Chapitre 3
Qu'est-ce que la famille ? Et bien moi je vais vous décrire ça en un mot : rien. La famille, c'est rien. Bien évidemment, il y a toujours des exceptions où des personnes sont plus chanceuses que la normale et se retrouvent avec des familles dignes de participer à l'élection de la meilleure famille, enfin si elle existe. En effet, ils ont à leur disposition, le papa, la maman, le grand frère protecteur, la petite sœur trop mignonne, le chien de leurs rêves, une jolie petite maison sympathique ainsi qu'une vie bien rangée. Mais il y a des individus qui font partis de l'autre côté, d'une partie différente, celle où tu arrives à te demander ce qu'est une famille. Et encore une fois, je réponds : rien ! Critiquez-moi si vous le souhaitez pour tenir des propos dans ce genre mais si vous étiez à ma place vous comprendrez. Dans le pack familial parfait, il y a parfois des bugs. Oui, vous avez bien vu le mot bug. Certaines familles ont des sortes de dysfonctionnement. Déclenchés pour de multiples raisons. Il suffit qu'un connard fasse parti du lot, et hop ! Votre vie est gâchée en un instant. Mais le pire dans cette histoire, c'est que c'est vous qui allez en subir les conséquences et souffrir. Même pas cette putain de personne qui est en faute par exemple ! Non, ce sera vous, vous, vous et toujours vous ! Et bien oui, votre vie n'est pas très chouette et il faut vivre avec. J'ai toujours pensé que le bonheur était essentiel pour vivre et d'ailleurs je le pense toujours. Après tout, c'est vrai, sans bonheur, nous ne sommes pas grand chose. Sauf que parfois, l'abandon, la haine et la souffrance remplacent ce bonheur. Et oui ! Qu'elle est belle votre vie ! Après, on peut toujours avoir un petit coup de chance et avoir un parent sur deux qui est exceptionnel ou aussi des frères et sœurs qui pourraient tout faire pour vous, pourtant il reste toujours cette tache noire, ce point négatif, dans votre arbre généalogique. Et après, on va te demander : pourquoi tu ne pleures jamais ? Pourquoi tu n'as qu'une signature sur deux dans tes fiches de dialogue et qu'un blanc élu domicile en dessous de "responsable légal 2" ? La réponse est simple. Quand il arrive certaines choses, tu n'as qu'une envie, rester sous ta couette, avec du chocolat, et ta peluche favorite sauf que ce n'est pas possible. Tu dois relever la tête, sourire, et prétendre que tout va bien. N'allons pas inquiéter les gens tout de même. Ce qui m'a toujours fait rire, c'est justement ces gens qui te demandent : "Ça va ?". Pour ce type de question, on s'attend toujours à une réponse comme " ça va et toi ?" "fatiguée mais ça va et toi ?" "je suis malade je ne viens pas aujourd'hui." "super je viens d'apprendre que j'allais en vacances en Espagne !" Sauf que tu mens, encore et encore. La seule réponse que tu as envie de prononcer c'est : "Je vais super bien ! Je pensais justement à mon père, enfin, si je peux encore le considérer comme tel. Et puis aussi aux gens qui m'ont fait souffrir. Tous les jours, quand mes camarades de classe que je déteste, se plaignent de problèmes qu'ils n'ont pas, j'ai juste envie de les tuer. Tu n'imagines même pas à quel point, certains jours, c'est dur d'aller à l'école pour étudier et de rester au top pour avoir des bonnes notes et que tout le monde soit content. Mais à part ça, tout va bien et toi ?". Après, on va sans doute me trouver bizarre. Evidemment, tout est de ma faute. C'est sûr que si tu ne me connais pas, tu ne peux pas deviner pourquoi je pense de cette manière. Je ne te demande pas d'entrer mon esprit, simplement de me comprendre. Est-ce à ce point compliqué ?
