Chapitre 3
« Est-ce que tu as déjà vu le film Cowboy Confessions ? » Harry le regarde depuis le trottoir sur lequel il est assis devant le supermarché, où Louis vient de le trouver alors qu'il était en chemin pour la sandwicherie, mangeant une longue baguette de pain et essayant de parler avec la bouche pleine.
« Je ne crois pas, » dit Louis, devinant qu'ils ont désormais dépassé le stade des salutations formelles. « Pourquoi ? »
« Tu ressembles à l'acteur principal. » Harry le pointe du doigt. « J'essayais de trouver à qui tu ressemblais, et voilà. »
Louis s'assoit à côté de lui sur le trottoir. « Il parle de quoi, ce film ? »
« Oh, euh, c'est un porno, » annonce Harry nonchalamment en avalant une autre bouchée de pain.
« Je ressemble à un acteur porno ? »
Harry acquiesce, plein d'enthousiasme. « C'est bizarre, vraiment. »
« Il est connu ? Combien de pornos il a fait ? »
« Je sais pas, j'ai juste vu celui-là. »
« Oh, » Louis fait une moue en ramenant ses genoux vers lui. « Je ressemble même pas à acteur porno connu, » marmonne-t-il doucement.
« C'est pas grave ! » Harry lui tapote le genou. « Tu te sentirais mieux si je te disais que, si tu voulais, tu pourrais mettre un pantalon de cowboy avec les fesses découpées, et ça t'irait bien ? »
« Je sais déjà que ça m'irait bien, » soupire Louis. « Il avait une grosse bite au moins ? »
Harry réfléchit un instant, puis arrache une assez grande partie de sa baguette et la place horizontalement devant Louis.
Louis la jauge un instant. « Ouais, ça me parait plutôt pas mal. »
Harry rit. « J'adore les bonnes blagues de pénis. » Louis tape dans sa main qu'il avait levée et sourit aussi, puis attrape la portion découpée de ses mains et en arrache une partie. « Donc, euh, quand est-ce que tu dois retourner travailler ? »
Louis avale difficilement sa bouchée. « Pas avant un moment. »
« J'ai acheté quelques joints au mec qui nous vend les laitues, » dit-il comme s'il posait une question et Louis compte sur ses doigts combien d'heures il lui restait à distribuer bêtement des gilets de sauvetage aux petits qui apprenaient à nager. Quatre et demi. Il lance à Harry un sourire plein de miettes.
« Ouais, c'est un peu de la merde, » dit Louis à travers sa gorge en flamme, et il passe le joint à moitié fini à Harry par-dessus la boîte de vitesse de sa voiture (un tas de ferraille certifié conforme garé dans un coin du parking, et dont le pare-brise en face d'eux est recouvert de fientes d'oiseau).
« Putain de Bob, » murmure Harry, le prenant des doigts de Louis. « Sa salade est aussi toujours trop sèche. »
« Putain de Bob, » approuve Louis, et Harry jette le reste par la fenêtre avant de se pencher pour allumer la radio. Il remarque que le col de son t-shirt descend juste assez pour apercevoir quelques traits noirs des tatouages près de son épaule gauche et de ceux éparpillés sur le dessous de son bras. Louis tourne la tête vers la fenêtre et essaye de cacher son sourire. Harry s'arrête sur une station presque nette et se rassoit au fond du siège pendant que Louis explore les environs du siège passager.
Il commence à farfouiller dans la boîte à gant, parce qu'Harry ne semble pas du genre à se prendre la tête à imposer des limites aux presque-inconnus, et il trouve un portefeuille au milieu de serviettes en papier et de CD.
Louis laisse échapper un rire en l'ouvrant. « Ils ne pouvaient même pas dézoomer pour que tous tes cheveux rentrent dans la photo ? » Le taquine-t-il et Harry se rapproche pour voir son permis de conduire que Louis montrait du doigt.
« C'était il y a genre deux ans, je crois que j'ai dompté un peu la bête depuis. » Il secoue ses cheveux en riant pour la cinquième fois depuis qu'ils sont assis dans la voiture, compte Louis. Il réprime un autre sourire et baisse les yeux.
