♪♪ : Un secret ?

« - Tu m'as rendu mon pull ? Et je trouve pas le jeu que je t'avais prêté. »

Glissant son portable dans sa poche arrière, Katsuki ignore le SMS qu'il vient de recevoir. Peu désireux d'avoir un quelconque contact avec la personne qui cherche à lui parler, il préfère se concentrer sur autre chose. Quitte à devoir gérer la crise bien plus tard.

Juste avant de s'affairer à ranger la totalité de son bureau, qui croule une fois de plus sous une montagne de cahiers et livres de cours, il s'avance jusqu'à sa commode, pour actionner la petite boîte à musique. Le petit danseur n'a pas bougé de place, depuis qu'il a élu domicile chez les Bakugo, il y a maintenant neuf jours. Toujours sur le plateau du meuble, et surtout, la boîte ouverte.

Le jeune homme n'a pas eu le courage de la refermer une seule fois, laissant à la vue de tous et au grand jour ce garçon à l'air angélique.

Exposé dans la direction des rayons du soleil, qui traversent la fenêtre située juste en face, la lumière vient souligner chacun de ses traits et mettre en avant cette nuée de tâches de rousseurs. Celles qui résident sur ses joues, telles de petites constellations qui seraient venue naître sur sa peau. Le propriétaire de la relique a d'ailleurs déjà tenté de les dénombrer à plusieurs reprises, sans succès.

Parfois, lorsque son cœur vient le tirailler, et que la horde de mauvais souvenir se décide à le narguer un peu, il vient attraper l'objet pour l'installer sur sa table de travail.

Remontant le mécanisme, puis posant la tête au creux de ses bras en observant son mouvement gracieux, il se raccroche à cet artiste, qui a désormais une place toute particulière dans son quotidien.

Il n'est pas rare pour le blond, de s'endormir au son de cette douce mélodie. Après avoir craché le venin qui l'empoissonne continuellement, tout en versant quelques larmes, venant l'épuiser un peu plus. Mitsuki l'a d'ailleurs déjà retrouvé dans une position peu confortable à deux ou trois reprises, le visage marqué par la détresse et les stigmates de la tristesse, lorsqu'elle rentrait du travail tard le soir. Se contentant lors de ces instants, de venir lui mettre une couverture sur les épaules en parsemant son front de baisers léger, elle continue chaque jours de prier pour qu'une âme leur vienne en aide, et que Katsuki retrouve le bonheur.

La toute première fois qu'il a eu l'occasion d'écouter l'air de cette merveille, il se souvient de ce stresse intense qui le transcendait de part en part. La violence de cette sensation, semblable à une arme qui serait venue lui transpercer la totalité de ses organes.

En insérant la clé, après avoir vérifié que sa mère s'était bien absentée, son cœur s'était mit à battre la chamade. Il se demandait même si il serait capable d'entendre ce son, tant la puissance de son palpitant se répercutait dans chacun de ses os, faisant ainsi office de caisse de résonance. Le bourdonnement trop prononcé dans ses canaux auditifs, le rendait totalement fébrile, l'empêchant presque de réussir à tourner l'objet dans la fente prévue à cet effet. Une fois la rotation effectuée, dans le sens des aiguilles d'une montre, sa respiration s'était tout bonnement arrêtée.

Cette ritournelle, arrivant jusqu'à lui, n'avait rien d'une quelconque série de notes, balancées en vrac et jouées sur n'importe quel instrument, pour qualifier cela de musique. Non, c'était là quelque chose de bien plus profond et envoûtant. Une symphonie digne des plus grands orchestres que ce monde ait pu connaître.

Il en a lâché quelques larmes, prit d'une soudaine euphorie, qui a brisé son éternelle neurasthénie. Et depuis, ce sentiment est toujours aussi intense. À chacune de ses écoutes. Lors de ces instants où il se barricade dans un univers bien à lui. Entouré de cette seule musique, qui n'a pu être crée que par des anges eux-même, tant celle-ci est d'une pureté à couper le souffle.