L'alcool. Parlons de ce merveilleux sujet. Il existe des tas de boissons alcoolisées et même de la nourriture alcoolisée, comme les chocolats. Mais il y a aussi le corps de tout un tas de personne. Dans leur sang. Pour ces personnes, alcool correspond à objectif. Dans le sens où boire est le seul but qu'il souhaite atteindre. Ce moment où tu sens que leur vie est intéressante... Et quand arrive ce moment, où tu comprends qu'à leurs yeux, l'alcool compte plus que toi, tu as envie de te mettre en position fœtale sur le sol de ta chambre et de questionner pour comprendre ce que tu as pu bien faire pour mériter ça. D'accord, personne n'est parfait, ça c'est une évidence, mais à ce niveau là, on ne parle plus que de petits défauts.C'est carrément le dictionnaire des défauts. Une bouteille ou ta fille ? Oh et bien quelle question ! Dur choix en effet. Plus difficile que parcourir une kilomètre en une minute. Oui, je n'avais pas d'autres exemples. Et alors ? L'alcool c'est mal et ça je l'ai très bien compris.
- Maman, c'est papa qui nous emmène à l'école aujourd'hui ?
- Non ma chérie, c'est Micheline.
J'aime bien Micheline mais je n'apprécie pas trop quand elle m'emmène à l'école car ça sent le chien mouillé mélangé à de l'œuf pourri dans sa voiture. A moins que ça ne soit son odeur à elle et dans ce cas on la sent davantage lorsqu'on est dans un petit espace en sa compagnie. Oui, c'est fort probable.
- Et toi ? Tu ne peux pas ? insisté-je pour éviter la voiture de Micheline.
- Non, j'ai une réunion. D'ailleurs je ne vais pas tarder à partir. Finis tes biscottes.
Je croque dans mon petit déjeuner et ça fait plein de miettes partout sur la table. Tant pis, c'est à Nadia de la nettoyer aujourd'hui.
- Et papa ? Il fait quoi alors ?
Ma mère répond en détournant le regard :
- Il se repose, il est fatigué en ce moment.
Oui, oui, c'est ce qu'on dit...
- Ah.
J'hausse les épaules et pose mon coude sur la table. J'en profite toujours pour faire ça quand personne ne me regarde sinon je me fais disputer.
- Je crois que j'ai entendu une voiture, ça doit être Micheline, sourit tristement ma mère.
Elle aussi est étrange en ce moment. J'ai l'impression qu'elle pleure souvent et qu'elle déprime. Je pense qu'elle cache quelque chose. J'en suis même certaine.
- D'accord ! Mais Nadia n'a pas nettoyé la table. Ce n'est pas très bien.
- Je lui dirai ce soir ne t'inquiète pas.
Je me lave les mains avec le liquide vaisselle au citron avant de les essuyer avec un torchon à carreaux bleus et jaunes. Je le trouve moche mais je crois qu'il était à tata Jacqueline donc on n'a pas le droit de le jeter.
Ensuite, j'enfile ma veste en jean, met mes bottines, attrape mon cartable, embrasse ma mère et sors de la maison.
Nadia est déjà dans la voiture. Forcément, elle a été plus vite que moi vu qu'elle s'est levée plus tôt, à déjeuner plus tôt, tout ça pour ne pas nettoyer la table. Pff, je n'aime pas ma sœur, elle ne sert pas à grand chose.
Je m'assied derrière et tousse en sentant l'odeur me monter aux narines. Elle ne pourrait pas au moins mettre un sapin de couleur qui sent bon ?
- Bonjour Isis, tu vas bien ?
- Oui.
A part le fait que je sois en train d'étouffer, ça va.
Elle démarre la voiture et j'ouvre légèrement la fenêtre sauf qu'elle le remarque.
- Tu as chaud mon trésor ? Je peux mettre la climatisation si tu veux ?
- Non, non c'est bon. J'ai juste besoin d'air frais car le matin je ne suis pas trop réveillée et du coup je ne supporte pas trop la voiture.
