Chapitre 2
Si, trois jours plus tôt, la situation avait commencé à devenir critique, il était des plus accepté de dire qu'elle l'était, désormais. Stiles avait bien pensé à se rationner, tant et si bien qu'il continuait d'avoir faim même après avoir mangé : à chaque fois que son ventre le tiraillait après un repas, il était obligé de s'abstenir d'ingurgiter quoi que ce soit d'autre, histoire d'avoir encore quelque chose à manger le lendemain. Et même avec ça, il n'avait plus rien.
Parce qu'il avait surestimé ses ressources. Les yaourts étaient périmés, tout comme le fromage. Il n'avait quasiment rien pour déjeuner et les pâtes... Il ne lui en restait plus beaucoup. Ainsi, il rassembla ses maigres économies et partit faire un tour au supermarché du coin, dans l'optique de se prendre un petit quelque chose pour tenir jusqu'au lendemain. Puisque Noah rentrait, le problème serait réglé. Sauf qu'actuellement, Stiles était toujours seul, alors il devait se débrouiller.
Le jeune homme arpenta les rayons et compara méticuleusement chaque prix. Son but ? Prendre le plus de choses possibles avec ce qu'il avait, autrement dit... Presque rien. La boule au ventre, Stiles dut se résoudre à prendre une boîte de biscuits au chocolat qui, il l'espérait, suffirait à lui caler un minimum l'estomac. Pour ce midi, il lui restait le fond du paquet de pâte unique qui trônait dans son placard. Les biscuits attendraient leur tour le soir, quand il ne lui resterait définitivement plus rien. Essayant malgré tout de relativiser, l'hyperactif se rendit à la caisse et déposa son précieux sur le tapis roulant. Par avance, il sortit son portefeuille quasi vide de sa poche tandis que la cliente devant lui, une vieille dame à l'air adorable, discutait avec l'hôtesse de caisse. Ainsi, en attendant, il flâna, laissa son regard divaguer... Et tomba sur deux orbes bleu-vert, deux caisses plus loin. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Stiles avait toujours cru que Derek, le grand et ténébreux Derek Hale, faisait livrer ses courses par Uber Eat ou Deliveroo. Pourquoi ? Parce qu'il n'aimait pas le monde, les gens. Il aimait bien son loft, le silence et la solitude pour s'infliger la présence humaine grouillante dans les magasins. Alors c'était stupide, mais Stiles n'aurait jamais cru l'apercevoir dans un supermarché. Ne sachant pas réellement comment interpréter le regard du loup au loin, Stiles esquissa un sourire timide. Parce que, eh bien... Arborer un grand sourire au milieu d'un magasin rempli d'inconnus passait moyen, à ses yeux. Tout ce qu'il voulait, c'était que Derek sache qu'il l'avait vu et se devait de considérer son petit rictus comme un salut.
- Monsieur ? L'interpela la caissière.
Stiles sortit alors brutalement de ses réflexions et tendit son maigre achat à la jeune femme qui l'encaissa plutôt rapidement. Elle lui donna le prix et Stiles lui tendit ce qui composait encore, quelques secondes avant, ses économies. Peu désireux que Derek l'aperçoive ainsi alors qu'il attendait dans sa propre file, Stiles s'empressa de payer, de prendre sa boîte et de s'en aller. Il s'installa au poste de conduite dans sa voiture sans prendre la peine de mettre sa ceinture de sécurité et démarra. Il avait faim, réellement faim, et autant dire qu'il lui tardait de manger un de ces biscuits. Un seul le ferait tenir jusqu'au repas de midi. Et c'est ce qu'il fit une fois rentré chez lui : il dévora le sablé avec un plaisir son dissimulé et prit son mal en patience. La sensation de satiété viendrait plus tard et... Partiellement. Malgré sa taille fine, Stiles était un estomac sur pattes et ne pas avoir sa dose... Forcément, son ventre se serrait toute la journée, mais il fallait bien ça pour tenir jusqu'au retour de son père, qui aurait lieu demain. Et déjà, ça lui paraissait loin. Son téléphone vibra et Stiles songea qu'il s'agissait peut-être de Noah qui, par chance, rentrait ce soir, mais... Il déchanta. Il déchanta et se laissa carrément tomber à genoux sur le sol. Car le shérif n'aurait pas pu lui annoncer pire nouvelle.
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Comment Stiles allait-il s'en sortir avec si peu à manger pour une semaine d'absence supplémentaire ? Il ne le pouvait tout simplement pas. Noah lui avait annoncé, tout heureux, qu'il avait réussi à poser plus de congés et qu'il prolongeait, par conséquent, son séjour chez Chris pour y poursuivre son idylle. Cool. Super.
- Et en attendant, je fais comment ? Maugréa l'hyperactif.
