Chapitre 4


Il y a des jours où je me demande des choses comme : " si je disparaissais, qui s'en rendrait compte ? " Ce n'est pas très joyeux mais c'est pourtant ce que je me dis. Après tout, ma mère travaille assez souvent et mon père ne sert plus à rien. Quant à Nadia, elle s'en ficherait royalement. Pour elle, je ne suis qu'une simple colocataire. Et à présent, qui vais-je devoir rajouter à ma famille de rêves ? Réfléchissez, je suis sûre que vous allez trouver. Vous savez ? Vous ne savez pas ? Et bien c'est le beau-père. 

- Isis, descends tes cartons s'il te plaît !

Sa voix. Qu'est-ce qu'elle m'énerve sa voix ! 

Je rejoindrai tout le monde plus tard, ils attendront.

Je suis assise dans le couloir, le dos contre le mur, par terre, les fesses dans la poussière, les pieds sur le paillasson en forme de chat mais qu'est-ce que je suis bien ! J'ai ni trop chaud, ni trop froid ! Et personne pour me déranger.

Donc, parlons de mon nouveau beau-père. Alessandro. Rien que son prénom et sa voix je ne les aime pas. Il est insupportable. Le genre de type qui a toujours quelque chose à redire ! Sur tout et n'importe quoi. Par exemple, si tu dis à Micheline : "la viande est bonne, surtout tes merguez" il va s'incruster dans la conversation avec une phrase du genre :"je suis totalement d'accord. Tu as une recette spéciale ? ". Ou alors des autres exemples :

- Moi à Nadia qui est juste devant la télécommande : " Tu peux augmenter le son s'il te plaît ?"

- Alessandro qui est à l'autre bout de la pièce : "Attends je m'en charge !"

Celui qui m'a le plus énervé mais vraiment, c'était un jour où il pleuvait. Lysandre devait venir chez moi, c'était prévu et j'avais demandé à ma mère. Sauf que bien-sûr, monsieur Alessandro est intervenu !

Mon meilleur ami venait d'arriver et nous étions en train de nous installer dans le salon pour jouer à la console quand il est arrivé comme une fleur, en pyjama. 

- Que faîtes-vous ? a-t-il commencé en se frottant les mains.

- J'allume la télé, ai-je répondu glacialement en lui lançant des éclairs imaginaires à l'aide de mes yeux.

- Et après nous allons jouer aux jeux vidéos, a ajouté Lysandre en sortant deux manettes.

- Attends bonhomme, sors en une en plus, je vais jouer avec vous.

J'ai vraiment cru que j'allais l'assassiner avec la télécommande que je tenais dans ma main droite. Premièrement, à quel moment utilises-tu le mot bonhomme pour parler à un garçon de quinze ans ? Deuxièmement, de quel droit dit-il à Lysandre quoi faire ? Et troisièmement, pourquoi vient-il jouer avec nous ? Il ne peut pas se trouver des amis ou autre chose à faire ? Et encore, tout ça ce n'est pas le pire ! 

J'ai donc mis le CD de Mario kart dans la console en espérant qu'il ne sache pas y jouer et qu'il nous laisse mais ce n'est pas ça qui l'a découragé.

Nous avons fait des courses, rien de plus normal mais il commentait TOUTES ses actions : "Oh, oh j'ai lancé une carapace bleue, attention au premier (c'était moi)/ faites gaffe à vos fesses, j'ai mis des bananes/ BOOM, la bombe a explosé, j'ai touché quelqu'un."

Et j'épargne la scène où il avait en sa possession la sorte d'étoile superstar qui rend invincible et qu'il chantait la musique qui allait avec ainsi que tous les moments où il tombait dans le vide et qu'il criait stupidement.

Mais le pire restait à venir.

Nous avons dû faire douze courses avec lui. Douze ! Vous rendez-vous compte ? J'ai dû entendre pendant plus d'une demi-heure ses commentaires stupides mais surtout inutiles. 

Elle n'est pas belle la vie ?

Une fois qu'il avait fini, il a posé sa manette sur le canapé avant de se lever en s'étirant puis il s'est adressé à Lysandre :

- Excuse-moi jeune homme mais ça ne t'embêterait pas de partir car je dois aller me coucher à cause de mon travail et donc je vais me lever très tôt.