C'était une excuse débile mais elle m'a cru. Tant mieux !
Micheline allume la radio et c'est une vieille chanson que je ne connais pas mais le rythme entraînant me donne envie de taper du pied.
Ma sœur elle, m'observe d'une manière blasée.
- Tu n'as pas nettoyé la table, lâché-je en la fixant à mon tour mais d'une manière très glaciale.
Elle éclate de rire en levant les yeux au ciel. Si seulement elle pouvait passer à travers la fenêtre de la voiture.
Micheline s'arrête et j'ouvre la portière avant de descendre en lui disant au-revoir et en inspirant à nouveau l'air frais.
Je marche ensuite plusieurs mètres et franchis les grilles de l'école en baillant. J'ai mal dormi cette nuit, j'ai fait des rêves très bizarres et j'avais mal au ventre. Donc, ce n'était pas évident pour mon sommeil.
- Pardoooon ! s'exclame une fille qui vient de me pousser.
Elle rit à moitié et je suis sûre qu'elle l'a fait exprès. Pourquoi les gens sont méchants ?
Je lui jette un regard noir avant de rejoindre ma salle de classe. Que la journée commence même si je sens qu'elle va être mauvaise vu comme elle a démarré !
***************
La journée était tellement longue, en plus je mangeais à la cantine et ce n'était pas bon, mais alors pas du tout car ils font des mélanges très étranges. Je suis contente de rentrer à la maison. C'est ma mère qui est venue nous rechercher et je suis actuellement en train de pousser la porte de chez moi.
Je pose mon sac à dos avant de me diriger dans la cuisine. Je sors ensuite une boite de cookie aux pépites de chocolat et à la noix de coco et m'assieds à table avec Nadia. Ma mère elle, reste debout contre le meuble où se trouve l'évier et croise les bras.
- Je dois vous dire quelque chose, débute-t-elle.
Nadia mange son cookie tandis que je fronce les sourcils de façon inquiète. De quoi parle-t-elle ?
- Je vais vous demander de préparer des cartons avec vos principales affaires, celles que vous souhaitez absolument garder. Nous, nous... Nous allons déménager.
Nadia lâche son cookie tandis que j'ouvre la bouche sans réussir à la refermer, comme un poisson.
- Nous allons où ? s'intéresse ma sœur.
- Dans un appartement près du supermarché. Vous verrez il est super. Nous, nous y rendrons dès demain.
Quoi ? Pourquoi nous partons d'ici ? Et puis, je ne veux surtout pas changer de voisin !
- On peut emmener Lysandre avec nous ? demandé-je en me levant pour aller chercher un verre de jus d'orange.
- Non, il reste chez lui avec ses parents voyons. Allez préparer vos cartons maintenant. Je vous en ai laissé des vides dans le couloir, servez-vous.
Elle vient de dire ça comme si elle venait de cuire des crêpes et qu'elle nous proposait de nous servir. La situation est grave. Je ne comprends pas pourquoi nous déménageons. Notre maison est parfaite ! Et puis, je ne veux pas me retrouver à des kilomètres de Lysandre ! Avec qui je vais m'amuser moi si j'habite à côté du supermarché ?
Je me lève en soufflant et monte les escaliers en tapant du pied. Je suis énervée et je trouve cette situation injuste. En plus, ma mère ne nous a même pas demandé notre avis...
J'attrape quelques cartons et les jette dans ma chambre avant de fermer la porte derrière moi.
Qu'est-ce que je vais bien pouvoir prendre ? Des choses urgentes comme elle nous a dit. Sauf que je ne sais pas ce qui est urgent !
- Maman ? hurlé-je à en perdre ma voix.
Elle met quelques secondes à arriver et à ouvrir ma porte.
- Que se passe-t-il Isis ? Un problème ?
- Je ne sais pas quoi prendre.
