11. Regard mortel
La sorcière s'éveilla en douceur ce matin-là. Malgré de multiples courbatures, elle se sentait enfin reposée et se délectait d'avance de sa journée: ils mangeraient avant de chercher un endroit où se laver et de reprendre leur marche.
Le seul point négatif, c'est qu'elle ne pouvait toujours pas utiliser ses pouvoirs à cause des vibrations qu'ils émaneraient. C'était comme si elle venait directement au palais de sa tante en criant: "Je suis là! Attrapez moi!". Ce serait totalement insensée. Déjà qu'elle avait utilisé une incantation sur la boîte... Elle ne pouvait se résoudre à commettre une erreur de plus. Décidée à ne pas gâcher ce début de bonne journée, elle décida de se concentrer sur quelque chose de positif.
Le bras de Tomas était toujours autour de sa taille, ce qui la fit sourire. Son dos était callée contre le torse large du garçon. Elle était rassurée d'avoir un protecteur tel que lui à ses côtés. Elle se tourna doucement pour se retrouver face à lui. Il était déjà réveillé. Tala se mordit la lèvre avant de chuchoter:
- Bien dormi?
- Vu que le sol est très confortable, on va dire que oui, ironisa-t-il.
Elle rit doucement.
- On réveille les autres?
La sorcière secoua la tête et lui proposa d'aller chercher un petit plus à manger pour leur petit-déjeuner. Ils se levèrent donc, s'emparèrent de leur sac et quittèrent leur camp de fortune. Dans les alentours du village, la forêt était encore présente. Tala se demanda combien d'hectares étaient occupés par des arbres. Elle n'avait pas l'habitude de voir autant de végétations, mais cela lui fit du bien. Elle se rendit également compte que que l'air ici n'était pas chargé de pollution et respira à pleins poumons. Plus le temps passait et moins la ville lui manquait.
- J'aime bien ton tatouage, lâcha soudainement Tomas tout en le regardant.
- Merci.
- Tu l'as depuis la naissance?
La sorcière hocha la tête avant de se rendre compte qu'il n'en avait pas fini avec les questions.
- Et on te l'a tatoué, ou tu es née avec?
La jeune fille resta silencieuse quelques secondes. À vrai, elle n'en savait rien. Elle avait toujours voulu savoir, mais elle n'avait jamais pu trouver une quelconque forme de réponse dans ses livres.
Tomas dut saisir son trouble car il se tut aussitôt. Ils poursuivirent leur marche, chacun perdu dans ses pensées.
Quelques mètres plus loin, Tala se rendit compte qu'une musique tournait en boucle dans son esprit. Elle en fut surprise. C'était une des ces chansons en vogue qu'elle n'appréciait pas vraiment. Pourtant, elle se laissa entraîner par la mélodie plutôt douce et les paroles modernes. Elle se surprit également à fredonner.
Tomas lui lança un regard espiègle. "Il ressemble tellement à James avec cet air" pensa la sorcière.
- Tu chantes maintenant?
- Non je chantonne, nuance!
- Tu veux pas chanter pour moi?
Elle le fusilla du regard.
- Tu sais très bien que je chante faux, fit-elle.
Le garçon éclata de rire.
- Effectivement, comment oublier les cours de chants?
Ils passèrent ainsi une heure à discuter de tout et de rien, à se chamailler, à se taquiner tout en ramassant quelques baies. Comme deux ados qui partent camper un week-end. Tala passa tout son temps avec Tomas à rire et sourire. Elle se sentait plus que jamais jeune, vivante voire un peu superficielle. Et pas terrifiée ou trop mâture. "Ça a parfois du bon d'être futile" songea-t-elle.
- Au fait, tu as pris du muscle ou tu es toujours aussi maigre? lança l'adolescente, une lueur malicieuse brillant dans ses iris bleues.