Alors, tout naturellement, lors de journée aussi éprouvantes que celle qu'il est en train de traverser, son attention pleine et entière se tourne vers le danseur. Ses gestes devenus des réflexes, en moins de dix jours, il met en route le mécanisme avant de retourner vaquer à ses occupations.

Comme si il ne supportait plus le silence, et que ces quelques accords faisaient offices de conversation.

En moins de deux petites minutes, son beau bordel enfin rangé (ou surtout glissé dans ses tiroirs à la va-vite), il vient s'affaler sur son lit, tout en rattrapant son mobile.

« - On va au skate-park, tu te ramène bro ? »

Il soupire fortement. Non, Katsuki n'a pas envie de bouger où que ce soit avec cette bande d'illuminés, qui ne cesse de le tirer vers le bas. Et de toute manière, il n'a pas envie de faire quelque chose de ses dix doigts, ou de prétendre vouloir aller bien pour autrui.

Ce masque de mec fort et sûr de lui, greffé à son visage depuis maintenant cinq longues années, n'apparaît plus que comme une coque en plastique désagréable sur sa peau. Remplis de picots qui transpercent son épiderme, en des milliers d'endroits, lui quémandant de l'arracher dès que possible.

Ça le démange fortement, d'attraper une des bordures de ce costume qui l'étouffe, pour le déchirer et en faire de multiples confettis. Il n'arrive plus à respirer. Il n'arrive plus à vivre. Il n'arrive plus à...espérer.

Laissant tomber le cellulaire à côté de son oreiller, il se lève pour attraper la boîte, qui vient à peine de terminer son cycle musical, pour la poser sur sa table de chevet. Tournant une nouvelle fois la petite clé, il vient ensuite s'installer sur le flanc, de façon à pouvoir observer la relique à sa guise. Le garçon se prend d'admiration pour cet homme qui continue d'effectuer sa chorégraphie, peu importe les évènements, tant qu'on lui en donne l'occasion. Il connaît désormais la totalité de ses traits sur le bout des doigts, à force de lui consacrer tout son temps libre.

« - J'aimerais bien connaître ton nom. Tu dois forcément en avoir un, pas vrai ? »

En toute honnêteté, si Katsuki était réellement sincère avec lui-même, il serait capable d'admettre qu'il ne souhaite pas juste connaître son nom.

Il aimerait savoir absolument toute son histoire. Sa vie toute entière et ce qui a pu la constituer, ainsi que son caractère. Il se plaît à imaginer, en étudiant sa mimique bien à lui, une personne dotée d'un altruisme déconcertant, et d'une gentillesse débordante. Quelqu'un de doux, d'une délicatesse sans pareille, que l'on ne peut décemment pas ignorer, avec sa présence si solaire.

Ce petit brin de fascination, à l'égard de cette figurine, fait naître en lui une chose bien plus profonde, qui ne doit pas être là sans aucune raison. Parce qu'il n'a jamais été autant en confiance avec quelqu'un, même si ce fameux quelqu'un n'est pas en mesure de lui répondre de vive voix. Pourtant, lorsqu'il y réfléchit bien, une forme d'échange à commencé à voir le jour entre eux.

C'est après le cinquième jour que cet étrange détail lui a sauté aux yeux, ou plutôt, aux oreilles.

Alors qu'il pleurait de tout son soûl, après avoir parlé de cette disparition qui n'a laissé qu'un trou béant dans sa poitrine, il s'était subitement arrêté.

Stoppé net, quand la boîte s'était mise à jouer différemment. Toujours le même air, que l'on ne se lasse bizarrement jamais d'entendre. Mais la résonance si joyeuse, qui en émane d'ordinaire, a ce jour-ci, laissé place à une profonde mélancolie. Comme si le garçon compatissait à sa détresse, et tentait de le réconforter à sa manière.

En musique.

Et, petit à petit, ce qui ne semblait être qu'une babiole lorsqu'il l'a trouvé dans cette fameuse boutique, s'est avéré être bien plus que cela. Cherchant à le soulager, la mélodie s'était faite bien plus calme, et encore plus harmonieuse que d'ordinaire. Le petit danseur a joué, encore et encore, jusqu'à observer le blond sombrer doucement dans les limbes du sommeil.

