Chapitre 17

(Angelia)

Je suis rentrée depuis une heure. Je sais que Rachel peux s'occuper de moi cette après-midi mais je n'en ai aucune envie après ce midi. Des centaines de pensées, de souvenirs tournent en boucle dans mon esprit. Je vais devoir m'occuper si je veux tenir.

-Angelia! Descend s'il te plaît! Il y a une surprise pour toi! M'appelle Rachel.

Je m'habitue de plus en plus à sa présence et à sa gentillesse. Elle m'a bien fait comprendre qu'elle m'aiderait désormais. Peu importe ce qu'il m'arriverait, elle me protégerait, se sont ses propres mots.
Mais ma paranoïa me rattrape et je ne peux toujours pas leur faire confiance. J'ai l'impression que l'on peut m'abandonner n'importe quand. Surtout eux, qu'ils me laissent à nouveau seule une fois qu'ils sont lassés de moi.

Curieuse mais méfiante je descends lentement l'escalier.

-Mon ange! S'écrit la voix si familière de Mme Talier.

Je m'approche mais ne la touche pas. Cela n'a pas l'air de l'atteindre. Une pointe de joie apparaît et... Wouah. C'est la première fois que je ressens ça. De la joie. Elle s'en va aussitôt mais cette sensation... c'est la meilleure que je n'ai jamais ressenti, après le toucher de Zachary bien-sûr.

-J'ai appris que tu as eu une altercation au lycée, tu vas bien?

Je hoche la tête et écoute la conversation des deux femmes. Tous les efforts dont j'avais pu fournir pour être un peu plus sociable ont été réduit à néant par Carla. Son toucher me hante encore, ses coups aussi. Je suis encore plus dans ma bulle depuis, bien que se ne soit pas forcément mon envie, mais il en va de ma santé mentale. J'ai besoin de m'isoler, sinon je ne pourrai pas m'en sortir, c'est certain.

Rachel devait finalement partir régler un problème avec un ancien enfant qu'elle a accueilli, alors je passe l'après-midi avec Mme Talier. Nous partons nous promener au parc, à vrai dire je n'ai pas réellement eu le choix.

-Tu es toute pâle ma puce, encore plus que d'habitude. Me dit-elle en marchant sur le chemin d'herbe.

C'est vrai que je ne me sens pas très bien, j'ai des violents maux de ventre, mais ne le laisse pas paraître. Si je montrais que je souffrais, papa se faisait une joie de recommencer encore et encore. Alors j'ai appris à masquer ma douleur.
On s'assoit sur un petit banc en pierre, en face d'un joli lac. Tout est si paisible ici, il y a peu de passants puisque nous sommes en pleine journée. Je préfère, quand il y a beaucoup de monde j'angoisse. Exactement comme au lycée.
Je détourne mon regard vers Mme Talier et celle-ci me sourit. J'aimerai tant le lui rendre. Mais je n'y arrive pas, ma bouche refuse de m'obéir et je n'ai pas la force de me forcer. J'ai perdu la capacité il y a bien longtemps.

-Oh! J'ai un cadeau pour toi! Chantonne-t-elle.

Elle trifouille dans son sac, ses cheveux blonds cendrés remuant à chacun de ses mouvements. C'est vraiment une belle femme, même à soixante ans. Je vois qu'elle porte une alliance, son mari est chanceux. Le mariage je n'y connais absolument rien, mais généralement tout le monde à l'air heureux lors de celui-ci. J'espère qu'elle l'est aussi, elle le mérite.
Elle se tourne vers moi puis me tend un paquet joliment emballé.

-C'est pour toi mon ange.

Je reste abasourdie devant le cadeau, n'osant plus bouger.

-... Moi? Répétais-je en murmurant, stupéfaite.

Ma réaction doit être inattendue puisqu'elle se met à rire gentiment puis place le paquet entre mes mains, très délicatement.

-Ouvre-le. Sourit-elle.

J'observe ce que je tiens entre mes fines mains, puis, lentement, me met à l'ouvrir en essayant de faire le moins de bruit possible. Un malheureux réflexe.
Lorsque l'emballage est bien plié dans ma main, je regarde le fameux cadeau.

-Un livre... Chuchotais-je, sentant les larmes monter.

Je les retiens immédiatement, il ne fait montrer aucun sentiment, aucune émotion. C'est la règle.

-Quand je suis revenue chez toi, j'ai découvert seulement trois livres cachés sous ton petit matelas. Je les ai ramené à Rachel tout à l'heure, elle te les redonnera ne t'en fais pas. J'ai compris que tu aimais lire alors... J'espère que celui-ci te plaira. Il s'agit d'une histoire d'amour, je sais que ça te fais rêver et penser à autre chose!

Je me tourne vers elle, essayant de laisser apparaître l'expression la plus reconnaissante que je peux sur mon visage.

-Merci. Dis-je timidement.

Son visage s'illumine en voyant ma réaction.

-Mais je t'en pris mon ange, je vais t'en offrir pleins d'autres, tu verras.

Elle n'aurait pas pu me faire plus plaisir que ça, et je peux vous dire que cette sensation est la plus exquise qu'il soit.