J'ai vraiment cru que j'allais péter un plomb. A ce moment précis, si j'avais eu la même carapace que dans le jeu vidéo, elle aurait sans aucun doute finie dans sa tête. En plus c'était notre appartement, pas le sien !

- Lysandre ne va pas déranger, c'est quelqu'un de très calme et puis nous ne sommes pas des enfants, nous n'allons pas jouer à cache-cache et crier comme des animaux non plus, suis-je intervenue commençant vraiment à m'énerver.

- Il reviendra une autre fois, ta mère est du même avis. Bonne nuit.

Voilà, c'était le jour où il m'a vraiment agacé. J'étais presque folle de rage contre lui. Et maintenant, nous déménageons, dans une nouvelle maison que ma mère et lui ont acheté. Je saute de joie...

- ISIS ! hurle ma mère.

- J'ARRIVE !

Je n'en peux plus de cette journée pourrie. Vivement qu'elle se termine et que je sois enfin tranquille.

Je me lève en me hissant à l'aide de mes bras et attrape ensuite mes cartons avant de me diriger vers l'ascenseur. J'appuie sur le bouton pour le faire venir et les portes s'ouvrent directement car il est déjà là. J'entre donc avec mes affaires et appuie sur un nouveau bouton pour descendre.

Quand j'arrive dans le hall, je peux me rendre compte que tout le monde est présent et m'attend. Tant pis.

- La prochaine fois met encore plus de temps surtout, bougonne Nadia en ouvrant la porte d'entrée.

- Nadia ! la réprimande ma mère.

- Quoi ? C'est vrai.

- Oui tout à fait, soupire Alessandro. Nous devons nous dépêcher Isis.

Il ne peut pas se taire lui ? Il commence à me taper sur les nerfs alors que ça ne fait même pas une minute que je suis à ses côtés.

Nous sortons de l'immeuble pour la dernière fois ce qui me fait un pincement au cœur. Je me plaisais ici. Cet appartement était parfait même si je n'en voulais pas au début. Pourquoi fallait-il qu'un type comme Alessandro existe ?

Nous montons en voiture et il fait une chaleur insoutenable car nous sommes en été. J'ouvre la fenêtre au maximum et essaye de ne pas toucher la ceinture qui est brûlante puis je compte les secondes qui défilent car je m'ennuie comme jamais. Alessandro met de la musique mais je n'ai pas envie de lui montrer que j'adore cette chanson. Il n'aura qu'à danser tout seul, ça le calmera peut-être.

Ma mère finit par se garer devant notre nouvelle maison (que je n'aime pas) et notre nouveau voisin sort de chez lui (je ne l'aime pas non plus).

Et encore tu ne le connais pas vraiment...

- Bonjour à vous ! rigole-t-il en venant nous saluer.

Son rire c'est encore pire, on dirait un vieux phoque mélangé à des morceaux de cristaux qui tombent.

Je descends de la voiture en claquant la portière et attrape mon carton dans le coffre.

- Besoin d'aide ?

- Non merci.

Le voisin hausse les épaules et part aider ma famille. C'est ça, part.

J'entre dans la maison et vais directement dans ma chambre. Je pose mes cartons sur mon lit sans délicatesse et m'assied au bord de la fenêtre. J'ai une vue sur mon jardin et sur une partie de celui du voisin. En regardant plus attentivement, je vois un chien, un bouvier bernois. Il est magnifique ! Il faut que j'aille le voir. J'adore les animaux.

Je saute de mon rebord et rejoins le rez-de-chaussée en sautillant puis je vais dehors. Il est là. Contre la barrière qui sépare nos deux jardins. J'avance doucement vers lui et me penche pour le caresser. Ce chien est magnifique, je veux le même, à moins que je ne le vole, non mauvaise idée.

- Tu es très gentil.

Oui je parle au chien. Il est tellement adorable.

- Il s'appelle Bingo.

Je me retourne. Le voisin vient d'arriver. Je ne l'avais pas vu et il m'a plutôt fait peur.

- Il est adorable, murmuré-je.

- Tout comme son maître.