« - Il y a quelque chose de différent chez toi, tu es porteur d'un grand secret je le sais. Ça ne m'étonnerais presque pas que tu te mette à parler un de ces quatre. »

Certes, il ne serait pas étonné, mais ce serait étrange, il le reconnaît volontiers.

Cependant il rajoute ce petit détail à la liste des aspects qu'il souhaite apprendre, concernant ce garçon aux tâches de rousseurs, et l'air si espiègle. Il aimerait avoir la possibilité d'entendre sa voix, qui ne peut que être à l'image de cette harmonie accompagnant ses prestations.

Pourtant, malgré sa motivation intense à en savoir toujours plus, il n'a aucune idée de la manière dont il doit procéder. Katsuki ne sait rien de lui, et a eu beau observer la boîte sous toutes les coutures, rien n'en est ressortit. Il n'y a que ces deux lettres, gravées dans la matière, et sublimées à la feuille d'or.

IM

Rien de plus.

Aucun nom. Pas une seule piste. Rien qui ne lui permette de chercher plus loin, et d'en connaître plus à son sujet.

Mais, prit d'une soudaine illumination, le jeune homme se redresse d'un geste brusque. Parce qu'une idée vient de naître, quelque part dans le vrombissement constant de sa boîte crânienne, témoignage de l'activité intense de ses neurones.

« - Mais attends, j'y pense ! »

Joignant le geste à la parole, il enfile à la va-vite un pull, et l'une de ses paires de chaussures, pour se précipiter à l'extérieur. Une demi-seconde de réflexion, quand à la nécessité d'emmener ou non la boîte avec lui, il se décide finalement à la laisser en sécurité dans son domicile.

Puis, comme poursuivit par le diable en personne, il se met à sprinter une fois la porte de la maison verrouillée. Gardant bien en tête le trajet effectué, tout en espérant que l'endroit convoité est bien ouvert à cette heure-ci, il poursuit son chemin.

Seulement, à son plus grand malheur, une visite inopinée l'oblige à stopper sa course, un peu trop nettement. Se heurtant à la personne de plein fouet, qui venait de passer l'angle de sa rue, ils se retrouvent à terre tous les deux.

« - Mais qu'est-ce que tu fiche là putain ! Grogne Katsuki, en frottant son crâne douloureux.

- Tu répondais pas à mon message, alors je suis passé.

- Et tu t'es pas dit que c'était peut-être fait exprès ? J'avais juste pas envie de penser à ta vieille gueule Todoroki. »

Tout en se redressant, le blond le toise d'un air mauvais, sans même prendre la peine de l'aider à se relever. Il se contente de retirer les quelques excès de neige, qui sont venu humidifier ses vêtements par endroit, et replacer sa veste correctement.
Son entrain si positif d'en apprendre plus sur son bien le plus précieux, laisse peu à peu place à une immense contrariété. La rage se met à le submerger, brusquement, violemment, et il ne ressent plus que l'envie de lui coller la droite de sa vie.

« - On est obligé de rester en mauvais termes ?

- On est pas obligé de rester en contact du tout même, casse toi loin double-face.

- Allez, on a vécu plein de choses toi et moi. »

Cet océan de noirceur, dont il essaye désespérément de rester éloigner autant qu'il peut, ne cesse de revenir à la charge. Les vagues sont toujours plus violentes et intenses, l'obligeant à faire une montagne d'efforts pour ne pas se noyer.

Seulement, il le sait, il le sent, ses muscles commencent à fatiguer. Sa trachée s'obstrue, et l'énervement vient encore et toujours l'empêcher d'agir tel qu'il voudrait le faire. Et cette présence ne l'aide en rien.

« - J'ai plus aucune de tes affaires. T'as du les oublier chez ton plan cul numéro trois.

- T'étais pas mon plan cul.

