3 - Sada

Trois jours se sont écoulé aussi vite qu'un sablier. L'état de Sada s'est nettement amélioré grâce à la participation de chaque membre des nomades et leurs délicats attentions. La fièvre n'est pas encore tout à fait tombée, mais il n'était plus qu'une question de temps et de repos. Alors que le soleil indiquait l'heure du midi, elle se réveillait enfin après des jours de convalescence, bien qu'encore un peu faible. Pensant d'abord rêver, elle scrute lentement son environnement en rassemblant ses esprits, puis se redresse malgré la douleur encore vive au niveau de sa blessure à peine cicatrisée.

Sa tente était soignée et rangée, ainsi que ses affaires empilée à côté de la selle de son cheval. Sada remarque également tout un nécessaire à soins près d'une bassine d'eau fraîchement changée. Un linge propre et humide glisse de son front et tombe alors sur ses genoux.

- Alors ce n'était pas un rêve... pense-t-elle.

Les nomades n'étaient donc pas hostiles à son égard. Ils lui ont sauvé la vie, alors elle se sentait redevable envers eux. Mais comment payer sa dette ? Après avoir galopé pendant des jours, blessée et sans moyen d'orientation, que pouvait-elle donner en guise de remerciement, elle qui était étrangère à ces terres ?

Sada soupire et se lève délicatement en essayant de ne pas appuyer sur ses sutures, puis quitte l'abris, attirée par les bruits de civilisation. En soulevant la peau d'ours qui faisait office de porte, elle aperçoit premièrement les filles en train de tailler le bois, assistées par Kaminari qui gérait les stocks de nourriture.

Un peu plus loin, Midoriya revenait de la cueillette des dernières baies sucrées de la saison avant le grand froid, accompagné de Sero, qui lui, en avait profité pour récolter des ingrédients médicaux. Comme le groupe n'a pas de médecin attitré, il se chargeait de ce rôle bien qu'il ne soit pas un si grand expert, Sero avait néanmoins quelques bases. Pour la concoction de remèdes à base de racines et de champignons, il pouvait aussi compter sur le soutien d'Uraraka, qui était mage.

- Deku-kun ! salue cette dernière. La cueillette a été bonne ?

- Ouaip ! Ce sera suffisant ? demande Midoriya en montrant le contenu de son panier.

- Parfait. J'espère surtout que ça aidera à faire tomber la fièvre...

- Ah ! Justement, regardez qui vient de se lever, se réjouit Sero.

Sada restait immobile en ne sachant comment se comporter face à ces gens - ces humains - qui ont apporté leur aide. Ne sachant rien de leurs périples, de leurs histoires ni de l'intentions envers elle. Etaient-ils au courant de sa vraie nature ? Impossible. Rien en elle ne laissait paraitre un seul détail suspect. Leur devait-elle de l'argent pour l'avoir sauvé ? Elle l'ignorait encore. Par charité ? Pourquoi ils le feraient ? Qu'importent les intentions de ce groupe solitaire, il y avait bien une raison à tout cela.

- Bonjour ! salue Midoriya d'un sourire bienveillant, étant le premier à s'avancer vers elle. Tu vas mieux ?

- Heu...

Sada était confuse. Cela faisait si longtemps qu'elle n'a pas eu de conversation aussi respectueuse.

- Tu as faim ? demande Mina. Il reste du ragoût, c'est super bon !

Cette jeune fille à la peau de pêche ressemblait beaucoup à une démone de par son apparence, mais heureusement, elle venait d'une race avoisinant celle des démons, beaucoup moins hostile et accueillante, malgré tout maitresse dans l'art de la guerre et de la forge : les Hungür*.

*Nom prononcé en langage Viking, inventé pour l'histoire.

Jamais Sada n'eut l'occasion d'en rencontrer, c'était donc une première. Elle fixait cette créature humanoïde, aussi charmante que sympathique, lui sourire en l'invitant à s'installer près du feu chauffant la marmite à moitié vide du fameux ragoût des nomades. L'estomac de Sada gargouillait horriblement, ce qui la rendait mal à l'aise.

- Mange enfin ! rit Mina en lui servant une grosse portion. Tu n'as rien mangé depuis des jours, normal que tu aies faim ! Ragoût de lapin avec des patates, régale toi.

Midoriya et Uraraka prennent part autour du feu. Sada saisit sa cuillère et commence à manger, avant de reprendre une deuxième bouchée, puis une autre... Jusqu'à finir son écuelle**.