Impossible de demander à son père de lui apporter quoi que ce soit : il se trouvait chez Chris, oui, dans la résidence secondaire des Argent. A plusieurs heures de routes. Ses amis ? Chacun était trop occupé pour répondre et certains étaient déjà partis en vacances loin de Beacon Hills. Il avait déjà essayé de contacter Scott mais... Cela faisait déjà bien longtemps qu'il avait arrêté de penser qu'il pouvait compter sur lui en cas de problème. C'était un ami qui, progressivement, se déplaçait dans la case « pote ». A force de déceptions, Stiles faisait le tri, histoire de ne donner une véritable importance qu'à ceux qui le méritaient.
Stiles avait bien une idée de qui contacter, mais il aimerait éviter au maximum de le faire parce que c'était... Merde, l'hyperactif savait parfaitement qu'il était légitime pour lui de demander de l'aide et pourtant... Il avait toujours fait de son mieux pour éviter de le faire. Il se disait que c'était honteux alors qu'à côté de cela, il poussait toujours les autres à parler et les supportait autant que possible. Pourquoi lui ne le pourrait pas ? C'était différent. Il était le genre de personnes à qui ce credo s'appliquait sans souci : « fais ce que je dis, pas ce que je fais ». Si l'on ajoutait à cela qu'il était le seul être humain de la meute, le seul véritable humain... Forcément, il faisait toujours tout pour se montrer sous son meilleur jour et étaler le moins possible ses faiblesses sous le nez des autres. Il se disait qu'ainsi, on le respecterait d'autant plus.
Oui mais là, la situation devenait doucement critique. Il avait vite fait de quoi manger pour ce midi même si ce n'était pas extrêmement équilibré et s'il continuait de se rationner, peut-être lui resterait-il quelques gâteaux pour le soir. Mais après ? Après, il n'aurait plus rien.
L'hyperactif serra son téléphone entre ses doigts avant d'envoyer un smiley souriant à son père, suivi par un pouce en l'air, lui signifiant ainsi qu'il avait bien lu son message et qu'il était content pour lui.
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Six heures du matin et le ventre de Stiles criait déjà famine. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'était la faim qui l'avait réveillé, alors même qu'il s'était couché tôt pour essayer d'éviter de penser au fait qu'il n'avait littéralement plus rien à manger. Parce que la veille au soir... Il l'avait terminé, son paquet de gâteaux. Il l'avait terminé parce qu'il ne mangeait pas assez depuis plusieurs jours et qu'il avait été incapable de se retenir. Il avait véritablement faim. Trop faim.
Et parce qu'il n'avait pas d'autre solution que de s'humilier tout seul, il ne put plus attendre et envoya un message à Derek Hale, le seul qui gardait son téléphone près de lui depuis qu'il en avait un, c'est-à-dire depuis quelques mois. Stiles aurait aimé ne pas avoir à le contacter pour cette raison, mais il était véritablement dans une situation compliquée et une semaine de plus... Ce n'était pas possible, parce qu'il n'avait même plus de restes. L'hyperactif pesta. Ce n'était pas la première fois que Noah partait sans vérifier l'état du frigo mais cette fois, c'était pire que tout. Cette fois, il l'avait laissé avec... Presque rien. S'il avait tenu quatre jours, c'était uniquement parce qu'il s'était rationné tout du long, pour faire durer ses maigres réserves au maximum ! Mais là, tout était vide, il n'avait réellement plus rien.
Evidemment, Stiles savait qu'il avait des chances de ne pas obtenir de réponses. Derek avait un téléphone, il le regardait régulièrement, mais il restait aussi silencieux que dans la vie réelle : rares étaient les fois où le loup daignait répondre à qui que ce soit. Oui, mais là, l'hyperactif lui avait lancé un appel à l'aide camouflé. Parce qu'il avait honte et qu'il essayait malgré tout de ne pas paraître pathétique.
« Hey, Sourwolf... Tu pourrais me rendre un service ? C'est urgent. »
Ça sonnait... Moins pitoyable que ce qu'il comptait envoyer au départ et qu'il avait effacé tout de suite : « Salut. Mon père m'a laissé sans rien à bouffer... Tu peux m'aider, s'il te plaît ? ». Derek n'aurait pas compris et ce message aurait maximisé ses chances de ne jamais recevoir de réponse parce que... Sans doute le loup aurait-il pensé qu'il lui faisait une blague. Mais Stiles était affamé et se retrouvait incapable de se rendormir. Alors, il fit de son mieux pour s'occuper et oublier cette sensation qui lui serrait le ventre au point de lui faire mal. Passer chez l'ancien alpha ? Il aurait pu, mais pas à cette heure-ci et de toute manière... Derek avait l'habitude de l'envoyer bouler tant il avait l'habitude de s'incruster au loft dans le passé. Si d'ordinaire, Stiles en rigolait, cette fois-ci était différente. Il avait faim, commençait à se sentir faible et puait la honte. S'il pouvait éviter de se montrer dans cet état, ça l'arrangerait... D'autant plus que cette manière de faire ne plairait certainement pas au loup qui, au final, refuserait de l'aider. Alors, il maximisait ses chances.
