Sada n'est pas restée longtemps à se morfondre sur son sort et pleurer son village. Il lui a suffit d'une seule nuit pour faire le vide dans son esprit et laisser son passé de côté. Au petit matin, elle avait décidé de s'investir au sein du groupe et aider à remballer toutes leurs affaires pour la reprise de la marche. C'était le moins qu'elle puisse faire pour les remercier de prendre soin d'elle.

La marche était longue et parfois périlleuse selon les chemins que le groupe empruntait, comme le flanc étroit des falaises, la traversée des torrents où Kaminari tirait une flèche vers l'autre côté de la rive afin d'étendre une corde en guise de tyrolienne ; ou encore des chemins plus étroits que les démons n'avaient pas foulé. Un peu plus tard, ils s'arrêtaient à un croisement.

- À droite, ordonne Bakugou sans donner de raison.

- Moi je dirais à gauche, contredit Midoriya en réfléchissant.

- J'ai dis à droite du con !

- Tu es au moins sûr de toi ??

- TU INSINUES QUE J'AI PAS LE SENS DE L'ORIENTATION ?!!

- À gauche le chemin est plus clair !

- Ah oui très bien, comme ça on est à découvert, vraiment du génie !! Ca m'aurait pas dérangé de tout défoncer si on avait un vrai forgeron et un vrai doc' !

- Hé, et nous on compte pour quoi ?! s'offusquent Sero et Mina.

- On vous a pas causé !! hurle Bakugou.

Sada les regardait se disputer, dépitée aux côtés d'Uraraka et Kyoka qui conduisaient le chariot.

- C'est vraiment toujours comme ça...? 

- Toujours... soupire Kyoka.

- On compte sortir de la bois des Dryades ou juste trouver un autre endroit pour camper ?

- Les deux, répond Uraraka avec un sourire forcé.

Sada roule des yeux en remontant la caravane au petit trot et passe en tête.

- Kaminari, Kirishima.

Les garçons acquiescent et l'accompagnent, armes en main, pendant que Midoriya tentait de calmer les nerfs de Bakugou qui s'énervaient encore plus. Sada s'avance en premier lieu vers la direction choisie par Midoriya et scrute les alentours. C'était un genre de grande clairière calme et lumineuse, les petits animaux couraient dans les hautes herbes dansant au gré du vent frais. Kaminari se dirige vers la direction choisie par Bakugou, armant son arc d'une flèche, puis s'avance d'un pas léger que lui seul en avait la capacité, étant un descendant des elfes.

- Sois prudent Denki ! prévient Kyoka.

Ce dernier hoche la tête en tendant l'oreille du moindre bruit. Bakugou descend de son cheval pour l'accompagner, la prudence était maitresse de ces lieux silencieux.

- Kaminari doit être protégé ? demande Sada, curieuse.

- C'est le dernier des siens, répond Kirishima, sur ses gardes. Les elfes ont mené une guerre contre les démons mais... Aucun n'est revenu vivant, mais personne ne peut vraiment confirmer que les elfes ont tous été exterminés dans cette bataille ou pas. La grand mère de Kaminari l'a confié à des moines bouddhistes quand il était bébé et est décédée peu de temps plus tard. Kyoka pourra mieux te renseigner à son sujet, elle a grandi avec lui.

Sada lève alors les yeux vers Kaminari qui disparaissait dans la forêt, accompagné de près par Bakugou. Connaitre l'histoire de chacun de ses nouveaux amis l'intriguait. Elle n'avait encore jamais vu ce garçon prendre une telle expression sérieuse et n'aurait jamais imaginé qu'il aurait pu vivre une si triste histoire, lui qui affiche toujours un sourire bienveillant et ne rate pas une occasion d'amuser ses compagnons en faisant des bêtises. Les elfes sont une espèce devenue rare mais pas moins respectée de par leur savoir sur la nature de toute vie, animale comme végétale, et leur maitrise de la paix intérieure, ce qui leur promet une grande précision au tir à l'arc.

Après une grand inspection des lieux, rien à signaler. Sada et les garçons reviennent au croisement pour décider du verdict. Même si les deux directions étaient sûres, il fallait cependant rester stratégique. Les démons sont doués dans la ruse et l'illusion, les arbres peuvent avoir des yeux et des oreilles. Qu'importe leur convoitise, l'or, les femmes, la nourriture, les armes, ces créatures de l'Enfer tuent principalement pour le plaisir du sang.

- Suivons plutôt le chemin de Bakugou, décide Sada.

Le dragonnier se tourne alors hautainement vers Midoriya.

- Tu penses ? doute Midoriya.

- Plus on est caché, mieux c'est. N'allons pas risquer de nous faire tuer inutilement.

- C'est vrai, acquiesce Kirishima. On est pas assez stables pour défendre le groupe entier.