Ok il est très gênant. C'est ce genre de personne que je n'apprécie pas.

- Je vais rentrer, ma famille doit m'attendre.

- N'hésite pas à revenir voir le chien surtout.

J'hoche la tête mais je n'ai pas vraiment confiance en cet homme. Je ne sais pas mais il est assez étrange.

Je fais donc demi-tour et rentre dans ma maison. Ça sent la peinture. Mais j'aime bien cette odeur.

- Où étais-tu ? m'interroge Alessandro en rangeant de la nourriture dans les placards de la cuisine.

J'aurai bien quelque chose à lui répondre mais je n'ai pas envie de choquer quelqu'un.

- Avec le chien du voisin.

- Oh d'accord. Il a l'air très gentil. Par-contre tu devrais te laver les mains, on ne sait jamais.

Et puis quoi encore ?

- Non je n'ai pas besoin.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et monte les escaliers pour me rendre à l'étage. Je vais ensuite dans ma chambre et m'étale comme une crêpe par terre.

Je m'ennuie. Déjà. Et je n'ai même pas défait mes cartons. Ah si, je sais ce que je vais faire.

J'attrape un carnet. Je n'ai pas déballer grand chose mais ça si.

Je saisis ensuite mon stylo plume et écris. Une lettre. Que je n'enverrai jamais. J'inscris des mots, je les raye et je recommence pendant plusieurs minutes. Puis je ferme le carnet et rebouche mon stylo avant de m'allonger et de fermer les yeux.

Je pense à mon père. Je lui en voudrais toute ma vie mais je n'arrive pas à le sortir de ma tête. C'est comme si la page ne voulait pas se tourner quoique je fasse. Et c'est vraiment insupportable. En plus je suis sûre que je ne lui manque même pas. Il doit sans doute avoir refait sa vie. 

Je finis par me lever d'une façon déterminée, j'attrape une veste en jean et sors de ma chambre. Je sais où je vais aller. Et ça fait d'ailleurs longtemps que je ne m'y suis pas rendu.

J'écris sur un post-it que je vais me promener et le laisse sur la table à manger. J'enfile ensuite mes baskets et vais à l'extérieur. Le ciel commence à se couvrir, peut-être qu'il va encore avoir un orage, j'adore les orages. J'ai l'impression que ma colère s'exprime quand j'entend le tonnerre et que ma vengeance s'abat sur les personnes que je déteste quand je vois les éclairs.

Toujours aussi joyeuse ma vie.

Je vais prendre mon vélo et roule sur la piste cyclable en prenant des grandes bouffées d'air. C'est vrai que j'ai un peu l'air stupide mais si vous saviez comment l'avis des gens m'importe peu !

Je contemple le paysage, c'est-à-dire les jardins du quartier et les devantures des magasins. Heureusement, il y a quelques fleurs et arbres pour égayer ma route. 

Au bout d'une dizaine de minutes, j'arrive devant le cimetière. Je laisse mon vélo et l'attache à l'aide d'un antivol et marche dans les cailloux calmement pour me diriger vers la tombe de Jack.

Je me met ensuite à genoux et reste là sans rien faire, sans réfléchir, les yeux dans le vide. 

- Tu sais, je ne pense pas que tu aurais aimé Alessandro, lâché-je sans savoir pourquoi.

Evidemment, je n'obtiens aucune réponse, il fallait s'y attendre...

- Il est insupportable, tout comme Nadia. Et puis notre nouveau voisin ne m'inspire absolument pas confiance. Il a quelque chose de malsain. Je pense que tu es mieux là où tu te trouves en ce moment que de vivre avec nous. Il y a des jours où j'aimerais te rejoindre toi et tata Jacqueline, quelque soit le lieu où vous, vous trouvez. Je serai sans doute plus heureuse. Tu sais, j'ai du mal à vivre en ce moment. J'ai l'impression de me sentir toujours mal et de ne servir à rien. D'être en trop dans ce monde qui part à la dérive mais pourtant je me tais, je ferme ma bouche, je ne dis rien. Bref.

Je me retourne pour m'assurer qu'il n'y ait personne en train de m'observer. On risque de me prendre pour une folle à parler seule.