**comme une gamelle, soit faite de bois de Noyer ou en poterie

Mina sourit en la resservant.

- Je confirme c'est super bon ! mâchouille Sada, la bouche pleine.

- Ca me rassure que tu ailles mieux, sourit Midoriya, soulagé. J'avais peur que tes blessures ne soient trop importantes et que tu ne te réveilles jamais.

- En plus avec une fièvre de cheval... soupire Sero.

- Hum ? Depuis combien de temps je suis ici ?

- Pas loin d'une semaine je dirais, calcule Uraraka. Tu ne te souviens de rien ?

Sada s'arrête net de manger en cherchant dans sa mémoire, puis ses souvenirs revenaient lentement à son grand regret.

- Je... Vaguement. La dernière chose dont je me souviens, c'est d'être tombée de mon cheval. D'ailleurs il va bien ???

- Relax il va bien, rassure Sero. Il avait un genou gonflé mais il a vite guéri. Si tu le cherches, il est avec nos chevaux et je dirais même qu'il essaye d'impressionner les juments.

Sada soupire de soulagement. Midoriya semble hésiter à poser plus de questions, craignant de tirer sur une corde sensible. Néanmoins, en tant que meneur du groupe, il se devait d'interroger cette étrangère dont il ne savait rien. Se doutant de leurs questionnements, Sada baisse la tête.

- Alors vous savez que...

- Oui, affirme Uraraka. Kyoka t'a récupéré dans la rivière, tes vêtements étaient trempés et c'est quand on t'a nettoyé et changé avec les filles qu'on a compris...

- On a compris aussi, à en voir ton épée et tes équipements, que tu t'es engagée dans une armée, poursuit Midoriya.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demande Mina.

Sada soupire une nouvelle fois en cherchant ses mots, mais à quoi bon tenter de parler avec belles paroles ? Autant dire les choses telles qu'elles sont.

- Oui. J'étais un soldat. Comme les femmes ne sont pas autorisées à s'enrôler, je me suis changée en homme et j'ai tenu mon rôle durant toute la durée de mes entrainements militaires. J'ai mené une bataille contre les démons et pour un manque d'attention j'ai été blessée par leurs lames... Comme j'étais un des meilleurs éléments de mes troupes, ils m'ont ramené au camp où on se cachait pour nous replier. Pour vous la faire courte, le médecin de guerre a tenté de me soigner, mais... Ils ont retiré mes vêtements et ont tous vu la supercherie et ont décidé de m'exécuter pour le crime que j'avais commis, alors que mes blessures n'étaient pas soignées.

Les nomades écoutaient son histoire sans l'interrompre.

- Mon supérieur s'est senti trahi parce que j'étais une femme et a laissé décider de mon sort à ses soldats. Certains de mes collègues ont voulu abuser de moi avant de me tuer, d'autres voulait seulement me laisser pourrir lentement attachée à un piquet, sans nourriture ni protection contre le froid, et me laisser me vider de mon sang. C'est ce qu'ils ont dit.

Non loin, Bakugou le dragonnier écoutait de son ouïe fine l'histoire, dos à la soldate, occupé à couper le bois avec Kirishima. Cela n'allait pas forcément dire qu'il allait lui faire confiance au premier regard.

- C'est horrible... plaint Uraraka. Comment on peut être aussi inhumain ? Je veux dire... Tu te battais pour la même cause que tes camarades.

- Le genre d'une personne fait toute la différence... répond Sada avant de s'étirer. M'enfin, j'ai réussi à m'échapper par je ne sais quel miracle, j'ai sauté sur mon cheval, j'ai fui et galopé pendant des jours, la suite vous la connaissez.

- Et pardon, j'ai oublié de me présenter, balbutie Midoriya, timide. Je suis Midoriya Izuku, le meneur du groupe, et voici Uraraka Ochako, notre mage et pharmacienne à ses temps perdus.

Uraraka sourit en faisant un signe de la main.

- Je m'appelle Mina Ashido, chasseuse et experte en armes !

- Moi c'est Hanta Sero, se présente-t-il en montrent ses coudes étranges. Je ne suis pas un grand médecin ni un vétérinaire, mais j'ai des connaissances en remèdes qui peuvent être utiles.

- Et moi c'est Eijiro Kirishima, je suis un dragon ! crie-t-il en levant sa hache. Et lui c'est--

- TÊTE D'ORTIES JE VAIS PAS COUPER LE BOIS À TA PLACE !!! hurle Bakugou en coupant une bûche en deux.

