Chapitre 9


Stiles ne savait pas vraiment ce qu'il était censé penser de tout ça. De la tasse de chocolat chaud dans ses mains, qu'il s'efforçait d'ingurgiter sans grimacer, par exemple. Pas qu'il soit mauvais, au contraire : sa gorge continuait juste de lui faire mal, tout autant que son ventre. Disons que si l'intégralité de son corps le faisait se sentir inconfortable, il avait à cœur de le montrer le moins possible. Cette habitude, aussi mauvaise que la plupart de celles qu'il entretenait en avançant dans la vie, ne voulait pas partir. A vrai dire, Stiles n'avait pas envie de changer à ce niveau-là... Et c'était encore plus vrai lorsqu'il se retrouvait envahi par la honte comme c'était le cas actuellement.

Cela ne faisait pas très longtemps qu'il était réveillé : une petite demi-heure, pas plus. C'était néanmoins suffisant pour que sa lucidité légendaire reprenne le dessus malgré sa lenteur d'esprit. Alors voilà, il avait reconnu le loft et Derek n'avait pas tardé à lui apporter cette tasse de chocolat chaud – la deuxième qu'il lui faisait boire, d'après ses dires.

Si rien de tout cela n'avait de sens, Stiles savait qu'il n'était toutefois pas en train de rêver. Il restait épuisé, à bout de forces et son corps était un boulet à l'heure actuelle, mais... Il avait conscience des choses – en quelque sorte. Alors, impossible pour lui d'ignorer ce qu'il ressentait quant au fait d'être... Découvert. C'était comme si Derek l'avait mis à nu, juste... En découvrant sa situation. En mettant au jour tout ce qui n'allait pas, tout ce qui le faisait se sentir misérable.

Parce que s'il se trouvait au loft, cela voulait dire que Derek était passé chez lui. Parce qu'il avait dû tomber sur lui, qui dormait. Parce que Stiles, se connaissant, avait dû baragouiner quelques petites choses, trop parler, comme d'habitude.

Il fallait vraiment qu'il commence à corriger ce défaut qui ne faisait rien d'autre que l'attirer dans des bourbiers sans noms. Alors, pour limiter la casse, il réprimait ce qu'il n'aurait pas cherché à cacher, seul chez lui. Derek n'était jamais loin. A vrai dire, Stiles le voyait aller et venir, entre la cuisine, le salon et le couloir menant vers d'autres pièces du loft dont il ne chercha même pas à se rappeler desquelles il s'agissait. En fait, il ne désirait rien de plus que terminer sa tasse et s'en aller. Il n'était cependant pas complètement dupe : malgré l'épuisement qui le chevillait au corps, il se doutait bien que Derek ne l'avait pas amené au loft sans raison. Nul doute qu'il avait dû trouver son état déplorable, quoique... Stiles trouvait la mesure qu'il avait prise quelque peu exagérée. Qu'il puisse ressentir une forme d'inquiétude à son égard – ce que Stiles trouvait personnellement incroyable –, jusque-là, il pouvait comprendre. Mais de là à le transporter ici ? Stiles se savait mal en point, mais il n'était pas non plus à l'article de la mort et ne souffrait de rien qui pourrait nécessiter une surveillance de sa personne. Ce qu'il lui fallait, c'était... Manger un bout, et dormir.

Il n'avait rien de mieux à faire, de toute façon. L'envie de tenter de réaliser quelque chose de constructif n'était même plus là. Il n'avait pas le moral adéquat. Dans ces circonstances, vivre lui semblait déjà être une activité à temps plein. L'humain ne se faisait toutefois pas de souci : une fois son père rentré de ses vacances, la vie reprendrait son cours et Stiles, les kilos qu'il avait sans doute déjà perdus.

Bien que le chocolat chaud qu'il buvait à petites gorgée soit très bon, Stiles ne voyait pas pourquoi il était censé l'ingurgiter. Néanmoins, il ne réfléchit pas longtemps et en vint rapidement à la conclusion qu'il s'agissait juste d'une attention quelconque de la part de Derek. En temps normal, il aurait jugé cela adorable de sa part. Et en soi, même s'il se savait capable de le penser du fond du cœur, celui-ci n'y était pas.

La honte emportait tout sur son passage. L'angoisse, aussi.