« Aww, tu es un bébé, » dit Louis toujours en rigolant, et n'a pu lire que l'année de naissance d'Harry avant que celui-ci n'arrache le portefeuille de ses mains.
« Je ne suis pas un bébé., » rit-il, et il le range dans sa poche arrière. « Et toi, tu ne peux pas être plus vieux que dix-neuf ans ? »
« J'ai cinquate-quatre ans, en fait. » Louis fouine dans le siège arrière un peu plus. Harry a l'air sympa, mais il se méfie quand même de tous ces sacs douteux et d'une boîte suspecte tachetée d'un liquide rouge entassés à l'arrière de sa voiture. Il veut juste s'assurer qu'il ne va pas se retrouver coincé avec un tueur qui hache ses victimes. « T'es un tueur qui hache ses victimes ? »
« Nan, » dit fermement Harry, mais il a l'air de retenir un sourire pour paraître plus sérieux.
« Ok, c'est juste qu'à l'école on nous a toujours dit de bien vérifier que les gens avec qui on sympathise n'auront pas genre un documentaire tourné sur eux dans vingt ans après qu'ils aient été emprisonnés pour meurtres en série et tout. »
Harry hoche la tête. « Ma mère m'a dit une fois que quelqu'un dans ma famille avait été un célèbre serial killer dans les années soixante, ou un truc dans le genre, donc ça m'a peut-être pas encore touché. » Il hausse les épaules.
« Eh bien, je veux juste que tu me préviennes si un jour l'envie te prend, ok ? »
« Je m'en assurerai. » Louis continue de fouiller derrière son siège. Il lève d'autres sacs et est soulagé de constater qu'ils sont tachés d'autres couleurs que rouge sang, et il aperçoit quelque chose de rose pailleté dépassant de sous de le siège.
« Hey ? »
Harry est apparemment plongé dans l'étude d'une marque de fiente d'oiseau sur le pare-brise devant lui, les yeux pensivement écarquillés en mâchant son chewing-gum trop lentement. Louis est déjà fasciné par sa personne : il mange du pain rassis pour le déjeuner, regarde des pornos cowboy et mâche ses chewing-gums comme une vache ruminerait de l'herbe.
« Hmm ? » Il sourit de nouveau à Louis.
« Il s'agit bien d'une baguette de fée ? »
« Hein ? » Harry regarde vers le siège arrière là où pointe Louis. « Oh, ouais. » Il sourit naïvement mais n'offre pas d'explication plus poussée, donc Louis passe à une question plus urgente.
« Je peux toucher tes cheveux ? »
« Vas-y, » dit Harry sans sourciller, et penche la tête pour permettre à Louis d'y accéder, et ce dernier se dit que ça ne doit pas être la première fois qu'on le lui demande.
« C'est doux, » remarque Louis, caressant le dessus, là où ses cheveux plongent le long de son front avant de finir en une boucle souple au-dessus de son oreille.
« Merci, le secret c'est de ne les laver qu'une fois par mois, je me suis rendu compte. » Harry ne bouge toujours pas sa tête donc Louis prend cela comme une invitation à y ébouriffer ses doigts plus profondément, et trouve une grosse miette de pain coincée dans une mèche. Il la jette et continue son exploration.
« Ouais, ils sont gras, » dit-il, ses doigts se prenant dans un nœud. « Parfois je me lave pas les cheveux pendant deux semaines, mais c'est plus par accident. »
Harry sourit et lève son énorme main pour tapoter un peu brutalement la tête de Louis, le faisant reculer un peu quand son menton descend de quelques centimètres, mais il ne peut vraiment pas dire que ça le dérange. « Tu as un bon volume, » dit gentiment Harry.
« Merci. » Louis sourit, ses doigts caressant toujours les cheveux d'Harry alors que celui-ci peigne la frange de Louis pour qu'elle recouvre complètement ses yeux. « J'ai l'impression que c'est bizarre. » dit-il, et il lisse à l'aveuglette une mèche qui dépasse à l'arrière de la tête d'Harry.
