Chapitre 8
(Angelia)
Bruyant. C'est l'adjectif que j'utiliserai pour décrire un lycée. Toutes ces personnes sont incompréhensibles. Je les observe et me demande comment ils peuvent supporter cette routine. Ces filles qui parlent de garçons et qui racontent leurs contes de fées. Ces garçons qui regardent les filles et qui ne rêvent que de les déshabiller. Ces amis qui se tapent sur l'épaule. Cette personne qui sourit à une autre. Ce jeune homme qui marche dans le couloir en cherchant ses clefs de casier. Ces meilleures amies qui rigolent à en pleurer. Ces amoureux qui s'enlacent.
Tous.
Tous sans exception sont étranges. Pour eux c'est surement moi l'anormale. Mais je ne les comprend pas. Pourquoi tant se toucher? Tant se parler? Est-ce un réflexe? Parce que moi, mes réflexes sont tout autres. Je suis perdue parmi toutes ces personnes pour qui sourire fait parti de leur quotidien.
J'ai loupé la première heure à cause de la CPE. Elle a appris pourquoi j'étais ici et a voulu en savoir plus. Mais je n'ai pas parlé. A quoi ça sert? Tout est écrit sur mon dossier. Et ils savent que je communique pas. Du moins quasiment jamais. En vérité Zachary est la personne à qui j'ai le plus parlé en plusieurs années. Même à papa je n'ai jamais sortie autant de mots à la suite. Ce n'étais que des "excuse-moi" ou des "je t'en supplie, non".Il n'aimait pas ça. Il me disait tout le temps de la fermer.
Pourquoi lui ai-je dis merci? Je l'ignore. Simplement le fait qu'il me protège du toucher de la professeur m'a... Réchauffé le cœur. Ça faisait longtemps que je n'avais plus ressenti ça. Même Mme Talier ne m'avait pas autant protégé. Elle m'avait obligé à me faire soigner par les médecins. J'ai détesté ça, je me sentais si mal. Sentir toutes ces mains sur moi. Sur mes cicatrices, mes blessures, je ne l'avais pas supporté.
Mais pas lui, non, Zachary, lui, a tout de suite compris qu'il ne fallait pas me toucher. Et je l'en remercie. Après, si il me parle... Et bien je ne peux l'en empêcher, mais je ne garantis pas de l'écouter à chaque fois.
La matinée est terminée et je me dirige vers le self. Je n'ai pas très faim, comme toujours d'ailleurs. Mon papa m'a habitué à manger très peu. Il me disait toujours que comme ça, s'il voulait me vendre un jour, j'aurai un corps parfait. Je ne saurai dire si il l'est, j'ai toujours été comme ça, toujours en "sous-alimentation", comme m'ont expliqué les médecins. Mais je ne savais jamais si c'était un compliment ou pas de sa part, il utilisait rarement le mot « parfait » pour me décrire . Pour lui je ne suis qu'un montre, un démon... Une meurtrière. J'ai tué ma mère à ma naissance, m'a-t-il dit. Et je n'ai jamais su si je devais le croire ou non. A vrai dire je n'ai jamais vraiment pensé à ma mère, la seule chose que je sais d'elle, c'est que j'ai ses yeux.
A chaque fois que papa me frappait et que je savais que le prochain coup pourrai m'être fatal, je le regardais dans les yeux. Cela l'a toujours arrêté net. Il me fixait, une étrange lueur dans le regard, puis le nom de ma mère s'échappait de ses lèvres, se sont les seuls moments où je le voyais faiblir. Ensuite il remontait la tête, séchait ses larmes puis s'en allait dignement en me fusillant du regard. J'aurai pu le regarder plus souvent dans les yeux avant qu'il ne me frappe. Mais c'était tellement compliqué pour moi, je n'y arrivais pas. Rares sont les moments où nous nous sommes confrontés dans le blanc des yeux.
Je marche, perdue dans mes pensées, après avoir pris un petit repas sur mon plateau. Je regarde la salle entière et sais immédiatement que jamais je ne pourrai manger ici. Il y a trop de monde, c'est trop bruyant et puis aucune table n'est libre alors que je veux être seule. Je sors par la porte de derrière, toujours munie de mon plateau, et me dirige vers le terrain de verdure. Je m'installe par terre et commence à manger lentement tout en écoutant ma musique. Je me sens apaisée à ce moment, ça fait vraiment du bien d'être au calme, seule. Mais je sens que le reste de la journée va être long. Très long.
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