- Ce soir, c'est la dernière nuit que tu passes ici. Donc met dans ton carton des affaires dont tu ne te serviras pas ce soir mais demain soir par exemple. Tu comprends ?
- Non.
Ma mère s'agenouille sur mon tapis en forme de lion.
- Ce n'est pas grave, je m'en occuperai. Place tous tes livres dans les cartons avec tes peluches pour que ce ne soit pas trop lourd.
- D'accord.
Ma mère sort de la pièce tandis que je me dirige vers mon étagère rose. J'attrape une dizaine de livres avant de les placer dans un gros carton.
Ce déménagement est tellement soudain...
Alors que j'allais continuer de faire mes cartons, j'entends mes parents parler dans le couloir. Curieuse, je me colle à ma porte pour les écouter et essayer de comprendre ce qu'il se passe.
- Tu leur as dit ? demande mon père.
- Une partie de ce qu'elles ont à savoir oui.
- Ta décision est prise alors ?
- Depuis bien longtemps oui. Je t'ai répété des tas de fois que tu avais besoin de te faire soigner mais tu refusais de m'écouter. A présent c'est trop tard et nous ne pouvons plus continuer comme ça. Et pense à signer les papiers s'il te plaît, avant que les filles ne tombent dessus.
Elle descend ensuite les escaliers et je crois que ce geste met fin à la conversation.
Je m'assieds contre ma porte en tailleur. Je n'ai absolument rien compris à ce qu'ils ont dit. Pourquoi mon père devrait se faire soigner ? Et de quels papiers ma mère parlait-elle ?
En tout cas, je dois parler à Lysandre pour l'informer de mon déménagement. Je ferais mes cartons plus tard.
Je me lève, ouvre la porte et sors de ma chambre.
Une fois en bas des escaliers, j'attrape une paire de chaussures et me rend à l'extérieur.
Je dois avoir de la chance car Lysandre est déjà dans son jardin, donc je n'ai pas besoin de sonner chez lui.
- Coucou ! le salué-je en m'appuyant sur la clôture blanche qui nous sépare.
- Salut. Ça va bien ?
- Bof. Je viens d'apprendre que j'allais devoir déménager. Sauf que je ne veux pas partir moi. En plus si nous changeons de maison, tu ne seras plus mon voisin.
Il croise les bras en grimaçant.
- Tu pars quand ?
- J'ai commencé de préparer mes affaires. Et nous y allons dès demain. Je n'en ai vraiment aucune envie.
- Je peux comprendre. Mais ne t'inquiète pas, nous resterons en contact.
- Oui mais ça m'embête quand même.
- C'est loin d'ici ?
Je tente de me remémorer où se trouve l'appartement avant de m'en souvenir.
- Près du supermarché.
- Tu me donneras l'adresse et je viendrai te rendre visite.
Il est tellement gentil. J'ai le meilleur ami du monde.
Nous continuons de parler puis je finis par rentrer chez moi pour terminer mes cartons.
Je crois que je n'ai jamais eu aussi peu envie de faire quelque chose.
*****************
Le lendemain, j'ouvre les yeux avant mon réveil mais le soleil est déjà levé. Et puis, je me dis que c'est la dernière fois de ma vie que je me réveillerais, ici, dans ce lit. Ça me fait une sensation étrange. Comme si je disais au-revoir à une partie de ma vie et que je ne devais pas le regretter.
Je pousse ma couette à rayures rouges et blanches avant de me redresser et de sortir du lit. J'enlève ensuite mon pyjama pour enfiler un jean et un t-shirt à manches longues.
Après, je prends ma brosse pour démêler mes cheveux. J'ai plein de nœuds alors ça prend un peu de temps.
Une fois prête, je descends dans la cuisine. Évidemment personne n'est levé vu qu'il est très tôt.
J'ouvre un tiroir et manque d'arracher la poignée car elle est abîmée et saisis un paquet de madeleine déjà entamé.