Ce dernier rigole. « Je passe la plupart de mes pauses déjeuner comme ça, en fait. »
Louis tire sur une autre boucle expérimentalement, et Harry lui adresse un grand sourire un peu bête.
°°°
Le reste du mois de juin finit par passer un peu flou pour Louis, à prétendre tomber sur Harry en dehors du supermarché lorsqu'il a découvert que leurs pauses le midi correspondent quelques jours par semaine. Un flou dominé par des yeux verts brillants qui s'attardent un peu trop, de longs doigts qui s'étendent pour saisir des mains de Louis quelques atrocités fournies par Niall qu'ils partagent le midi, et une voix grave qui pouffe comme un enfant à chaque chose qu'il dit.
Harry lui a dit qu'il est peintre, Louis pense que ça explique les bouts de peinture séchée qu'il aperçoit quelques fois coincés dans ses cheveux, et qu'il a déménagé ici pour aller à la fac, qu'il a rapidement quittée après deux semestres quand il s'est rendu compte qu'il payait pour plus de cours que ceux auxquels il assistait vraiment. Il a appris qu'Harry aime écouter la radio de la fac, même si on n'entend la plupart du temps qu'un bourdonnement sonore (et Louis se demande si c'est peut-être juste le son de ce que la musique indie est devenue), et qu'il mange tout ce qu'on lui propose en général avec une préférence pour les fruits trop mûrs. Harry parle à Louis de sa sœur et de sa mère, et de Niall, qui va toujours à la fac où ils s'étaient rencontrés, qui étudie la musique et qui est un coloc génial du fait qu'il passe la plupart de ses nuits à dormir sur les canapés des musiciens qu'il rencontre aux concerts où il joue, et la plupart de ses journées dans les lits des filles qu'il rencontre à ces mêmes concerts.
Harry raconte les histoires d'une façon que Louis déteste, lentement et tortueusement, il n'a jamais eu une telle capacité d'attention, et c'est généralement un peu futile, mais Louis trouve Harry captivant quand il le fait. Il n'arrive jamais à trouver quelque chose à dire sur lui-même qui semble aussi intéressant que ce dont Harry parle, donc Louis écoute surtout, fait des blagues et met son doigt dans sa fossette aussi souvent que possible.
Le problème est qu'une pause d'une heure deux fois par semaine n'est pas assez satisfaisant pour Louis. Il a dû recourir à aller au supermarché dès que l'occasion se présente, ou quand il peut la faire se présenter, du moins. Son habituelle virée mensuelle pour faire les courses s'est déclinée en plusieurs sorties par semaine, idéalement programmées une fois qu'il sait qui sera derrière la caisse numéro deux. Ce n'est que quand il s'est surprit à se porter volontaire pour aller en vitesse acheter des conserves de soupe de poulet lorsqu'un soir il a entendu Liam éternuer à côté de lui devant un épisode de Doctor Who, qu'il a dû se rendre à l'évidence qu'il avait peut-être un problème, mais il choisit de l'ignorer pour le moment.
Il décide qu'il a besoin de bain de bouche à 20h46 un vendredi soir. Il aperçoit Harry derrière son comptoir à travers la vitre alors qu'il s'approche du supermarché, mais il passe les portes coulissantes la tête baissée, pianotant au hasard les touches de son téléphone et il essaye d'empêcher ses oreilles de tourner au rouge vif quand il sent une tête se lever lorsqu'il entre, les articles d'une cliente jetés distraitement dans un sac plastique et ses yeux traquant Louis.
Après avoir attrapé la bouteille de bain de bouche la moins chère que le magasin a à offrir, juste pour se ménager, il se dit qu'il devait se faire une gâterie tant qu'il est là. Ses placards à l'appartement sont devenus dernièrement plus remplis qu'ils ne l'ont jamais été, mais il pense qu'un peu de glace ne ferait de mal à personne, il se dirige donc vers une allée un peu plus loin.