Néanmoins, il dut attendre trois heures. Trois longues heures durant lesquelles il ne put faire autre chose que fermer les yeux, recroquevillé sur son canapé.
Et enfin, son téléphone vibra, le faisant grandement sursauter. Ses yeux se posèrent sur l'écran et il eut presque envie de sourire.
« Qu'est-ce qui se passe ? »
Simple, concis, du Derek Hale tout craché. Stiles faillit sourire face à cette première victoire, mais il se rappela que rien n'était gagné. Sans attendre et alors que son ventre gargouillait encore, il répondit ceci :
« Il faut absolument que tu me dépannes. J'ai besoin d'un ou deux paquets. De pâtes ou du riz, peu importe. »
C'était bien trop peu par rapport à ce dont il avait réellement besoin, mais il tenait à ne pas recevoir de refus, auquel cas... Il se retrouverait réellement dans une situation critique. S'il pouvait au moins gagner du temps et manger quelque chose... Peut-être qu'à ce moment-là, il pourrait se permettre de demander plus.
Nouvelle vibration.
« Stiles, le supermarché est ouvert depuis une heure. »
L'hyperactif grimaça. Allait-il devoir être obligé de faire un aveu encore plus honteux que ne l'était déjà sa demande ? Oui. La réponse de Derek n'était pas un non en soi, néanmoins... Il était normal qu'il ne comprenne pas pourquoi il lui demandait à lui au lieu d'aller acheter ce dont il avait besoin.
« J'ai plus d'argent. »
Dire ça lui coûtait. Réellement. Stiles détestait avoir à demander des choses, se plaindre ainsi mais pour une fois... Il n'avait pas le choix.
« Et t'as pas trouvé plus judicieux de prendre ça plutôt qu'un paquet de biscuits ? »
Encore une fois, la réflexion était logique, mais Derek n'avait pas tous les éléments. Stiles fronça néanmoins les sourcils et se sentit gêné que le loup ait pu entrevoir ce qu'il avait acheté la veille.
« C'était tout ce que je pouvais me payer. »
Parce qu'évidemment, c'était ce qu'il avait trouvé de moins cher. Si sa phrase lui paraissait on ne peut plus pitoyable, il ne savait comment la tourner autrement : elle représentait la vérité, la réalité de sa situation.
« Et ton père ? »
Stiles soupira, à la fois agacé et désespéré. Vraisemblablement, il n'avait toujours pas droit à un « ok », mais pas à non plus à un « non » clair. En temps normal, il aimait bien être honnête, mais il fallait avouer que cette fois-ci... C'était gênant. Gênant et surtout, honteux.
« Parti en vacances. Et avant que tu ne me le demandes, il est parti loin de Beacon Hills. »
Stiles gardait encore quelques détails pour lui, désirant ne pas s'étaler sur le côté un peu pathétique de sa situation. S'il pouvait limiter la casse, il le ferait. Néanmoins, l'espoir en lui ne mourrait pas : si Derek continuait de lui répondre... C'était bon signe, non ? Néanmoins, seul le néant lui répondit par la suite. Derek ne donna plus signe de vie, à tel point que Stiles commença à s'affoler gentiment et lui renvoya un message une dizaine de minutes plus tard, en espérant que le loup n'avait pas mis son téléphone en silencieux. S'il n'était pas dans une situation aussi précaire, Stiles ne se serait jamais abaissé à l'embêter de la sorte. Parce que Derek s'était forcément senti dérangé, embêté par sa demande. Mais face au silence radio du loup, Stiles soupira à nouveau et déposa son cellulaire sur la table basse. Comment allait-il faire si Derek ne l'aidait pas ? Aucune idée, et il eut franchement envie de mettre ce problème de côté, comme il le faisait toujours. Sauf qu'il n'était plus en position de pouvoir l'ignorer ainsi, alors même qu'à nouveau, son ventre se serrait douloureusement. Ne sachant que faire, Stiles ferma les yeux. S'il était conscient que se rendormir était peine perdue, il savait qu'il pouvait somnoler.
Un peu plus tard, un bruit de sonnerie le fit violemment sursauter. Stiles rouvrit les yeux et se redressa, avant de jeter un regard sur son téléphone dont l'écran restait éteint, avant de se rendre compte que ladite sonnerie provenait de l'entrée de sa maison.
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