-Mais j'ai une question, où sont les autres livres dont tu as parlé à l'hôpital, tu te rappelles?

Je baisse la tête, me remémorant mon souvenir douloureux.

-Il les a brûlé. Répondis-je d'une voix serrée.

Ce n'est peut-être que des livres pour certains, mais pour moi il s'agissait du seul bonheur qui me gardait en vie. Lorsqu'il les à brûlé, c'est comme si il brûlait mon cœur avec. Je n'ai réussi à cacher que trois malheureux livres avant qu'il ne les prennent. C'est grâce à eux que je suis encore en vie, même si à l'intérieur tout est vide, mort. Il n'y a plus rien.

-Je suis désolé ma puce. À partir d'aujourd'hui je t'achèterais tous les livres que tu souhaites. Tu n'a qu'a demandé! Dit-elle joyeusement en ouvrant les bras, comme une évidence.

J'opine pour la remercier et serre le roman contre ma poitrine, ressentant une des multiples fissures à l'intérieur de moi se refermer légèrement.

Le reste de l'après-midi s'est bien passé. Enfin pour Mme Talier puisqu'elle n'a fait que parler, elle faisait la conversation toute seule. Mais elle savait que je l'écoutait. Du moins je l'espère. Mais pour moi ça a été difficile de cacher ma douleur, plus le temps passé, plus mon ventre me faisait atrocement souffrir. Mais je n'ai rien dit, rien laissé paraître. J'étais indifférente comme je dois l'être en temps normal.

Je suis en face du miroir de la salle de bain et relève légèrement mon tee-shirt. Je retiens un hoquet de stupeur quand j'aperçois un énorme bleu sur mon ventre. Sans pouvoir rien contrôler, mon esprit repasse toutes les situations où j'ai eu ce genre d'hématome. Toutes les scènes où il m'a frappé.
     C'est loin d'être la première fois, mais c'est la première fois que c'est aussi douloureux. Carla ne m'a pas loupé. Je le frôle avec mes doigts mais un pic de douleur parcourt immédiatement mes veines, me faisant grimacer.

-Angelia? A table. Toque Rachel derrière la porte.

J'abaisse immédiatement mon tee-shirt, soulagée de ne plus voir le mélange de bleu et violet que forme l'hématome sur mon ventre. Lorsque je descends les escaliers, ma vue se trouble et je suis obligée de m'arrêter.
Mais qu'est-ce qui m'arrive?
Tout tourne autour de moi et la douleur s'accentue. Cette fois-ci il me faut faire un effort inconsiderable pour que ma souffrance ne transparaisse pas sur mon visage.
J'arrive dans la cuisine et m'installe aux côtés de Lily. Cette dernière me sourie et je remarque qu'elle a une dent en moins. Qu'elle est mignonne.

-Zac ne va pas tarder, il avait entraînement de handball.

Elle me sert des lasagnes et je dois avouer que ce plat m'a l'air très appétissant.

Je m'équipe de ma fourchette et commence à manger lentement, très lentement. Mais la douleur augmente encore et encore, sans s'arrêter.

-Au fait, la CPE a appelé et elle nous a confirmé ta date de retour. Tu vas devoir rester ici durant quatre jours. Tu pourras ensuite...

Mais je n'écoute plus ce qu'elle me dit. La douleur a atteint un taux de souffrance intolérable et je ne peux plus la supporter. Je recrache ma bouchée sans pouvoir me contrôler, puis quelque secondes après du sang la suit. J'entend M. et Mme Prims hurler de peur, Lily pleurer. Mais je n'y fait pas attention. Ma tête me tourne désormais bien plus et je m'écroule par terre après avoir fais quelque pas, essayant d'aller, en vain, à la salle de bain du rez-de-chaussée.

Je ne sais combien de temps est passé lorsque j'entrevois, à travers mes paupières qui papillonnent, des lumières rouges et bleus frapper le salon. La douleur est toujours aussi intense, voir plus. Je sens légèrement des mains me palper mais je ne peux réagir pour les supplier de me laisser. Des voix coupées par un bruit assourdissant me parviennent. Mes oreilles bourdonnent et j'ai l'impression de mettre pris un coup sur la tête.

J'ai envi de me débattre, de hurler de ne pas me toucher. Mais je ne peux pas bouger. Je n'ai plus de force. La seule chose que je fais c'est vomir du sang. Je ne peux même plus tourner la tête pour le cracher, ayant l'impression de m'étouffer.

J'ai déjà ressentis cette sensation sous les coups de papa. Mais jamais à un tel degrés. Et je savais que j'allais me relever un jour ou l'autre car mon enfer n'était pas fini. Aujourd'hui c'est différent. Je me sens partir.

Il n'y a qu'une chose que je ne cesse de faire, c'est d'hurler, hurler au fond de moi. Mais je suis la seule à m'entendre. Je pense à mon père et une dernière pensée me parvient avant que je ne sois aspiré par un trou noir.

"Félicitations papa, tu as fini par avoir ce que tu voulais. Je vais enfin mourir."

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