Je le lance sur la table et la moitié du contenue se renverse sur le sol. Pourquoi je ne l'ai pas simplement posé au lieu d'être violente ?
Je grogne et marmonne des insultes contre moi-même en ramassant la nourriture au sol. Heureusement qu'elles sont emballées individuellement.
Je les remet dans le sachet en gardant quelques madeleines dans la main et peux enfin déjeuner. C'est sans doute la dernière fois aussi que je mange dans cette cuisine.
Quelle déduction !
- Tu es déjà levée ? Tu as encore le temps avant l'école ma chérie, me dit ma mère en entrant dans la pièce.
Elle a tout à fait raison mais je n'aurai pas réussi à me rendormir de toute façon.
- Oui je sais.
- Tu es contente de déménager ?
- Non.
Violent.
Autant ne pas mentir et être sincère.
Ma mère grimace et s'assied face à moi après avoir mis en route la cafetière.
- Tu verras Isis, le nouvel appartement sera super. En plus, il est à deux minutes de notre boulangerie préférée et du cinéma.
- Mais il est loin de l'école et de Lysandre.
- Vous pourrez toujours vous voir. Et ce qui est pratique, c'est qu'il n'est pas loin non plus de ton futur collège.
Whouah. Super. Je suis ravie là.
- Nous n'avions pas besoin de déménager.
- Je t'assure que si Isis.
Je ne réponds pas, ce n'est pas nécessaire. De toute façon, je n'ai jamais raison.
Ah... Pourquoi je me souviens de ces journées ? Elles étaient vraiment...
Je suis dans la voiture de Micheline et ça sent toujours aussi mauvais. Nous allons vers mon nouvel et "fabuleux" appartement. Et je suis en week-end. Sauf que ça va être un week-end particulier. Micheline m'a expliqué qu'elle avait passé la journée à aider ma mère avec d'autres personnes pour déménager. Et que toutes nos affaires étaient déjà dans l'appartement.
J'ouvre la fenêtre pour ne pas mourir et inspire de grandes bouffés d'air. Ça fait vraiment du bien.
- Nous sommes arrivées ! crie Micheline toute joyeuse.
Je regarde rapidement les immeubles. Ils sont de plusieurs couleurs et vraiment hauts pour certains. Ma mère attend devant la porte d'entrée de celui à notre droite.
- Mon père n'est pas là ? questionne Nadia en fronçant légèrement les sourcils.
- Tu n'es pas au courant ma biche ?
Je relève la tête et attend avant d'ouvrir la portière. Que veut-elle dire ?
- Vos parents ne s'aiment plus, c'est pour cela que votre mère a décidé de déménager car la situation n'était plus vivable.
- C'est vrai ?
C'est tout ce que je réussis à dire. Ils se disputaient souvent surtout depuis la mort de Jack mais je ne pensais pas qu'ils allaient se séparer. Ça devait être ça dont ma mère parlait hier quand je les ai légèrement espionnés. Mais pourquoi ne nous l'a-t-elle pas annoncé elle-même ? C'est important !
- Oui. Vous devriez en parler avec votre mère, confirme-t-elle.
Je descends de la voiture sans ouvrir ma bouche. Je suis trop choquée pour.
Je rejoins ma sœur et nous avançons ensemble, derrière Micheline, vers notre mère. J'ai tenté de fixer Nadia mais elle a détourné le regard. Pff. On ne peut jamais compter sur elle.
- Vous êtes prêtes les filles ? nous demande notre mère en ouvrant la porte.
- Pourquoi tu ne nous as pas prévenu ? commence Nadia en croisant les bras de façon agacée.
- Je leur ai annoncé, explique Micheline à ma mère.
Elle semble comprendre puisqu'elle hoche la tête.
- Nous en reparlerons plus tard Nadia, finit-elle par dire.
Personne ne dit rien et nous entrons dans le hall. Il y a des boites aux lettres au dessus d'un vieux tapis poussiéreux noir et au fond un ascenseur.