- Justement sombre merde. T'étais mon mec, et t'as rien trouvé de mieux que t'envoyer la population toute entière dans mon dos.

- Pas la population toute entière non... Juste une personne.

- Et ça te paraît excusable, même en le disant comme ça ? Ça te paraît normal de t'être foutu de ma gueule à ce point ? Que pendant que je chialais comme un gosse sur la tombe de mon père, toi tu t'envoyais cet enfoiré ? Que lorsque je suis venu chercher ton aide, ton soutient, je t'ai juste retrouvé en train de baiser quelqu'un d'autre ? »

Katsuki hurle à présent.

Il n'a d'autre solution que d'exprimer son désarroi, son irritabilité, et sa hargne féroce. Il est désormais si loin de lui, ce temps où Shoto Todoroki ne représentait que sa bulle de tendresse et d'attachement. Ces instants où il aimait se perdre dans ses bras, et profiter d'un amour qu'il imaginait sincère. Il n'a plus qu'en tête ces trahisons qui sont venu ternir leur couple. Comme ce moment d'une horreur sans nom, lorsque le blond vivait l'anniversaire tragique de la mort de son père, et que son petit ami n'avait rien trouvé de mieux que de coucher avec il ne sait quelle personne.

« - Ne le prend pas comme ça, tu sais que notre relation n'était plus aussi rose les derniers mois.

- Et t'as aucun remords ? Va crever Shoto. »

Le plantant sur le trottoir, il passe juste à côté de lui en le bousculant, d'un grand coup dans l'épaule. Ignorant cette envie prononcée de meurtre qui se met à couler dans ses veines, ses pensées de redirigent instinctivement vers le danseur, qui attend patiemment son retour. Bakugo se félicite de ne pas avoir prit la boîte à musique avec lui, sachant qu'elle aurait certainement souffert de cette altercation imprévue, d'une manière ou d'une autre.

Soulagé que Todoroki se soit abstenu de le suivre, il s'autorise à relâcher l'air contenu dans ses poumons, tout en s'engueulant mentalement. Il ne doit plus laisser ses pensées être parasitées par un tel monstre, qui ne s'est pas soucié de son état une seule fois ces six derniers mois, depuis leur rupture. Il ne doit pas laisser le garçon à la chevelure bicolore s'immiscer dans sa tête, encore une fois, le convaincant qu'il est le seul responsable du fossé dans lequel a fini leur histoire.

Non, il n'est pas coupable. Katsuki faisait tout son possible pour s'en sortir, face à cette montagne de choses, qui ne cessaient de l'éprouver.

Sa mère, qui pleurait continuellement la mort de l'amour de sa vie, tout en essayant d'être à la hauteur pour élever son fils. Les factures, qui n'en finissaient jamais de pleuvoir. Les difficultés financières. La fatigue de ses nuits sans sommeil, à ressasser les souvenirs de son enfance avec cet homme si bon. Les terreurs nocturnes. Les cauchemars. La dépression. Les envies de mourir. L'incapacité de poursuivre ces projets insufflés par son père.

Cette période aux allures d'enfer est loin derrière lui.

Il doit évoluer vers l'avenir désormais. Et Shoto Todoroki n'en fait pas parti.

En proie à ses réflexions, comme toujours, il arrive en quelques minutes devant la boutique visitée quelques jours plus tôt. Soulagé de constater que celle-ci est belle et bien ouverte, il pousse sans attendre la porte pour y entrer. Le petit carillon tinte, annonçant son arrivée.

Le vendeur est toujours à la même place, derrière son comptoir, lui tournant le dos.

« - Je savais que vous reviendrez me voir jeune homme.

- Comment savez-vous qu'il s'agit de moi ?

- J'aime conserver ma part de mystère, je ne révélerais pas ce secret, annonce-t-il d'un air malicieux en se retournant. Que puis-je faire pour vous ? »

Katsuki se mordille la lèvre. Sa conversation avec son ancien compagnon, lui aurait presque sortit de la tête son objectif premier. Il se ressaisit, et se rapproche après avoir vérifié d'un coup d'œil qu'il n'y a pas d'autres clients, plus loin dans le magasin.