- Je n'aime pas notre nouvelle maison. Je ne sais pas encore si c'est la faute au voisin ou à la présence d'Alessandro. De toute façon il était déjà omniprésent dans notre appartement. Je dois t'ennuyer avec mes problèmes. Je vais rentrer, à bientôt Jack.

Je me relève en sentant mon cou craqué. Ça lui arrive souvent donc je n'y prête pas plus attention que ça.

Je sors du cimetière en frissonnant, j'ai froid et je n'aime pas cette atmosphère. Il commence à pleuvoir, ça faisait longtemps... Je préférerais qu'il y ait de l'orage moi.

Je monte sur mon vélo après l'avoir détaché et reprend ma route. Je pédale à toute vitesse et j'ai l'impression de voler dans une descente, surtout qu'il y a de plus en plus de vent. Je passe devant chez Micheline car je n'ai pas d'autres choix et fais semblant de ne pas l'avoir vu quand elle me fait un signe de la main. 

Après quelques minutes, je franchis le portail de mon jardin et vais ranger mon vélo à sa place. Le voisin est encore dehors. Il est assis sur un banc et me regarde. Il commence vraiment à m'énerver.

Je rentre chez moi en claquant la porte et balance ma veste sur le porte-manteau.

- Isis, la porte ne t'a rien fait ! râle Alessandro depuis le salon.

Il ne pourrait pas se taire cet imbécile aussi ? 

- Oui, oui.

Je rejoins ma chambre et ferme la porte derrière moi, comme toujours. J'envois ensuite un message à Callista. C'est ma meilleure amie depuis la troisième. Et à la rentrée, nous allons au même lycée avec elle et Lysandre. Le collège ne me manque pas vraiment, il n'y avait pas beaucoup de personnes que j'appréciais. 

Une fois mon message envoyé, je me demande quoi faire. j'aurai bien été prendre une douche mais Nadia monopolise la salle de bain comme à son habitude. J'entends l'eau couler jusque dans ma chambre.

J'ouvre la fenêtre et met mes mains sous la pluie. Non je ne suis pas stupide et non ce n'est pas ma manière de me laver. C'est juste que je meurs de chaud et que j'ai envie de me rafraîchir.

Je m'ennuie.

T.

E.

L.

L.

E.

M.

E.

N.

T.

Le pire c'est que je ne peux même pas voir mes amis car Lysandre passe quelques jours chez ses amis et Callista est en vacances en Espagne pendant deux semaines. Elle a tellement de chance. 

- Tu fais quoi par la fenêtre ? me questionne Nadia en entrant sans frapper dans ma chambre.

Autant quand c'est elle qui fait ça, ce n'est pas grave mais quand c'est moi qui ouvre sa porte sans frapper, c'est presque la fin du monde.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu fais dans ma chambre ? répliqué-je en me retournant.

- Je viens de finir ma douche, tu peux y aller si tu veux, m'informe-t-elle avant de repartir aussi vite qu'elle est arrivée.

Super ! Je suis ravie de l'apprendre. 

Je prends des sous-vêtements ainsi que mon pyjama c'est-à-dire un short avec des fruits dessus ainsi qu'un débardeur la panthère rose. Non, je ne suis pas une gamine. 

Je vais ensuite vers la salle de bain et percute Alessandro. Il éclate de rire tandis que je me frotte le front.

- Tu voulais aller dans la salle de bain ?

- Oui. J'attendais que Nadia ait fini mais comme c'est le cas je vais y aller.

J'ouvre la porte et m'apprête à entrer sauf qu'Alessandro me devance.

- Je suis désolé mais je suis pressé. Il faut que je me dépêche de prendre une douche pour ensuite aller chez Denis.

Il me ferme la porte au nez et je reste dans le couloir avec mes habits dans la main. C'est une blague ? Dites-moi que c'est une blague ? Pour qui, il se prend ? 

Je met un coup de pied dans le mur et fais demi-tour pour retourner dans ma chambre. Furieuse, je lance mon pyjama sur mon lit et m'assied pas terre, le dos contre ma commode. 


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Les vacances d'été seront bientôt terminées. Dans quatorze jours exactement. Elles ont été affreuses. Je me dis que ça ne pourra plus être pire. Sauf que j'ai tort...




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