- C'est à quel étage ? me renseigné-je en appuyant sur le bouton pour le faire venir.
- Le quatrième, c'est-à-dire le dernier.
J'espère que nous aurons au moins une jolie vue depuis les fenêtres ou alors un balcon, ce serait super !
Nous entrons toutes les quatre dans l'ascenseur en silence ce qui est toujours aussi gênant et ma sœur appuie sur le bouton numéro "4". Je suis déçue, je voulais le faire. je n'en connais pas la raison mais j'adore m'en occuper.
Au bout de quelques secondes, l'ascenseur s'arrête et nous pouvons descendre. Nous sommes dans un couloir plutôt large et il y a une porte à gauche et une porte à droite. Les deux sont rouges.
- A droite !
Ma mère a répondu à cette question comme si elle avait lu dans mes pensées et qu'elle savait que je réfléchissais à quel porte était celle de notre appartement.
Je suis donc la première à avancer mais je me stoppe vite étant donné que ma mère est la seule à posséder la clé...
Elle l'enfonce donc dans la serrure avant de la tourner et d'ouvrir la porte.
Je la suis et observe autour de moi. Nous sommes dans le salon, et derrière je vois la cuisine tandis qu'à ma gauche il y a comme un gros couloir. Sûrement, nos chambres, la salle de bain et les toilettes.
Bref Isis, tu as visité ce nouvel appartement, il était très beau, très grand, très lumineux etc... Venons en aux choses sérieuses :
Les jours se sont ensuite déroulés d'une façon assez normale. Je découvrais l'appartement et les environs, je déballais mes dernières affaires et je voyais mon père de temps en temps. Il y avait des jours où il venait nous chercher à l'école et nous allions manger une glace tous ensemble, enfin, sans ma mère. Je n'étais retourné qu'une seule fois dans mon ancienne maison, pour rechercher des livres que j'avais oubliés dans le salon. Et je voyais toujours autant Lysandre, ma mère avait même proposé d'inviter sa famille à dîner ce qui m'avait fait extrêmement plaisir. Peu de gens me posaient des questions sur mon père et peu savaient également que mes parents étaient en train de divorcer. Quant à Nadia, cette épreuve aurait plus renforcer nos liens et nous unir un peu plus mais finalement, nous, nous entendions encore moins bien qu'avant. Elle ne me parlait pas à part pour me dire des choses comme :"passe-moi le sel". Et puis, j'ai commencé à moins voir mon père, je ne le voyais plus qu'un week-end sur deux. D'ailleurs aujourd'hui je dois aller chez lui. Pour la première fois. Dans son nouvel apparemment. J'ai hâte de le visiter et Lysandre m'a dit que des personnes venaient de visiter notre ancienne maison, sans doute pour l'acheter ce qui m'a fait assez de peine car j'y avais vécu toute mon enfance. J'espère pour eux qu'ils y seront heureux.
Je finis donc de faire les lacets de mes baskets et sors de chez moi en toussant car je suis encore malade. Une sorte de rhume. C'est extrêmement désagréable, en plus ma mère ne voulait pas que je rate l'école donc c'était encore pire.
Je prends l'ascenseur avec ma mère et ma sœur. D'ailleurs en parlant de l'ascenseur, je trouve que l'odeur ressemble à celles des vieilles épices dans les placards de tata Jacqueline, enfin, ce n'est que mon avis.
Puis, nous montons en voiture et nous roulons pendant une bonne dizaine de minutes car mon père habite à l'autre bout de la ville et qu'il y a beaucoup de feux rouges ce qui agace profondément ma mère.
Pendant le trajet, je n'arrêtais pas de regarder mes chaussures sans savoir pourquoi, je n'avais sans doute pas envie de regarder par la fenêtre car j'avais le soleil dans les yeux.