Il voit une silhouette s'approcher, après quelques minutes le regard dans le vide en face de la vitre ouverte du congélateur, et son nez doit être engourdi d'avoir été dans le froid si longtemps.
« Prends celle à la fraise. » Il entend une voix dire depuis l'autre côté de la vitre.
« Mmm, je me disais plutôt menthe-chocolat. »
« Ah, elle a ses qualités, certes. Mais elle ne dépasse pas une bonne glace à la fraise. Enfin seulement si ce n'est pas genre Rocky Road. »
« Putain de Rocky Road, » affirme Louis avec dégoût et il saisit le pot de glace à la fraise pour le poser dans son panier. Il lève enfin les yeux vers Harry dont le nez est écrasé contre le verre de l'autre côté de la vitre, la langue sortie et il est censé avoir l'air peu attrayant, en théorie. Louis dessine avec son doigt un cœur un peu raté autour de la tête d'Harry dans la buée.
« Tu es juste sorti pour un dessert tardif et- » Harry jette un coup d'œil dans le panier en tournant dans une autre allée. « Du nécessaire pour hygiène buccale ? »
« Ouais, je me suis dit que j'allais prendre des choses essentielles tant qu'il n'y avait pas encore trop de foule ici, tu vois. » Harry sourit puis le suit dans le secteur des produits laitiers, flânant derrière Louis dans son tablier orange, les mains derrière le dos. Ils dépassent les fromages et Louis fait semblant de les observer attentivement avant de secouer la tête et continuer.
« Donc, » commence Harry après quelques pas de plus. « On est plusieurs à aller au terrain de foot demain matin pour un match et peut-être quelques bières après. Niall sera là et deux autres gars qui bossent dans la réserve... »
« Dave le mec roux ? » Se renseigne Louis en tournant la tête vers lui alors qu'il attrapait un pack de lait.
« Oh non bien sûr, » se moque Harry. « Il y a sûrement un champ d'oignons pourris dans lequel il doit s'asseoir, ou un truc dans le genre. »
Louis sourit et tourne dans l'allée des magazines, Harry toujours sur ses talons. « Donc, tu me dis ça juste comme ça ou tu veux voir l'habileté de Beckham à l'œuvre ? »
« Oh, tu penses qu'il voudrait aussi se joindre à nous ? Tu as son numéro du coup ? »
« Seulement celui de Vic, mais je pense qu'elle fera passer le message, » lance Louis nonchalamment par-dessus son épaule.
« Harry ! Qu'est-ce que tu fous, il y a une queue devant ta caisse ! » Un homme au crâne dégarni vêtu d'une chemise orange apparait au bout de l'allée, le regard sévère. Harry jette un coup d'œil en sa direction puis se tourne vers Louis. « Neuf heures et demi demain donc ? Amène ton coloc aussi. S'il est doué, du moins, » dit-il en souriant.
« Je -euh, ouais, ok ! »
« Cool. » Harry lui lance un large sourire puis attrape Bulge Magazine sur le présentoir et le jette dans le panier avant de s'éloigner en marchant à reculons, un doigt pointé vers Louis. « Je m'attends à être époustouflé. J'espère que je ne serai pas déçu. » Avec un clin d'œil, il tourne les talons pour sautiller le long de l'allée, rejoignant l'homme qui se tient debout les mains sur les hanches, puis il tapote légèrement son crâne brillant et disparait derrière une pyramide de conserves de tomates.
Quand Louis arrive à l'appartement, il passe une heure à déterrer sa tenue de football des profondeurs de son armoire et deux autres heures à dribbler devant la télé, essayant de convaincre Zayn, qui est occupé à tourner négligemment les pages du magazine porno fraîchement acquis, de venir avec lui. Il finit par accepter et Louis le remercie avec un bisou mouillé sur la joue, évitant de mentionner à Zayn que sa connaissance très vague du football augmentera ses propres chances d'impressionner leurs coéquipiers.
@@LesTradLarry - #Tradlarry
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