Parce qu'il ne cessait de penser au fait que Derek était venu et avait dû le trouver si misérable qu'il n'avait pas pu se résoudre à le laisser ainsi... Alors qu'il ne l'appréciait pas outre mesure. Pour Stiles, il s'agissait d'une pitié terrible. Et ça, c'était quelque chose qu'il détestait susciter au plus haut point. A son avis, ça n'atteignait même pas cette inquiétude qu'il pourrait hypothétiquement accepter, aussi incroyable puisse-t-elle être. Ce qu'il redoutait, à côté de cela ? La suite. Les remarques qu'il pourrait lui sortir dans le futur. Pour Stiles, sa faiblesse était pour Derek un nouveau motif, de quoi avoir matière à se moquer sans aucun souci. Pas besoin de chercher, il avait un bon exemple sous le nez : un hyperactif quelque peu amaigri, affamé et épuisé parce qu'il était trop fier pour demander de l'aide en tant que telle.

- Tu te sens de manger quelque chose ?

La question, à laquelle il ne s'attendait pas, le sortit instantanément de ses pensées, si bien que Stiles lança un regard à la fois perplexe et perdu à Derek... Qu'il n'avait ni vu ni entendu arriver. Même après les années, ce côté-là de lui ne changeait pas. Enfin un bon point, un semblant de repère.

- Je... Pense, oui, articula-t-il difficilement.

Stiles ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas se sustenter : il suffisait juste qu'il fasse attention, qu'il ne dépasse pas la capacité actuelle de son ventre et... Normalement, tout irait bien. De toute façon, ce n'était pas chez lui qu'il aurait de quoi s'étouffer ou dépasser les bornes : il avait quelques pâtes qui l'attendaient... Celles que Derek l'avait empêché de manger, préférant ne rien lui dire pour lui préparer un repas digne de ce nom. Enfin pour Stiles, il s'agissait de quelque chose d'exceptionnel, aussi rare que pouvait l'être une pluie d'étoiles filantes. Il ne s'agissait pas de quelque chose qui arriverait de nouveau de sitôt.

Ainsi, lorsque Derek lui tendit sa main, Stiles imagina une chose on ne peut plus logique alors qu'il s'en saisissait sans réellement hésiter. Lui vint à l'esprit l'idée qu'il allait tout simplement le ramener chez lui. Après tout, il allait bien, non ? Il était réveillé, avait été capable de boire deux chocolats chauds – le second à moitié –, donc... Ça allait. Et si Derek fut obligé de l'aider à marcher tant il se sentait faible, ce n'était... Pas si incohérent que cela – juste foutrement honteux, car Stiles détestait le fait d'avoir besoin d'aide et de dépendre de quelqu'un pour avancer. Alors, il ne dit rien et se laissa guider... Jusqu'à ce qu'il se rende compte que Derek ne le dirigeait absolument pas vers la porte du loft. Stiles fronça légèrement les sourcils. La cuisine... ? Pourquoi la cuisine ?

- Elle est pas là la sortie, se sentit-il obligé de lui rappeler.

Parler restait particulièrement difficile : sa gorge restait sèche et continuait de le brûler quelque peu. De fait, Stiles prononçait le moins de mots possible – de toute manière, il n'était pas difficile pour lui de se faire comprendre. De comprendre tout court par contre, oui. De comprendre pourquoi Derek le tenait-il de cette manière, un bras passé autour de lui. Son truc, c'était de laisser les gens se débrouiller, de les faire galérer. Pas de façon réellement méchante, bien évidemment : Derek, c'était plus le genre d'homme à vouloir montrer ce que pouvait être la vie sans aucune aide. Il avait à se forger... Comme son existence l'avait forgée, lui.

- Ne t'inquiète pas, Stiles, je sais encore me repérer chez moi.

La voix de Derek, si elle paraissait froide, n'était pas totalement dépourvue de chaleur non plus. Il n'était... Pas vraiment méchant, pas vraiment gentil non plus – il énonçait juste un fait sous le couvert de ce sarcasme que Stiles aimait tant... Et dont il était un fervent adepte. Disons qu'il en aurait déjà usé depuis un moment déjà s'il ne se sentait pas aussi mal et s'il comprenait un tant soit peu ce qu'il se passait.

Et Derek l'installa à table, sans autre forme de procès. Stiles lui lança un regard, médusé. S'il ne comprit toujours pas l'attitude de son hôte, il laissa celui-ci déposer une assiette devant lui... Des aliments légers, équilibrés. Elle était bien moins remplie que la précédente, de sorte à ce qu'il n'en prenne pas trop et qu'il ne régurgite pas le tout parce qu'il avait trop faim.

Mais Stiles n'alla jamais jusqu'à penser que Derek avait fait exprès, de sorte à l'aider à se requinquer en douceur. Néanmoins, il accepta la nourriture sans un mot.

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