Ça fait plusieurs minutes que nous attendons devant la porte d'entrée. Nous avons appuyé plusieurs fois sur le sonnette mais mon père n'est toujours pas venu ouvrir. Je m'inquiète, j'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose...
Mais qu'est-ce qu'on s'en fout de lui ! Et il s'en fiche aussi de nous, comment je n'ai pas pu réussir à le comprendre ? Sans doute car je n'étais qu'une simple gamine se posant des milliers de questions pas importantes.
- Vous cherchez quelqu'un ? nous demande une dame aux cheveux blonds frisés en sortant de son appartement.
J'hoche la tête tandis que ma mère se charge de répondre en expliquant la situation. Elle a l'air aimable cette personne mais ce qu'elle nous dit ne me plait pas vraiment :
- Non, je ne vois pas de qui vous parlez, et cet appartement est à louer depuis plusieurs mois alors je pense que vous n'êtes pas à la bonne adresse.
- Oh, je vois. Merci pour votre aide, dit faiblement ma mère comme si elle n'arrivait plus à parler.
Je ne comprends absolument rien mais nous redescendons et montons à nouveau dans la voiture, enfin c'est ma mère qui nous y oblige, elle, reste dehors et appelle quelqu'un avec son téléphone. Sans doute mon père.
Les minutes qui défilent sont interminables, comme si le temps était suspendu car quelqu'un avait appuyé sur un bouton pour l'arrêter. Ma mère parle, mais je crois que son message est destiné au répondeur et qu'il n'y a personne au bout du fil.
Elle finit enfin par remonter dans la voiture et démarre en silence. J'ai envie de parler mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Elle a l'air vraiment exaspérée. Oh et puis, tant pis. Je veux savoir :
- On fait quoi maman ?
- Nous rentrons à l'appartement.
- Du coup on s'est trompé d'adresse ou pas ? Parce qu'il faut qu'on sache où est papa non ?
Ma mère ne dit rien durant quelques instants mais finit par me répondre quelque chose :
- Votre père m'a donné cette adresse, sauf que ce n'est pas la bonne et il ne décroche pas son téléphone alors, nous retournons chez nous et je le rappellerai plus tard.
Je ne peux pas m'empêcher de faire une grimace bizarre avec ma bouche. Pourquoi il ne répond pas ? Il lui est arrivé quelque chose ?
Tu vas vite le savoir Isis, très vite...
Si ça se trouve il est à l'hôpital ou il a disparu ou...
- Isis tu descends on est arrivé, on ne va pas t'attendre pendant cinq ans ! crie ma sœur en ouvrant ma portière.
Je n'avais même pas remarqué que nous étions arrivées, perdue dans mes pensées.
Si seulement il savait tout ce que j'ai à lui dire, s'il savait comme je lui en veux, s'il savait que je le déteste, s'il savait qu'il ne représentait plus rien à mes yeux.
Les semaines passaient et nous n'avions toujours aucune nouvelle jusqu'au jour où...
Je m'en souviens très bien de cette journée, une des pires de ma vie.
Je suis rentrée de l'école, c'était bientôt les vacances alors j'étais contente sauf que ma joie s'est très rapidement estompée.
Je me suis assise sur le canapé avec une compote à boire pomme-banane dans la main et j'ai allumé la télé pour mettre une chaîne de dessin animé. C'était la panthère rose. Nadia est ensuite venue, malheureusement, prendre place à côté de moi puis peu de temps après, ma mère s'est installé à son tour, face à nous, dans le fauteuil.
- Les filles je dois vous parler de votre père.
J'ai coupé le son de la panthère rose même si ce n'est pas un dessin animé où il y a des dialogues, enfin bref, et j'ai arrêté de boire ma compote.
- Vous ne le verrez plus.
- Quoi ? s'est exclamé Nadia.
Moi, je n'ai rien dit et j'ai attendu des explications, comme si c'était une mauvaise blague et qu'il n'y avait pas de quoi en faire un drame.