Le protecteur fit semblant de paraître choqué puis vexé. Il déposa son sac à dos à ses pieds et attrapa fermement un des poignets de la sorcière. Il dit d'une voix assurée:
- Absolument mon "Altesse", je vais immédiatement vous prouver que ma condition physique est des plus remarquables.
Il se campa sur ses pieds et s'accroupit légèrement, le poignet de la sorcière toujours prisonnier de ses doigts. Les quelques baies qu'elle avait en sa possession degringolèrent de sa paume pour s'écraser à ses pieds. Il glissa son bras sous les fesses de Tala qui laissa échapper un petit cri de protestation. Quand tout à coup, il la remonta et la cala sur son épaule, tel un vulgaire sac de pommes de terre.
Un cri de surprise s'étouffa dans sa gorge et se mua en rire. Elle agita frénétiquement les jambes et frappa de toute la force de ses poings le dos du protecteur.
- Je t'ordonne de me reposer à terre misérable! cria-t-elle, prise au jeu du jeune homme.
- Pas avant que vous n'ayez vécu quelques sensations fortes Mademoiselle, répliqua-t-il.
Il se mit alors à courir. La sorcière hurla d'abord de peur avant de l'insulter de tous les noms possibles et imaginables. Il se mit à tournoyer sur lui-même, provoquant chez Tala de nouveaux cris. Puis elle se remit à rire, les larmes lui brouillant la vue.
- S'il, s'il te plaît Tomas, lâ-lâche moi! hoqueta-t-elle.
Elle n'arrivait plus à respirer et ses côtes étaient douloureuses. Il s'arrêta donc et la fit glisser contre lui. Ils se retrouvèrent face à face, les bras serrés contre leur corps chaud, si près qu'ils auraient pu entendre leur coeur battre à l'unisson s'ils ne s'étaient pas plongés dans les yeux l'un de l'autre.
Pendant une poignée de secondes, la jeune fille se demanda si elle ne devrait pas annuler la distance qui séparaient leur visage. Mais elle n'osait pas. Et s'il le prenait mal? Pire, s'il la rejetait? Elle entendit presque son père la réprimander: "Aucun chance que tu en saches quelque chose si tu ne demandes pas!".
Et alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la bouche, à commettre ce que ses soeurs de sang désigneraient comme un péché, il cessa de la fixer et lui rappela qu'il fallait rentrer au camp. Était-ce un effet de l'imagination de la sorcière ou son protecteur avait les joues en feu?
En tout cas, elle se sentait vexée et gênée à la fois. Elle pinça ses lèvres et baissa les yeux.
- Ouais, répondit-elle, la gorge sèche. Faudrait pas que le monstre s'attaque aux autres.
Ils rebroussèrent chemin et partirent en direction du camp, leur maigre collecte dans le creux de la main. Un silence pesant s'était installé entre eux. Et comme la veille au soir, le bois restait vide de tout bruit. Pourtant, la sorcière avait l'impression que les rapides battements de son coeur résonnait à travers la forêt. Elle déglutit avec difficulté. Son estomac se serra et ses jambes lui semblaient cotonneuses.
Elle se demandait quel était cet étrange symptôme. Elle n'avait jamais ressenti cela. Elle essaya de se calmer en inspirant et en expirant, mais rien n'y fit. Elle voulut en parler à Tomas, mais son instinct lui interdisait. Étrange... "June alors?".
Il demeura silencieux. Elle en déduit s'y donc qu'elle pouvait évoquer cet étrange phénomène à son amie. Peut-être aurait-elle une réponse à lui fournir?
Pour essayer de tuer le temps, elle se mit à regarder les alentours. Rien de bien palpitant si ce n'était des arbres, des arbres et encore des arbres avec quelques buissons autour. Jusqu'à ce qu'elle vit sur sa gauche un petit étang entouré de roseaux. Son visage se fendit d'un large sourire. Elle avait enfin trouvé un point d'eau.
Ils arrivèrent enfin au camp, sous les cris et les signes de leurs autres amis.