« - En fait, j'aimerais que l'on puisse parler de la boîte. Si vous voulez bien.

- Rencontrez-vous un problème avec celle-ci ?

- Non, je suis curieux. En fait, j'ai trouvé des lettres gravées sur l'encadrement et je me demandais à quoi cela correspond.

- Ce sont les initiales du danseur. Il s'appelle Izuku Midoriya. »

Une émotion inexplicable se met à naître dans sa poitrine, alors qu'il entend pour la toute première fois son nom. Il connaît enfin l'identité de ce personnage en résine, qui ne cesse de l'accompagner durant ses journées, venant combler la moindre interstice de solitude en y glissant de la joie. Un sourire, qui semble n'apparaître de nulle part, se fait une place sur ses lèvres. Ses yeux pétillent d'une excitation nouvelle, comme si quelqu'un s'apprêtait à lui révéler un secret inconnu de tous.

« - Qu'est-ce qui vous fait sourire ?

- Rien, c'est juste...

- Juste ?

- Je voulais savoir son nom. En fait, j'aimerais connaître bien plus de choses à son sujet.

- Monsieur Midoriya a réellement existé mon garçon. Il avait une certaine réputation et dansait sur les plus grandes scènes que ce monde ait pu connaître : à Paris, ou encore dans les bals Viennois entre autre, au début des années 1900. Je pense que vous pouvez facilement trouver quelques informations sur sa vie, en vous renseignant sur internet. »

Katsuki n'est pas réellement étonné d'apprendre qu'Izuku a pu marquer les esprits, au point d'être vu dans de telles représentations. Son talent méritait sans doute une telle reconnaissance.

Et maintenant, il ne rêve plus que de voir ce garçon sur scène, afin de constater lui-même l'étendu de sa dextérité, de sa virtuosité.

« - Vous souhaitiez aborder un autre point jeune homme ? »

Prit de court, il hésite fortement à parler de ses quelques observations, quand à la musique qui semble évoluer à sa guise. Il ne voudrait pas paraître totalement fou, même si quelque chose se dégage de l'expression du vieillard, l'incitant à se confier. Peut-être son air sympathique, ou sa façon de regarder un peu au dessus de la monture de ses lunettes, comme si il était au courant d'un quelconque détail et se demandait si Katsuki l'avait relevé.

« - Ben je...j'ai remarqué un truc mais...

- Je ne vous imaginais pas aussi timide.

- Arh, mais non c'est pas ça. Je suis pas timide ou quoi. Mais c'est trop dingue pour être réel.

- Quoi donc ?

- Le danseur s'adresse à moi. »

Un silence se met à planer dans les lieux, faisant aussitôt regretter à Katsuki sa tournure de phrase. Il est évident qu'annoncé de la sorte, cela ne peut qu'encourager à se poser un milliard de questions : que ce soit au sujet de la boîte, ou de la capacité de réflexion de Bakugo.

« - Non mais, il me parle pas hein ! Je veux dire, il a pas dit des mots ou quoi. Mais sa musique change. Elle change suivant mon humeur et notre conversation...

- Et vous entendez cette nuance ?

- Quoi ?

- Vous entendez ce changement depuis que vous l'avez ?

- Bah...Ouais je crois. Je m'en suis rendu compte l'autre soir, je parlais de mon père et...je pleurais. La boîte à joué plus longtemps, et l'air était mélancolique. Comme si il compatissait. Je sais que ça paraît complètement fou, mais je vous jure que c'est réel ! »

S'agitant dans tous les sens pour prouver ses dires, le garçon menace de s'effondrer de stresse d'un instant à l'autre si le grand-père ne réagit pas. Il craint réellement d'être passé pour un illuminé à ses yeux, et que le vieillard se décide à appeler la police pour être débarrassé de lui.

