11 - Curieuse floraison
- Le cerisier centenaire est en fleur ?? s'étonne Midoriya aux cotés de Shoto.
- C'a n'était plus arrivé depuis le début de la guerre.
- Tu crois que la prêtresse est...
- C'est fort possible qu'elle ait pu survivre, tu sais ce qu'elle représente pour la nature.
Ce fut aux alentours de midi que Midoriya et le prince Todoroki conversaient au pied du grand cerisier sacré en pleine floraison en ce mois d'hiver. Cet arbre n'avait plus fleuri joliment depuis près de quatre années de guerre incessante entre les Hommes et les démons. La princesse serait-elle encore parmi les mortels après tant d'années ? Lorsqu'elle était mourante, son peuple l'avait escorté vers les lointaines terres saintes, où nulle créature maléfique ne pouvait y pénétrer. Malgré la compétence des sages de ces lieux, la blessure de la prêtresse était trop grande et ses jours étaient comptés. Ce n'était plus qu'une question de temps avant de recueillir son dernier soupir et s'attendre à des vagues de famine et de conflits incontrôlables. Le monde s'était préparé au Fléau qui menaçait, mais la floraison de l'arbre apporté réconfort au coeur et espoir. Si la princesse est encore en vie quelque part, les peuples alliés auront ainsi la force de repousser l'envahisseur.
- Todoroki... réfléchit le vert. Tu penses à la même chose que moi ?
Le prince hoche la tête sérieusement.
- J'ai envoyé une milice chez les Sages pour demander informations, répond-t-il. Ce n'est qu'une question de temps avant d'en savoir davantage. Pour le moment, restez à Inokuni quelques jours, le groupe n'est pas en état de reprendre la route.
- C'est vrai, et on est tous très fatigués...
- Ca fera plaisir à Yaoyorozu de vous accueillir aussi.
Midoriya sourit tendrement.
- Comment ça va, vous deux d'ailleurs ? Ton père approuve vos fiançailles ?
- C'était déjà un mariage arrangé entre nous, hausse-t-il des épaules. Et le courant passait bien, alors je ne me suis pas opposé. Yaoyorozu est douce et cultivée, elle fera une bonne reine...
Un ange passe alors que le vert ne lâchait plus son ami princier du regard. Ce dernier contemplait le cerisier fleuri, pensif au sujet de sa promise.
- ... Tu aimes Yaomomo ? demande Midoriya avec un sourire.
- Hum ?
- Quand tu parles d'elle, tes yeux sont beaucoup plus "vivants" qu'autrefois.
Shoto rougit doucement en tournant la tête, remontant son col pour cacher ses joues, tentant malgré lui de rester stoïque.
- Disons que... j'ai beaucoup d'estime pour elle. Depuis qu'elle vit au palais, c'est plus animé et joyeux. Elle n'est peut être pas une princesse mais elle s'intègre parfaitement et sait se rendre utile auprès des gens dans le besoin. Tout le monde l'aime...
- Tu ne réponds pas vraiment à ma question mais je vais prendre ça pour un oui...
- Je n'ai pas le droit d'exprimer mes sentiments Midoriya... soupire Shoto en soufflant de la vapeur à cause du froid.
Le prince bicolore baisse tristement les yeux en ramassant une petite fleur de cerisier fraîchement tombée de sa branche.
- Un prince, même roi, doit faire passer ses devoirs et ses responsabilités en priorité. J'ai très peu de temps à consacrer à l'amour...
- Ah oui... Mais ça va aller...? Je veux dire...
- Ne t'en fais pas, Yaoyorozu est aussi occupée que moi. Elle reste la capitaine de mon armée. C'est sa vocation, je ne veux pas l'obliger à suivre les protocoles barbants de la royauté. Je ne veux pas lui confisquer ses armes pour l'obliger à se comporter comme une femme docile et rester au palais sans plus jamais en sortir, j'ai été clair devant le Conseil. Je veux qu'elle suive son propre chemin, avec ou sans moi, et qu'elle soit libre de sa parole.
- Sa parole ?
- Une femme n'a le droit de dire qu'une seule phrase avant l'homme, pas deux et encore moins trois... Je ne veux pas de ça.
"Sois belle et tais toi", le dicton que le prince méprisait au plus haut point. Afin de permettre à sa fiancée le libre arbitre, il avait menacé les ministres de rompre leurs fiançailles et renoncer à son futur trône si ces derniers continuaient à obliger Yaomomo de changer son mode de vie. Quand prince Shoto prévient d'une menace, il n'est pas du genre à dire des paroles en l'air.
Midoriya sourit, heureux pour son ami qui avait peut être trouvé sa moitié.
Un peu plus tard, Sada avait laissé Bakugou manger seul après avoir fait servir le menu du jour. Elle ne connaissait pas les goûts de son ami, alors elle avait pris un peu de tous les plats.
- Oye, tu manges pas toi ? mâchouille Katsuki, la bouche pleine.
- Plus tard, j'aimerais visiter la ville d'abord.