- Bon, on mange, puis on se lave, dit June en insistant sur le dernier mot.
La sorcière hocha la tête. Effectivement, le contact de l'eau sur sa peau ne lui ferait que du bien. Avec leurs récentes péripéties, ils n'avaient pas même eu le temps de se débarbouiller. Elle s'imaginait déjà avec délice plonger dans le petit étang.
Les quatre adolescents s'assirent à l'ombre des arbres qui bordaient le village abandonné pour grignoter un peu. James et June avaient rassemblé les affaires de chacun, le camp était donc levé au plus grand plaisir de l'héritière.
Ils discutaient peu, épiaient bien plus. Un monstre, une créature mystérieuse rôdait et ils avaient déjà eu de la chance de ne pas de faire attaquer dans la nuit. Pas la peine de lui servir de petit déjeuner.
Après leur repas, ils prirent leurs affaires.
- On est vraiment obligé d'aller s'occuper de ce truc? Après tout, Delphine est euh... morte. La bête ou je ne sais pas trop ce que c'est ne va plus lui causer d'ennuis! On peut s'en aller non?
- C'est vraiment tentant James mais elle faisait partie de mon peuple, j'ai donc pour mission de la venger. Tu n'as pas un peu peur par hasard?
- Ton peuple, ton peuple... Pour l'instant tu n'es pas vraiment la bienvenue ici, répliqua-t-il, vexé par la remarque de la sorcière.
June lâcha un rire qui se mua en cri strident.
- Un, un, un ser-serpent! béguailla-t-elle en pointant du doigt un bâtiment. Un i-immense ser-serpent!
Tala jura. Elle espérait juste que ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait.
- Surtout ne nous séparons pas, lança la sorcière.
Elle eut alors l'impression de répéter sans cesse la même chose. Combien de fois depuis l'apparition d'Arachné avait-elle demandé à ses amis de rester groupés ?
Par réflexe, elle agrippa la main de Tomas qui la serra fort. Les doigts fins et la paume calleuse du protecteur réchauffa un peu le coeur de la sorcière. Elle le sentit d'ailleurs cogner de plus en plus brutalement contre se cage thoracique. De nouveau, ses jambes menacèrent de le laisser tomber et son ventre fit un grand huit. Ses mains devenaient moites et elle dût se retenir pour ne pas les essuyer sur son short. Elle paniqua légèrement en imaginant la réaction de Tomas quand il sentirait la sueur perler de sa paume.
Tala essaya de se concentrer sur le fameux serpent. Tous ses sens étaient en alerte et elle scrutait avec attention le mur derrière lequel se cachait la créature. Mais l'étrange sensation ne se dissipait toujours pas. Elle se pinça les lèvres, énervée. Pourquoi était-elle dans cet état-là?
Et avant d'avoir un semblant de réponse, elle se raidit, horrifiée. Devant eux se dressait un serpent de petite taille. Ses écailles bleutées réfléchissait froidement la lumière du jour.
- Ne le regardez pas de les yeux, c'est un Basilic! ordonna la sorcière affolée. Courez vers la forêt!
Ils reculèrent lentement avant de se retourner et de partir à toute vitesse se réfugier dans les bois.
Certaines pièces du puzzle s'assemblaient dans l'esprit de Tala: le regard vague de Delphine; le silence des animaux, certainement apeurés par l'aura maléfique du Basilic. Les sorcières de l'Obscur avaient dû réveiller la créature quand elles avaient attaqué le village. Nombreux des monstres somnolaient depuis plusieurs siècles; un sort trop puissant vers leur refuge suffisait à les réveiller.
Derrière elle, le corps du reptile se mouvait avec facilité sur le sol obstrué de brindilles et de ronces. Ces dernières lui griffaient les mollets, réouvrant les plaies à peine cicatrisées que lui avaient infligée les roses. La sorcière devinait que l'odeur du sang excitait la créature, ce qui la fit courir encore plus vite.
