvert d'une cape noire, se démarquer des autres et tirer cette flèche noire droit sur lui.

- DENKI !!! hurle Kyoka en se débattant dans les bras de Midoriya, horrifiée.

Kaminari recule de quelques petits pas avant de laisser tomber son corps dans la neige, luttant pour reprendre son souffle. Kirishima, qui s'était effondré à cause de la douleur, se précipite difficilement vers son ami pour le protéger, quand l'archer démoniaque se dévoile enfin au milieu des flammes. Le reste des démons encerclait le groupe affaibli, ayant perdu leur meilleur archer et privé de leur unique dragon. Kyoka s'empresse d'éloigner l'elfe à l'agonie et protéger sa tête.

- Denki, reste avec moi !

- Désolé les gars...! souffre-t-il.

- Enflure...! bouillonne Kirishima, la peau écailleuse. Huh ??

Le vent léger balayait la neige et la braise de l'incendie en attirant les flammes, et la tête de l'archer démoniaque roulait jusqu'aux pieds de Kirishima, qui venait de se faire tirer en arrière par une Sada bien différente de la soldate que tout le monde connaissait jusqu'à présent, armée de sa lance endommagée de la main droite et de la lourde épée de Bakugou de la main gauche qu'elle portait aisément. Même le dragonnier n'avait rien vu de ce qu'il venait de se produire. La brune protégeait à son tour le dragon rouge, se tenant fièrement face aux troupes ennemies se renflouant derrière les flammes, défiant ses adversaires sans sourciller en serrant férocement le bâton de sa lance certes pitoyable mais toujours d'une grande utilité, bien que ce ne soit pas son arme fétiche.

Tous étaient spectateurs du véritable visage de Shirosaki Sada, la guerrière intrépide***.

***qui ne tremble pas devant le danger, courageuse ou déterminée

À suivre...