Kirishima semblait néanmoins hésiter à ajouter une autre raison, ce qui n'échappe pas aux yeux aiguisé de Bakugou et Sada. Le dragonnier connaissait trop son dragon pour rapidement se rendre compte qu'il cachait quelque chose et il allait bien lui faire cracher le morceau.

À la nuit tombée, Kirishima surveillait le feu avec Mina. Elle se blottissait contre son épaule en entrelaçant ses doigts aux siens et affichait un petit sourire.

- Tu ne sais pas mentir, tu le sais ? se moque-t-elle.

- Je cherchais pas à leur cacher. Je sais juste pas comment leur dire...

- Dis le tout simplement, pas besoin de parler dans une autre langue.

- Et si c'était pas le bon moment ? doute Kirishima en baissant la tête. On a même pas encore fondé notre propre "chez nous" et c'est la première fois que j'ai aussi peur...

Mina se redresse en caressant la joue de son dragon préféré. Ces deux là se sont connus au même moment où Midoriya et Bakugou leur ont proposé de partir à l'aventure avec eux. Au départ, à cause de sa race très proche de celle des démons, Mina était plus fermée à toute relation amicale et déjà tenté de poignarder Kirishima qu'elle sentait comme une menace, ayant senti son aura de dragon. Il en gardait d'ailleurs une faible cicatrice sur un de ses pectoraux. Au cours de leur périple, ils ont appris à s'accepter, même si Mina restait toujours en retrait comme un animal sauvage.

Plus le groupe s'agrandissait, plus les liens se renforçaient et Mina développait de l'attirance pour le dragon, comme inversement, il n'était pas insensible au charme de la Hungür. Il éprouvait de l'admiration pour ses compétences souples et robustes en combat rapproché, parfois ils s'amusaient à lutter comme des Sumo. Tous deux venaient d'espèces à forces égales.

- Moi aussi j'ai peur, sourit Mina en rapprochant la main du dragon de son ventre. J'ai peur d'être une mauvaise mère...

- C'est pas le cas ! dit-il en se tournant face à elle. Moi je sais que tu seras parfaite, j'ai seulement peur que s'il t'arrive un truc, à toi ou au bébé, je ne sois plus capable de me contrôler. C'est arrivé si vite, ça me fout la trouille...

- Eiji...

- Promets moi seulement de ne pas te surmener, s'il te plait... Je veux encore voyager avec toi, t'emmener à des endroits insolites, découvrir d'où tu viens, connaitre ton histoire, même à trois justement ça me fera plaisir.

Mina rougit en riant nerveusement et se frotte la nuque. Son coeur battait à tout rompre à chacun de ses mots qui ne pouvaient qu'être sincères venant de Kirishima.

- Eh bien d'accord !

- Alors c'était ça hein ? coupe Sada en sortant de sa cachette. Petits cachotiers.

Les amoureux sursautent en virant au rouge.

- J-J'allais vous l'annoncer à tous je le jure ! bégaye Kirishima. C'est juste que...!

- Oui on... On était pas prêt à l'annoncer ! explique Mina sans savoir quoi dire.

Sada les regarde s'agiter et rougit comme des adolescents avant d'éclate de rire et enlacer la Hungür.

- Je suis contente pour vous !

- M-Merci...

- Et alors, pourquoi c'est si dur à nous l'annoncer ?

- Bah... On avait peur que ce soit trop tôt... soupire Kirishima. Et puis c'est arrivé très vite... Mais on va le dire t'inquiète !

- Bof, un petit accident qui fait votre bonheur quand même, rit Sada. Tout le monde sera content c'est garanti. Ca fait combien de temps que vous le savez ?

- Tout juste un mois, répond Mina. Les femmes Hungür perdent le goût pendant la grossesse.

- Ah ! C'est chiant ça, tu arrives à manger ?

- C'est horrible ! pleure Mina. Je rêve déjà du rôti de Tsuyu qu'elle a fait la semaine dernière !

Sada se tourne vers Kirishima.

- Bon courage l'ami.

- Ouais...

Détendu dans sa tente, Bakugou avait tout entendu. Il se doutait d'un événement similaire, en voyant Kirishima avoir de temps en temps la tête ailleurs, parler discrètement avec Mina qu'il voyait de plus en plus épuisée et ne prendre aucun plaisir à manger. Il se fichait bien de connaitre l'existence d'un bébé au sein du groupe. Cela faisait seulement une bouche de plus à nourrir en attendant de trouver le bon emplacement pour fonder un village. Son coeur s'est fermé à la compassion et aux sentiments au fil des années.

Le but premier était de trouver un foyer loin des conflits, mais Bakugou avait d'autres motivations en tête dont même Midoriya n'en savait rien...

À suivre...