Tala essaya de se rappeler tout ce qu'elle savait sur le Basilic: jamais bien grand, son regard est mortel et son venin corrosif. La légende populaire raconte qu'il serait né dans un oeuf de coq, couvé par un crapaud. Étant reptile, il a le sang froid. Ce qui signifie qu'il résiste à l'air et à l'eau. Son ennemi juré est la belette.
Les rouages de son cerveau tournaient à plein régime. Elle savait quoi faire. Elle avait un plan. Une idée complètement folle, mais c'était mieux que rien.
- June et James, courez jusqu'à un étang situé non loin de là. Tomas, retourne avec moi aux ruines!
- T'es complètement tarée! cria June. On va pas te laisser jouer les apéritifs avec Tomas! On vient avec vous!
- Faites moi confiance!
La sorcière vit son amie s'arrêter et lui jeter un regard perdu. Puis après un hochement de tête, elle répartit, mais cette fois vers le point d'eau, James sur les talons.
"À moi de jouer maintenant".
Elle redoubla de volonté pour forcer ses jambes à la porter jusqu'au bout. Ses talons souffraient le martyr et ses cuisses étaient au bord du claquage. Ses poumons et sa gorge la brûlaient. Mais elle ne pouvait pas encore faiblir. Elle sauta en l'air et fit demi-tour. Son protecteur la suivait de près et elle faillit le percuter.
Il s'arrêta mais trop tard: il la frappa à l'épaule. Tala serra les dents: la douleur se prolongea jusque dans ses doigts, lui provoquant des fourmis. Très désagréable. Elle fit fi de sa douleur et exposa rapidement son plan à son ami:
- On a quelques secondes d'avance alors écoute bien: on part chacun de notre côté pour se retrouver à la place d'accord? Le Basilic me suivra certainement, j'espère que je parviendrai à le neutraliser avant qu'on ne se retrouve.
- Et s'il me suit?
Sa voix était posée et calme, loin de la panique. Ce ton destabilisa la sorcière. Pouvait-on changer à ce point en l'espace de trois jours? Ou avait-il toujours était aussi courageux?
- Essaye juste de ne pas te faire dévorer, répondit-elle avant de s'élancer sur sa droite en courant.
La course d'avant l'avait épuisée, pourtant son instinct de survie prit le dessus. Elle bondissait au-dessus des racines apparentes, se baissait devant les branches, esquivait les obstacles. Quand un doute s'insinua en elle: et si le reptile maléfique avait cessé de les pourchasser, elle et Tomas, pour s'en prendre aux deux autres? Elle se mordit l'intérieur de la joue et ouvrit l'oreille, en quête d'un sifflement humide ou d'un corps progressant non loin d'elle. Mais elle n'entendait rien, si ce n'était sa propre respiration haletante ou ses baskets crissant sur quelques pierres. Elle pria silencieusement pour la protection de ses amis avant de se souvenir que Tomas pouvait avoir le Basilic à ses trousses.
Elle espéra qu'il se rappelerait de son avertissement et qu'il ne regarderez pas le serpent dans les yeux.
Tala se concentra. "Une chose à la fois". Il fallait qu'elle prépare la suite de son plan. Elle chercha en elle-même. Et un souvenir rejaillit des tréfonds de sa mémoire.
-Papa, papa, regarde!
Tala montrait d'un petit doigt potelé un tigre allongé sous un arbre en contre-bas. Elle se pencha au dessus de la barrière, ses cheveux obstruant sa vue.
- Papa, tu crois qu'on peut le caresser?
Son père la saisit par la taille et la prit dans ses bras.
- Il ne ferait qu'une bouchée de toi ma petite sorcière, dit-il en souriant.
- Je viens d'avoir huit ans, je ne suis pas petite! protesta alors la fillette.
Son père éclata de rire et lui embrassa le front. Il la reposa à terre quand soudain son téléphone se mit à sonner. Il décrocha en sommant Tala de rester tranquille et s'en alla à l'écart du bruit. La petite fille suivit des yeux la silhouette trapue de son père. Elle détourna le regard et se remit à contempler le fauve.