- Il ne veut plus être avec nous en quelque sorte, il n'a décroché qu'une seule fois le téléphone et il m'a expliqué qu'il allait habiter en ville mais qu'il ne souhaitait plus nous parler ou avoir de nos nouvelles. Je suis désolée.
J'ai fait des gros yeux. C'était impossible ! Aucune de nous deux a parlé et le téléphone de ma mère a ensuite sonné, c'était son travail.
Je me suis mise debout et je suis allée dans ma chambre ou je suis encore maintenant. Je suis tellement énervée que j'ai serré trop fort ma compote dans ma main et qu'elle a explosé sur mon lit mais je m'en fiche, je nettoierai plus tard, ce n'est qu'un détail. Je ne peux pas non plus m'empêcher de pleurer. Il ne veut plus de nous ? Il ne veut plus nous voir ? Pourquoi la vie est si injuste ? Et pourquoi lui aussi est comme ça ? Il ne pouvait pas être un père normal ? Je ne dis pas parfait mais au moins j'aurai aimé qu'il ne soit pas lâche à ce point.
J'ai perdu mon frère et maintenant mon père, je haïs cette vie.
J'ai bien évidemment appris plus tard que monsieur avait des problèmes avec l'alcool. Génial ! Juste génial ! Tous les jours depuis son départ, je me demande ce qu'il pense. Je me demande s'il regrette. Je me demande s'il a conscience de ce qu'il a fait. Du trou qu'il a laissé dans notre vie ! Et puis, quand je réfléchis je me dis que je lui en veux encore plus car il n'a même pas eu le courage de nous le dire en face ! Non, il est parti comme ça ! En un claquement de doigt ! Je ne me souviens même pas de la dernière phrase que je lui ai dite ou du dernier moment qu'on a partagé ensemble. Nous abandonner semblait tellement facile pour lui, et ce qui m'énerve c'est que ce n'est pas lui qui a du se débrouiller sans père. Ce n'est pas à lui qu'on demandait pourquoi tu n'avais pas de père. Et si tu m'entends, je veux juste que tu souffres, comme j'ai souffert par ton absence. Mais heureusement, ne t'inquiète pas pour moi, je me suis parfaitement débrouillée ! Tu peux être fier de moi, enfin, si tu te souviens que j'existe. Ah oui, j'avais une question : est-ce que ça t'arrive de penser à nous ou il n'y a que le verbe boire dans ton esprit ? Franchement, je trouve que c'est une question vraiment intéressante. Pareil, est-ce que tu angoisses de me croiser dans la rue car moi c'est ce que je ressens dès que je marche dans cette ville ? Et puis une autre question très intéressante selon mon avis : me reconnaîtrais-tu si cette situation arrivait ? J'ai quand même changé. Je suis devenue froide et c'est en partie de ta faute même si tu n'es pas le seul responsable. Et enfin, si un jour, il t'arrive quelque chose ou quand tu vas mourir car j'espère que la mort t'emportera avant moi, comment vais-je réagir ? COMMENT VAIS-JE RÉAGIR ! Prendrai-je la peine de me déplacer jusqu'à l'hôpital pour te rendre une petite visite affectueuse comme si ces dernières années n'avaient jamais existé ou viendrai-je pleurer sur ta tombe, regrettant de ne pas t'avoir connu plus ? Et bien non en fait. Ça me ferait quelque chose c'est sûr mais après tout je ne vois pas pourquoi ça m'affecterait. Tu m'as déjà fait assez souffrir alors c'est à ton tour de payer. Je me vengerai des tes stupides décisions et je prouverai à tout le monde que je suis beaucoup plus heureuse sans mon père, même si ce n'est pas facile tous les jours et que je tente de m'accrocher pour ne pas partir à la dérive. Jamais je ne serai comme toi, je serai même ton contraire et un jour, tu comprendras que tu n'aurais jamais dû partir.
<< Si jamais tu lis ce chapitre un jour, il t'est dédié. >>
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