Le dragonnier avait évidemment remarqué le faux sourire de la brune avant de la voir disparaitre dans le couloir. Il fronce les sourcils en avalant sa bouchée, tandis que Sada sort silencieusement du grand bâtiment réservé aux invités de la famille impériale, affichant une mine tout à coup triste. Chaque sourire qu'elle affichait depuis le départ était faux, en vérité. Depuis le massacre de son village, la brune n'avait plus le coeur à sourire sincèrement. Elle ne voulait en aucun cas inquiéter ses amis et tenait à garder ses tourments pour elle.
Malgré tous les efforts du monde, Sada n'arrivait pas à détourner le regard du passé. Une épine emplie de tristesse et de haine était plantée dans son coeur, si profondément que sa guérison pourrait prendre des années à agir. Être tranchée entre deux mondes la pesait lourdement. Elle rejetait la moitié de sa mère et préférait rester humaine ; vivre comme telle.
Seulement ce que l'on méprise le plus de nous même finit toujours par surgir tôt ou tard...
Sada arrête sa balade près du cimetière d'Inokuni, très petit et froid d'ambiance, bien que les tombeaux des défunts soient joliment décorés. Elle regardait une petite famille déposer des bouquets d'hortensia sur l'une des pierres gravées. Une mère et ses deux enfants qui venaient de perdre sans doute le mari et père de famille. Cette vision la ramenait toujours à penser à ses parents, lui souriant chaleureusement.
Elle s'installe sur un banc de pierre plus en hauteur en contemplant le panorama enneigé, écoutant l'ambiance de la ville en activité, murée dans le silence ; avant de laisser tomber son visage entre ses mains, les coudes appuyés sur chacun de ses genoux.
- Mais contre qui je me bats au juste... souffle-t-elle, la voix éteinte.
À cette pensée, elle songeait déjà à rentrer chez elle, à son village dévasté, afin de rester demeurer auprès de sa famille. La soldate était fatiguée et ne savait plus où se situer. Est-ce juste d'anéantir un peuple auquel tu appartiens à moitié ? Est-ce juste de tout laisser tomber en si bon chemin ? Et après ? Anéantir tous les démons changera-t-il quelque chose ? Ca ne fera pas revenir les siens et la vengeance perdait de sa saveur.
Rester avec les nomades, Sada s'en interdisait à cause de sa partie démoniaque. Elle culpabilisait d'être ainsi en connaissant le lien de ses amis avec ces abominations. Lorsqu'ils apprendront la vérité, croiront-ils encore en elle ? La considèreront-ils comme une humaine malgré tout ? Allaient-ils lui pardonner ? Elle en doutait.
Et son village lui manquait horriblement...
Le soir venu, un banquet estival était dressé sur la grande place et les nomades étaient les invités d'honneur. Le groupe d'amis voulait également célébrer le réveil de Kaminari qui a combattu la mort pour revenir parmi les vivants. Hélas, ce dernier ne pourra pas trinquer à sa propre santé, étant encore trop faible pour ne serait-ce que poser le pied au sol. Kyoka restait à ses côtés afin de veiller sur lui en cas de complications dans sa guérison miraculeuse.
La petite humaine changeait son bandage autour de son buste tandis que l'elfe la détaillait du regard avec un léger sourire paisible.
- Tu es fou... murmure-t-elle. Tu aurais pu--
- Je sais. Désolé.
Elle secoue la tête, exaspérée.
- Tu ne sais dire que ça.
- ... Mais je suis là non ? sourit Denki.
- Denki, tu as failli mourir !
L'émotion se lisait dans le regard de Kyoka qui ne pouvait plus affronter celui de son ami d'enfance. Elle revoyait l'instant où la flèche avait percuté sa poitrine et son corps tombant à la renverse juste devant elle. Elle revoyait son sang rougir la neige et ses yeux se fermer progressivement, totalement impuissante.
Kaminari attrape doucement sa main qui presse contre son coeur, ainsi lui faisant sentir ses battements réguliers et puissants.
- Moi, je suis fier d'avoir pu te protéger.
- ...
- Regarde moi Kyoka.
Elle obéit malgré ses iris larmoyantes. L'elfe essuie une perle salée qui coulait sur sa joue rosie.
- Je n'ai aucun regret, parce que je suis content d'être en vie pour...
Aussitôt, les joues du blond rougissent et son regard fuit.
- Pour... Hum...
- N-Ne parle plus ! se braque Kyoka, toute rouge. Tu dois être épuisé... J-Je vais te chercher à manger, ne bouge pas !
- Heu... Ouais...
Au même moment, Toru observait une scène des plus étranges dans l'étable impériale. Aussi discrète qu'une souris, perchée sur la poutre maitresse du toit, dans l'ombre, elle ne manquait aucun détail en regardant Sada seller son cheval et l'équiper de sacs de vivres, comme si elle partait pour un long voyage. Alors que les autres dansent, chantent, mangent et boivent dans la joie, la brune était visiblement la seule à penser à s'enfuir sans demander son reste, affichant une mine dépourvue d'émotions. Toru voyait la vraie expression de Shirosaki, fermée et triste. La ninja ne savait que faire, si elle devait aller lui demander des explications, ou alerter les nomades de son départ soudain.