Elle avait toujours adoré les animaux, et elle s'était promis que plus tard, elle ferait tout son possible pour les protéger.
Tala admira le pelage soyeux du tigre, la taille des ses pattes, ses rayures noires. Elle le trouvait magnifique. Elle voulait absolument le caresser. L'animal leva lentement la tête et plongea ses iris dorées dans celles bleu ciel de l'enfant.
"Bonjour, dit le félin dans l'esprit de la sorcière. Belle journée non?"
Tala fronça les sourcils. Un tigre lui parlait? Elle sourit de toutes ses dents et acquiesça. Elle remonta sur la barrière et agita le bras en l'air.
"Comment t'appelles-tu petite?"
"Moi c'est Tala! Et toi, tu as un nom?" demanda la sorcière par la force de son esprit.
L'animal dodlina de la tête. Il reposa sa tête sur ses pattes et baissa les paupières. Sa queue chassait activement les mouches qui se posaient sur son flanc.
"Je suis Azcar."
La petite fille avait l'impression qu'il suffisait qu'elle se penche encore un peu pour toucher le fauve.
Elle lâcha un petit cri aigu quand elle bascula en avant et dégringola en bas de la pente douce, à quelques mètres de l'animal. Elle se redressa et épousseta sa robe jaune.
- Oh Seigneur! Une petite fille dans le parc du tigre! Allez chercher quelqu'un! hurla une femme.
- Eh Azcar, je suis là! appela la sorcière, nullement effrayée.
Au dessus d'elle, des inconnus lui demandaient de revenir et d'autres couraient chercher des gardiens. Pourtant, l'enfant avançait courageusement vers le gros félin, qui s'était assoupi.
- Tu arrives à dormir avec ce bruit? le questionna-t-elle. Tu as chaud? Tu veux de l'eau?
- TALA!
La sorcière se retourna pour voir d'où venait le hurlement. Elle vit alors un homme aux boucles noires et aux lunettes rondes sauter au-dessus de la barrière et descendre lentement vers elle. Il semblait affolé, complètement paniqué.
- Coucou papa!
- Ne bouge pas ma chérie, j'arrive!
"Ils pensent tous que je veux te dévorer ou te faire du mal, lança Azcar dans la tête de l'enfant. Retourne vers ton père petite sorcière."
Tala s'apprêta à protester mais le tigre grogna. Tout à coup, elle sentit ses pieds quitter le sol. Son père la portait et reculait doucement.
- Papa...
Tala secoua la tête et s'arrêta. Elle appuya son front contre un arbre et expira profondément. La suite de ce souvenir, elle la connaissait: son père l'avait sorti du parc et lui avait crié dessus. Les gardiens étaient soulagés qu'elle ne se soit pas fait déchiqueter par le tigre.
C'était la première fois qu'elle prenait conscience de son don. Parler aux animaux.
"Allez, maintenant fais le".
Elle posa ses deux mains contre ses tempes et y enfonça ses ongles. Il fallait qu'elle se dépêche.
Tomas.
Il était certainement en danger.
"Oh oh, y a quelqu'un par ici? Une belette?"
Aucune réponse. Frustrée, elle donna un coup de pied dans le vide. Elle réessaya une fois, deux fois. Puis elle perdit patience. "On verra après". Elle répartit vers les ruines. Elle espérait qu'il n'était pas trop tard.
Quand elle arriva enfin sur la place, elle se raidit devant le spectacle qu'il s'y produisait: Tomas caché derrière son bouclier donnait des coups d'épée à l'aveugle contre un Basilic déchaîné. Elle se précipita vers lui.
- Par là-bas!
Il regarda dans sa direction et lui emboîta le pas. Elle essaya de se repérer dans les ruines. Tala vit enfin une habitation à plusieurs étages.
- Tomas, défonce la porte! ordonna la sorcière.