En y réfléchissant deux petites secondes, il ne sait pas comment il pourrait expliquer rationnellement à sa mère qu'il a été embarqué, juste parce qu'il a cédé face à sa curiosité grandissante. Mitsuki a beau l'aimer de toute son âme, il n'a aucun doute quand au fait qu'elle lui collerait la rouste du siècle, en l'engueulant comme un gamin au beau milieu du poste de police. Il n'en a pas l'air comme ça, mais sa mère lui fait tout de même peur, quand elle s'emporte de la sorte.

« - Ce n'est pas un objet sans histoire que je vous ai offert mon petit.

- Quoi ?

- Avez-vous déjà eu connaissance de la légende du danseur maudit ?

- Vaguement. »

Comme toutes les légendes et fantaisies que connaissent ce monde, Katsuki en a entendu parler quelque part entre le jardin d'enfant et lorsqu'il a grandit. Une histoire populaire, qui traverse le monde et les époques, marquant parfois les esprits par la beauté si cruelle qu'elle dégage.

Il se souvient brièvement que cette fable fait allusion à un danseur qui aurait eu un différent avec un puissant sorcier, qui lui aurait jeté un maléfice pour se venger.

« - Et vous prétendez qu'il s'agit de cette boîte-ci ? Celle que je possède ?

- Oui.

- C'est...ça n'a aucun sens.

- Je vous l'accorde. C'est extrêmement inhabituel comme situation, mais je vous assure que cette histoire est belle est bien liée à votre relique.

- Et, c'est quoi cette légende exactement ? »

Attrapant ses lunettes pour essuyer rapidement les verres, le vieillard vient ensuite prendre un ouvrage, rangé dans la bibliothèque située juste derrière lui.

Ouvrant l'épais livre à une page bien précise, il le tourne ensuite de façon à le présenter à Katsuki. Sur l'une d'elle, le jeune homme peut y lire cette fameuse histoire, tandis que sur celle de droite se situe une illustration. Une gravure représentant un garçon à la chevelure verte ondulante, dont l'expression de peur sur son visage laisse penser qu'il craint pour sa vie.

« - Le danseur était quelqu'un de très apprécié. Personne n'a jamais vu un artiste danser avec autant de grâce qu'il le faisait. Et son talent était reconnu par le monde entier !

- Le monde entier ?

- Et oui mon petit. Convié dans les plus grands bals, et sur les scènes les plus prestigieuses qui existaient, il offrait ses prestations à ceux qui souhaitaient le voir se produire. Il n'existait que pour ces instants. Quand il dansait seul, dans ses costumes scintillants de mille feux. Et puis, un jour, il est arrivé avec quelqu'un à son bras.

- Quelqu'un ?

- Oui. Un jeune homme de son âge, qui était dans une tenue de danse lui aussi. Ils ont effectué leur prestation ensembles, dans les bras l'un de l'autre. Ils rayonnaient de bonheur, avec un immense sourire gravé sur les lèvres. Personne n'avait jamais vu une telle alchimie entre deux personnes, et malgré le fait qu'il s'agissait de deux hommes, l'amour évident présent entre eux à tout balayé sur leur passage.

- C'est...

- Magnifique, n'est-ce pas ? »

Katsuki approuve d'un hochement de tête, totalement happé par ce récit. Il en oublierait presque de respirer, et de cligner des yeux, tant il est captivé. Il ignore si tout ceci est réel, mais qu'importe, c'est là l'occasion d'assouvir la bête nommée curiosité, qui s'est réveillée dans son esprit.

« - Après cette représentation, les deux hommes ont régulièrement continués à danser ensembles. Le sourire du jeune danseur, un de ses plus bel atout selon la gente féminine, n'a jamais été plus beau que lors de cette période. Celui qui semblait être son compagnon, était présent à tous ses numéros, même lorsqu'il n'était pas sur scène avec lui.

- Ils étaient très fusionnels.

- Oui, certains mentionnent même des âmes sœurs. Mais, d'après la légende, un autre homme aurait fait des avances à l'artiste, juste avant qu'il ne commence à côtoyer son compagnon. Celui-ci serait devenu fou de jalousie, en les voyant si heureux, et n'aurait pas apprécié s'être fait rabrouer par l'élu de son cœur.