- On rentre chez nous Acero, chuchote Sada en réglant la sangle de la selle.
L'animal tourne la tête vers elle et mâchouille une de ses poches. Sa cavalière caresse sa crinière en soupirant.
- Je sais... Ils vont me manquer à moi aussi.
- Et je peux savoir où tu comptes aller ? agresse Bakugou qui venait d'arriver.
- Bak--???
Sada recule de quelques pas alors que le dragonnier, gobelet dans une main, s'approche furieusement d'elle jusqu'à la laisser se plaquer au fond du boxe de l'étalon. Toru allait pourtant intervenir, mais en voyant le blond au caractère de cochon arriver, autant s'éclipser et se faire oublier. Néanmoins, elle allait se faire un malin plaisir à rapporter les dernières nouvelles aux filles.
- J'attends, dit-il d'un ton sec.
- Q-Quoi ??
- J'attends, où tu vas sans phares ?!
- En quoi ça te regarde ??
- Bah je sais pas, t'es bizarre depuis ce midi ! Et personne t'a trouvé de la journée, qu'est-ce que tu foutais hein ?! T'es amie avec l'ennemi ou quoi ?!!
- Pas du tout !
- T'es pourtant suspecte !!
Si proche d'elle, il ne se souciait pas du stress qu'il nourrissait en la soldate qui serrait les poings, coincée contre le mur de pierre. Comment savait-il qu'elle se trouverait à l'étable ? Ce gobelet signifie bien qu'il était au festival plus tôt, et Toru n'avait pas encore bougé de son perchoir qu'il était déjà arrivé.
- ... Tu me stalk Bakugou ? demande Sada en tentant de changer de sujet.
- Hein ?!! Dans tes rêves bouffonne !
- Arrête de crier tu soûles, c'est juste une question !
- Oh ta gueule j'y répondrai pas ok ?!!
- Alors je répondrai pas à la tienne non plus !
Les deux forts caractères se lançaient des éclairs dans les yeux en se grognant à la face, quand Acero vient frotter sa tête dans le dos du dragonnier en mâchouillant la poche arrière de son pantalon. Ce dernier se rattrape de justesse en plaquant sa main libre au dessus de la tête de Sada qui virait au rouge en se figeant.
- Hé, il veut quoi lui ?! grogne-t-il en poussant les naseaux du cheval.
- Heu... Je crois qu'il t'aime bien...
- Tch !
.
.
.
Un ange passe lourdement dans l'étable et le dragonnier n'a pas l'air décidé à laisser la soldate partir, et encore moins de s'écarter de son chemin. Sada ne savait plus où poser ses yeux et ses rougeurs s'amplifiaient.
- ... Bon tu me réponds ? reprend-t-il plus ""calmement"".
- Non.
Le rouge rubis de ses yeux s'assombrit.
- Donc j'en déduis que tu nous trahis, hein ?
- Non.
- La ferme, depuis le début j'ai bien senti un truc chelou chez toi, grogne-t-il.
- ... Ce n'est pas ce que tu crois Baku--
- Et je dois croire quoi hein ?!
- Bon tu veux vraiment savoir ?!! crie-t-elle d'un coup, faisant sursauter Bakugou. Mon village me manque, t'es content ?!! Maintenant CASSE TOI, tu me soûles à toujours vouloir tout savoir !! J'ai une vie et des problèmes moi aussi !! Je rentre chez moi, ça te va ?!!
Furieuse, elle poussait l'épaule blessée du dragonnier qui grimace légèrement de douleur, avant de la rattraper par le poignet et la ramener brusquement contre le mur alors qu'elle s'apprêtait à partir.
- Tu te calmes ou JE te calme ?!! hurle-t-il plus fort qu'elle. Pourquoi t'as hésité à me le dire d'entrée ?!! Tu caches des choses à tes "potes" ?!!! C'est pas toi qui as dis tout à l'heure qu'on était "amis" ?!! T'as une drôle de façon de le montrer !!
- Lâche moi, tu me fais mal !! se débat-elle.
- Qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi ?! Réponds bordel ! Pourquoi tu t'en vas comme ça ?!! On est pas dignes de confiance, c'est ça ?!
- Non...!
- C'est ça ?!!!
- Non !!
- SADA !!!
Il relève vivement sa tête en la forçant à le regarder droit dans les yeux, avant d'écarquiller les siens en remarquant le changement de couleur, mais Sada tourne la tête en l'empêchant de mieux interpréter ce qu'il venait de voir.
- Tu...
- Laisse moi ! hurle-t-elle en le poussant brutalement avant de s'enfuir.
En réalité, Bakugou n'avait qu'entraperçu ses yeux démoniaques dans le mouvement de son visage, alors il n'était pas certain de les avoir réellement vu. Les cheveux rebelles de Sada ont heureusement caché une bonne partie du haut de son visage. Il fixait le mur en essayant de se convaincre que la brune ne pouvait pas être l'une des leurs.
Pour lui, c'était impossible.
À suivre...
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