Il prit de l'élan, calla son bouclier devant lui et fonça vers la porte. Il sauta dessus, l'épaule gauche en avant. Le bois craqua puis céda. La sorcière s'engagea dans l'entrée. Elle chercha un escalier des yeux et finit par en voir un. Elle fit signe à son protecteur et ils courirent vers les marches. Ils les montèrent quatre à quatre, essayant tant bien que mal de ne pas trébucher. Le souffle rauque, ils parvinrent au premier palier. Ils continuèrent néanmoins leur course effrénée. Ils ne vérifiaient pas si le serpent les suivait encore. Ils couraient, tels des animaux traqués, leur instinct de survie prenant le dessus.
- Merde, Tala!
La sorcière s'arrêta. L'incendie avait détruit une partie de l'escalier. Là où devait être six marches, il n'y avait qu'un trou béant. Un frisson de peur parcourut l'adolescente.
- Va falloir sauter si on veut passer, remarqua Tomas.
Il redescendit quelques marches, jaugea l'élan qui lui faudrait prendre, courut et... sauta. Le coeur de Tala rata un battement. Elle poussa un soupir de soulagement quand les pieds du protecteur se posèrent sur le sol. Le bois grinça, mais tint bon.
- À toi!
Elle imita les gestes de l'adolescent. Au moment de sauter, elle fut envahit par l'inquiétude. Et si elle tombait? Le temps parut ralentir: la jambe droite devant elle, les bras en l'air, elle envoya tout son poids en avant. Elle vit Tomas, les jambes légèrement écartées, lui tendre les bras pour la réceptionner. Son pied se posa sur un bout de marche qui cassa nette. Et avant qu'elle n'ai pu lâcher un cri, deux bras la saisirent par la taille et la tira vers un torse.
- Mer... merci, balbutia-t-elle.
D'un signe de la main, il lui fit comprendre que ce n'était rien. Il glissa sa main dans la sienne, de l'autre saisit son armement et ils repartirent. Arrivés au palier du second étage, la sorcière arrêta son protecteur.
- L'incendie a du dévaster le reste. Nous serons plus en sécurité ici... Enfin j'espère.
Tala s'avança vers une porte entre-baillée et la poussa doucement. Elle jetta un coup d'oeil à l'intérieur de la pièce: un lit une place était appuyé contre un mur au papier peint crème. Quelques étagères en bois clair croulaient sous de multiples livres, peluches ou jouets. Des dessins enfantins étaient accrochés de part et d'autre de la chambre et des crayons de couleurs étaient étalés sur un tapis rose pâle. L'endroit sentait la cannelle.
La sorcière avala sa salive avec difficulté: une chambre d'enfant. Intact qui plus est. Autour de l'adolescente l'air vibrait d'une énergie apaisante et protectrice. De la magie blanche. Elle se demanda comment la chambre pouvait être intact alors qu'un incendie avait eu lieu. Peut-être était-ce un sort puissant qui protégeait l'endroit? Si elle tenait compte des vibrations magiques, ça se tenait. Elle poussa Tomas à l'intérieur et ferma la porte dernière elle une fois qu'elle fut rentrée. Elle s'assit sur le lit au côté de son ami.
- Le Basilic n'est pas loin, marmonna-t-il, visiblement inquiet.
La sorcière leva les yeux vers lui et le détailla pour la première fois. Il était loin d'avoir cet insolent charme de dragueur que pouvait avoir son frère. James avait toujours aux lèvres un sourire qui avait le pouvoir de faire fondre les filles. Il possédait également des traits bien plus fins. Quant à Tomas, sa mâchoire était plus prononcée, ses sourcils plus épais. Mais il avait un regard. Ce regard qui faisait frissonner Tala, qui adoucissait son visage plus brute, comme taillé à même le bois.
La sorcière se mordit l'intérieur de la joue. Tomas l'attirait irrévocablement. "Physiquement, se dit-elle. Seulement physiquement. Il est juste mignon. Rien de plus. C'est un ami."