Sada regardait ce dernier en train de crier sur le pauvre dragon d'un air confus, puis se tourne vers Midoriya.

- Il est toujours comme ça ?

- Heu...





Une fois les présentations faites, les filles emmènent Sada aux sources chaudes afin d'apprendre à la connaitre, loin des garçons curieux. L'étrangère n'était pas très à l'aise entourée de femmes dotées de formes généreuses alors qu'elle n'avait pas d'aussi importantes proportions. Sada était une femme avec un minimum de formes, mais se sentait masculinisée à cause de la morphologie de son corps pour elle pas assez développée. C'était là un de ses plus gros complexes.

- Alors comme ça tu viens de l'Est ? questionne Mina en lui tressant les cheveux.

- Oui...

- J'ai entendu dire que les terre de l'Est étaient riches en ressources, suppose Tsuyu. 

- Et les saisons sont généreuses... répond Sada.

- Dis Shirosaki, appelle Uraraka. Pourquoi est-ce que tu as quitté ton village natal ? Tu avais pourtant tout là bas pour bien vivre.

Voilà le sujet que Sada espérait tant éviter... Elle baisse la tête, ne sachant comment répondre. Uraraka sentait son malaise.

- T-Tu n'es pas obligée de répondre ! Pardon si c'était maladroit--

- Mon village... a été massacré. Lui... et tous ses habitants.

Le silence surplombe les sources à vapeur. Le regard de Sada avait changé, la haine en son coeur surgissait.

- Je suis la seule survivante... serre-t-elle les poings.

- Tu n'es pas obligée d'en parler Shiro-chan... murmure Mina.

- Non. Je n'ai rien à cacher...

Elle prenait une longue inspiration puis soufflait lentement en apaisant sa colère.

- C'est pour cette raison que j'ai décidé de partir à l'armée. Je voulais venger les gens qui m'ont vu naître.

Les images des flammes brûlant les maisons et les bergeries lui revenaient en mémoire.

- J'entends leurs cris... Chaque nuit...

L'imagination des pauvres vieillards, les enfants et les mères en train de se faire massacrer et trainer dans la boue défilaient dans ses yeux.

- Je sens encore l'odeur de leurs chairs calcinées et de leur sang...


<< Sada ! Quand je serai grand, je t'épouserai ! >>


Un petit garçon turbulent qui admirait tant Sada a perdu la vie dans cette boucherie macabre. Elle l'entendait encore, tout sourire, prononcer ces mots. Son petit corps était méconnaissable lorsqu'elle l'a embaumé pour l'incinération. Il est mort en protégeant son petit frère qui était encore un nouveau né, étouffé sous le corps de son aîné.

L'horreur de la vision sur les corps des parents de Sada la déchirait, lui faisant serrer le poing jusqu'à la faire saigner à cause de ses ongles.

- Je n'ai... pas pu m'excuser...

- Sada-chan, ta main ! stoppe Tsuyu en lui écartant les doigts.

Elle regarde son sang rougir sa peau, ne sentant aucunement la douleur physique, puis se ressaisit.

- Désolé. J'étais ailleurs... Enfin bon, vous avez compris le fond. Je suis fatiguée, alors... Bonne nuit.

- Shiro--

- Non ce n'est rien. Je n'ai pas mal.

Les filles restaient muettes en regardant Sada quitter le bain pour regagner sa tente. 

Bakugou trônait au centre du camp, près du feu qu'il veillait à ne pas laisser s'éteindre, reposant ses mains sur le pommeau de son épée imposante. C'était son tour de garde cette nuit, on est jamais trop prudent, même dans les bois enchantés. Du coin de l'oeil, il aperçoit la soldate marcher d'un pas fébrile vers sa tente. Vu son air torturé et troublé par ses souvenirs, il avait deviné que le bain ne l'avait pas lavé de ses tourments.

Elle n'avait pas remarqué sa présence, ni ressenti son regard posé sur elle, et est entrée dans sa tente sans se retourner. Bakugou détourne alors les yeux droit devant lui en restant stoïque***.

- ... Tch.

***impassible, fermé à toute émotion


À suivre...

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Une question : Est-ce que vous préférez un lexique au cours de la lecture comme dans ce chapitre, ou comme une liste à la fin du chapitre ?

J'ai oublié de vous dire, Toru n'est pas invisible dans cette histoire !

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