- Et...il s'est vengé ?

- C'est exact. En enfermant son esprit dans la boîte à musique, par un maléfice. Seul l'amour de sa vie était en mesure de le sauver de ce sortilège.

- Alors, pourquoi il ne l'a pas fait ?

- La relique a disparu. Son compagnon ne l'a jamais retrouvé, il a donc été impuissant face à cette situation. Le sorcier souhaitait que le danseur souffre tant qu'il était possible, et que personne ne soit en mesure de le libérer.

- C'est horriblement triste. Comment peut-on être si...dénué d'humanité ? »

Katsuki est ravagé par un sentiment d'injustice, face à cette histoire d'amour qui s'est éteinte avec le temps, dans une si grande tristesse. Il a comme une légère envie de faire la peau à ce fameux sorcier, et d'offrir une fin plus heureuse à ce fameux danseur. Qui mérite, selon lui, de s'épanouir dans les bras de l'amour de sa vie.

« - C'est une légende bien triste, je vous l'accorde. Depuis, la boîte traverse les décennies. Je l'ai récupérée il y a plus de cinquante ans maintenant.

- Et vous me l'avez donné ?

- C'est exact.

- Mais pourquoi ?

- Je pense que les images sont plus éloquentes que les mots. »

En prononçant cette phrase, le commerçant tourne la page, pour montrer au jeune homme une seconde image.

Sur celle-ci, se trouve le couple concerné par cette histoire. Izuku est un peu plus petit que son compagnon, dessiné dans un costume noir, aux finitions d'un même vert que celui de ses yeux. Il est dans ses bras, affublé d'un immense sourire d'une blancheur éclatante, le regard débordant d'amour. Son petit ami, qui le tient d'une main ferme et possessive, le dépasse de quelques centimètres. L'expression de son visage est plus discrète, mais ses prunelles ne mentent pas quand à la force de l'affection qu'il lui porte. Son sourire est moins éclatant, également, et pourtant si puissant. Son costume, taillé dans un tissu de couleur bordeaux, vient souligner la couleur carmin, si atypique de son regard. Ses cheveux, d'un blond cendré, semblent quelques peu rebelles retombant ici et là sur son visage.

« - C'est quoi ce bordel...

- C'est impressionnant n'est-ce pas ? Ce jeune homme est votre portrait craché. »

Un peu effrayé par une telle coïncidence, Katsuki se concentre pour mettre ses idées au claire. Il ne sait absolument pas quoi faire de ces informations, dont il vient d'avoir connaissance. Son réflexe premier serait éventuellement de paniquer mais, encore une fois, un petit quelque chose se charge de subsister à travers ce fouillis. De le rattraper, afin qu'il soit en mesure de voir plus loin.

« - Ce n'est pas pour rien, que vous avez été impressionné par cette boîte mon garçon.

- Merde...

- J'estime que celle-ci vous revient de droit, qu'en pensez-vous ? »

__________________________________

Bonjour,

Une petite aparté sur ce chapitre afin de parler rapidement des bals Viennois, mentionnés un peu plus haut. Ce type de représentation est né au 14ème siècle, et a prit de l'ampleur notamment lors des années 1800.

Lors de la saison dédiée à ces évènements, jusqu'à 400 bals peuvent être organisés (cela existe encore de nos jours), et accueille pratiquement 300000 personnes au total, sur toutes ces dates. Plusieurs danses y sont effectuées, reprenant les traditions de la Cour du 18ème siècle. Notamment une valse, le traditionnel quadrille à minuit, ou encore les débutantes au tout début de la soirée.

Dans cette fiction, j'ai pris cet exemple pour l'ampleur de l'évènement, et l'ai "remanié" à ma guise. Izuku s'y produit régulièrement devant la totalité des invités, pour la portée de son talent qui plaisait aux invités de cet époque.

En espérant avoir éclairé vos petites lanternes sur ce sujet.

Bisous sur vos petits museaux, Onyx ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top