Et alors que ses mains devenaient moites et que sa gorge se serrait elle entendit un bruit sourd résonner contre le mur. Elle se redressa d'un coup et fit face à la porte. Comment le serpent avait-il pu monter les marches? "Un problème à la fois Tala. D'abord il faut savoir comment l'éliminer. Et puis avec un peu de chance, ce n'est pas lui qui nous attend..."
À peine eut-elle le temps de terminer sa phrase que la porte vola en éclats. Les deux adolescents protégèrent leur visage des morceaux de bois en passant leurs bras autour de leur tête. Un long sifflement se fit entendre.
- Attention!
Tala plongea vers le sol et roula sur elle-même. Alors qu'elle se redressait, elle sentit une étrange odeur de brûlé.
- Que...
Elle lâcha un hurlement en voyant ses cheveux brûler sous le venin du Basilic! Le reptile avait dut cracher le liquide corrosif au moment où elle avait bougé.
- Tomas! Vite!
Le protecteur tourna la tête dans sa direction et devint blanc en voyant la chevelure de sa protégée rétrécir à vue d'oeil. Il fonça vers elle et saisit une poignée de mèches couleur jais qu'il coupa de la lame de son épée. Tala eut le souffle coupé durant les quelques secondes pendant lesquelles se déroulait l'opération. Comme si de rien n'était, Tomas laissa Tala et fondit vers la créature au regard mortel en levant son arme. Il s'apprêta à décapiter le serpent en fixant un point précis sous sa tête quand ce dernier se retourna brusquement et envoya sa queue percuter l'estomac du garçon. Le protecteur fut projetté à l'autre bout de la pièce et il s'affala sous une fenêtre.
La sorcière se trouvait donc à la merci du Basilic.
Pourtant, la rage qui bouillonnait en elle, qui l'aveuglait était certainement plus à craindre que le regard mortel du reptile. Elle ne laissa aucune place à la raison, à la sécurité. Elle leva les mains en l'air, bascula sa tête en arrière et invoquant toute la puissance dévastatrice du feu. Ses paumes s'échauffèrent, son corps vibrait d'énergie. Elle abaissa les bras vers la créature qui se reçut alors un jet de flamme en pleine face. L'odeur nauséabonde de chaire brûlée envahit ses narines, mais elle ne avait rien à faire. Elle voulait tuer ce monstre.
Le feu redoubla d'intensité, arrachant au Basilic des sifflements stridents. Il s'ecroula enfin, vaincu par l'héritière. Elle ne s'aperçut pas immédiatement de la mort du serpent et continua de carboniser le corps.
- Tala.
Une main se posa sur son épaule.
- C'est fini.
Ces mots résonnèrent étrangement dans la tête de l'adolescente. Elle les entendait, mais ne les comprenait pas. Ce n'est que lorsque deux bras s'enroulèrent autour de sa taille et la déplacèrent loin de sa victime qu'elle cessa enfin le feu. Elle fixa le cadavre sans vraiment comprendre. Elle avait tué. Ôté la vie. Décidé s'il méritait de vivre ou non. Elle passa ses mains sur son visage et le frotta.
- Ça va aller, ne t'inquiète pas, chuchota-t-il au creux de son oreille, la maintenant contre lui. Ça va aller.
- Tomas, croassa-t-elle.
Elle se dégagea de son étreinte et le regarda droit dans les yeux.
- Tomas, j'ai utilisé ma magie. Elles ont dut sentir ma présence.
Elle ajouta, au bord de l'évanouissement:
- La traque débute.
D'accord, d'accord, je m'excuse pour cette longue absence!! Pour la peine j'ai fait un chapitre de plus de 4000 mots!
En fait cette petite note sert juste à vous dire que je pense réécrire le début...
Je le trouve ca-tas-tro-phique!
Après à savoir quand je le ferai...
Voilà, merci d'avoir lu!
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